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Dans ce dernier jet de l’interview que Dr Bakary Sambe a accordée à Sud, l’universitaire évoque le risque de l’élargissement du front Boko Haram vers l’Afrique centrale. Et cela, dit-il, du fait du flou qui demeure sur le leadership de ce mouvement.

Bakary Sambe, une des principales faiblesses de nos pays et du continent vient également du manque de spécialistes comme vous sur ces questions de géopolitiques, d’anthropologie et de frontières. Le Professeur Yoro Fall (éminent spécialiste de l’histoire ancienne et de la protohistoire qui vient de nous quitter (paix à son âme) en avait fait son combat pour améliorer  nos connaissances sur les frontières du continent. Nos universités ne doivent-elles pas accompagner, faire analyser et comprendre ces mutations qui surviennent dans nos sociétés ?  Les comprend-t-on vraiment ? 
 
Les Etats-nations sont aujourd’hui confrontés à une nouvelle réalité : le principe de souveraineté qui, jadis, structurait les rapports internationaux et les frontières, est aujourd’hui rudement remis en cause par le phénomène de la transnationalité des acteurs comme des idées. Il m’est difficile aujourd’huid’évoquer les frontières dans un monde devenu globalisé où circulent des offres et des modèles. C’est justement là où nos sociétés africaines devraient mener la bataille des idées, en positionnant des offres authentiquement crédibles au risque de voir nos enfants devenir de simples consommateurs d’idéologies et non des apporteurs d’alternatives. A la porosité des frontières le plus souvent évoquée, il faudra ajouter celles des mentalités qui posent encore plus de problèmes à des jeunes conceptuellement désarmés et facilement captés par toutes les idéologies dans un monde virtuellement investis par tous les marchands d’illusions. C’est d’ailleurs cela qui a poussé à la création de Timbuktu Institute, en tant qu’espace de production de connaissances et de pensées africaines mobilisables pour faire face aux défis qui interpellent notre continent et le monde.
 
Restons dans l’université et sa soif de savoir. Vous citez beaucoupBoko Haram dans vos communications et les influences de l’école de Maidiguri, une ville du nord du Nigeria, sur ce mouvement. Comment sont apparus ces espaces de rencontres pour faire émerger des mouvements aussi violents que Boko Haram ? 
 
Boko Haram auquel j’ai consacré mon dernier ouvrage est le produit de deux ruptures combinées : une rupture de repères et une rupture d’imaginaire. C’est aussi le fruit de frustrations accumulées comme du rejet d’un système éducatif par des jeunes se sentant rejetés. D’un problème originellement nigérian, Boko Haram est devenu une menace régionale. La difficile vérité sur Boko Haram n’a jamais facilité l’analyse de son modus operandi et de son état réel. Aujourd’hui, alors que le mouvement s’est définitivement scindé – entre la youssoufia originelle mise à mal par les offensives autour de Sambisa et les factions durablement installées sur le pourtour du Bassin du lac Tchad – tout un flou demeure même sur son leadership. Celui qu’on présente comme le successeur de Shekau (Abu Musab Al-Barnâwî)intronisé par « l’Etat islamique » reste un véritable fantôme : Abu Musab, est un énigmatique nom de guerre renvoyant à Abu Musab al-Zarqâwî et Al-Barnâwi ne signifie rien d’autre qu’un « originaire du Borno »! Le risque majeur est l’élargissement du front vers l’Afrique centrale – ravitaillement en armes oblige – en y parasitant les nombreux conflits ethnico-confessionnels pour nous mettre, dans l’avenir, en face d’un choc des extrêmes : islamisme radical et extrémisme évangélique !
 
Dans les approches de solutions que vous évoquez pour lutter contre ces mouvements et les possibilités de commettre des attentats dans les grandes villes, après Bamako, Ouaga, Abidjan, le principal atout des pays reste sans doute, selon vous dans la coopération, la nécessité de la médiation, mais aussi et encore, le refus de l’argent facile venant d’un certain monde arabe. Qui sont ces gens généreux donateurs, défenseurs d’une certaine forme de violence gratuite ?  Par quels moyens peut-on lutter contre eux ? 
 
La communauté internationale devient de moins en moins crédible sur ce discours de l’argent provenant de pays aux idéologies conquérantes. Il y a, à vrai dire, deux types de pays face à cet argent : ceux qui ont la prouesse technologique de vendre des rafales et des palaces dans les grandes capitales et ceux qui utilisent toutes les autres solutions alternatives au marché financier international avec de plus en plus de contraintes. Je crois que les solutions les plus efficaces contre le phénomène terroriste seront les plus inclusives. Je le disais récemment lors de la visite du ministre français de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve au Sénégal dans le cadre de la coopération anti-terroriste, il faut que le renforcement des capacités soit mutuel dans ce domaine car chaque pays a une valeur ajoutée dans ce combat.
 
 Je suggérais d’ailleurs que de la même manière que la France pouvait appuyer ses partenaires africains dans le domaine du renseignement et de l’anticipation, que l’Hexagone puisse s’inspirer, utilement, des modèles de résiliences communautaires développés par nos sociétés. Après le terrible attentat de Nice, nous avons reçu un groupe de jeunes français à Timbuktu Institute, venus s’inspirer du modèle sénégalais de vivre ensemble. Nous les avons fait rencontrer des jeunes étudiants de leur âge à Saint-Louis et dans d’autres villes. Ces interactions entre des jeunes issus de deux environnements différents, nous ont convaincus de la nécessité d’échanges de bonnes pratiques afin de sortir du tout-sécuritaire et de diversifier les moyens de lutte contre un phénomène multiforme et évolutif. L’écoute des jeunes et des communautés religieuses à travers les pays du Sahel m’a rendu sceptique face à la notion de dé-radicalisation à laquelle, avec mon ami, l’actuaire Mohamed Selmaoui, je préfère celle d‘«auto-réhabilitation par inclusion sociale » et sur laquelle nous travaillons depuis quelques temps avec de bons débuts de succès. Des jeunes ont complètement changé de comportements et de cap grâce à cette expérience au sein de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique qu’abrite notre Institut.
 
Il est clair qu’on fustige aussi l’attitude de la France, ancienne puissance coloniale un peu partout en Afrique et dans le monde. Mais, nos fragiles Etats, nos armées, sont-elles en capacité de lutter efficacement contre un tel péril quand on a vu ce qui s’est passé et se passe encore dans le Nord-Mali ?
 
S’agissant des récentes interventions françaises au Mali avec Serval et dans le Sahel dans le cadre de Barkhane, il faut noter qu’à chaque fois ce sont nos Etats eux-mêmes qui sollicitent l’intervention de la France. C’est eux-mêmes qui jouent à cette schizophrénie politique, souvent, à des desseins populistes. Je préfère donc le terme de « nouveau partenaire stratégique » à celui d’« ancienne puissance coloniale » ; non pas que je justifie une quelconque ingérence mais que, simplement, je suis de la génération qui n’a pas connu la colonisation. Nous ne nourrissons aucun complexe face aux Français de notre âge avec qui nous avons partagé les amphithéâtres des universités et dont nous avons même formé un certain nombre en France et nous continuons de recevoir des étudiants français en stage dans nos Instituts dont l’expertise est reconnue en Europe par nos pairs. Moi, je crois à la compétence et aux capacités de nos forces de défense et de sécurité qui ont fait les meilleures écoles de guerre au monde et qui se sont distinguées sur les fronts les plus difficiles lors de crises majeures. Le seul problème est d’ordre matériel. Et, cela relève moins d’un manque de moyens financiers que de choix politiques adéquats.
 
Deux dernières questions, Bakary Sambe. Vous avez sans doute eu l’audace, mais surtout l’intelligence de vous intéresser à une question aussi vieille que le monde, celle des religions. Sujet complexe comme disait Voltaire qui parlait de Dieu, comme une « infamie » ; mais surtout, sujet de débat permanent sur la critique de la raison pure. Marx n’avait-il pas raison finalement de dire «  la religion est l’opium du peuple » finalement ? 
 
L’étude du religieux a traversé tous mes travaux universitaires : des relations internationales qui me passionnent à l’anthropologie qui m’aide tant à sortir du juridisme institutionnel en sciences politiques. Mais, comme le disait le même Marx que vous citez, « la religion est la théorie générale du monde ». On a souvent, idéologiquement, cité Marx en s’arrêtant sur « l’opium du peuple » ; alors que dans le même ouvrage, « La critique de la philosophie du droit chez Hegel », il définit la religion comme, « l’esprit de situations d’où l’esprit est exclu » ou encore, aspect que l’on a toujours occulté « l’arôme spirituel du monde ».
Notre monde contemporain lui redonne raison par la résurgence parfois imprévue et habituelle de la quête du sens comme le propre de l’humain. Même dans les sociétés européennes fortement sécularisées, la désaffection par rapport au christianisme classique a eu comme corollaire la résurgence du phénomène sectaire. Je ne parle même pas des sociétés du Sud qui n’ont pas subi les conséquences philosophiques et mentales d’une théorie de la « mort de Dieu » que Nietzsche avait, un moment, ressuscitée. Aujourd’hui, plus que jamais, face aux tueries insensées et la quête meurtrière d’un sens pour la vie de la part de jeunes voulant survivre dans nos mémoires et nos consciences par le suicide, l’idée marxienne souvent occultée de la religion comme « l’âme d’un monde sans cœur » se comprend éloquemment !
 
Racontez-nous en quelques lignes Bakary Sambe. Qui est-il ? Quels ont été son éducation et son profil d’élève et d’étudiant ? 
 
Si je pouvais me définir, je dirais que je suis le produit hybride des écoles coraniques et françaises, jamais sevré de la mamelle spirituelle africaine qui nourrit ma réflexion et mon désir d’aller à la rencontre du monde. Je reste très attaché à ma ville natale de Mbour et au Sénégal que j’ai regagné après un doctorat en science politique et un master en études arabes et islamiques à Lyon que j’ai rejoint après le lycée Charles de Gaulle de Saint-Louis non sans errer entre l’Egypte et la Jordanie. Aujourd’hui en fidèle habitant de Mbour, je partage ma vie professionnelle entre l’Université Gaston Berger de Saint-Louis et le Timbuktu Institute-African Center for Peace Studies que j’ai fondé en 2016.
Ma passion est d’y accueillir des chercheurs du monde entier, mais encore, contribuer à la formation de jeunes africains conscients fiers de leur héritage et conscients de leur responsabilité pour l’avenir du continent. Si, après la famille, l’écriture et la vie spirituelle, les voyages à travers le monde pour porter une bonne parole africaine en faveur d’un monde de paix, il me reste un peu de temps, je le consacre, volontiers, souvent à l’accompagnement des jeunes dans leurs travaux de recherche, d’emplois et d’insertion.

Pour Bakary Sambe, directeur de l’Observatoire des radicalismes et des conflits religieux en Afrique, une chose est sûre : « On n’a jamais vaincu une idéologie avec un code pénal ou une kalachnikov. » Jeune Afrique s’est entretenue avec lui en marge d’une conférence sur la lutte contre la radicalisation des jeunes sur internet, qui se tenait à Québec (Canada) en début de semaine

Jeune Afrique : En 2016, l’Afrique de l’Ouest, qu’on croyait relativement à l’abri de la menace jihadiste, a payé un lourd tribut…

Bakary Sambe : [Il coupe] On fait comme si la région venait de découvrir ce que tout le monde appelle la « radicalisation », alors que ce phénomène est le fruit d’un processus remontant aux années 70 ! C’est à ce moment que cette bataille a commencé, pas maintenant comme on l’entend souvent. Et nous sommes en passe de la perdre pour l’instant.

Pourquoi datez-vous les débuts de la radicalisation en Afrique aux années 70 ?

À l’époque, la sécheresse a durement frappé les États de la bande sahélienne qui ont alors reçu le soutien financier des pétromonarchies. Ces dernières ont donné pour la construction de mosquées, pour les activités de nombreuses ONG religieuses. Puis dans les années 80/90, après la sécheresse, ce sont les politiques d’ajustement structurel menées par la Banque Mondiale et le FMI qui ont contribué à déstructurer les politiques sociales, de santé et d’éducation. Nos Etats se sont retrouvés à genoux.

Quelles en ont été les conséquences ?

C’est là véritablement que sont apparues les ONG religieuses, qui ont finalement remplacé les États auprès de certaines couches de population, et ce toutes confessions confondues. On a tendance à parler des associations islamistes en premier lieu, mais il ne faut pas oublier les structures pentecôtistes par exemple. Toujours est-il qu’au message des États s’est substitué un message religieux, qui plus est en contradiction avec celui délivré par l’Islam local. On a alors commencé à assister à un choc des systèmes religieux : l’Islam d’obédience soufie enraciné en Afrique s’est retrouvé confronté au wahabbisme salafiste. Les États africains n’ont pas intégré la dimension sécuritaire du phénomène.

Pourquoi un tel retard à l’allumage ?

Parce qu’on s’est trompé dans notre rapport au Sahara. On le considère souvent à tort comme une barrière, alors que c’est une mer intérieure, une terre d’interactions millénaire dont on a ignoré la porosité. Lorsque Aqmi est apparu au Maghreb, il fallait s’attendre à ce que sa sphère d’influence s’étende au Sahel. Dès 1998, j’ai contesté la distinction islam noir/islam maghrébin.

Aujourd’hui, pourquoi l’extrémisme remporte-t-il un tel succès ?

Les États africains doivent d’abord répondre à la quête de sens de leur jeunesse. Si je schématise, l’Islam est devenu le nouveau syndicat des damnés de la terre, un vecteur de contestation des hégémonies et des injustices. J’ai discuté avec de nombreux chefs religieux pour définir les causes de ce qu’on appelle la radicalisation. Le grand mufti du Nigeria me disait qu’elle venait de la combinaison de l’arrogance des injustices et de l’ignorance de ceux qui se considèrent comme des victimes. Le salafisme sait construire du sens, il faut que l’Islam traditionnel africain emploie lui aussi les canaux de la communication moderne.

Donc les principales causes de radicalisation restent la paupérisation et la marginalisation ?

D’après une étude que j’ai menée dans la banlieue de Dakar, 45% des jeunes estiment que c’est la pauvreté qui pousse à s’engager dans l’extrémisme. Ils ne sont que 19% à évoquer des motifs religieux !

Quelles peuvent-être ces motivations ?

Le jeune de Boko Haram de Maïduguri est dans la logique du rejet de l’État, le shebab somalien dans une logique de survie économique, le Peul du Macina dans une recherche de protection et de sécurité et le jeune Sénégalais médecin qui part en Libye est dans une logique de contestation, de quête de sens. Tout dépend du contexte et des trajectoires.

Quelles réponses peuvent apporter les États africains aujourd’hui ?

Comme les pouvoirs publics ont été surpris par la montée de l’extrémisme, ils se sont trouvés dans une situation d’urgence sécuritaire. Aujourd’hui, il faut investir dans la prévention, on commence seulement à comprendre que le militaire ne répond jamais entièrement au problème. On n’a jamais vaincu une idéologie avec un code pénal ou une kalachnikov.

Comment organiser cette prévention ? Quels sont les ressources de l’Afrique en la matière ?

Nous avons une chance, c’est de pouvoir compter sur des communautés et sur leur résilience. Nos sociétés sont moins individualistes qu’en Europe par exemple. Ces communautés offrent des cadres de sociabilisation pour une auto-réhabilitation des jeunes. J’utilise ce terme car je n’affectionne pas celui de « déradicalisation ». Par là, j’entends qu’il faut partir des jeunes, les valoriser, leur donner un cadre où ils puissent trouver une utilité sociale. C’est en partant de ces micro-initiatives que la dynamique pourra s’inverser un jour.

Cette semaine, notre invité est un enseignant-chercheur au Centre d’étude des religions (CER) de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (Sénégal) et un expert attitré sur la problématique de la radicalisation et les réseaux transnationaux dans le Sahel. Auteur de plusieurs publications sur différentes facettes de la radicalisation dans cette région, Bakary Sambe, par ailleurs président-fondateur du Timbuktu institute, que nous avons rencontré à la faveur d’un colloque récemment organisé à Bamako, nous parle ici de la menace terroriste telle qu’elle se présente dans la région sahélienne. Très hostile à l’approche militaire dans la lutte contre le terrorisme, il en profite pour formuler un plaidoyer en faveur d’une approche plus portée sur l’éducation et l’inclusion sociale. A l’en croire, c’est même la seule approche qui vaille.

Ledjely.com : Selon le rapport d’une étude que vous avez récemment à menée à Dakar, 90 % des jeunes que vous avez rencontrés disent se méfier des prêches radicaux. Peut-on généraliser ces résultats à l’ensemble de la zone sahélienne et conclure qu’on exagère peut-être la problématique terroriste ?

Bakary Sambe : Je ne pourrai pas dire cela, parce que je n’ai pas eu l’occasion de vérifier empiriquement cela dans les différents pays. En plus, l’étude que j’ai faite concernait les zones urbaines ou les gens étaient censés être plus informés sur le phénomène. Maintenant, il y a des données rassurantes sur lesquelles la presse n’a pas insisté. elle a plutôt beaucoup insisté sur les données alarmantes. Les données rassurantes sont les suivantes : premièrement les jeunes sont méfiants par rapport au phénomène de la radicalisation ; deuxièmement ces jeunes-là (au Sénégal) entre 78 et 81 %, rejettent tout engagement dans un mouvement djihadiste et se déclarent être prêts à dénoncer quiconque voudrait s’engager ou en tout cas à le dissuader. La 3ème chose qui est assez marquante, c’est l’attachement des jeunes aux personnalités religieuses au Sénégal, notamment aux confréries auxquelles 95 % font confiance pour ce qui est du discours religieux comme étant un discours authentique de l’Islam. A part cela, nous avons d’autres données sur lesquelles on pourra revenir, mais je crois qu’il faudrait de temps en temps, faire de telles études pour mesurer véritablement l’impact de ce phénomène et son ampleur dans la sous-région et dans le Sahel.

Et qu’est-ce qui pourrait expliquer ces résultats rassurants au moment où on dit que les jeunes ont tendance à aller en masse vers les discours religieux radicaux ?

Les résultats rassurants ne doivent pas non plus nous faire fermer les yeux sur à peu près 25 cas assez alarmants dans l’échantillon que nous avons choisi. 25 cas parmi lesquels il y a 7 qui sont assez inquiétants de personnes qui seraient tentées, dont malheureusement deux femmes qui se disent prêtes à y aller. Donc, le phénomène est encore maîtrisable avec de l’éducation, de la prévention, avec l’implication des autorités religieuses, la construction de ce qu’on appelle les résiliences communautaires avec tous les mouvements islamiques et tous les leaders traditionnels pour que ce phénomène ne prenne pas plus d’ampleur dans ce pays.

En agissant aussi sur les facteurs sociaux que sont la pauvreté et le chômage non ?

Absolument ! 45 % des jeunes interrogés disent que ce sont le chômage, la précarité et les frustrations qui les pousseraient à aller s’engager dans des groupes terroristes. Et on a pu mesurer le taux de chômage dans cette partie de Dakar où 36 % des jeunes se déclarent sans aucune activité professionnelle rémunératrice pendant que 60 % mêmes disent qu’ils sont occupés par des métiers, disent-ils « indépendants ». Si l’on décrypte cela, ça veut dire qu’ils sont dans une sorte de précarité, de vente à la sauvette, etc. comme on en trouve dans toutes les capitales de la région.

Quels sont les pays de la région les plus affectés par le péril terroriste ?

Il serait difficile de dire cela. Mais on pourrait rapidement dégager une forme de typologie sur trois types de pays. Nous avons la première typologie que nous appelons la typologie des pays déjà atteints par le phénomène, comme le Mali qui a été déjà frappé, le Nigeria qui constitue un cas d’école, la Mauritanie aussi. On pourrait aussi choisir l’autre typologie qui serait celle des pays sous forte pression sécuritaire. Dans cette catégorie, nous avons le Niger avec toutes les menaces qui lui viennent de Boko Haram ainsi que des frontières libyennes et maliennes avec encore récemment les attaques des régions de Tahoua. La Mauritanie aussi pourrait rentrer dans la catégorie des pays sous pression. Enfin, le troisième type de pays que j’appellerai les pays offrant encore le cadre d’une analyse prospective. Dans ces pays, on peut encore réfléchir sur le phénomène et  investir dans la prévention par l’éducation et la justice sociale. Ce sont le Sénégal, la Guinée, la Cote d’Ivoire et c’est encore le Burkina Faso. On sait que ces deux derniers pays ont été encore touchés, mais  touchés à partir des frontières maliennes. D’ailleurs, cette nouvelle dimension rend caducs les critères d’évaluation de la menace qu’on avait jusqu’à présent. C’est-à-dire que les critères d’évaluation de la menace ont changé. Parce qu’avant, on évaluait cette menace à partir des données sécuritaires internes pour notamment dire qu’il y a un taux assez suffisant de jeunes capables de s’engager. Maintenant, le danger peut venir de l’extérieur. Le Burkina Faso avait été frappé à partir des frontières maliennes, la Côte d’Ivoire aussi. Et récemment, c’était autour du Niger dans la région Tahoua, dans la localité de Tazalit.  Donc les frontières maliennes sont aujourd’hui un problème pour tous les voisins du Mali.

La problématique des frontières poreuses… ?

La problématique des frontières poreuses certes. Mais j’ajouterai une autre porosité, c’est la porosité des mentalités. Qu’est ce qui fait qu’en Afrique qui a connu l’islam depuis des siècles et qui a des érudits, des jeunes africains soient aujourd’hui poreux à toutes formes d’idéologies  (wahhabisme, salafisme, etc.) et que ces idéologies-là arrivent à mobiliser un certain nombre d’entre eux. Je pense qu’il y a un certain déficit dans le travail des chefs religieux à faire œuvre d’éducation, de sensibilisation véritable. Surtout que plusieurs cheikhs ou autorités religieuse sont parfois marqués par leurs accointances répétitives avec les autorités politiques en place. Ce qui décrédibilise leur discours au niveau des jeunes qui finalement les assimilent comme faisant partie du système.

Au cours d’une de vos interventions à la faveur du colloque de Bamako, vous avez relevé que des dirigeants et des pays à l’image plutôt écornée en matière notamment de droits humains, sont remis en selle du fait de l’atout qu’ils représentant dans la lutte contre le terrorisme. A qui pensez-vous en particulier ?

Je ne pense pas particulièrement à quelqu’un, mais je voulais seulement attirer l’attention sur le danger qu’il y aurait à mettre en selle des personnalités controversées  sur le plan des droits humains et de la démocratie parce que tout simplement on a besoin d’eux. Ceci a plusieurs effets négatifs. Le premier c’est que cela décrédibilise tout le discours autour du terrorisme, autour de la prévention de l’extrémisme violent. Et que si on veut que notre parole soit une parole crédible, que  l’action qu’on mène  en relation avec la communauté internationale soit une action crédible, il faudrait véritablement éviter de telles controverses, éviter de tels paradoxes qui sèment le doute dans la tête de certains à propos de la sincérité du discours contre le terrorisme et contre l’extrémisme violent.

Pour un pays comme la Guinée, encore en marge des attaques terroristes, quel conseil pourriez-vous prodiguer ?

La Guinée est un pays de longue tradition musulmane, avec des érudits qu’on connait très bien dans le Fouta Djallon et dans beaucoup de régions de Guinée. Ces érudits qui ont enseigné à beaucoup d’autres érudits dans la région. La Guinée est un centre de ressourcement spirituel, un centre de ressourcement sur le plan de sciences islamiques. Mais cette Guinée-là connait depuis les années 70, comme tous les autres pays, une montée de certaines idéologies due à des financements provenant de l’étranger, avec une contestation de l’islam local. Et  on voit de plus en plus que ce pays est devenu véritablement un centre ou se relaient pas mal de prédicateurs venus du Moyen-Orient  et d’autres régions du monde musulman.  Mais je pense  que  si j’avais un conseil à donner à la Guinée, ce serait de dire que la priorité de ce pays c’est de construire un développement harmonieux, un développement inclusif. De fait, on est en train de nous vendre des illusions comme quoi nous devons aller pour ce qu’ils appellent « islamiser la Société ». Alors que  la société guinéenne est déjà islamisée, c’est une société à forte pratique religieuse, c’est une société qui a des érudits ; et je crois que le jeune guinéen ne doit pas céder à cette tentation de l’islam qui se dit rigoriste et qui cherche en premier lieu à saper le fondement même de la société guinéenne à savoir un islam inclusif et de paix, qui jusqu’ici a garanti la paix, la cohésion sociale minimale dans ce pays, qui permet encore de tenir tête par rapport à tous le troubles politiques qu’on a connus dans cet Etat-là.

Un leader religieux vous aurait confié que le terrorisme est « un effet conjugué entre l’arrogance des injustes et l’ignorance de ceux qui s’en estiment victimes ». Expliquez s’il vous plait ?

Ces paroles m’avaient été dites au Nigeria et en Mauritanie lorsque j’ai rencontré des érudits. Parce que cela fait longtemps qu’on parle de l’extrémisme et de l’islam radical, mais rarement on a donné la parole aux acteurs religieux eux-mêmes. Et c’est ce que j’ai essayé de faire à travers les pays du Sahel. Et quand je lui ai posé la question sur l’arrogance des injustes, il me dit qu’il y des injustes à deux niveaux : les injustes au niveau national avec la mal gouvernance, la corruption des politiques, les jeunes laissés en rade, etc ; les injustes sur le plan international avec la question palestinienne. Les Palestiniens courent derrière un Etat depuis plus de 63 ans. La communauté internationale est comme sourde par rapport à cette revendication-là. Et qu’aujourd’hui cette politique de deux poids deux mesures a fini de convaincre beaucoup de gens qu’il n’y a pas de foi à avoir en cette communauté internationale. Alors qu’aujourd’hui, on a le plus besoin de cette communauté internationale parce que finalement cette communauté internationale vient d’exister véritablement dans le sens de communauté internationale des vulnérables. Nous sommes devenus une seule et même communauté internationale, celle des vulnérables. On est aussi bien vulnérables à Gao, Tombouctou, qu’à Paris ou à Bruxelles.  En ce qui concerne les stratégies pour le Sahel, je crois qu’on doit réorienter les priorités vers l’éducation et l’inclusion sociale. Nous sommes dans des pays ou l’achat d’un char de combat vieux modèle coûte plus  cher que la construction d’une école. Pour ceux qui veulent véritablement nous aider, ils savent par quoi commencer. D’autant que les solutions militaires n’ont jamais réglé la question du terrorisme. En Afghanistan où les Américains sont resté plus de 15 ans, il y a encore des Talibans. Au nord du Mali, Serval est passé par là et Barkhane est encore là, mais non seulement les groupes djihadistes sont encore dans le nord, mais il y a même une extension du front djihadistes dans le centre et même vers le sud, avec l’émergence de Front libération de Macina de Souleymane  Keita et d’autres. Donc, je crois qu’insister dans la solution militaire, c’est faire le jeu des terroristes comme l’avait dit Abou Walid Al-Sahraouicitation : « Nous avons perdu la guerre face à Serval mais nous avons réussi quelque part. Nous avons réussi à créer de zones d’instabilité dans tout le Sahel et une fois que nous instrumentaliserons ces conflits-là en leur donnant un habillage islamique, ça va attirer la communauté internationale dans le piège de l’intervention. L’intervention, avec ses bavures et ses ratés, pousse encore à la radicalisation et la roue tourne ». Il ne faut pas qu’on rentre dans cette sur enchère militaire et dans cette militarisation de notre continent au moment où on a besoin de développement social, d’équité et d’éducation. Je crois que l’arme de construction massive contre le terrorisme c’est l’éducation et la prévention. Mais une prévention inclusive se basant sur la possibilité que les sociétés africaines comme la Guinée et le Sénégal, ont encore à construire ce que j’appelle les résiliences communautaires qui sont durables. Il y a plusieurs solutions. Il y en a une qui est court-termiste, c’est la solution militaire qui peut les arrêter à Konna (localité où les djihasites avaient été stoppés par les troupes françaises de Serval, le 11 janvier 2013, ndlr), qui peut les arrêter quelque part dans le Sahel. Il y a aussi une solution moyenne termiste, c’est la solution du développement économique, de l’inclusion sociale, de la résorption du chômage, etc. Mais il y a une solution plus durable, c’est l’éducation. L’éducation et non tout le temps des politiques répressives. Vous savez, la répression peut être efficace un moment, mais elle n’est pas durable. On n’a jamais vu dans l’histoire de l’humanité une kalachnikov ou un code pénal vaincre une idéologie.

Et le volet ignorance de ceux qui s’en estiment victimes ?

Oui, l’ignorance de ceux qui s’en estiment victimes, ce sont ces jeunes qui cherchent un sens parce que face à faillite la politique étatique, face à la faillite des classes politiques qui se chamaillent en longueur de journées pour le pouvoir, oubliant les jeunes qui sont laissés pour compte, les jeunes sont à la recherche de sens, de spiritualité. Et ces jeunes-là, s’ils n’obtiennent pas l’offre ici, ils vont chercher l’offre ailleurs avec l’internet. D’ailleurs, ce n’est pas seulement à la jeunesse africaine que ce fait-là est réservé. On le voit dans les pays développés. Les jeunes français et allemands qui, aujourd’hui, vont en Syrie. C’est que l’islam, après la chute du communisme qui était le contre-pouvoir face au capital et à l’hégémonie occidentale, est devenu ce nouveau syndicat des damnés de la Terre. Aussi, les gens  islamisent leur contestation du système, du capital et de la politique internationale. Et c’est ce phénomène qu’on voit aujourd’hui, qui fait que même l’Europe où il y a des pays nantis, est devenue malheureusement un continent exportateur de djihadistes. Dans un tel contexte, nos pays doivent prendre de l’avance, sachant qu’on a des possibilités de construire des résiliences et des résistances au sein des communautés et qu’on essaie de se baser sur l’éducation, sur  l’inclusion sociale pour ne pas tomber dans les travers sécuritaires  qui, à mon avis, ont des retombés contraires à celles que l’on attend d’eux.

Boubacar Sanso Barry / Aminata Kouyaté

C’est l’histoire d’une relation fondée sur la sincérité entre un fidèle serviteur et son Seigneur. Le premier abandonna tout pour s’abandonner au Second qui le gratifia de la récompense ultime pour tout aspirant à l’Unique (Mouridoullah) : l’admission d’une âme purifiée dans l’enceinte céleste de Dieu, parmi ses serviteurs (Wadkhoulî fî ibâdî).

Cheikh Ahmadou Bamba a donné la leçon du siècle en matière de conscience intime de Dieu qui lui valut, incompréhension des siens mais aussi répression de la part de ceux qui se considéraient comme ses ennemis et à qui il a fait don du pardon avec son légendaire  « afawtou » !

 

Une grâce par la grâce dirait-on, la maqâmatu Shukri, étant l’une des stations prisées de ceux qui ont choisi Dieu pour allié, (Awliyâ’u-llâhi ).

La générosité d’une tel Serviteur de l’Envoyé de l’Unique fait qu’il invita même à la grâce au sens d’une reconnaissance des bienfaits de l’Eternel ; Minan al-Bâqi al-Qadîm, comme dirait Serigne Bassirou : c’est, là, tout le sens du Magal !

En ces temps d’interrogations et d’errance d’une Ummah en plein questionnement où les repères semblent se brouiller tellement une angoisse existentielle semble habiter le musulman alors qu’il avait en main les sources même de la sérénité (Sakîna) que sont la conscience intime de Dieu et la justice, la leçon du Magal devrait être enseignée avec la pédagogie qu’elle mérite.

Le Magal est l’histoire d’un sincère adorateur de son Seigneur parti de ses terres du Baol vers une aventure qu’on pensait lui imposer mais qui en tira le bénéfice inespéré de se consacrer, finalement et exclusivement à Dieu et au service de son Prophète (Psl).

Le Magal est le récit, voire le happy end d’un fabuleux itinéraire sur les sentiers parfois déserts des Vertueux et de la droiture en quête de la seule satisfaction de Dieu

Le Magal est une invitation à la grâce dans l’épreuve et au pardon dans le triomphe de la part de celui dont on voulait faire victime et qui devint héro, chez lui et jusque sur les terres de ceux qui se cherchaient en lui un adversaire.

Le Magal, par la grâce du Créateur, est l’afflux de la créature vers celui qui jouissait du privilège de cheminer avec les Vertueux (asîru ma’al abrâr) et que dans son ignorance, l’ennemi généreusement gracié considérait comme le prisonnier de son système bâti sur l’injustice et l’arrogance (wa zannal idâ annî hunâka asîru)

Le Magal est ce triomphe d’un homme qui n’a point signifié tragédie pour son peuple et les peuples de la terre ; son ambition de sauver le trésor de la foi qui seul importait pour lui, déborda même son espace géographique et culturel par un flux qui inonda les îles comme la terre ferme (fil barri wal bahri), produisant d’immenses bienfaits pour les siens sans jamais nuire aux autres (zâ naf’in bilâ darari)

Le Magal est, la consécration du croire, sa victoire sur l’injuste pouvoir, le symbole de la force du spirituel face à l’attrait trompeur du matériel, le change gagnant sur le marché des valeurs, le choix du durable face au périssable (wal âkhiratou khayrun wa abqâ).

Le Magal est la manifestation des Bienfaits de l’Eternel accordé à un ascète qui se détourna des dorures et mirages pour se diriger vers son Seigneur. Et ce dernier, toujours fidèle à ses promesses aux armés de sincérité, supportant, en toute conscience, les épreuves dans la longanimité, fit que, finalement, tout convergea vers lui : ilâ Touba !

Bakary Sambe

Aqmi, Al Mourabitoun, Ansar Dine, Boko Haram sont, entres autres des organisations dites terroristes pointées du doigt comme étant les vecteurs de la violence meurtrière qui sèment la terreur dans le monde. Des autorités conscientes que les cibles de ces bandes armées sont les jeunes en mal de repère et en situation de précarité, ont relevé la nécessité d’engager une lutte farouche contre ce mal. La Maison de la presse, la Fondation Friedrich Ebert et Timbuktu Institut, initiateurs d’un atelier de partage, ont réunis des prêcheurs de radios communautaires qui, estiment-ils, sont des voix écoutées.

Une rencontre qui se veut un cadre pour sensibiliser les prêcheurs sur l’importance de leurs discours ainsi que leur rôle dans la lutte contre le terrorisme. A ce panel qui a pour thème : « Le rôle des prêcheurs des radios communautaires dans la préservation de la paix et de la sécurité au Sénégal », les organisateurs ont mis le doigt sur la porosité de nos frontières et la proximité de notre pays avec les États comme la Mauritanie et le Mali, déjà en proie au terrorisme.

Des points qui constituent une faiblesse dont la prise en charge s’impose de façon urgente, ont indiqué ceux-ci, dans un document de presse. Du nombre des panelistes de cette rencontre, Dr Bakary Sambe a invité les prêcheurs à faire en sorte que les communications faites soient accessibles aux jeunes.

Le roi Mohammed VI est attendu à Abuja pour une visite officielle au Nigeria, première puissance économique du continent. L’occasion pour le souverain de s’assurer du soutien de ce pays pour la réintégration du Maroc au sein de l’UA et de renforcer les relations économiques entre les deux pays.

Le Nigéria est la prochaine étape de la tournée du roi Mohammed VI en Afrique subsaharienne entamée le 18 octobre par une visite au Rwanda. La visite du roi à Abuja est particulière à plusieurs titres. D’une part, c’est le premier voyage d’un roi du Maroc dans ce pays anglophone, considéré comme la première puissance économique et démographique du continent africain. D’autre part, le Nigéria, qui est un producteur de pétrole, fait toujours partie des pays qui reconnaissent la « RASD ». Une situation qui n’a pas empêché les deux pays d’entretenir de bonnes relations économiques.

Une nouvelle ère économique entre les deux pays

Les échanges commerciaux entre le Maroc et le Nigeria sont excellents. Le pays de l’Afrique subsaharienne est le 4e client du Maroc et absorbe 8,4 % des parts d’exportations du royaume derrière la Mauritanie, le Sénégal et la Côte d’ivoire selon un rapport de la Direction des études et des prévision financières publié en 2015. S’agissant des importations marocaines,  le Nigeria est le deuxième fournisseur du royaume en Afrique avec une 14 % des produits importés, derrière l’Afrique du Sud. Les importations en provenance du Nigeria ont « connu une hausse de plus de quatre points de pourcentage entre 2004 et 2014 »précise le rapport.

Outre les échanges, on note une timide présence des entreprises marocaines sur le marché nigérian à l’instar du groupe Saham qui a acquis en septembre 2015 une participation majoritaire dans la compagnie nigériane Continantal  Reinsurance.  Mais depuis 2016, la coopération économique entre les deux pays a pris un nouvel élan avec l’ouverture à Lagos le 19 juillet 2016 d’un colloque économique dénommé « Morocco-Nigeria, Bridging the Synergies » auquel ont pris part plus de 150 personnalités marocaines et nigérianes. Ce colloque à été organisé par le magazine mensuel Économie Entreprises en collaboration avec le Think Tank Nigérian Center for Public Policy Alternatives.

Quelques jours avant le colloque et dans le souci de se rapprocher du géant économique avant l’annonce du projet de réintégration du Maroc au sein de l’UA, Nasser Bourita, le ministre délégué aux Affaires étrangères s’était rendu au Nigéria. Une visite durant laquelle a été annoncé un projet d’installation d’une usine de fertilisants de l’Office chérifien du phosphate (OCP). Un projet révélé quelque mois auparavant par le richissime homme d’affaires nigérian Aliko Dangote qui avait annoncé être proche de la conclusion d’un accord avec le géant marocain des phosphates en vue de la mise en place d’une usine de fabrication d’engrais au Nigeria.

Cette visite royale sera donc l’occasion de tracer les contours de ce projet et d’annoncer également d’autres grands chantiers, tels que le projet gazier très ambitieux annoncé en exclusivité le mensuel marocain Economie- entreprises. Selon le média marocain ce projet estimé à plusieurs milliards de dollars fera l’objet d’un mémorandum d’entente pour la construction d’un gazoduc reliant le Nigeria au Maroc qui longera les pays de la côte ouest-africaine.

Parallèlement à la visite royale dans le pays, un forum d’affaires maroco-nigérian s’est ouvert le 30 novembre à Lagos (capitale économique à 750 km d’Abuja), en présence des représentants des patronats marocain et nigérian, ainsi que de grands groupes et de responsables des deux pays. Une forte délégation conduite par la présidente de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), Miriem Bensalah-Chaqroun,  comprenant les présidents de grands groupes marocains tels que  l’OCP, le GPBM, la SNI, MASEN, la Bourse de Casablanca, Attijariwafa Bank, Marchica Med, l’ONMT, Crédit Agricole du Maroc, BMCE Bank Of Africa, Holmarcom, BCP ou encore l’ONHYM est venue assister à cette rencontre.

Obtenir le soutien du Nigeria

Au-delà de la volonté pour le Maroc d’entamer  renforcer ses liens économiques  avec l’Afrique subsaharienne, le roi Mohammed VI cherche  du soutien en vue de la réintégration du royaume au sein de l’Union africaine avec en toile de fond la question du Sahara. Le Nigeria, un des poids lourd de l’Organisation ne dérogera pas à cette règle d’autant plus qu’il est, avec l’Algérie et l’Afrique du sud,  l’un des grands soutiens du Polisario (l’axe Alger-Abuja-Pretoria). Pourtant le Maroc compte parmi les premiers pays à avoir reconnu et établi les relations diplomatiques avec le Nigeria. « Dès l’année 1960, année de l’indépendance du Nigeria, le Maroc a ouvert une ambassade à Lagos » à l’époque capitale du pays, a écrit Mustapha Cherkaoui ancien ambassadeur du Maroc au Nigeria dans une analyse publié par l’IRES (Institut royal des études stratégiques.

Ironie du sort, c’est Muhammadu Buhari, l’actuel président du Nigeria qui a reconnu la « RASD » en 1984 lorsqu’il avait accédé au pouvoir (en 1983) au Nigeria pour la première fois, suite à un putsch. « En ce qui concerne l’avancée de la question nationale [celle du Sahara, NDLR], l’appui du Nigeria est vital » nous explique une source diplomatique marocaine.  « On parle toujours d’un axe Alger-Abuja-Pretoria  si on veut mettre à mal cet axe, il faut agir au Nigeria. Parmi ces grandes puissances, le plus proche naturellement est le Nigeria. C’est un non-sens, que le Nigeria n’ait pas d’excellentes relations avec le Maroc. Il est important que le Nigeria soit du côté du Maroc » détaille notre source. De même, « sur les 15 pays de la CEDAO, 13 sont favorables au Maroc en ce qui concerne la question nationale. Il en reste deux. Le Ghana et le Nigeria. Le Ghana [en faisant partie des pays signataires de la motion de Kigali, NDLR] s’est mis dans le sens du Maroc et il ne nous reste plus que le Nigeria »ajoute-t-il.

Coopération sécuritaire et cultuelle au menu ?

Le rapprochement entre les deux géants d l’Afrique devrait également être marqué  par  une coopération dans le domaine sécuritaire. Le Nigeria  fait fasse depuis plusieurs années à la recrudescence des actes de  terrorisme sur son territoire, menés par la secte islamiste Boko Haram. Le Nigeria pourrait avoir besoin du soutien du Maroc, devenu incontournable dans la lutte contre le terrorisme. D’autant que durant sa visite à Abuja en juillet dernier, Nasser Bourita était accompagné du directeur de la Direction générale des études et documentations (DGED), Yassine Mansouri.

Autre sujet de coopération, la religion. Le pays dirigé par un musulman sunnite, compte une importance communauté musulmane parmi laquelle les membres de la Tariqa Tijani qui occupent une place importante. « Ce pays pourrait se réaligner sur la position marocaine avec l’aide de Dakar. Le Maroc devra mettre à profit les liens spirituels à travers la confrérie tidjane, très influente au Sénégal et qui compte au Nigeria quelque cinquante millions de disciples », nous expliquait en juillet dernier Bakary Sambé, chercheur sénégalais et de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique (ORCRA) au sein de Timbuktu Institute). Il faut noter que le Maroc, connu également pour exporter un islam modéré dans le monde, a accueilli en janvier 2016, 53 imams nigérians à l’Institut Mohammed VI de formation des imams de Rabat pour une formation à « un islam modéré » contre la radicalisation et l’extrémisme.

La Maison de la presse a organisé, en partenariat avec la Fondation Friedrich Ebert, un panel axé sur : ‘’Le rôle des prêcheurs des radios communautaires dans la préservation de la paix et de la sécurité au Sénégal.’’ A cette occasion, Docteur Bakary Samb de l’institut Timbuktu, en djihad contre les terroristes, a plaidé pour que les prédicateurs réactualisent leurs discours dans la lutte contre ce phénomène.

 

Les prêcheurs et les prédicateurs ont la spécificité d’avoir le quasi monopole de la parole religieuse écoutée. C’est le constat de Docteur Bakary Samb de l’institut Timbuktu. Intervenant hier sur ‘’Le rôle des prêcheurs des radios communautaires dans la préservation de la paix et de la sécurité au Sénégal’’, le chercheur a invité ces derniers à renouveler leurs discours dans la lutte contre le terrorisme. Parce que, justifie-t-il, ils ont une lourde responsabilité dans la société. ‘’A cet égard, il faut qu’ils fassent évoluer leurs méthodes pour répondre à un besoin de plus en plus pressant de religiosité au niveau de notre jeunesse. Si cette dernière ne trouve pas les ressources nécessaires sur le marché des biens symboliques, c’est-à-dire l’espace religieux sénégalais, elle va puiser d’autres idéologies qui, peut-être, ne seront pas en faveur du maintien de la paix et de la cohésion sociale au Sénégal’’, alerte-t-il.

Avant de souligner que la radio communautaire est un médium très répandu pour atteindre, accéder à toutes les couches de la population. Ainsi, par le biais de ce qu’ils disent à travers ces outils de communication, glisse le chercheur, les prêcheurs entrent dans les foyers. ‘’Et nos jeunes les écoutent. Donc, ils doivent orienter leurs discours selon une méthodologie qui fasse que les jeunes puissent comprendre les véritables messages de l’Islam. S’ils ne le font pas, ils seront remplacés par d’autres acteurs qui utilisent internet’’, met en garde Bakary Samb. Dans la même foulée, il invite les prédicateurs à investir les Technologies de l’information et de la communication (Tic). Cet appel vise à positionner l’offre sénégalaise de l’Islam paisible.

Amadou Kanouté : ‘’La menace est réelle pour notre pays’’ 

Venu représenter Alioune Dramé, directeur de la Communication au ministère de la Culture et de la communication, le chef de la division presse et information a insisté sur la stabilité qui, dit-il, est une question vitale à laquelle l’Etat, les populations et les partenaires doivent accorder un intérêt particulier. ‘’Sans paix et sécurité, c’est la porte ouverte à toutes les incertitudes. Cette menace est pourtant réelle pour notre pays, car nous vivons dans un contexte d’instabilité et de terrorisme tentaculaire. (…).

Dans un tel contexte, il est important pour les prédicateurs, dans leurs émissions, de mettre en avant un message religieux adapté et porteur des valeurs authentiques de paix, de tolérance, de solidarité, de bon voisinage, etc.’’, liste Amadou Kanouté. Pour réussir cette mission, le modérateur du débat a souligné la nécessité de les former pour qu’ils puissent s’imprégner des questions d’éthique et de déontologie. L’administrateur de la Maison de la presse, Bara Ndiaye, a quant à lui relevé que les comportements terroristes n’ont rien à voir avec les enseignements islamiques.

Timbuktu Institute a participé à la préparation des travaux du Forum International pour la Pais et la Sécurité en Afrique en collaboration avec CEIS- Paris et d’autres structures actives dans le cadre de cette manifestation.
D’ailleurs, son directeur, coordonnateur de l’Observatoire des Radicalismes et conflits religieux en Afrique, Bakary Sambe donnera une communication dans le cadre de l’Atelier sur la prévention ce lundi à 12 heures.
 
S’exprimant lors du Colloque International et Interdisciplinaire à Rabat (Maroc) sur les « Radicalités en Afrique » aux côtés de d’éminents spécialistes, le Directeur de Timbuktu Institute-African Center for Peace Studies, Bakary Sambe a appelé à une meilleure implication des leaders religieux dans la résolution des conflits de manière générale et la prévention des extrémismes en particulier.
 
C’est dans ce cadre que le Coordonnateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique (ORCRA) a appelé à une meilleure implication des leaders religieux lors du Prochain Forum de Dakar qui est orienté vers les solutions durables. Pour lui, « ce sont des acteurs non négligeables dans la recherche des solutions à l’extrémisme violent. Que ce soit les chefs confrériques ou les mouvements islamiques réformistes, ils peuvent apporter une grande contribution dans la construction des résiliences communautaires.
 
Ce Colloque sous organisé conjointement par l’Université Internationale de Rabat (UIR) et l’Institut de Théologie comparée Al-Mowafaqa a vu la participation des Professeurs Farid El Asri, Sophie Bava de l’IRD mais aussi la présence de leaders religieux comme Chérif Ibrahim Tijani de Fès, Tariq Oubrou,penseur musulman et Imam de Bordeaux.

Dans le cadre de la valorisation des ressources culturelles africaines endogènes en matière de prévention des conflits et des dérives extrémistes, Timbuktu Institute a lancé un YouTube Channel pour diffuser des messages de paix et de contre-discours à l’extrémisme violent.

La chaîne régulièrement alimentée par des contenus divers s’adresse aux jeunes et a déjà relayé les différentes manifestations du Programme « Educating for Peace » s’adressant aux établissements secondaires et qui va être élargi aux campus universitaires.

Pour rappel, le fondateur de l’Institut, Dr.Bakary Sambe a été l’un des représentants du continent africain à la grande initiative lancée par Google à Tokyo (Japon) il y a quelques mois, afin de favoriser la production de contenus promoteurs de paix et pouvant servir d’alternative positive aux discours radicaux ou de haine.

Le directeur de Timbuktu Institute qui vient d’intervenir à l’atelier sur la prévention lors du Forum International de Dakar sur la paix et la sécurité y a récemment déclaré que « cette forme de communication passant par la pédagogie et l’éducation va prendre plus d’ampleur d’autant plus que, comme il le dit souvent, notre monde globalisé est devenu un marché où circulent des biens symboliques, culturels et des valeurs ». Pour lui, « si notre offre de paix et de cohésion sociale n’y est pas positionnée, nos enfants vont consommer d’autres offres pas forcément compatibles avec notre idéal de paix ».

 

« Nous préparons le prochain Google Summit qui se tiendra bientôt à Nairobi début 2016 et ce sera un moment d’échanges mais surtout de promotion d’initiatives endogènes portées par des Africains en faveur de la paix et contre toutes formes d’extrémisme », rappelle l’enseignant-chercheur au Centre d’Etude des religions de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis.

Pour Sambe, par ailleurs, Coordonnateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique (ORCRA) au sein du Timbuktu Institute, « il faut saluer, à l’issue du Forum de Dakar, l’appel du Sénégal par la voix du Président Macky Sall pour une meilleure sensibilisation et l’occupation des espaces numériques comme Internet par des discours positifs conformes à l’esprit de paix ».

Les attentats de Ouagadougou ont sonné la fin des exceptions en Afrique de l’Ouest comme les attaques de Grand Bassam inaugurent l’ère de l’absurdité de la prévision. Les pays du Sahel doivent désormais faire face à une menace à laquelle ils étaient peu préparés. La mutation de la guerre qui place tous les Etats-majors et stratèges dans le désarroi met, aussi, à nu l’insuffisance des solutions strictement militaires et appelle à une nouvelle réflexion autour du djihadisme.

Les critères d’évaluation de la menace ont changé dans notre sous-région. Avant, il s’agissait de considérer le cadre politico-sécuritaire de nos Etats et faire des croisements selon le niveau de radicalité pour dégager des typologies. La question était de savoir s’il y avait, dans tel ou autre pays, assez d’éléments susceptibles de passer de simples relais idéologiques à des acteurs opérationnels selon des circonstances favorables. Après Ouagadougou et Grand-Bssam, il est devenu clair que les frontières poreuses du Mali ne sont plus qu’un problème malien mais donnaient naissance à un nouveau « ventre mou » menaçant la sécurité de tous les pays voisins. Dans cette configuration, les stratégies nationales adoptées ça-et-là ressemblent plus à des trouvailles circonstancielles face à un problème qui exige une véritable stratégie dans a durée.

Aussi bien la diplomatie moderne que la stratégie militaire doit intégrer cette rupture conceptuelle et se rendre à l’évidence que seules les d’initiatives régionales gardent leur pertinence dans un contexte où les frontières n’en sont plus.

Désormais, nos forces de sécurité et de défense doivent se préparer à une nouvelle forme de guerre sans fin ni front contre des forces le plus souvent non conventionnelles. Elles doivent pourtant les gagner si toutefois, elles laissent aux autres acteurs de la société le rôle qui leur revient dans la prévention en amont mais aussi la conception de cadres de resocialisation pour les éléments radicalisés.

En effet, c’est John Mueller, un des grands auteurs ayant planché sur l’avenir de la guerre vers la fin du 20esiècle, qui prophétisait en 1989 la disparition progressive de la guerre en tant qu’institution. Ainsi, nous entrerions dans une nouvelle ère que Muelleur lui-même appelait celle de la hollandisation de la société internationale où avec la « fin » déjà annoncé de l’Histoire par Francis Fukuyama, les puissances commerciales allaient se substituer aux puissances militaires.

Ce fut, alors, le pavé ainsi jeté dans la mare des théoriciens réalistes. Pour autant au lieu d’une mort conceptuelle, Clauzewitz s’était, malgré tout, aménagé une porte de sortie paradigmatique : « la guerre est un caméléon » disait-il de manière ironique mais aussi en visionnaire.

Obsolescence de la guerre voulait-elle donc dire, nécessairement, fin de la guerre ou sa mutation qui lui permet de traverser les époques comme une constante épreuve sur le chemin de la paix ?

Dans le sillage de Mandelbaum, Kiegel et autres Linda Miller, la critique finit par forger un nouveau paradigme. La guerre n’avait peut-être pas changé d’objet, mais de nature et de sens.

L’arrivée des guerres dites asymétriques a introduit de nouvelles réalités avec lesquelles les nouveaux stratèges doivent composer. Dans le schéma de Kissinger, le diplomate et le soldat formaient l’équipe duelle ou idyllique de la scène internationale. C’était sans compter avec les nouveaux acteurs qui viennent concurrencer le sujet de droit international classique qu’était l’Etat : ils s’appellent le rebelle, le prédicateur transnational, le djihadiste, le terroriste etc…

Les Etats africains doivent, désormais, intégrer la rupture conceptuelle des mouvements comme Al-Qaida depuis l’expérience afrghane. Pour les groupes djihadistes, il s’agira, de moins en moins, de visées globales coûteuses et difficilement réalisables. L’expérience malienne l’a démontré : selon un modus operandi bien simple, ces groupes bien établis, procèdent au parasitage des conflits locaux, irrédentistes, en leur donnant un habillage islamique espérant, ainsi, attirer l’Occident et ses alliés dans le piège d’une éventuelle intervention dont les bavures et maladresses vont certainement encore causer plus de radicalisation. Et c’est le cercle vicieux dont nous ne sommes pas prêts de sortir de sitôt. Il s’y ajoute que l’inéluctable militarisation à outrance du continent ainsi que les travers de la lutte contre le terrorisme par des régimes africains illégitimes ou en fin de règne, vont encore alimenter la rhétorique d’un djihadisme africain bien ancré.

Boko Haram est certes harcelé au Nigeria mais ses exactions visant les soft targets (cibles faciles) à défaut d’opérations de grande envergure, s’abattent sur tout le pourtour du Lac Tchad, de Garoua au Cameroun à Mitérié au Tchad, déstructurant les économies, décimant des villages entiers.

Le terrorisme qui, il y a dix ans, paraissait un phénomène lointain, est devenu une réalité africaine. L’allégeance de Shekau à Al-Baghdâdî et Daech, même paraissant quelque peu folklorique, en plus du bourbier libyen, est le signal que la réduction de l’espace par les moyens de communication modernes a de fortes chances d’attirer de plus en plus de jeunes africains vers les sirènes de « l’Etat islamique » aux méthodes ultra-sophistiquées.

Avec une telle configuration, les solutions strictement sécuritaires et militaires ont déjà montré  leurs limites dans la lutte contre le terrorisme : les Américains sont restés plus d’une décennie en Afghanistan sans éradiquer le phénomène des talibans, malgré le mal nécessaire qu’a été Serval pour que le verrou de Konna ne saute pas et laisser les djihadistes aux portes de Bamako, les groupes armés et terroristes pullulent encore dans la zone sahélienne. Barkhane rassure mais n’arrive pas à jouer son véritable rôle malgré l’opportunité de coordination et de coopération qu’elle offre aux pays du Sahel.

Les 200 hommes d’Al Mourabitoune sous l’égide de Mokhtar Belmokhtar, les 170 activistes d’Amadou Koufa du Front de Libération du Macina et les 2000 à 3000 hommes d’Abu Al-Moughira al-Qahtani positionnés en Libye, partie intégrante de l’Etat « islamique »  auquel les 7000 hommes de Boko Haram ont fait allégeance sous l’égide d’Abou Bakr Shekau, hantent le sommeil de tous les Etats-majors militaires devant, désormais, faire face à une nouvelle forme de guerre dite asymétrique. Même si Al-Barnawi reste un personnage flou dont on ne sait pas grand-chose, le choix porté sur lui par Daech relève d’une véritable stratégie de pénétration du continent.

Il faudra donc se préparer à une nouvelle forme de guerre sans front délimité, sans armées conventionnelle, avec un ennemi diffus ou invisible, insaisissable et parfois, déjà à l’intérieur.

La transnationalité des acteurs, la porosité des frontières ainsi que la réduction de l’espace par les moyens de communication modernes semblent en faveur de la propagation du phénomène djihadiste dans le Sahel. La sous-région n’est pas, totalement, à l’abri d’une telle propagation idéologique ; l’opérationnalité étant, elle, une question de circonstances. Combinés aux données stratégiques et à l’aggravation des phénomènes liés au trafic de drogue, à la prise d’otages, ces éléments impliquent une nécessaire prise en compte globale de la problématique « sécurité humaine » dans le Sahel et en Afrique de l’Ouest.

Les errements diplomatiques dans la sous-région ajoutés au dysfonctionnement de certains services de renseignements et l’installation d’instructeurs djihadistes étrangers au Nord Mali et ailleurs, montrent, malheureusement, que nos pays n’ont qu’une emprise limitée sur l’évolution de la situation.

La question de la sécurité humaine ne pourra donc être évoquée de manière séparée, des autres problèmes qui minent l’institution étatique, mais nécessitera une prise en charge pluridisciplinaire.

Au regard de l’interdépendance entre les différents risques et menaces (trafic de drogue, terrorisme, menace sur la production de nourriture liée à l’insécurité), cette prise en charge devra se faire par une approche croisée et multidisciplinaire.

L’ancrage de nombreux Etats sahéliens concernés dans le camp occidental (USA, France) et surtout la présence d’intérêt français importants en Afrique francophone font de la région du Sahel une cible naturelle. Il faudra ajouter à cela, un terrain idéologiquement favorable et des relais idéologiques non surveillés usant de la Taqiyya[1] sur fond de crise économique et sociale que ne manqueraient pas d’exploiter des groupes djihadistes comme AQMI et Almourabitoune.

Pour toutes ces raisons, nous sommes en présence d’une situation géopolitique qui doit conduire à revisiter les paradigmes sécuritaires et l’approche de la viabilité des espaces politiques : le choc entre le principe de souveraineté des Etats et la transnationalité d’acteurs défiant toutes les conceptions préétablies de l’Etat-Nation.

Dans un tel contexte, l’espace sahélien ne peut plus se passer d’une plateforme de veille stratégique pluridisciplinaire, axée sur la question centrale de la sécurité humaine, rendant possible aussi bien la prévention que la prospective sur un phénomène comme le terrorisme et d’autres qui lui sont connexes tels que le trafic de drogue et les différents facteurs de l’instabilité politique. Le Sénégal, plus particulièrement, ne peut plus évoluer en dehors des cadres régionaux tels que le G5 Sahel où son leadership et sa diplomatie pourraient être déterminants et constructifs.

Il faudra rattraper le retard dans l’élaboration de stratégies intégrées et coordonnées.

Les groupes à vocations ethniques complexifiant le phénomène djihadiste surgissent dans le centre du Mali dont le Nord avait jusqu’ici focalisé toutes les attentions. Nous avons été surpris par le dangereux cap vers le Sud dont Grand Bassa a été un fait révélateur. Pendant ce temps la question Boko Haram, menaçant tout le Bassin du Lac Tchad et même l’Afrique centrale, reste entière malgré la dernière réunion d’Abuja et les multiples stratégies sans lendemain. Elle ne pourra se régler qu’avec une stratégie interrégionale impliquant aussi bien la CEDEAO que la CEEAC si l’on veut voir un jour naître cette force africaine dont la mutualisation des moyens humains et matériels serait déjà une ébauche prometteuse.

Face à l’impératif de prévention, aujourd’hui, plus que jamais, il urge de s’atteler à la construction des résiliences communautaires qui passeront nécessairement par la valorisation des ressources culturelles africaines endogènes en termes de médiation et de résolution des conflits.