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Les attentats de Ouagadougou ont sonné la fin des exceptions en Afrique de l’Ouest comme les attaques de Grand Bassam inaugurent l’ère de l’absurdité de la prévision. Les pays du Sahel doivent désormais faire face à une menace à laquelle ils étaient peu préparés. La mutation de la guerre qui place tous les Etats-majors et stratèges dans le désarroi met, aussi, à nu l’insuffisance des solutions strictement militaires et appelle à une nouvelle réflexion autour du djihadisme.
Les critères d’évaluation de la menace ont changé dans notre sous-région. Avant, il s’agissait de considérer le cadre politico-sécuritaire de nos Etats et faire des croisements selon le niveau de radicalité pour dégager des typologies. La question était de savoir s’il y avait, dans tel ou autre pays, assez d’éléments susceptibles de passer de simples relais idéologiques à des acteurs opérationnels selon des circonstances favorables. Après Ouagadougou et Grand-Bssam, il est devenu clair que les frontières poreuses du Mali ne sont plus qu’un problème malien mais donnaient naissance à un nouveau « ventre mou » menaçant la sécurité de tous les pays voisins. Dans cette configuration, les stratégies nationales adoptées ça-et-là ressemblent plus à des trouvailles circonstancielles face à un problème qui exige une véritable stratégie dans a durée.
Aussi bien la diplomatie moderne que la stratégie militaire doit intégrer cette rupture conceptuelle et se rendre à l’évidence que seules les d’initiatives régionales gardent leur pertinence dans un contexte où les frontières n’en sont plus.
Désormais, nos forces de sécurité et de défense doivent se préparer à une nouvelle forme de guerre sans fin ni front contre des forces le plus souvent non conventionnelles. Elles doivent pourtant les gagner si toutefois, elles laissent aux autres acteurs de la société le rôle qui leur revient dans la prévention en amont mais aussi la conception de cadres de resocialisation pour les éléments radicalisés.
En effet, c’est John Mueller, un des grands auteurs ayant planché sur l’avenir de la guerre vers la fin du 20esiècle, qui prophétisait en 1989 la disparition progressive de la guerre en tant qu’institution. Ainsi, nous entrerions dans une nouvelle ère que Muelleur lui-même appelait celle de la hollandisation de la société internationale où avec la « fin » déjà annoncé de l’Histoire par Francis Fukuyama, les puissances commerciales allaient se substituer aux puissances militaires.
Ce fut, alors, le pavé ainsi jeté dans la mare des théoriciens réalistes. Pour autant au lieu d’une mort conceptuelle, Clauzewitz s’était, malgré tout, aménagé une porte de sortie paradigmatique : « la guerre est un caméléon » disait-il de manière ironique mais aussi en visionnaire.
Obsolescence de la guerre voulait-elle donc dire, nécessairement, fin de la guerre ou sa mutation qui lui permet de traverser les époques comme une constante épreuve sur le chemin de la paix ?
Dans le sillage de Mandelbaum, Kiegel et autres Linda Miller, la critique finit par forger un nouveau paradigme. La guerre n’avait peut-être pas changé d’objet, mais de nature et de sens.
L’arrivée des guerres dites asymétriques a introduit de nouvelles réalités avec lesquelles les nouveaux stratèges doivent composer. Dans le schéma de Kissinger, le diplomate et le soldat formaient l’équipe duelle ou idyllique de la scène internationale. C’était sans compter avec les nouveaux acteurs qui viennent concurrencer le sujet de droit international classique qu’était l’Etat : ils s’appellent le rebelle, le prédicateur transnational, le djihadiste, le terroriste etc…
Les Etats africains doivent, désormais, intégrer la rupture conceptuelle des mouvements comme Al-Qaida depuis l’expérience afrghane. Pour les groupes djihadistes, il s’agira, de moins en moins, de visées globales coûteuses et difficilement réalisables. L’expérience malienne l’a démontré : selon un modus operandi bien simple, ces groupes bien établis, procèdent au parasitage des conflits locaux, irrédentistes, en leur donnant un habillage islamique espérant, ainsi, attirer l’Occident et ses alliés dans le piège d’une éventuelle intervention dont les bavures et maladresses vont certainement encore causer plus de radicalisation. Et c’est le cercle vicieux dont nous ne sommes pas prêts de sortir de sitôt. Il s’y ajoute que l’inéluctable militarisation à outrance du continent ainsi que les travers de la lutte contre le terrorisme par des régimes africains illégitimes ou en fin de règne, vont encore alimenter la rhétorique d’un djihadisme africain bien ancré.
Boko Haram est certes harcelé au Nigeria mais ses exactions visant les soft targets (cibles faciles) à défaut d’opérations de grande envergure, s’abattent sur tout le pourtour du Lac Tchad, de Garoua au Cameroun à Mitérié au Tchad, déstructurant les économies, décimant des villages entiers.
Le terrorisme qui, il y a dix ans, paraissait un phénomène lointain, est devenu une réalité africaine. L’allégeance de Shekau à Al-Baghdâdî et Daech, même paraissant quelque peu folklorique, en plus du bourbier libyen, est le signal que la réduction de l’espace par les moyens de communication modernes a de fortes chances d’attirer de plus en plus de jeunes africains vers les sirènes de « l’Etat islamique » aux méthodes ultra-sophistiquées.
Avec une telle configuration, les solutions strictement sécuritaires et militaires ont déjà montré leurs limites dans la lutte contre le terrorisme : les Américains sont restés plus d’une décennie en Afghanistan sans éradiquer le phénomène des talibans, malgré le mal nécessaire qu’a été Serval pour que le verrou de Konna ne saute pas et laisser les djihadistes aux portes de Bamako, les groupes armés et terroristes pullulent encore dans la zone sahélienne. Barkhane rassure mais n’arrive pas à jouer son véritable rôle malgré l’opportunité de coordination et de coopération qu’elle offre aux pays du Sahel.
Les 200 hommes d’Al Mourabitoune sous l’égide de Mokhtar Belmokhtar, les 170 activistes d’Amadou Koufa du Front de Libération du Macina et les 2000 à 3000 hommes d’Abu Al-Moughira al-Qahtani positionnés en Libye, partie intégrante de l’Etat « islamique » auquel les 7000 hommes de Boko Haram ont fait allégeance sous l’égide d’Abou Bakr Shekau, hantent le sommeil de tous les Etats-majors militaires devant, désormais, faire face à une nouvelle forme de guerre dite asymétrique. Même si Al-Barnawi reste un personnage flou dont on ne sait pas grand-chose, le choix porté sur lui par Daech relève d’une véritable stratégie de pénétration du continent.
Il faudra donc se préparer à une nouvelle forme de guerre sans front délimité, sans armées conventionnelle, avec un ennemi diffus ou invisible, insaisissable et parfois, déjà à l’intérieur.
La transnationalité des acteurs, la porosité des frontières ainsi que la réduction de l’espace par les moyens de communication modernes semblent en faveur de la propagation du phénomène djihadiste dans le Sahel. La sous-région n’est pas, totalement, à l’abri d’une telle propagation idéologique ; l’opérationnalité étant, elle, une question de circonstances. Combinés aux données stratégiques et à l’aggravation des phénomènes liés au trafic de drogue, à la prise d’otages, ces éléments impliquent une nécessaire prise en compte globale de la problématique « sécurité humaine » dans le Sahel et en Afrique de l’Ouest.
Les errements diplomatiques dans la sous-région ajoutés au dysfonctionnement de certains services de renseignements et l’installation d’instructeurs djihadistes étrangers au Nord Mali et ailleurs, montrent, malheureusement, que nos pays n’ont qu’une emprise limitée sur l’évolution de la situation.
La question de la sécurité humaine ne pourra donc être évoquée de manière séparée, des autres problèmes qui minent l’institution étatique, mais nécessitera une prise en charge pluridisciplinaire.
Au regard de l’interdépendance entre les différents risques et menaces (trafic de drogue, terrorisme, menace sur la production de nourriture liée à l’insécurité), cette prise en charge devra se faire par une approche croisée et multidisciplinaire.
L’ancrage de nombreux Etats sahéliens concernés dans le camp occidental (USA, France) et surtout la présence d’intérêt français importants en Afrique francophone font de la région du Sahel une cible naturelle. Il faudra ajouter à cela, un terrain idéologiquement favorable et des relais idéologiques non surveillés usant de la Taqiyya[1] sur fond de crise économique et sociale que ne manqueraient pas d’exploiter des groupes djihadistes comme AQMI et Almourabitoune.
Pour toutes ces raisons, nous sommes en présence d’une situation géopolitique qui doit conduire à revisiter les paradigmes sécuritaires et l’approche de la viabilité des espaces politiques : le choc entre le principe de souveraineté des Etats et la transnationalité d’acteurs défiant toutes les conceptions préétablies de l’Etat-Nation.
Dans un tel contexte, l’espace sahélien ne peut plus se passer d’une plateforme de veille stratégique pluridisciplinaire, axée sur la question centrale de la sécurité humaine, rendant possible aussi bien la prévention que la prospective sur un phénomène comme le terrorisme et d’autres qui lui sont connexes tels que le trafic de drogue et les différents facteurs de l’instabilité politique. Le Sénégal, plus particulièrement, ne peut plus évoluer en dehors des cadres régionaux tels que le G5 Sahel où son leadership et sa diplomatie pourraient être déterminants et constructifs.
Il faudra rattraper le retard dans l’élaboration de stratégies intégrées et coordonnées.
Les groupes à vocations ethniques complexifiant le phénomène djihadiste surgissent dans le centre du Mali dont le Nord avait jusqu’ici focalisé toutes les attentions. Nous avons été surpris par le dangereux cap vers le Sud dont Grand Bassa a été un fait révélateur. Pendant ce temps la question Boko Haram, menaçant tout le Bassin du Lac Tchad et même l’Afrique centrale, reste entière malgré la dernière réunion d’Abuja et les multiples stratégies sans lendemain. Elle ne pourra se régler qu’avec une stratégie interrégionale impliquant aussi bien la CEDEAO que la CEEAC si l’on veut voir un jour naître cette force africaine dont la mutualisation des moyens humains et matériels serait déjà une ébauche prometteuse.
Face à l’impératif de prévention, aujourd’hui, plus que jamais, il urge de s’atteler à la construction des résiliences communautaires qui passeront nécessairement par la valorisation des ressources culturelles africaines endogènes en termes de médiation et de résolution des conflits.
Dans cette interview, Dr. Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute (Dakar) revient sur la question de la radicalisation en Afrique ainsi que la coopération qui se dessine entre le Maroc et les pays sahéliens pour contrecarrer l’extrémisme violent. Il pointe aussi du doigt les ajustements nécessaires à la Rabita Mouhammedia des Oulémas pour qu’elle devienne un outil plus performant avec une meilleure consistance et un réel ancrage sur le plan sociopolitique. Pour l’expert sénégalais, malgré ses leviers et ressources considérables, la Rabita a encore une approche très institutionnelle qui ne lui permet pas d’atteindre ses cibles
Comment expliquez-vous la montée du radicalisme en Afrique subsaharienne ?
Comme le souligne souvent Dr Ahmad Al-Abbadi, au-delà des attaques spectaculaires, nous sommes dans une véritable guerre du sens où il ne faut pas céder la place aux discours extrémistes. Pour comprendre ce mouvement de radicalisation, il faut prendre en compte un fait global : suite à la chute du communisme, l’islam est devenu, quelque part, le « péril vert » après « le péril rouge » des années 70. On peut presque dire que cette religion est le nouveau champ de ralliement pour certains laissés pour compte du système ultralibéral hégémonique depuis la mort idéologique et politique du communisme. En Afrique le processus idéologique remonte aux sécheresses des années 1970, lorsque les pays producteurs de pétrole du Golfe ont supplanté les bailleurs occidentaux, eux-mêmes, alors frappés par la crise financière. C’est en ce moment que leurs idéologies en même temps que leurs pétrodollars ont pénétré le cœur du continent notamment les pays du Sahel. La situation s’est ensuite aggravée avec les politiques d’ajustement structurel qui ont affaibli les systèmes éducatifs et accentué la marginalisation de franges entières paupérisées. Ces dernières ont, ensuite, été la cible des « marchands d’illusion » qui ont réussi à embrigader nos jeunes. Et je crois que la communauté internationale a aujourd’hui accusé un retard d’au moins quarante ans par rapport aux réseaux qu’elle cherche à éradiquer avec les nombreuses stratégies Sahel auxquelles il manque une certaine cohérence et surtout une vraie coordination. On a même l’impression que la lutte contre le terrorisme telle que conçue actuellement s’attaque plus aux symptômes qu’au vrai mal et à ses racines. La militarisation à outrance du continent est en elle-même source de radicalisation. Les mouvements terroristes ont cessé les stratégies à portée globales. Leur nouveau mode opératoire passe par la récupération de certains conflits locaux auxquels ils s’efforcent de donner une coloration « islamique » pour mieux attirer l’Occident dans le piège de l’interventionnisme. Une fois sur le terrain les bavures comme les erreurs sont réutilisées pour radicaliser les populations frustrées et les opposer aux Etats et à la communauté internationale.
Y a-t-il un fondement historique à un rôle du Maroc dans la promotion de l’islam modéré et la lutte contre l’extrémisme violent ?
Le mode d’islamisation de l’Afrique subsaharienne en dit long sur le caractère pacifique de l’islam qui y était jusqu’ici pratiqué. L’islam y a toujours été un facteur de stabilité et de cohésion sociale en ayant eu la capacité d’absorber les pratiques socioculturelles avec une forme de synthèse et de symbiose entre valeurs culturelles et principes religieux. Je disais souvent que l’islam au Sud du Sahara ne s’est pas imposé mais s’est plutôt substitué. Depuis la Sâqiyat Al-Hamrâ, le Sud marocain et, ensuite par la poursuite des relations d’échanges pendant l’époque des mérinides de Fès jusqu’aux Saadiens avec le Sultan Al—Mansour Al-Dhahabî, ce processus historique est parti de l’action des Almoravides. Il y a eu certes quelques péripéties liées à des conflits mais la conquête des cœurs a toujours prévalu sur la soumission des corps d’où le caractère durable de ce brassage entre les deux rives du Sahara et dans lequel le Maroc a eu un rôle historique majeur. Par la suite, la confrérie Tijâniyya a été pendant longtemps le ciment religieux et culturel entre les peuples subsahariens et le Maroc. J’ai longuement évoqué ce rôle dans mon ouvrage la politique africaine du Maroc. Par ce modèle les chefs religieux soufis ont perpétué un islam de paix qui est malheureusement la cible du wahhabisme et du salafisme conquérant.
Justement à l’heure où on évoque beaucoup la question de la prévention de l’extrémisme violent le Maroc devrait jouer un rôle dans lequel la communauté internationale devrait l’appuyer et conforter
Les confréries ont d’abord été des cibles idéologiques puisqu’au Sénégal ; par exemple. La naissance de l’islam radical sous sa forme salafiste s’est faite sous la bannière de la contestation de ces confréries et du soufisme de manière générale. On peut les considérer comme une sorte de rempart contre le basculement vers l’extrémisme violent. Mais qui peut croire que ce rempart peut être éternel ? Nous avons aujourd’hui une jeunesse de plus en plus exigeante dans sa quête de sens et de spiritualité sous influence d’Internet te de la mondialisation du croire.
Sur ce point précis, Le Maroc pourrait faire bénéficier ses pairs africains de son expérience dans le renforcement d’un islam de paix comme il le fait, déjà, pour la formation des Imams. La manière dont les oulémas marocains ont pu régler la question de l’évolution de la société avec le principe de la Murâja’apourrait inspirer les oulémas africains. Les confréries ont, aujourd’hui, intérêt à renouveler la pédagogie du soufisme qui est un message porteur de paix. Le Maroc a l’atout considérable de partager, avec la plupart des pays du Sahel, le Fiqh malikite, le dogme ash’arite (Al-aqîdah al-ash’arîyya) garant des rapports paisibles et durables entre religion et espace politique, mais aussi le soufisme sunnite (Al-Taçawwuf al-Sunnî). Il y a donc un socle naturel pour construire un partenariat et consolider une alliance que l’histoire n’a jamais démentie. C’est en ce sens que la récente création de la Rabita Mouhammadia des Oulémas répond à un impératif de coopération sur un domaine aussi stratégique que la prévention de l’extrémisme violent. Je peux dire qu’une telle coopération devrait constituer un axe majeur d’un nouveau partenariat stratégique entre le Maroc et ses partenaires africains. Cependant cette Rabita a besoin de plus de consistance sur le terrain car jusqu’ici son approche reste très institutionnelle et ses actions n’atteignent pas vraiment les vraies cibles. Il manque encore à la Rabita un ancrage social loin des sphères diplomatiques et institutionnelles.
RELIGIONS – Sophie Bava, anthropologue à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), fait partie des co-organisateurs du récent colloque sur le thème « Afrique(s) et radicalités religieuses ». Elle a construit au gré de ses recherches une anthropologie religieuse de la mobilité, en croisant les migrations africaines et les dynamiques religieuses issues des mobilités entre l’Afrique subsaharienne et le monde arabe. Liens entre migration et religion, radicalités globales et ancrages locaux, autant de questions qui se posent aujourd’hui avec acuité, et sur lesquelles elle apporte son éclairage.
HuffPost Maroc: Au moment où le Maroc souhaite devenir un pays d’immigration, le lien entre migration et religion n’a été que peu soulevé et examiné. Quels rôles peuvent jouer les migrations dans la création d’un marché et d’une offre religieuse?
Sophie Bava: Ce que l’on voit généralement dans les routes de la migration, ce sont les migrants qui s’accrochent aux barrières et veulent traverser la Méditerranée, alors qu’il y a une réalité d’ancrage au Maroc. Dans cet ancrage, la question religieuse constitue un bagage très important avec lequel arrive le migrant, qui s’intensifie lors de la migration. La religion prend de plus en plus de place.
Prenons l’exemple du Maroc, un pays musulman avec très peu d’églises. On constate que les églises qui avaient fermé vers la fin du Protectorat continuaient de vivoter avec des Français ou des Espagnols installés au Maroc. Dans les années 1980, on a eu des étudiants qui arrivaient d’Afrique subsaharienne, notamment d’Afrique de l’Ouest, qui est un espace plutôt musulman. Par la suite, il y a eu des gens d’Afrique centrale, qui étaient chrétiens. On ne parlait pas à l’époque de migrants, mais d’étudiants, ce qui confortait l’idée que le Maroc n’accueillait que des élites. Mais il y avait déjà beaucoup de migrants, qui avaient un niveau d’études assez élevé.
Ces gens sont restés au Maroc, et ont non seulement redynamisé ces églises historiques, mais ont aussi créé leurs propres églises, que l’on appelait églises de transit, églises de passage ou églises informelles. Cela posait des problématiques très intéressantes, celle de la mobilité notamment, mais aussi celle des pasteurs autoproclamés. Vu qu’il n’y avait plus assez de leaders religieux officiels sur le marché, il y a eu des gens qui, soit par leurs antécédents, soit parce qu’ils sont issus de familles religieuses, ont repris la casquette de pasteur – ou d’imam, dans les communautés musulmanes – même sans formation, pour gérer une communauté religieuse d’itinérants. Ce qu’on constatait, c’est qu’à mesure que les gens arrivaient, un marché religieux se créait.
Les églises historiques du Maroc, qu’il s’agisse de l’église catholique ou de l’église protestante, ne comprenaient pas ce qui leur arrivait, et ont pris un temps de réflexion, car il faut du temps pour former ou recruter de nouveaux pasteurs ou de nouveaux prêtres. Les églises ont, par la suite, dû s’adapter à ces nouveaux fidèles qui arrivaient. Dans l’autre sens, il y avait des églises qui s’installaient un peu partout, et des leaders religieux qui devaient se former sur le tas et qui adaptaient une théologie de et dans la migration.
Vingt ans après, toutes les églises historiques fonctionnent à l’heure actuelle à plein temps, voire débordent durant les cultes, et les églises de maison existent toujours. En 2011, il y a eu l’expulsion de pasteurs accusés de prosélytisme. On voit donc qu’il y a une méfiance qui existe, mais qui est une méfiance naturelle, née de la nécessité de contrôler ce qui se fait en matière religieuse dans un pays où, finalement, la question religieuse peut très vite déborder dans les conflits quotidiens liés à l’identité et à la place du migrant. Donc, ce contrôle est nécessaire dans le jeu.
Les migrations produisent des effets sociologiques durables. Par quel processus en vient-on à des changements des pratiques religieuses, ou du moins, à l’intégration de nouvelles pratiques religieuses au niveau local?
Globalement, le rite catholique est un peu le même partout, parce qu’il y a une hiérarchie religieuse qui le contrôle. En revanche, en dehors de la prière, beaucoup de choses ont fini par changer: il y a eu des groupes de chorale qui sont arrivés dans les églises catholiques, qui chantaient dans les dialectes locaux du Cameroun ou du Congo. Si le texte est le même, il y a eu des adaptations autour. Si la liturgie reste assez classique, il y a un ensemble de rituels qui ont changé. L’église a changé et s’est adaptée, idem pour le discours du prêtre ou de l’évêque.
Dans l’église protestante historique, on assiste à une adaptation encore plus visible. C’est le terrain qui va faire en sorte que les pasteurs s’adaptent à la nouvelle demande des fidèles en matière religieuse, et donc travailler sur une symbolique de l’exil qui fasse miroir à leurs parcours. Certains pasteurs ont quasiment construit une théologie de migration, qui essaie d’adapter des éléments culturels des pays d’où sont issus les migrants, tout en introduisant une logique qui est aussi celle du pays d’accueil, c’est-à-dire le Maroc, notamment au sujet de la place des migrants ici.
Parce que d’un autre côté, il y avait une autre théologie, dans les églises de maison – pas toutes, je tiens à préciser. Désireux d’avoir plus de fidèles, des pasteurs autoproclamés adoptaient un discours de croisade, disant que cette société ne veut pas de nous, que les musulmans ne nous aiment pas, que nous sommes là pour montrer que le christianisme existe. C’est une logique un peu plus guerrière, que l’on retrouve aussi dans des discours d’imams radicaux en Occident.
Donc, il y a des logiques plus radicales, et des logiques qui se sont composées en essayant de prendre en compte des éléments culturels des pays d’origine des fidèles, ainsi que des éléments du Maroc, et ont cherché à proposer un projet dans les cultes, qui est aussi bien un projet théologique qu’un projet de fidèle, qui a une route à faire et qui s’est arrêté au Maroc. Cette théologie vise plutôt à une pacification des rapports, puisqu’elle prône au contraire l’importance de l’interreligieux. Il s’agit d’une théologie ouverte, qui pose aussi la question de ce que peuvent questionner les migrations et la question de la pluralité religieuse, qui ne se pose pas que pour les migrants.
Les migrations peuvent-elles produire les mêmes effets sur le culte musulman, notamment le rite Tijani, qui est porteur d’un ensemble de pratiques comme le pèlerinage qui, peut-on dire, en posent déjà les bases?
Je pense que les confréries ont su gérer, depuis longtemps, la question de l’intégration des spécificités locales qu’amène le migrant, ainsi que l’importation de pratiques de différentes zaouias, et ont intégré ces spécificités culturelles, vu que les leaders des confréries sont des gens qui se déplacent beaucoup. Si l’on parle de la Tijanyya, les liens entre l’Afrique de l’Ouest et le Maroc n’ont jamais été coupés. Il y a toujours eu des circulations, tout comme il y a toujours eu un accueil de la Zaouia Tijanyya.
Les leaders religieux de la Tijanyya fassie ont eu des parcours de vie et d’apprentissage en Afrique de l’Ouest, et ont organisé des tournées. Inversement, les tijanes d’Afrique de l’ouest viennent fréquemment à Fès. Une circulation s’est toujours faite, ceci, en plus du fait que Fès est aussi une base entre l’Europe et l’Afrique. Les chefs religieux soufis ont toujours fait cela, vu que la mondialisation est déjà intégrée dans l’organisation même de la confrérie. Les fidèles ont une base qui pourra les accueillir où qu’ils soient. Ce modèle fonctionne plutôt bien, et les confréries ont toujours accompagné les migrations.
Mais la migration a aussi accéléré le processus de la mobilité religieuse. Le fait que les gens migrent fait revenir dans leurs pays d’origine d’autres problématiques, notamment celle liée à la pluralité religieuse. Le migrant rencontre sur son chemin d’autres formes d’islam, d’autres formes de christianisme, et revient donc avec de nouveaux ingrédients qui, parfois, sont introduits dans les Zaouias ou les églises du pays dont il est originaire. Vu qu’on est aujourd’hui dans une mobilité qui essaie d’être maîtrisée par le sécuritaire, on a toujours tendance à confondre la mobilité des gens avec la migration des discours radicaux. Ce qu’on oublie, c’est que les migrations permettent aussi la construction de discours qui, au contraire, sont plus dans la pluralité et l’interreligieux.
Justement, puisque l’on parle de radicalisation, le discours actuel la dépeint comme une phénomène uniforme et global. Ne s’agirait-il pas plutôt d’une illusion d’optique due à la mobilité religieuse? Et les différentes formes de radicalité ont-elles un ancrage local, et des raisons identitaires et politiques?
En effet, ces formes de radicalités globales ont des ancrages locaux. La manière dont on en parle en Europe ne peut être la même qu’ici au Maroc, pas plus qu’en Afrique subsaharienne, puisque ces radicalités s’appuient sur des mythologies locales. Si, en effet, certains mouvements radicaux peuvent être coordonnés quand il y a des leaders et de grands moyens, il y a aussi beaucoup de petits mouvements qui arrivent par le bas, qui sont liés à des frustrations, ce qui est le cas de jeunes qui reviennent dans leur pays après avoir fait des études dans le monde arabe et qui ne trouvent pas de travail.
Ce qui revient toujours au premier plan, ce sont des histoires de luttes contre des dominations existantes, qu’il s’agisse de la domination coloniale ou de la domination de l’Occident, qui n’a pas donné sa place à l’islam. Ces radicalités viennent donc s’ancrer sur des histoires plus anciennes, sur des mythologies comme celle de Usman dan Fodio. Les mythologies vont appuyer toutes ces résistances, en puisant dans une histoire plus ancienne où, effectivement, il y a eu lutte par la religion contre des formes de domination. Cela a toujours existé, et la religion peut servir des causes et des luttes économiques ou politiques.
Dans la région du lac Tchad, ce sont des questions des matières premières qui vont faire que les gens soient dépossédés, et que la religion soit utilisée pour réclamer leurs droits, pour lutter contre des formes de domination, pour réclamer une place et une identité. Ce sont des causes qui peuvent se confondre par moments, dans un modèle de discours global, où l’on aurait l’impression qu’il n’y a qu’un seul leader, et des tas de petits phénomènes radicaux et d’organisations radicales, mais il y a vraiment des spécificités locales.
Pour essayer de comprendre comment s’est mise en place une organisation radicale et comment lutter contre cela, il faut essayer de comprendre aussi toutes les histoires locales comme le dit mon collègue Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute au Sénégal.
Source: http://www.huffpostmaghreb.com/
Loin de Tombouctou, Maiduguri ou Mogadiscio, cibles privilégiées du terrorisme en Afrique, des attentats ont frappé des zones du continent qu’on pensait moins exposées. Avec, à Bamako et Ouagadougou, le même constat glaçant. Les auteurs de ces attaques étaient de très jeunes hommes. Quasiment des adolescents.
En quelques mois, l’Afrique s’est rendu compte l’ampleur du phénomène. De Macky Sall à Alassane Ouattara en passant par Mahamadou Issoufou, les chefs d’État africains se sont emparés du sujet en évoquant tous l’importance de la prévention et des solutions « extra-militaires » contre le jihadisme.
Une prise de conscience salutaire mais tardive, juge Bakary Sambe, directeur de l’Observatoire des extrémismes et des conflits religieux en Afrique : « On fait comme si la région venait de découvrir ce que tout le monde appelle la ‘radicalisation’, alors que ce phénomène est le fruit d’un processus remontant aux années 70 ! C’est à ce moment que cette bataille a commencé, pas maintenant comme on l’entend souvent. »
Le chercheur estime qu’à cette époque, « un message religieux soutenu et financé par les pétromonarchies du Golfe s’est substitué au message des États, qui plus est en contradiction avec celui délivré par l’islam local. » Une lente évolution idéologique qui a débouché sur « un choc des systèmes religieux : l’islam d’obédience soufie enraciné en Afrique s’est retrouvé confronté au wahhabisme salafiste. »
Conséquence actuelle de ces évolutions, selon une source gouvernementale qui souhaite rester anonyme : entre vingt et trente Sénégalais auraient rejoint les rangs de l’État Islamique et d’AQMI. Et ce alors même que le pays demeure le symbole d’un islam progressiste et tolérant.
« On est en train de se transformer sans s’en rendre compte »
Premier secteur pointé du doigt en matière d’extrémisme sur le continent, l’éducation religieuse, dans les mosquées mais aussi les écoles coraniques.
Au Niger, la militante Maimou Wali rappelle qu’il existe 60 000 écoles coraniques selon la dernière étude réalisée en la matière il y a dix ans, « soit beaucoup plus que d’écoles publiques ! » Si elle ne conteste pas le rôle éducatif que ces structures assurent depuis des décennies, elle déplore une évolution de fond du discours tenu dans certains de ces établissements : « Le problème ne date pas d’hier, tout a commencé il y a une dizaine d’années. J’ai vu les mouvements religieux musulmans de plus en plus exigeants et rigoureux se multiplier. »
Ces injonctions ont des conséquences bien visibles aujourd’hui : « Les jeunes n’apprennent plus à lire ou écrire, ils apprennent simplement par cœur le Coran. Ils abandonnent les activités culturelles, les autres distractions, et les filles portent le voile intégral. » Comme elle le confesse avec un brin d’impuissance, Maimou Wali a du mal à expliquer cette tendance : « Chez nous, personne ne comprend comment c’est venu. Cela a un impact sur tout le monde, même nous on pense qu’on est en train de bien pratiquer la religion. C’est là où on se dit qu’on est en train de se transformer sans s’en rendre compte. »
Maimou Wali lutte contre cette lame de fond avec ses armes. C’est-à-dire les moyens du bord : un manuel, qu’elle a contribué à rédiger, qui reprend certains hadiths, destiné à « renvoyer les jeunes au véritable message du livre. »
Au Sénégal en revanche, les daaras, les écoles coraniques locales, sont considérées comme un rempart toujours efficace contre la radicalisation. Mame Mbaye Niang, ministre de la Jeunesse, de l’Emploi et de la construction citoyenne sénégalais, est lui-même issu d’une daara, et défend ces institutions avec conviction : « Les daaras sont contrôlées par des maisons religieuses reconnues et respectées. Elles s’inspirent de Cheickh Amadou Bamba et du mouridisme, de la Tijaniyya… Elles ne peuvent pas radicaliser. Elles restent conformes au soufisme, au don de soi à la communauté, c’est une sensibilité qui ne peut pas s’accommoder de violence. Mais cela ne signifie pas qu’il ne faille pas veiller. »
Un discours officiel démenti par un travailleur social qui souhaite rester anonyme pour dénoncer et expliquer la frilosité des pouvoirs publics sur le dossier : « Le problème chez nous, c’est que les confréries ont un vrai poids politique, c’est pourquoi il est difficile pour l’État de venir mettre le nez dans les affaires des religieux. »
Vernis religieux
En revanche, tous s’accordent pour dire que l’islam est plus le catalyseur du mal-être de la jeunesse que sa cause profonde. Amadou Koïta, ministre malien de la Jeunesse et de la construction citoyenne, résume bien le problème actuel rencontré sur le continent en général et dans son pays en particulier : « Deux études de l’Institut de Recherche et de Sécurité ont montré qu’au Mali, les jeunes qui ont été déradicalisés avaient rejoint ce mouvement soit pour des raisons économiques, soit pour protéger leur familles en l’absence de l’État. »
Bakary Sambe partage cette analyse, qu’il affine en dressant une typologie fidèle aux inquiétudes de la jeunesse africaine : « Le jeune de Boko Haram de Maiduguri est dans la logique du rejet de l’État, le Shebab somalien dans une logique de survie économique, le peul du Macina dans une recherche de protection et de sécurité et le jeune Sénégalais médecin qui part en Libye est dans une logique de contestation, de quête de sens. Tout dépend du contexte et des trajectoires, mais on retrouve à chaque fois l’absence de perspective d’avenir à l’origine de l’engagement radical. »
L’Afrique tout entière est donc lancée dans une contre-offensive d’envergure. Militairement, le Commissaire de l’Union Africaine à la Paix et à la Sécurité Smaïl Chergui assure d’ailleurs que les opérations engagées en ce moment ou celle qu’il annonce être en projet au Nord-Mali permettront le retour de 2 500 à 5 000 jeunes impliqués dans des réseaux terroristes.
Au Mali toujours, le gouvernement a lancé un programme « école et résilience » pour redonner aux 3 000 jeunes arrachés à l’extrémisme l’envie de faire société. Mais souvent, les moyens manquent, les idées aussi. Car « déradicaliser », selon l’expression consacrée, n’est pas chose aisée. Un peu partout sur le continent, les initiatives fleurissent. Bakary Sambe et son institut Timbuktu ont par exemple lancé le programme « Educating for peace », destiné à prévenir les risques de radicalisation dans deux lycées de Thiès, au Sénégal.
Un autre spécialiste du secteur évoque son projet, encore au stade expérimental : « L’idée, c’est de se servir de leurs réseaux, de leur faire relire le Coran sous un autre angle pour qu’ils comprennent qu’ils ont un rôle à jouer pour éviter à d’autres jeunes de tomber dans le même piège. À partir du moment où tu retrouves une utilité sociale, une estime de toi et une reconnaissance, tu sors du cercle vicieux. C’est ce qui se passe avec ces jeunes. »
Dans cette optique, que Bakary Sambe préfère qualifier « d’auto-réhabilitation » des jeunes, l’ Afrique a néanmoins un atout, selon le chercheur : la force de ses communautés, beaucoup plus vivaces et structurées qu’en Europe par exemple. À ses yeux, ces structures sociales sont les premières armes dont doivent se servir les sociétés du continent : « Elles offrent des cadres de sociabilisation pour une auto-réhabilitation des jeunes. Par là, j’entends qu’il faut partir d’eux, les valoriser. C’est en partant de ces micro-initiatives que la dynamique pourra s’inverser un jour. » Et le plus tôt sera le mieux.
Source: Jeune Afrique
Ibn Taymiya, surnommé Cheikh al-Islâm, son nom pourrait faire peur à ceux qui ne le connaissent pas suffisamment. Le Cheikh al-islâm connait des détracteurs et de la part de certains soufis, et de la part des islamophobes autoproclamés spécialistes de l’islam.
Les amoureux du soufisme, la Voie intérieure de l’islam, pour reprendre l’expression d’Éric Geoffroy, le prennent pour un détracteur de la Voie ; d’autres le considèrent comme étant le théoricien principal des terroristes qui se réclame de la religion musulmane. Comment expliquer cela ? La plupart des salafistes et wahhabites le citent parmi leurs références principales. Lorsqu’on lit les ouvrages visant à excommunier les soufis, à attaquer la pensée de la sainteté muhammadienne, il est très facile, voire trop facile, de tomber sur le nom d’Ibn Taymiya, considéré comme celui qui a montré la face, soi-disant, non islamique du soufisme.
Mais qui était vraiment cet homme ? Était-il un anti-soufisme ? Ou bien critiquait-il tout simplement certaines réflexions et doctrines qu’il jugeait hétérodoxes ? En tout état de cause, la prudence s’impose quand il s’agit de parler d’Ibn Taymiya.
Si nous ne voulons pas aller au-delà des dires qu’on lui attribue, et si nous n’allons pas directement analyser son œuvre, nous risquons de le prendre pour un combattant du soufisme dans son essence même. Mais si nous nous référons à ses écrits, et aux témoignages de ses contemporains, notamment à ceux de son disciple Ibn Qayyyim al-Jawziyya, nous constaterons qu’Ibn Taymiya n’était rien d’autre qu’un soufi. Certains chercheurs vont même jusqu’à lui attribuer une filiation Qadirite[1]. Ayant reçu une initiation de sa Voie, Ibn Taymiya va même préciser « qu’il n’ya entre ‘Abd al-Qâdir al-Jîlânî et lui que deux intermédiaires.[2] » Dans ce qui suit, nous proposons de relater des témoignages de son disciple, cité supra, pour montrer que Cheikh al-Islam était un soufi, trahi par l’interprétation wahhabite, et que si le soufisme est une hétérodoxie, Ibn Taymiya n’était rien d’autre qu’un simple hétérodoxe.
Les amoureux du soufisme (surtout les akbariens) risquent de le compter parmi leurs ennemis, ceci, en raison de son hostilité « à la doctrine de ‘‘ l’Unicité de l’Être’’ ‘‘ wahdat al-wujûd’’ [3]» qui se manifeste dans la pensée de plusieurs soufis ; mais aussi, et surtout, à cause de sa lutte contre le culte des saints. D’autres (notamment les tijânes) vont le condamner à cause de son livre intitulé al-furqân bayna awliyâ’ al-Rahmân wa awliya’ al-shaytân, dans lequel, il réfute l’idée d’une clôture de la sainteté muhammadienne, et celle de l’existence d’une personne ayant la fonction du Sceau (al-khatm).
Mais mis à part ces divergences doctrinales, Cheikh al-islâm, était un homme spirituel, et pas un des moindres. Il avait atteint la Station de la firâsa (un terme que je préfère garder en arabe). A propos de cette Station, le Prophète (paix et bénédiction sur lui) disait, dans un hadîth rapporté, entre autres, par Tirmîdhî, Bukhârî, Tabarânî, Bayhaqî et Suyûtî : « méfiez-vous de la firâsa du Croyant car il regarde par la Lumière Divine ». Pour expliquer cette Station spirituelle, Qushayrî rapporte une phrase d’Al-Kattânî, selon laquelle, « la firâsa consiste à avoir la Certitude (yaqîn) et à contempler l’invisible (mu‘âyanat al-ghayb)[4]. »
Pour donner la preuve de notre affirmation concernant la firâsa d’Ibn Taymiya, nous allons laisser la parole à son disciple majeur, Ibn al-Qayyim al-Jawziyya.
« J’ai vu de la firâsa de Cheikh al-Islam Ibn Taymiya, que la Miséricorde divine soit sur lui, des choses extraordinaires ; est beaucoup plus merveilleux ce que je n’ai pas vu. Il (Ibn Taymiya) avait prédit, à l’an 699 (de l’hégire bien-sûr), que les Tatars allaient envahir le Levant (Shâm), alors que ces derniers n’avaient même pas encore l’intention de le faire.
A l’an 702, alors que les Tatars étaient en route pour Shâm, Ibn Taymiya dit aux hommes que la victoire sera pour les musulmans. Il affirma ceci en jurant sur Allah plus de soixante-dix fois, après quoi, quelqu’un lui dit : dis Incha Allah. Incha Allah répondit-il, mais pour confirmer ma prédication (tahqîqan), non en guise de condition (lâ ta‘lîqan).
Les hommes ne pouvant s’empêcher de critiquer le Cheikh, Ibn Taymiya leur calma avec cette phrase : Dieu a écrit sur la Tablette Préservée (Lawh al-mahfûz) que les Tatars seront battus cette fois-ci par les musulmans »
« Lorsqu’Il partit en Égypte, dit Ibn al-Qayyim, les gens voulaient le tuer. Pour lui sauver la vie, ses disciples vinrent le voir. Alors, le Cheikh les rassura que cela ne se produira jamais, en jurant sur Allah. Seras-tu prisonnier alors ? Questionnèrent ses disciples. Oui répondit-il. Et ceci va durer, puis je sortirai pour parler aux hommes. »
« Il (Ibn Taymiya) m’a (Ibn Qayyim) dit une fois : lorsque mes compagnons, ainsi que d’autres personnes, viennent me voir, je vois en eux des choses dont je n’oserais jamais leur faire part ».
« Plus d’une fois, dit Ibn Qayyim, le Maitre m’a révélé des choses que je cachais au plus profond de moi, et pourtant je n’en avais jamais parlé à qui que ce soit. Il m’a également informé sur beaucoup de choses qui devaient se produire dans l’avenir sans préciser leurs temps de déroulement. J’en ai vu quelques unes, et suis à l’attente des autres ».
Ibn Al-Qayyim conclut en avouant que ce qu’il a vu du Maitre, n’était rien par rapport à ce que les autres compagnons d’Ibn Taymiya avaient constaté.[5]
Considérer Ibn Taymiya comme le détracteur du soufisme par excellence, est, à notre avis, un des plus grands abus intellectuels qu’a connu le monde musulman. Il est évident qu’il n’a pas validé tous les aspects du soufisme, comme la plupart des soufis d’ailleurs. Mais ces divergences doivent, pour moi, être intégrées dans le cadre de l’éthique du désaccord (Adab al-Ikhtilâf).
Ibn Taymiya, comme tous les soufis, a mené un combat pour éloigner du soufisme tout ce qu’il jugeait hétérodoxe. Les autres Cheikhs n’ont pas fait autre chose. Ce sont ces divergences qui font la beauté de notre religion, qui n’a jamais été dogmatique comme le veulent faire comprendre ceux qui se réfèrent aujourd’hui à Ibn Taymiya tout en le citant hors contexte. La divergence des savants, disait-on autrefois, est une source de miséricorde.
Seydi Diamil NIANE
Il est un constat que l’approche strictement sécuritaire n’a pas produit des résultats à la mesure des investissements et des efforts déployés par les Etats et la communauté internationale bien qu’il soit admis, par exemple, que les solutions militaires bien que conjoncturelles ont pu stopper les djihadistes et fait éviter des déploiements à grande échelle qui multiplieraient les zones d’instabilité sur le continent. Cependant, la militarisation à outrance est aussi décriée comme porteuse de germes de radicalisation à moyen et long termes tel que ce fut le cas au Moyen-Orient. Malgré des avancées notamment dans le containment des groupes djihadistes, les opérations militaires n’ont jamais pu empêcher le phénomène de radicalisation.
Au Mali, malgré la présence militaire au Nord les fronts djihadistes prolifèrent notamment au Centre dans le contexte d’un dangereux cap vers le Sud. Les frontières maliennes constituant de ce fait un problème pour tous ses voisins (Ouagadougou, Grand Bassam etc). De plus, les groupes djihadistes ont changé de modus operandi, depuis l’expérience Afghane, ne visant plus des stratégies globales mais saisissant toujours les opportunités qu’offre le parasitage des conflits afin de leur donner un habillage islamique pour attirer les puissances occidentales dans le « piège » de l’intervention voire de l’interventionnisme. Les bavures et ratés de telles opérations sont des gages sûres pour les groupes terroristes de maintenir l’élan de l’élan de l’engagement de jeunes ayant accumulés les frustrations et faisant face à de rudes conditions socio-économiques. Les interventions militaires étrangères alimentent du coup la rhétorique des recruteurs en vue de la légitimattion religieuses du « Djihad » contre « l’envahisseur ». Dans une telle configuration, il s’avère important de diversifier les approches en donnant à la prévention toute sa place dans les différents dispositifs.
En restant fermés aux autres possibilités qu’offre la prévention, on risque de perdre de vue des éléments essentiels pouvant alimenter une stratégie globale et durable contre l’extrémisme violent. Les communautés religieuses elles-mêmes ont développés des résiliences dites communautaires qu’il serait important de soutenir en vue de stratégies endogènes que les populations s’approprient plus facilement comparées à celles émanant de l’ « extérieur » souvent conçues par les destinataires comme imposées aux Etats. Ces derniers se trouvent ainsi dans une situation inconfortable devant concilier les impératifs de la coopération internationale de lutte et les contraintes politiques internes.
Pourtant, les Etats devraient urgemment agir sur les orientations éducatives, les programmes favorisant une plus grande inclusion des laissés pour compte pour éviter un plus grand émiettement des structures sociales. Au regard de son enjeu et de sa corrélation avec l’expansion des idéologies djihadistes ou violentes, la question éducative mériteraient plus d’interventionnisme en faisant de la prévention par la socialisation le socle de la lutte contre les radicalismes religieux et l’extrémisme violent dans les décennies à venir.
La lutte contre le terrorisme, en amont, avec des politiques de prévention par l’éducation, le renforcement des capacités, la résorption des inégalités et la promotion d’espaces de socialisation alternatifs au tout-religieux et aux surenchères ethnico-confessionnelles paraîtrait plus efficace et durable que ces formes de guerres asymétriques qui, généralement, surviennent bien après que les groupes terroristes se soient redéployées dans de nouvelles zones de non-droit pour menacer à nouveau des Etats fragilisés. En tout état de cause, et dans une démarche préventive et prospective, une réflexion sérieuse devrait être menée autour des questions de fond toutes relatives à la prévention et à la lutte contre la radicalisation de manière générale, parmi lesquelles :
– Comment valoriser les stratégies endogènes (bottom-up) en s’appuyant sur les initiatives locales issues de la société civile et des structures traditionnelles dont l’argumentaire fait sens auprès des populations ciblées ?
– Dans quelle mesure, pourrait-on s’inspirer des méthodes de résiliences communautaires développées par les communautés religieuses, elles-mêmes, dans le cadre de la sensibilisation en partant de la notion pertinente de « culture de la paix » dont se réclament les différentes confessions ?
– Dans quelle mesure l’expérience des femmes et des organisations féminines pourrait-elle être profitable à la prévention et la lutte contre l’extrémisme qu’elles ont affrontées dès les années 80- 9O lorsqu’il constituait déjà une menace pour leurs droits avant de devenir, plus tard, un enjeu sécuritaire ?
– Comment, en collaboration avec les chercheurs et universitaires, intégrer la dimension anthropologique dans la prévention du radicalisme pour mettre efficacement à profit les ressources culturelles africaines en termes de médiation et de socialisation alternative ?
– Comment renforcer les dispositifs régionaux existant comme la Cellule de prévention de l’extrémisme violent au sein du G5 Sahel, la redynamiser pour lui donner plus de réalité sur le terrain afin que les structures de base se l’approprient pleinement avec des projets concrets ?
– Enfin, comment, à travers une réflexion globale s’accorder sur un cadre commun de références et terminologique en matière de prévention et de lutte contre l’extrémisme si l’on sait qu’au concept de « dé-radicalisation » certains acteurs et communautés africains préfèrent la notion d’auto-réhabilitation par inclusion sociale ?
Par Dr. Bakary Sambe, Directeur du Timbuktu Institute (Dakar), Enseignant, Coordonnateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique – Chercheur au Centre d’étude des religions, Université Gaston Berger- Saint-Louis (Sénégal)
De nombreux Sénégalais se radicalisent et rejoignent les milieux djihadistes. Mais comment cela est-il possible, alors que l’islam pratiqué au Sénégal est réputé un islam très modéré basé sur le système confrérique? Les dispositions musclées prises par l’Etat arrivent-elles trop tard?
Les Sénégalais n’en ont jamais fait mystère : leur pays n’est pas à l’abri de la terreur djihadiste qui a frappé d’autres pays de la sous région. D’après les informations disponibles, de nombreux Sénégalais se radicalisent et rejoignent les milieux djihadistes. Mais comment cela est-il possible, alors que l’islam pratiqué au Sénégal est présenté comme un islam très modéré?
Non, ça ne se passera pas ici ! – Depuis octobre 2015, l’Etat sénégalais se montre en alerte : des Imams et autres acteurs soupçonnés d’avoir des liens avec le terrorisme sont arrêtés un peu partout dans le pays. Mais des voix critiques accusent l’Etat d’avoir laissé mûrir le danger. Dakar a aussi annoncé la mise en place d’une cellule de lutte anti-terroriste. Mais tout cela arrive-t-il trop tard?
Ecoutez Fréjus Quenum et ses invités :
– Bacary Sambe, professeur d’université, directeur du Timbuktu Institute et fondateur de l’observatoire du radicalisme religieux, auteurs de nombreux travaux dont le plus récent porte sur la perception du terrorisme dans la banlieue de Dakar
– Seydou Khouma, professeur d’université aussi, auteur d’une recherche sur les mouvements islamistes au Sénégal
– Hamidou Magassa, Anthropologue malien (en séjour au Sénégal au moment de l’enregistrement de cette émission)
– et Moussa Mohamed Amar, expert au Centre de Stratégie et de Sécurité pour le Sahel et le Sahara
KANO, NIGERIA —
British Prime Minister Theresa May got plenty of attention for her trip to Africa last week. Videos of her dancing — one with secondary students who greeted her in South Africa and another with her dancing with young scouts in Kenya — went viral.
But May's dance-floor diplomacy didn't overshadow her larger mission in Africa, which was to forge business ties for a post-Brexit Britain. In Cape Town, she pledged more than $5 billion to support African markets and also promised that her country would overtake the United States to become the biggest investor in Africa out of the G-7 countries.
Cheta Nwanze, an analyst at the Lagos-based research firm SBM Intelligence says Britain is desperately trying to find new trade partners. "Because Brexit isn't working out as it had expected," he said. "Brexit is seven or eight months away now and they're so many contentious issues that will need to be resolved."
Playing catch up to China
German Chancellor Angela Merkel made her own recent foray to Africa, visiting Senegal, Nigeria and Ghana, also seeking economic benefit. China has played the role of Africa's largest trading partner for the past nine consecutive years, and both Britain and Germany have a lot of catching up to do.
According to British government figures, the country's total trade with Nigeria, South Africa and Kenya — the countries May visited — amounted to $16.9 billion in 2016. That's less than 2.5 percent of the $712 billion in goods and services that Britain exchanged with the European Union in the same year, Reuters reported.
Meanwhile, Germany declared 2017 a key year for its Africa policy and hosted African presidents in Berlin at a G-20 summit to boost private investment. However, to date, Germany only has about 1,000 companies that are active in Africa.
In comparison, China has 10,000 firms in Africa. It has financed more than 3,000 infrastructure projects on the continent, building thousands of kilometers of highways, generating thousands of megawatts of electricity and creating thousands of jobs across the continent.
"China is challenging all the Western countries, even the United States. China has no historical background of colonialism [in Africa] so many Africans prefer working with China," said Bakary Sambe, a development and peace studies analyst in Senegal.
This week, several African presidents are in China for the 2018 Forum for Africa-China Cooperation, which China's Foreign Minister Wang Li described as the biggest summit of all time.
But, Nii Akuetteh, a prominent independent Ghanaian policy analyst based in Washington, D.C., recommends African politicians, businesses and civil society members be wary of both the West and the East.
"If I had my way, they would be far more vigilant and tougher against Merkel, against May, and even against the Chinese, because all these global powers are rushing to Africa now and they all claim that they love Africa and they want to help. Well, we all heard that before and it led to slavery and it led to colonialism," he said.
Stopping migration
Akuetteh said May and Merkel are motivated in part by a desire to stop the waves of African migrants showing up on Europe's shores.
"They are doing this because their populace don't like Africans. Merkel is very clear, that's why she's doing this — we want to create jobs in Africa so you all don't come to Europe," he said.
Merkel said she wants to work with these governments to tackle issues the three countries are struggling with, such as the Boko Haram insurgency and widespread unemployment.
One of the agreement she said was an MOU signed between German automaker Volkswagen and partners in Ghana and Nigeria. Volkswagen announced last week it would assemble cars in Ghana and make Nigeria an automotive hub.
Ayisha Osori, the head of the Open Society Initiative for West Africa, commends this effort and says African leaders need to acknowledge the reasons why citizens are risking their lives to flee.
"It's a good deal to create more jobs to keep people away from migrating, coming over to Europe in less numbers. Looking at the people who try to cross the desert, that go by sea or by boat, what are they running away from? What is it about their lives that is making them to take such dangerous journeys?" Osori asks.
U.S. role?
In this scramble for Africa, the United States looms in the background, contributing mostly military support. The Brookings Institution says U.S.-Africa relations will not reach their potential if the executive office fails to provide diplomatic and policy leadership.
But U.S. President Donald Trump has shown little interest in the continent and angered many Africans with offensive remarks.
Though Trump has no announced plans of going to Africa, first lady Melania Trump announced in August that she will visit — without the president.
Dr Bakary Sambe, directeur de Timbuktu Institut : «Nous devons diversifier les approches de lutte contre le terrorisme »
Le directeur de l’Institut Timbuktu, Dr Bakary Sambe, déconseille l’usage à outrance des forces militaires pour combattre la montée de l’extrémisme religieux. Le spécialiste recommande plutôt la diversification des approches contre ce fléau.
Le Sénégal dispose de ressorts socioculturels pour faire face à la montée de l’extrémisme religieux. C’est la conviction de Dr Bakary Sambe, directeur de l’Institut Timbuktu. Parmi ces facteurs, il cite les confréries soufies. Cet argument est conforté par une étude réalisée dans la banlieue qui a révélé que 95% des personnes interrogées se reconnaissent dans le discours des religieux contre 4% de jeunes qui ne se retrouvent dans leurs messages. « Pour demeurer une sorte d’ilot de stabilité dans un océan d’instabilité qu’est la région ouest-africaine, le Sénégal s’appuie donc sur cet acquis considérable. L’Etat et ses démembrements tentent de faire des chefs religieux des leviers de médiation avec une sensibilisation permanente lors des grands événements religieux, mais aussi une action sur le terrain menée par la Cellule de lutte anti-terroriste (Clat) collaborant avec toutes les composantes de la société, chefs religieux comme leaders traditionnels », brosse Dr Bakary Sambe. Toutefois il précise que la tentation d’une approche sécuritaire dirigée vers certains mouvements et l’absence de prospective en négligeant les possibilités de construire et d’encadrer des stratégies de résilience communautaire inclusives pourraient impacter sur le « contrat social sénégalais ».
Par ailleurs il a démontré que le recours à la force militaire n’a pas produit des résultats escomptés dans beaucoup de pays. Il en veut pour preuve la poursuite des attentats dans des villes, dans des pays où les militaires sont spécifiquement déployés pour combattre le fléau. Le constat, affirme-t-il, l’approche strictement sécuritaire n’a pas produit des résultats à la mesure des investissements et des efforts déployés par les Etats et la communauté internationale bien qu’il soit admis, par exemple, que les solutions militaires, qui sont surtout conjoncturelles, ont pu stopper les « djihadistes ».
Promouvoirlaprévention
Pour lui, la militarisation à outrance est décriée comme porteuse de germes de radicalisation à moyen et à long terme comme ce fut le cas au Moyen-Orient. « Malgré des avancées notamment dans le « containment » des groupes « djihadistes », les opérations militaires n’ont jamais pu empêcher le phénomène de radicalisation. Au Mali, malgré la présence militaire au Nord, les fronts « djihadistes » prolifèrent notamment au Centre dans le contexte d’un dangereux cap vers le Sud. Les frontières maliennes constituant de ce fait un problème pour tous ses voisins (Ouagadougou, Grand Bassam, etc.) », évoque le chercheur qui rapporte des groupes « djihadistes » ont changé de modus operandi depuis l’expérience afghane. « Les interventions militaires étrangères alimentent du coup la rhétorique des recruteurs en vue de la légitimation religieuse du « Djihad » contre « l’envahisseur ». Dans une telle configuration, il s’avère important de diversifier les approches en donnant à la prévention toute sa place dans les différents dispositifs », conseille le chercheur. Il a insisté sur l’implication et la responsabilisation des communautés dans la lutte contre l’extrémisme. C’est dans cette optique qu’il a invité au recours de l’influence des religieux dans le contexte sénégalais pour prévenir les déviances des jeunes en quête de repères. « Les communautés religieuses elles-mêmes ont développé des résiliences dites communautaires qu’il serait important de soutenir en vue de stratégies endogènes que les populations s’approprient plus facilement comparées à celles émanant de l’« extérieur » souvent conçues par les destinataires comme imposées aux Etats. Ces derniers se trouvent ainsi dans une situation inconfortable devant concilier les impératifs de la coopération internationale de lutte et les contraintes politiques internes », fait remarquer Bakary Sambe. En plus des religieux, le spécialiste met l’accent sur le rôle que l’école peut jouer dans l’inclusion sociale, la socialisation des personnes en marge de la société. « La question éducative mériterait plus d’interventionnisme en faisant de la prévention par la socialisation le socle de la lutte contre les radicalismes religieux et l’extrémisme violent dans les décennies à venir », a-t-il insisté. Il ne sous-estime pas la lutte contre les inégalités sociales, l’ethnocentrisme et aussi la création d’espaces de socialisation dans des zones où les Etats sont fragilisés.
Source: lesoleil.sn
Femmes et extrémisme violent au Sahel : « La déclaration de Bamako est une avancée majeure si elle est opérationnalisée » (Timbuktu Institute)
« La déclaration de Bamako ayant sanctionné les travaux du dialogue politique de haut niveau sur le leadership des femmes dans la prévention et la lutte contre l’extrémisme violent dans les pays du G5 Sahel constitue une avancée majeure si elle est suivie d’opérationnalisation ». C’est l’avis de Mme Yague Samb, de Timbuktu Institute-African Center for Peace Studies qui a représenté l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique à cette importante rencontre des 21 et 22 février 2017 à Bamako.
Faisant suite aux différentes initiatives dans le cadre de la promotion du leadership féminin dans la lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent, à la réunion de Bruxelles de mai 2013 ainsi qu’au forum régional de Ndjamena de juillet 2015, cette réunion a permis de revisiter des axes importants des Résolution 2250 et 1325 du Conseil de sécurité.
Pour Mme Samb, « le fait que les femmes soient affectées, non seulement comme victimes, mais aussi, de plus en plus comme actrices, est une donne importante dont il faudrait désormais tenir compte dans l’analyse du phénomène de l’extrémisme violent dans le Sahel ». De ce fait, elle soutient qu’il est impératif que « les partenaires techniques et financiers, mais aussi les Etats et l’ensemble de la communauté internationale contribuent davantage au renforcement du rôle des femmes dans la lutte contre l’extrémisme violent ».
A cet effet, Timbuktu Institute, qui travaille beaucoup sur la construction des résiliences communautaires par le dialogue inclusif, soutient et apprécie positivement les recommandations de cette déclaration notamment :
– La mise en place au niveau national et régional des cadres de concertation entre les organisations des femmes et les organisations religieuses
– L’intégration de modules relatifs à la radicalisation et l’extrémisme violent dans les programmes scolaires et universitaires.
Dans le cadre de son Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique (ORCRA) et des activités qu’il mène à travers son Programme « Educating for Peace » au sein des établissements scolaires, Timbuktu Institute se propose de participer activement à « la sensibilisation, des femmes, des jeunes, des leaders d’opinion (religieux et chefs coutumiers), la communauté et les médias sur les effets et les conséquences de l’extrémisme violent », conformément à la recommandation numéro 5 de la déclaration de Bamako à laquelle l’institut souscrit pleinement.
A l’issue de sa participation à la rencontre historique de Bamako, Timbuktu Institute a ainsi décidé de proposer sa coopération et son appui à ONUFEMMES, UNOWAS, G5 Sahel et à l’Union africaine (UA) dans le cadre du renforcement des capacités des réseaux de femmes et des jeunes œuvrant sur la lutte contre l’extrémisme violent et la radicalisation débouchant sur le terrorisme.
« La fusion des groupes djihadistes est une anticipation du redéploiement de Daech dans le Sahel » (Bakary Sambe, BBC) Trois groupes jihadistes du Sahel ont annoncé la fusion de leurs organisations dans une vidéo diffusée par l’agence privée mauritanienne Al-Akhbar.
Le groupe est formé d’Ansar Dine, Al-Mourabitoune et l’Emirat du Sahara, une branche d’Al-Qaïda au Maghreb islamique. L’alliance sera dirigée par le chef malien Iyad Ag Ghaly, leader d’Ansar Dine. Le nouveau mouvement est baptisé « groupe de soutien à l’islam et aux musulmans ».
Bakary Samb est le directeur du Timbuktu Institute-African Center for Peace studies.
Raïssa Ioussouf lui a demandé si cette alliance était liée à l’installation des autorités intérimaires dans le nord du Mali.
Pour écouter le son: http://www.bbc.com/afrique/region-39150052