« Les Africains n’ont pas de problème avec le principe démocratique, mais c’est au niveau de sa déclinaison et de son endogénéisation que se situe le débat et s’expriment des attentes, en plus des inconséquences qui l’ont desservi à un moment où le modèle est challengé par d’autres offres dans un contexte lourd de tensions et de compétitions au plan international »

A ainsi entamé Bakary Sambe lors de la Conférence de Lisbonne 2022.

Le Directeur Régional du Timbuktu Institute a été invité à prendre part à la Conférence de Lisbonne 2022. Son intervention a ouvert le panel sur la “hiérarchie des guerres” qu’il devait partager avec d’éminentes personnalités du monde académique comme les Professeurs Paul Collier de l’Université d’Oxford, Raquel Vaz Pinto du Portuguese Institute of International Relations (IPRI) à Nova Lisbon University, Lisbon, Stella Ghervaz de Newcastle University, et Teresa Cravo de l’Université de Coimbra (Portugal). Cette conférence qui se déroule dans le contexte de la guerre en Ukraine et des interrogations sur le devenir du système international, a été fortement marquée par le débat sur les reconfigurations en cours au plan international.

Dr. Bakary Sambe est largement revenu sur la place de l’Afrique dans cette nouvelle géopolitique qui se dessine mais surtout le débat sur la démocratie en tant que principe brandi contre les autocraties dans un contexte de nouvel affrontement entre le monde occidental, la Russie et la Chine. Mais pour Bakary Sambe,

« on ne pourrait repenser la place de la démocratie, notamment en Afrique, sans regarder en face les différentes contradictions des démocraties elles-mêmes, ces dernières décennies ».

Il rappelle, à ce propos, que

« la troisième vague de la démocratie a fini de toucher le continent africain, au début des années 1990, portée à la fois par des dynamiques internes et externes ».

Il souligne que

« sur le plan interne, les difficultés économiques des années 80, les politiques d’ajustement structurel et, dans certains cas, les mobilisations citoyennes, ont contribué au problème de légitimité des régimes autoritaires et, en même temps, à une libéralisation et à des transitions avec des résultats variés ».

De ce fait, selon Sambe,

« sur le plan externe, les liens avec l’Occident et l’effet de levier que les puissances occidentales ont utilisé pour promouvoir les démocratisations, ont été un élément central du processus ».

 Cependant, Bakary Sambe a tenu à rappeler que la résurgence de la thématique de la démocratie, comme principe remis à l’ordre du jour, n’est pas anodine. Après le Sommet sur la démocratie, organisé par les Etats-Unis, l’annonce d’un important fonds pour la démocratie par le Secrétaire d'Etat américain, Blinken, le récent lancement, en Afrique du Sud, début octobre, de la Fondation de l’Innovation pour la démocratie appuyé par la France, la récente réunion de jeunes leaders africains à Berlin organisée par l’Allemagne dans le cadre de sa présidence du G7, font dire à Bakary Sambe qu’

« on a l’impression que l’Occident, dans son affrontement avec la Russie et les puissances montantes qu’il qualifie d’autocrates, veut revenir à ses classiques comme la démocratie et l’Etat de droit après des décennies pleines de contradictions dans les pratiques internationales où le pragmatisme autour des intérêts stratégiques l’avait largement emporté sur les principes universels ».

De ce fait, pour le Directeur du Timbuktu Institute

« il semblerait que le changement dans le contexte international, avec la montée de la Chine, de l’Iran, de la Turquie et d’autres puissances, a changé l’agenda des pays occidentaux qui sont entrés dans un processus d’équilibrage économique et stratégique face à Pékin et, ainsi, l’effet de levier qui appuyait les processus de démocratisation a fini par perdre de sa force ». 

Sur un autre plan, Bakary Sambe soutient que « la diversification des partenariats économiques a dilué l’importance du « linkage » avec l’Occident, à travers des rapports dénués de toute conditionnalité démocratique comme avec la Chine, ou reposant même sur des transferts des outils et des pratiques autoritaires dans le cas de la Turquie ».

 Pour Bakary Sambe,

« il y a un énorme défi à relever, aujourd’hui  pour re-booster le principe démocratique et surtout asseoir son acceptabilité universelle auprès des pays africains. Car, rappelle-t-il, depuis les efforts de démocratisation dans les années 90, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts »

Et, poursuit-il

« l’émergence de modèles de développement économique qui se sont opérés dans des contextes non démocratiques, n’a pas manqué de remettre en question le projet démocratique qui a longtemps été présenté à tort ou à raison comme la panacée ».

En quelque sorte, pour Sambe,

« ces modèles ont d’autant plus de succès qu’ils ont semblé inspirer un certain nombre de pays qui apparaissent comme des «success stories», avec notamment le Rwanda et, dans une moindre mesure, l’Éthiopie. C’est dire que le projet démocratique a grandement besoin d’un renouveau pour le mettre hors de portée des « vents défavorables » (Diamond 2019) qui n’épargnent aucune région du monde »

A ce contexte déjà complexe, vient s’ajouter la guerre en Ukraine qui rend moins sereine la réflexion sur la démocratie en tant que principe universel. Pour Sambe, l’analyse de ce conflit a fortement pesé sur le débat. D’après lui,

« ceux qui analysent le conflit sous l’angle de la personnalité de Poutine ne prennent pas en compte la complexité du problème. Il s’agit ici d’analyser les stratégies des États dans leur volonté d’assurer leur survie. L’Occident veut jouer sur l’image d’un Poutine autocrate, alors que si les dirigeants occidentaux sont sans doute moins dominateurs envers leur peuple que Poutine, ils n’en sont pas moins aussi froids et calculateurs face à leurs intérêts ».

Cet ensemble de considérations a amené Dr. Bakary Sambe à conclure que

« le principal défi de l’Occident pour le discours sur la démocratie est celui de la re-crédibilisation aux yeux des opinions publiques africaines ».

Selon lui,

« le projet démocratique a aussi besoin d’une endogénéisation pour qu’il soit perçu, non pas comme une idée occidentale, mais comme une réalité africaine  et il faudra prendre en compte les trajectoires historiques et politiques des pays africains avec des exemples tirés de l’Afrique précoloniale ».

Pour ce faire,

« il faudrait redonner la dignité d’expérience historique valorisée aux processus comme celui du royaume Ashanti, l’ancrage socioculturel de la démocratie dans les cultures et le passé africains comme l’exemple et la Révolution Torodo du royaume du Fouta Toro en 1776 avant la Révolution Française de 1789 ».

Cependant, conclura Sambe, « le défi le plus complexe et difficile à relever, et qui semble fondamental, reste celui de recréer du lien sain en assumant un débat sain, critique et continu sur les nouveaux rapports Sud-Nord à repenser et à reconstruire »

Malgré la modernisation, l’Afrique et particulièrement le Burkina Faso reste une société à dominance rurale ancrée sur des valeurs traditionnelles et religieuses. Ces valeurs sociales mettent l’accent sur les valeurs communautaires où le groupe prime sur l’individu. Quant à la religion, au Burkina Faso, les différentes communautés religieuses ne vivent pas simplement côte à côte mais vivent ensemble. Les leaders de ces différentes communautés religieuses sont bien imprégnés de ce qui se passe au sein de la société car étant en contact permanent avec la population. S’intéresser aux comportements des religieux dans la crise à Covid 19 revête un intérêt particulier. En effet, eu égard à leur rôle stratégique au sein de la société, ils constituent des partenaires clés pour les autorités dans la mise en œuvre des politiques publiques surtout celles sanitaires. Cette étude a analysé la contribution et l’implication des acteurs religieux à la prévention de la covid 19 au Burkina Faso. Cette analyse s’est fondée sur des entretiens directs avec des personnes clés, la recherche documentaire et elle a permis de tirer des conclusions et formulé des recommandations.

Télécharger la note d'analyse :

Effectuée dans le cadre d'un partenariat entre OSIWA et le Timbuktu Institute-African Center for Peace Studies-, l’étude exploratoire sur les acteurs religieux face à la pandémie de COVID-19 en Afrique de l’Ouest vise à identifier les ressorts de la collaboration entre l’État et la religion dans la gestion des crises sanitaires de grande ampleur. Au Sénégal, l'étude, par le biais de la crise sanitaire, met en lumière la nature oscillante des rapports entre acteurs religieux et politiques. Le jeu habituel dans le cadre de rapports basés sur les logiques d’intérêt ou d’instrumentalisation mutuelle, s’est montré plus complexe lorsque s’y ajoutent des dimensions liées à la gestion du culte, entre impératifs sanitaires et questions religieuses voire existentielles. 

Quelles conséquences de la guerre russo-ukrainienne pour le continent africain ? Comment L’Afrique se repositionne sur le nouvel échiquier mondial ? Continuera-t-elle à jouer le rôle de variable d’ajustement ou l’Afrique profitera de cette nouvelle conjoncture pour mieux tirer son épingle du grand jeu qui se déroule dans un contexte différent de celui de la guerre froide ? Cette situation inédite assimilable à une « paix chaude » est-elle simplement le fait d’une crise ou ouvre-t-elle de nouvelles perspectives pour un meilleur positionnement africain ?

Dans la chronique hebdomadaire du Timbuktu Institute en partenariat avec Medi1TV, Dr. Bakary Sambe appelle à une lecture africaine réaliste de ce conflit qui selon lui révèle que « la fragilité de la paix mondiale appelle à un changement de paradigme et impose un nouveau regard sur la notion de sécurité collective ».

 

Dr. Sambe, depuis le déclenchement de ce conflit russo-ukrainien, vous appelez constamment à une lecture africaine réaliste de la nouvelle géopolitique qui se dessine afin que, je vous cite, « le continent ne subisse pas ce nouveau grand jeu mais en devient un acteur à part entière ». Quelle est, en réalité, cette lecture africaine que vous préconisez ?

 

Vous savez, ceux qui analysent le conflit sous l’angle de la personnalité de Poutine dans son rapport avec l’Occident et les démocraties libérales, font fausse route. Il s’agit d’analyser tout simplement les stratégies des États dans leur volonté d’assurer leur survie. Ceux qui l’analysent sous le prisme du droit international sont aussi soit naïfs soit de mauvaise foi. Il est triste de le constater mais le droit international ne s’applique pas aux grandes puissances, c’est là d’ailleurs la principale raison du droit de veto. C’est d’offrir à certains États la possibilité de s’extraire du caractère impératif du droit international. L’OTAN est intervenue en Yougoslavie sans mandat de l’ONU et a poussé l’organisation à sortir une résolution pour légitimer a posteriori l’intervention. Ce qui se passe actuellement est ce qu’on appelle en théorie des Relations Internationales un dilemme de sécurité. Parce que l’inclusion de l’Ukraine dans l’Otan signifie pour la Russie une vulnérabilité, notamment en réduisant son accès à la Mer noire. C’est pour cette même raison que Poutine avait d’ailleurs annexé la Crimée. Les deux blocs vont multiplier les terrains d’affrontement. Et cette nouvelle situation doit alerter l’Afrique.

 

Donc, Bakary Sambe, si je vous comprends bien l’Afrique pourrait devenir un de ces terrains d’affrontement. Quels sont les éléments qui vous poussent vers cette analyse ?

 

Cet affrontement par pays interposés a beaucoup marqué l’ordre international ces dernières années et nous a installé dans ce que je pourrais appeler une « paix chaude » c’est à dire une paix sous laquelle bouillonne des antagonismes que l’on essaie de régler par des conflits par procuration. La Syrie est l’exemple parfait, et même le Mali se dirigerait vers ce sens-là. c’est donc dire que pour avoir la paix, celui qui a le moindre coût à payer doit faire le plus de concession. Il ne faut pas l’oublier, les deux camps que nous avons en face , se sont affrontés indirectement en essayant de dérouler une stratégie de « regime change » c’est-à-dire en appuyant leurs alliés locaux pour qu’ils aient le pouvoir. Aujourd’hui, nous sommes en plein dans la configuration qui nous permet de convoquer la notion de off-shore balancing qui est le mécanisme par lequel les grandes puissances classiques s’assurent que le basculement stratégique du continent, qui, aujourd’hui, peut changer la configuration des puissances sur la scène internationale, ne se fera pas à leur dépens ou même mieux se fera à leur avantage. Nous l’avons, récemment, vu avec le discours tenu par le Président Macky Sall devant Vladimir Poutine expliquant que le continent ne votait plus sur injonction ou par simple alignement. Cet acte posé montre que la voix de l’Afrique pourrait être désormais plus audible

 

Est-ce donc la fin du paradigme de la domination ou le début de l’ère d’une renégociation des rapports de force dans un nouveau contexte international que vous semblez décrire comme pouvant ouvrir de nouvelles perspectives pour notre continent ?

 

Oui, absolument, Aujourd’hui, la situation a changé et l’Afrique, si seulement son leadership politique en devenait conscient, devrait mieux tirer son épingle de ce nouveau grand jeu. Pour trois raisons au moins : D’abord, nous sommes dans un monde divisé dans lequel les alignements sont à la fois multiples et diffus. Ensuite, nous sommes dans un monde ou la distribution de la puissance est très fragmentée avec l’effet combiné de puissances classiques qui déclinent, de puissances émergentes qui montent, et d’une multitude d’Etats qui réclament le statut de middle power. Enfin, et c’est cela le déclic, nous sommes dans le contexte d’une Afrique qui par le double effet d’une élite de plus en plus décomplexée et d’une population plus exigeante, cherche à mieux tirer son épingle dans le jeu des relations internationales. Dans ce contexte qui, pour une fois, peut nous être très profitable, l’Afrique passe, du moins dans les perceptions, d’une zone acquise, de simple variable d’ajustement, à une zone plus confortable et avantageuse dans laquelle son influence et son poids pourraient décider de la balance du pouvoir à l’échelle internationale.  

Ferjani, Mohamed-Chérif, 1951‒ | Library of the Dominican Institute for  Oriental StudiesPr. Mohamed Cherif FERJANI[1]

Président du Haut-Conseil, Timbuktu Institute

Les Africains sont partagés par rapport à l’intervention russe en Ukraine. D’une part, ils souffrent des conséquences de cette guerre et plus particulièrement de la pénurie des produits de première nécessité que leurs pays importaient de l’Ukraine et de la Russie. D’autre part, ils ne comprennent pas pourquoi les pays de l’OTAN, et plus particulièrement les Etats-Unis et les pays européens, dont la Grande Bretagne et la France qui ont longtemps dominé leurs pays, se mobilisent tant contre l’intervention russe dans ce pays alors qu’ils ont fermé et ferment les yeux sur d’autres interventions dans d’autres pays : celles des Etats Unis eux-mêmes en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Syrie et dans bien d’autres pays, celles de la France en Libye, au Mali, et dans d’autres pays, celles de la Turquie au Nord de la Syrie, celle de l’Arabie et des Emirats, soutenus par l’Egypte, les Etats-Unis et la France, au Yémen ; sans parler de l’impunité assurée à Israël malgré ses agressions permanentes contre les Palestiniens et ses pays voisins. la Russie elle-même était intervenue en Géorgie (1991-1993), en Ossétie (en 1992 et en 2008), au Tadjikistan (1992-1997, en Tchétchénie (1999-2009), dans le Caucase (1992-1997), en Crimée et dans le Donbass depuis 2014, en Syrie, en Libye et dans plusieurs pays africains, directement ou par le
biais du Groupe Wagner depuis sa création par un ancien officier de l’armée rouge en 2013, etc.

Les Africains, comme d’autres peuples, ne supportent plus cette logique de deux poids deux mesures. Ils ne peuvent pas s’empêcher de voir dans l’attitude des pays de l’OTAN une solidarité inhérente aux liens culturels et religieux entre l’Ukraine et les pays européens et à l’Amérique du Nord. Ils ne sont pas les seuls à penser que c’est une confirmation de la volonté de l’OTAN d’étendre ses bases dans des pays appartenant auparavant au Pacte de Varsovie. Ils ne sont pas loin de partager, sur cette question, le point de vue de la Russie qui se dit menacée par l’OTAN accusé de ne pas avoir tenu ses promesses à Gorbatchev, en 1989, concernant la non intégration des anciens pays du Pacte de Varsovie à l’OTAN, alliance qui a perdu sa raison d’être avec la fin de son rival, le Pacte de Varsovie. Par ailleurs, la sympathie de beaucoup d’Africains à l’égard de la Russie, mais aussi à l’égard de la Chine, se nourrit des déceptions à l’égard des Etats-Unis, de la France, de l’Europe, dont les politiques actuelles en Afrique sont perçues comme le prolongement de leur passé colonial et esclavagiste. Ils ne leur pardonnent ni leur soutien aux dictatures en place dans beaucoup de pays africains, ni les catastrophes consécutives à leurs interventions sous couvert de lutte contre le terrorisme, d’aide au développement et de promotion de la démocratie et des droits humains.

Les Africains n’ont pas tort de voir la main des Etats-Unis et de l’Europe derrière les politiques néolibérales imposées à leurs pays par le FMI, la Banque Mondiale, les institutions financières internationales et l’OMC, au nom du nécessaire réajustement structurel, de la vérité des prix, de l’ouverture sur le  marché international, de la libre circulation des capitaux et des marchandises, du désengagement économique et social de l’Etat. Ces politiques ont aggravé partout les inégalités entre le Nord et le Sud et dans chaque pays ; elles ont condamné à la faim et à la misère des millions d’Africains, fermé la porte devant l’intégration des jeunes et des moins jeunes qui se voient condamnés à tenter l’émigration vers les pays riches du Nord ou, à défaut, à rejoindre les groupes armés, les mouvements jihadistes comme Boko Haram, l’Etat islamique du Grand Sahara ou d’autres groupes jouant sur la mobilisation des solidarités religieuses, ethniques, tribales, territoriales, groupes qui se livrent sans scrupules aux trafics de toute sorte.

Déchantant des promesses de développement, de démocratie, de liberté et des promesses de progrès social, jeunes et moins jeunes deviennent des candidats à la mort sur le chemin de l’exil à travers le Sahara et dans les eaux de la Méditerranée devenue le pls grand cimetière africain, ou dans les rangs des groupes armées du Jihad, des guerres ethnico-tribales et des réseaux de trafic de tout genre (contrebande, drogue, vente d’êtres humains renouant avec les forme les plus rétrogrades de l’esclavage, etc.).  La Russie de Poutine, la Chine, voire la Turquie ou l’Iran, sont à leurs yeux les « alliés de leur revanche sur le colonialisme, et sur les nouveaux visages de l’exploitation et de l’oppression incarnés par les multinationales et les armées de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Europe, des Etats-Unis et de leurs alliés. C’est pourquoi, sans chercher à comprendre les raisons qui ont poussé la Russie à intervenir en Ukraine, ils lui donnent raison rien que parce que l’Europe et les Etats-Unis ont volé au secours de l’Ukraine, sans se soucier du droit du peuple ukrainien à se défendre contre l’agression de son puissant voisin. Beaucoup de ceux qui applaudissent l’intervention de l’armée de Poutine en Ukraine étaient, à raison, choqués et indignés par les interventions russes en Afghanistan, dans le Caucase, en Tchétchénie, ou par le politique de la Chine à l’égard des Ouïgours. 

Ils ne cherchent pas à faire le lien entre l’intervention russe en Ukraine et d’autres interventions dans d’autres pays ou régions du monde qu’ils dénoncent à raison, sans problème. On  reproduit ainsi le réflexe de « l’ennemi de mon ennemi est mon ami » ; on applaudit les coups d’Etats des juntes qui font appel au soutien du Groupe Wagner et de la Russie, de la Chine ou d’autres pays prêts à prendre la place de leurs rivaux ... Ils persisteront dans cette attitude jusqu’au jour où les nouvelles juntes au pouvoir et leurs soutiens étrangers se trouveront confrontés à de nouvelles émeutes de la faim, de nouvelles explosion de désespoir ; ou jusqu’au jour où les nouveaux maîtres se trouvent nez-à-nez avec les groupes jihadistes et groupes armés de toute sorte qui surfent sur la colère des populations à nouveau oubliées, comme on  commence à le voir au Mali, où l’Etat Islamique au Grand Sahara a profité du vide laissé par le départ des derniers soldats français engagés dans l’opération Berkane pour prendre pied dans la région de Gao et Ménaka, près de la frontière avec le Niger.

C’est pourquoi les peuples africains ont intérêt à se montrer solidaires avec tous les peuples victimes d’agressions, quels que soient les agresseurs et quelles que soient leurs victimes. Ils doivent tirer les leçons de l’histoire montrant qu’il ne faut pas faire confiance à des puissances qui n’ont aucun scrupule à dominer d’autres pays et qui ne cherchent qu’à supplanter leurs rivaux pour conquérir des marchés, piller des richesses, s’assurer des positions stratégiques, sans se soucier du sort des populations des pays qu’elles dominent.

 

*cet article est une tribune libre et ne reflète pas forcément une position de l’institut