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Following the meeting of the leaders of the Permanent Strategic Framework for the Defense of the People of Azawad (Cadre stratégique permanent pour la défense du peuple de l'Azawad - CSP-DPA) held between November 26 and 30, a coalition of armed groups separatists with a predominantly Tuareg base, the Azawad Liberation Front (FLA) created on November 30, 2024, was created at Tinzaouaten on the border with Algeria, which is the target of strikes by the Malian army. The announcement was made from Tinzaouaten, their stronghold. The new coalition calls on “ all the sons of Azawad with other ideologies to open up to union ‘, and on the countries of the sub-region and the international community to ’ recognize the FLA as the sole representative of the people of Azawad ”. The FLA, which brings together several separatist groups in northern Mali, aims for independence from the central government in Bamako. The latter is accused of making no distinction between independence fighters and jihadist groups, especially with the death of Fahad Ag Almahmoud and seven other FLA leaders on December 1, 2024, just a few days after its creation. This situation calls into question the durability of the Algiers Agreement signed in 2015 between the Malian government and the separatist groups of northern Mali. "The creation of the Azawad Liberation Front must be placed in the context of the breakdown of the agreement for peace and reconciliation in Mali, which came out of the Algiers process. The Malian government denounced the Algiers agreement in January 2024, and proposed replacing it with an intermalian dialogue. This dialogue did take place, but did not bring together all the components. For some of the former signatories of the Algiers agreements, armed struggle is the only option left,” points out journalist Seidik Abba, a Sahel specialist and author of Mali-Sahel, notre Afghanistan à nous(Impacts Editions, 2022).
Under unclear conditions, the Khalif of the Omar family of Nioro du Sahel, Thierno Amadou Hady Tall, was kidnapped on December 26, 2023, following accusations of collaboration with the military authorities and Russian mercenaries from the Wagner group. The announcement of his death was made by the leader of the Macina Katiba, Amadou Koufa, according to a recording attributed to him. Without any confirmation of this recording, it nevertheless sows doubt in the minds of Malians in a context where the Nioro du Sahel region, the stronghold of the Omar brotherhood, is going through an unprecedented crisis with the rise of armed jihadist groups, with consequences for social cohesion, living together and the security of local populations.
In Mali, after four years of legal proceedings of various kinds, the transitional government and the political class are in a state of calm. This is evidenced by the release of the former Malian Minister of Energy and Mines, Lamine Seydou Traoré, who returned to his home in Bamako on December 03 after more than 10 months under arrest. He had been implicated in the purchase of 27 generators and 2 transformers, a major contract worth 6.2 billion CFA francs awarded to Case Construction. Officials of the electricity company EDM, as well as economic operators, were also charged in this case. They were all charged with “forgery, use of forgeries and damage to public property”, even though Lamine Seydou Traoré has always maintained his innocence.
Still in the spirit of appeasement between the authorities and the political class, on December 05, several opponents of the authorities were granted provisional release after several months in prison. They had been accused of pursuing their political activities at a time when these had been banned throughout Mali, and therefore prosecuted for “ plotting against the legal authorities and illegal assembly ”. Among those released were former ministers and leaders of political parties and movements who had signed a declaration urging the authorities to return power to civilians. Speaking on condition of anonymity, one of the released opponents said:"We've all gone home. The prosecutor told us that it's a provisional release, but without judicial control or travel restrictions”.
After years of work, Mali has just taken an important step towards strengthening its security with the finalization by Malian experts of the new national security policy. This new strategic organization tool, under the leadership of General Yamoussa Camara, aims to strengthen security and prevent conflict by involving all stakeholders in a more inclusive way. In the face of the security threat, the success of the national security policy depends on the involvement of all players, and on the State making the necessary resources available for more effective implementation.
Après la rencontre des responsables du Cadre stratégique permanent pour la défense du peuple de l’Azawad (CSP-DPA) qui s’est tenue entre le 26 et le 30 novembre, une coalition de groupes armés séparatistes à dominante touareg, le Front de libération de l’Azawad (FLA) créé le 30 novembre 2024 a été créée à Tinzaouaten au niveau de la frontière avec l’Algérie qui fait l’objet de frappes de l'armée malienne. L’annonce a été faite depuis Tinzaouaten, leur fief. La nouvelle coalition appelle « tous les fils de l’Azawad ayant d’autres idéologies à s’ouvrir à l’union » et les pays de la sous-région ainsi que la communauté internationale à « reconnaître le FLA comme le seul représentant du peuple de l’Azawad ». Le FLA qui réunit plusieurs groupes séparatistes du Nord Mali, a pour objectif l’indépendance contre le pouvoir central à Bamako. Ce dernier serait accusé de ne faire aucune différence entre les indépendantistes et les groupes djihadistes surtout avec la mort de Fahad Ag Almahmoud et de sept autres cadres du FLA le 1er décembre 2024, quelques jours seulement après sa création. Cette situation remet en cause la durabilité de l’accord d’Alger signé en 2015 entre le gouvernement malien et les groupes séparatistes du nord Mali. “Il faut placer la création du Front de Libération de l'Azawad dans le contexte de la rupture de l'accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d'Alger. Le gouvernement malien a dénoncé l'accord d'Alger en janvier 2024 et a proposé de le remplacer par un dialogue intermalien. Ce dialogue a eu lieu, mais il n'a pas réuni l'ensemble des composantes. Pour une partie des anciens signataires des accords d'Alger, il n'y a plus aucune autre option que la lutte armée”, souligne le journaliste Seidik Abba, spécialiste du Sahel, auteur de Mali-Sahel, notre Afghanistan à nous, (Impacts Editions, 2022).
Dans des conditions floues, le Khalif de la famille omarienne de Nioro du Sahel, Thierno Amadou Hady Tall avait été enlevé le 26 décembre 2023 après des accusations de collaboration avec les autorités militaires et les mercenaires russes du groupe Wagner. L’annonce de son décès aurait été faite par le chef de la Katiba Macina Amadou Koufa selon un enregistrement qui lui serait attribué. Sans aucune confirmation de cet enregistrement, il sème néanmoins le doute dans l’esprit des maliens dans un contexte où la région de Nioro du Sahel qui est le fief de la confrérie omarienne traverse une crise sans précédent avec la montée des groupes armés djihadistes avec des conséquences sur la cohésion sociale, le vivre - ensemble et la sécurité des populations locales.
Au Mali, l’heure est à l'apaisement entre le gouvernement de transition et la classe politique après quatre années de poursuites judiciaires de diverses natures. En témoigne la libération de l’ancien Ministre malien de l’Énergie et des Mines Lamine Seydou Traoré qui a rejoint son domicile à Bamako le 03 décembre après plus de 10 mois sous mandat de dépôt. Pour rappel, il avait été impliqué dans une affaire d’achat de 27 groupes électrogènes et de 2 transformateurs, un important marché de 6,2 milliards de francs CFA attribué à Case Construction. Des responsables de la société d’électricité, EDM, ainsi que des opérateurs économiques étaient également inculpés dans cette affaire. Ils étaient tous poursuivis pour ”faux, usage de faux, et atteinte aux biens publics”, même si Lamine Seydou Traoré a toujours clamé son innocence.
Toujours dans une dynamique d'apaisement entre les autorités et la classe politique, le 05 décembre, plusieurs opposants aux autorités ont obtenu une liberté provisoire après plusieurs mois d’emprisonnement. Ils avaient été accusés de poursuivre leurs activités politiques à un moment où celles-ci avaient été interdites sur l’étendue du territoire malien et donc poursuivis pour « complot contre les autorités légales et réunion illégale ». Parmi les personnes libérées, figurent d’anciens ministres, des chefs de partis et de mouvements politiques qui, ensemble, avaient signé une déclaration qui exhortait les autorités à rendre le pouvoir aux civils. Dans l’anonymat, un des opposants libérés déclare :"Nous sommes tous rentrés à la maison. Le procureur nous a dit que c'est une liberté provisoire mais sans contrôle judiciaire et sans restriction de voyage".
Après des années de travail, le Mali vient de franchir une étape importante dans le cadre du renforcement de sa sécurité par la finalisation par des experts maliens de la nouvelle politique de sécurité nationale. Un nouvel outil d’organisation stratégique sous la direction du Général Yamoussa Camara visant à renforcer la sécurité et à prévenir les conflits par l’implication de tous les acteurs concernés pour plus d’inclusivité. Face à la menace sécuritaire, il y va de la réussite de la politique nationale de sécurité que tous les acteurs s’impliquent et que l’État mette à disposition les ressources nécessaires pour plus d’efficacité dans la mise en œuvre.
Dans la récente étude menée par le Timbuktu Institute sur les perceptions locales des coopérations sécuritaires au Sahel et en Afrique de l’Ouest et qui a couvert la Côte d’Ivoire, le Niger, le Sénégal et le Togo, une place importante a été accordée à la place des réseaux sociaux et de la guerre de l’information dans la « fabrique » des opinion publiques et des perceptions tenaces. Il est vrai que la reconfiguration de l’échiquier géopolitique mondial est désormais palpable. Dans ce contexte d’un nouveau « grand jeu », l’Afrique occupe une place importante. Ses problématiques sociales, politiques, économiques et sécuritaires sont manifestement au cœur d’enjeux globaux, amenant ainsi les grandes puissances à jouer des coudes, pour se positionner. Ainsi, le continent où les réseaux connaissent une percée fulgurante, devient un haut lieu de la guerre informationnelle, en l’occurrence dans le cadre de la coopération sécuritaire. Pour tenter de saisir ce qui s’y joue en ce sens, il est possible d’orienter la réflexion vers deux paramètres principaux. D’une part, par l’analyse des réseaux sociaux comme nouveaux moyens d’informations et d’influence sur la compréhension de l’actualité, puis en examinant les réseaux sociaux entre le marteau des signaux d’une guerre informationnelle et l’enclume d’acteurs favorisant la désinformation, d’autre part.
L’Afrique est devenue la cible de manœuvres propagandistes de la part d’individus et/ou de groupes divers qui s’inscrivent dans une quête accrue d’influence et d’intérêts géostratégiques. Les questions politiques et sécuritaires, déjà sensibles et préoccupantes, se trouvent en première ligne des manipulations désinformationnelles. Cette guerre des réseaux sociaux, jadis plus connue comme une tactique des armées, est devenue globale avec l’hyper-connectivité, et déplace le champ de bataille en transposant ainsi les conflits physiques dans l’espace virtuel. De plus, le schéma des confrontations ayant muté, plusieurs territoires se retrouvent au milieu de guerres dont elles ne sont ni la cause principale, ni un grand privilège. En effet, de plus en plus, les guerres classiques où deux antagonistes s’opposent directement, laissent le champ à des conflits à distance ou par « procuration ». Ce qui explique que certains conflits qui ont refait surface, notamment entre la Russie et l’Ukraine, ont eu des contrecoups ailleurs comme en Afrique.
Avec l’avènement des réseaux sociaux, la communication a été libéralisée. La profusion des médias de diffusion et d’influenceurs entraîne une surexposition croissante à l’information, qu’elle soit professionnelle, publicitaire ou liée à l’actualité. Aujourd’hui, cette information s’échange, se relaie de manière informelle, permanente, intangible entre individus selon des flux complexes, sans traçabilité claire, sans émetteur centralisé. Le Sahel, de plus en plus instable sur les plans politique et sécuritaire, est vulnérable à ce phénomène que les frontières terrestres n’arrêtent guère. De nouveaux enjeux géostratégiques favorisés par le changement de régimes dans certains pays de l’Afrique de l’Ouest et leurs désirs de rompre avec d’anciens partenaires internationaux, ont exacerbé les conflits d’intérêts et les luttes d’influences sur les réseaux sociaux et internet par les campagnes dites de désinformation. Ainsi, peut se poser la question de savoir si les réseaux sociaux ne sont pas devenus une entrave aux actions des partenaires extérieurs.
A la question « Par quels moyens vous informez-vous habituellement ? », 73% des personnes interrogées optent pour les réseaux sociaux (graphique 27). Les canaux classiques d’information (télévision, radio, presse) sont rudement concurrencés, voire supplantés par les réseaux sociaux. D’ailleurs, comme le souligne un ancien président de la Convention des Jeunes Reporters du Sénégal, c’était par les médias traditionnels que nous informions les populations sur les questions sécuritaires. Depuis, tout a changé. Les réseaux sociaux sont désormais considérés comme le moyen d’information alternatif pour « échapper à la propagande d’État et des puissances dominantes » et à la restriction de la liberté d’information et d’opinion. L’ère des technologies de l’information et de la communication consacre non seulement une démocratisation de l’accès à l’information, mais aussi consolide les acquis en matière de liberté d’expression. C’est dans ce sillage que dans tous les pays de la zone à l’étude, les répondants sont majoritaires à affirmer de manière quasi harmonieuse que lesdits réseaux consolident la liberté d’expression et l’éveil des consciences.
On assiste ainsi à une ère d’hyper-connectivité qui nécessite de gagner la bataille de l’information virtuelle pour pleinement peser dans ce nouveau marché de l’information. D’ailleurs, une écrasante majorité des répondants soutiennent que les réseaux sociaux influencent leur compréhension de l’actualité. Toutefois, il semble se dégager une prise de conscience quant à la prudence que requiert l’information relayée sur les réseaux sociaux en termes d’influence sur cette compréhension de l’actualité, si l’on s’en tient au pourcentage pensant le contraire. (graphique 29).
Aujourd’hui, avec l’avènement des réseaux sociaux, il y a beaucoup de désinformation, voire une guerre de positionnement pour promouvoir telle puissance étrangère ou telle autre. Dans ce sillage, un des membres actifs de la société civile interrogé au Sénégal confirme qu’il est possible « qu’on nous montre des vidéos où des photos disant que les partenaires étrangers sont en train de piller nos ressources, mais après vérification avec le fact-checking, on se rend compte après que c’est une fausse information ». Malgré cette prise de conscience des acteurs, les populations sénégalaises sont les plus enclines à être influencées par les réseaux sociaux par rapport à leur compréhension de l’actualité (41% de oui), comparé au reste de la zone à l’étude. La Côte d’Ivoire semble mieux saisir la nécessité de discernement entre moyen d’information et influence sur la compréhension de l’actualité politique. Curieusement, le Niger arrive en seconde position, derrière la Côte d'Ivoire (graphique 30).
Les populations sénégalaises sont les plus enclines à être influencées par les réseaux sociaux par rapport à leur compréhension de l’actualité (41% de oui), comparé au reste de la zone à l’étude. La Côte d’Ivoire semble mieux saisir la nécessité de discernement entre moyen d’information et influence sur la compréhension de l’actualité politique. Curieusement, le Niger arrive en seconde position, derrière la Côte d'Ivoire (graphique 30).
A la question « Avez-vous ressenti sur les réseaux sociaux les effets ou signaux d’une guerre d'information entre les partenaires étrangers dans votre pays ? », l’écrasante majorité (87%) a répondu par la négative. C’est seulement 13% des personnes interrogées qui ont affirmé avoir fait ce constat dans leurs pays respectifs. Comme le montre le graphique (graphique 31), il y a un énorme besoin de sensibilisation sur les enjeux de la désinformation qui ne semblent pas être saisis par les jeunes dans ces différents pays. Les tendances pays sont quasi identiques en termes de pourcentage qui avoisinent ou arrivent au seuil de 90% de non (graphique 32).
Les mêmes réponses sont relevées lors des entretiens individuels. A titre d’exemple, un Directeur exécutif d’un réseau de jeunes de la société civile en Côte d’ivoire affirme dans ce même sillage : “Entre les puissances étrangères pas forcément (...). Ce que j’ai plutôt remarqué, ce sont des sujets très enflammés entre internautes au sujet de la guerre en Ukraine entre les pro-occidentaux et les pro-russes avec aussi le sujet des relations difficiles entre le Mali et la France par extension entre la Côte d’Ivoire et le Mali au sujet des 49 soldats ivoiriens. Ces sujets ont fait l’objet de ce qu’on pourrait qualifier de « guerre informationnelle » pas entre puissances étrangères mais entre internautes. Pendant ce temps, un acteur religieux, non moins étudiant en fin d’étude, d’attirer l’attention sur l’existence de la bataille informationnelle. Ainsi, soutient-il : « La guerre informationnelle est présente. Avec la présence des mercenaires de Wagner qui menacent la France dans son pré carré, chaque camp essaie de mener sa guerre informationnelle pour contrer l’hégémonie de l'autre. » Pour ce qui est du Togo, les mêmes tendances lourdes se dégagent, certains acteurs confirment l’inexistence de la guerre informationnelle, tout en soulignant l’influence d’autres pays : « Ça ne concerne pas notre pays, c'est surtout le Mali et le Burkina Faso ».
La guerre de l’information, plus précisément la désinformation, impacte la perception de l’action des partenaires extérieurs en matière de lutte contre le terrorisme. En effet, on note, de plus en plus, la circulation de messages mettant en cause la sincérité de la France dans la lutte contre le terrorisme. Dans l’opinion publique et surtout à travers les réseaux sociaux, il est, ouvertement défendu que la France soutient, par moment, des terroristes pour justifier d’une présence militaire lui donnant la possibilité d’exploiter illégalement les ressources des zones en crise. Ce qui, dans les perceptions, justifierait les résultats mitigés de son action et légitimerait la volonté de certains pays, comme le Mali et le Burkina Faso, de se libérer des accords de défense signés avec ce pays. Des thèses qui restent favorables à l’influence de la Russie de pousser ses pions dans ce qui était jusque-là considéré comme le pré-carré français. De même, une affirmation assez révélatrice d’un climat délétère a été relevée au Niger où un acteur de la société civile s’est fendu d’un commentaire : « Par la désinformation on arrive souvent à accuser les partenaires occidentaux de fournir des armes et de la logistique aux terroristes ». Ces différentes tendances montrent que certaines informations ternissant l’image de partenaires extérieurs classiques tendent à devenir virales et méritent une attention particulière.
Pour toutes ces raisons, la question relative aux acteurs de la désinformation sur les plateformes virtuelles en Afrique de l’Ouest et au Sahel a été prise en charge dans le cadre de l’enquête. Les réponses placent les médias et les « influenceurs » en tête parmi les principaux vecteurs. Les médias en seraient les principaux responsables (47%), suivis de très près des influenceurs (44%) et de loin des activistes (28%). Ici, l'influenceur est perçu comme une personne qui utilise les réseaux sociaux, les blogs, les vidéos et autres moyens de communication sur le web pour diffuser ses opinions auprès des internautes et qui est capable d'influencer ces derniers en modifiant leurs modes de consommation, alors que l’activiste désigne une personne qui s'attache à une cause politique, économique, environnementale ou sociale et qui milite intensément pour la défendre à travers la publication sur les réseaux sociaux des opinions en vue de parvenir au changement économique, politique, environnemental ou social souhaité au sein de la société[1]. Les gouvernements, groupes extrémistes violents et seulement en dernière position les partenaires étrangers, jouent également le rôle d’acteurs dans la désinformation qui monte au crescendo (graphique 33).
Ce résultat montre que la désinformation résulterait d’une chaîne dont chacun des maillons précités joue un rôle. Autrement dit, la responsabilité est partagée entre acteurs locaux non institutionnels, pouvoirs publics et partenaires extérieurs. Toujours par rapport à la même question, chaque pays cite principalement un acteur. Pendant que les Sénégalais pointent du doigt les médias en tant qu’acteurs principaux de la désinformation (48%), au Togo on pense qu’il s’agit plutôt des « influenceurs » (37%), pendant qu’en Côte d’ivoire on indexe plus les « activistes » (36%). Le Niger, se distingue là encore du reste de la zone d’étude où les répondants pointent du doigt les partenaires étrangers (10%)
En somme, l’utilisation des réseaux sociaux n’est pas sans défis. Même si on ne peut nier ses avantages en termes de démocratisation de l’accès aux informations, nombre de risques sont liés aux différents usages des réseaux sociaux qui font d’ailleurs l’objet de politique de régulation. Déjà en 2019, un communiqué de Facebook déclarait avoir supprimé des centaines de comptes, de pages, d’événements et de groupes de son réseau social et d’Instagram pour motif de diffusion de fausses informations politiques. Le Sénégal, la Tunisie, l’Angola, le Niger et le Togo ont été parmi les cibles de cette opération. L’étude s’est déroulée dans un contexte où on parlait d’un sentiment anti-français qui se serait développé, notamment au Mali où des relations diplomatiques ont été rompues et de plus en plus au Niger où des drapeaux tricolores ont été brûlés. Chez l’un, le retrait des forces armées françaises est effectif et chez l’autre, l’exigence de ce retrait était déjà l’une des principales doléances de la société civile.
Cet article est une version reprise et adaptée de certaines conclusions du rapport intitulé « Sahel - Afrique de l'Ouest : Les coopérations sécuritaires et de développement à l’épreuve des perceptions locales », publié par le Timbuktu Institute, le 16 janvier 2025.
Timbuktu Institute – Janvier 2025
Télécharger le rapport intérgral
Ce rapport a été élaboré à partir de données quantitatives et qualitatives collectées entre le 23 mai et le 24 juin 2023. Après l’épisode de Barkhane au Mali, l’exigence du départ précipité des forces françaises, puis américaines du Niger suite au coup d’État du 26 juillet 2023, a remis à l’ordre du jour le débat sur les coopérations sécuritaires. Mais, au-delà des aléas de la géopolitique et des accords entre États, les perceptions de ces coopérations par les populations locales ont pesé sur leur évolution dans un contexte sahélien où les sociétés civiles se sont approprié le débat sécuritaire qui n’est plus l’apanage des élites politiques, encore moins des gouvernants. Pour dire que la question posée aujourd’hui du démantèlement des bases militaires françaises de pays comme le Tchad, la Côte d’Ivoire et le Sénégal n’est que l’aboutissement d’un long processus enclenché depuis quelques décennies, bien qu’il faille lier une telle situation à un contexte de montée globale et inédite des souverainismes qui n’a pas épargné l’Afrique.
Considérée, dans les perceptions entretenues par un discours politique et militant comme une relique de la colonisation, la présence militaire française, par exemple, a, depuis plus de trente ans, fait l’objet de débats et de controverses nourris, sous bien des aspects, par les « inconséquences » de la politique africaine de la France, finalement schématisée par l’expression « Françafrique ».
Mais, ce processus a connu différents tournants pendant la dernière décennie particulièrement marquée par la lutte contre le terrorisme au Sahel. La recrudescence du phénomène terroriste au Sahel a poussé les États de la région à développer la coopération militaire avec la France et d’autres puissances, en tant que trouvaille pour une réponse immédiate face au péril sécuritaire. Après l’opération Serval qui avait symbolisé, en son temps, un certain succès assez temporaire de ce type de coopération et d’intervention d’une force étrangère sur la demande d’un pays sahélien, la mise en place de l’opération Barkhane allait inaugurer une nouvelle ère de pérennisation d’une présence contenant en elle-même les germes de sa propre contestation.
Très vite, les « héros » libérateurs vont être perçus comme des « occupants » dans un contexte marqué par des échecs successifs, des bavures réelles ou présumées mais aussi une montée en puissance de sentiments souverainistes. En fait, le contexte de la guerre informationnelle au Sahel auquel on impute la montée d’un certain « sentiment anti-français », ne fut qu’un facteur aggravant d’une situation qui était déjà rendue complexe par un « conflit de perception du conflit » entre les conceptions internationales et les perceptions locales.
Il est vrai que le contexte délétère créé par la guerre informationnelle durablement installée au Sahel et accentuée par le conflit en Ukraine, de même que le repositionnement de la Russie dans la région, a dû peser sur de telles perceptions. Elles trouvaient déjà leurs racines profondes dans la contestation des politiques sécuritaires défaillantes des États sahéliens eux-mêmes face au terrorisme gagnant du terrain. Il s’y ajoute que des théories « complotistes » pour certains, nourries par la « désinformation », entretenaient l’idée d’une connivence entre terroristes et certaines puissances étrangères. Ainsi, les coups d’État successifs au Mali, au Burkina Faso et au Niger, ne semblent avoir été que des accélérateurs d’un processus de « désamour » qui a ensuite surfé sur des facteurs, des imaginaires et des perceptions qu’il était nécessaire de sonder.
La coopération militaire a été l’une des premières solutions conçues et développées pour repousser l’assaut des groupes terroristes que ce soit en Afghanistan ou encore au Sahel. Dans cette dernière région, l’opération Serval, au début de la crise malienne, s’inscrivit, alors, dans le contexte d’une coopération militaire en situation d’urgence qui a finalement été inscrite dans la durée. Mais, très vite, au rythme des attaques et de la propagation des zones de conflit, ce qui semblait être une solution temporaire s’inscrivit dans la durée sans qu’une communication adéquate accompagnât les actions et les initiatives. Il s’est, depuis, installé un sentiment d’incompréhension pouvant aller jusqu’au rejet par les populations locales tout en posant d’importants problèmes politiques internes aux États qu’elle était censée soutenir et renforcer. Ainsi, la lutte contre le terrorisme qui avait créé, pour un temps, une convergence de vues entre États sahéliens et partenaires internationaux, a finalement contribué à diviser et faire ressurgir de vieux démons, tels que la suspicion d’un « impérialisme » occidental et une vision encore plus négative des interventions militaires extérieures.
Ce phénomène d’une appréciation négative des coopérations sécuritaires s’est amplifié avec l’effet des réseaux sociaux et, pour certains, des campagnes de désinformation, alimentant l’incompréhension et parfois le rejet de l’action des puissances occidentales, notamment de la France dans la région sahélienne. A partir de 2015, commence à se poser un véritable débat au sein de la classe politique, de l’intelligentsia et des sociétés civiles africaines qui se nourrit des contradictions et incohérences de tous bords. D’un côté, jusqu’aux derniers ajustements paradigmatiques vers un nexus sécurité-développement avec la mise en place d’initiatives comme l’Alliance Sahel, les puissances occidentales étaient perçues comme principalement focalisées sur l’option du tout-militaire. De l’autre, cette stratégie du « nexus » peine, encore aujourd’hui, à arriver à bout du terrorisme alors que la menace sécuritaire persiste.
Cependant, dans le cadre de la mitigation des stratégies à dominante sécuritaire, il a été de plus en plus défendu l’idée d’agir aussi sur le développement et d’accentuer la coopération pour une approche dite holistique de l’insécurité qui était aussi due à des problèmes dits de développement.
Pendant ce temps, les États africains se trouvent devant la difficulté de devoir communiquer sur la question sécuritaire qui relevait, jadis, de « domaines réservés » face à des sociétés civiles qui se sont progressivement appropriées les questions sécuritaires. Dans les opinions africaines, il s’est imposé une perception selon laquelle, la coopération internationale semble instaurer une primauté de la sécurité sur le développement. Cette perception avait conduit à une autre : l’impression d’une inversion de l’agenda africain de développement qui semblerait favoriser l’approche sécuritaire. Bien que découlant d’une initiative d’États de la région, même l’action du G5 Sahel fut assimilée, au sein des opinions publiques y compris des élites, à un suivisme stratégique voire un programme préconçu de l’extérieur..
Il y avait, aussi, la perception dominante selon laquelle, la promotion appuyée du G5 Sahel par l’Europe et surtout la France, était une manière de déposséder la CEDEAO de la question sécuritaire au profit de pays dans le « giron français » évitant ainsi une hostilité ou une éventuelle méfiance du Nigeria et du Ghana anglophones.
Tous ces paramètres et facteurs combinés, font qu’il était nécessaire de sonder les perceptions et d’interroger les acteurs sahéliens et ouest-africains sur la pertinence, la portée et leur propre appréciation des coopérations sécuritaires et de développement.
L’idée d’éviction des dépenses dites de « développement » par celles de « sécurité » continue aussi d’animer les débats entre experts et décideurs de la région. En effet, selon une étude de Chaire Sahel – non publiée - qui propose une analyse comparée de l’évolution des dépenses publiques, des dépenses militaires et des dépenses de santé et d’éducation - dans les pays du G5 Sahel, il existerait un lien établi entre les évolutions des dépenses militaires d’un côté, de santé et d’éducation de l’autre[1]. Il en ressort qu’au Burkina Faso, par exemple, « la hausse des dépenses publiques observées tendanciellement jusqu’en 2009 puis qui s’est accélérée ensuite a bénéficié aux trois types de dépenses étudiées. La part relative de chacune s’est à peu près maintenue jusqu’en 2016, année après laquelle on observe une hausse de la part des dépenses militaires sans qu’il soit possible de comparer avec la part des dépenses d’éducation et de santé, faute de données disponibles.[2] ». Ce constat qui semble durablement marquer une opinion publique ouest-africaine dubitative sur l’efficience des coopérations sécuritaires, a tout son poids sur les perceptions que ce rapport a tenté d’étudier, bien avant le débat et l’actualité sur les présences militaires et la fermeture des bases étrangères.
Il est à noter que la présente étude est une initiative-pilote qui n’a pu couvrir ni tous les pays, encore moins toutes les catégories d’acteurs pertinents. Cette limite s’explique par la difficulté de mobiliser toutes les capacités et ressources nécessaires, en plus du contexte politico-sécuritaire qui a fait que, par exemple, les chercheurs au Burkina Faso n’ont pas pu dérouler le questionnaire et effectuer les entretiens qualitatifs. Pour l’analyse des perceptions sur les coopérations au développement, il subsiste aussi la difficulté matérielle de cibler des personnes disposant des capacités suffisantes pour s’exprimer sur leur pertinence.
Timbuktu Institute - January 2025
As Dr. Bakary Sambe, Regional Director of the Timbuktu Institute,often reminds us, “since misinformation is a structural problem, it logically requires equally structural responses that take into account local specificities to avoid cultural bias in the development of solutions”. So, while it's important to combat misinformation in its current manifestations, it's also essential to find solutions to the root causes of the scourge. As part of its efforts to promote local solutions and approaches to combating misinformation, the Timbuktu Institute - African Center for Peace Studies continues to give a voice to local players and civil society organizations, with the aim of encouraging the emergence of local, endogenous initiatives to combat this phenomenon. This week, the Timbuktu Institute - African Center for Peace Studies spoke to journalist and founding member of the Chad Bloggers Association, Emmanuel Deuh'b, who believes that media education must be integrated as a priority from the earliest stages of the school curriculum.
What are the main vectors of misinformation in Chad, particularly in the context of the security crisis?
In 2019, around 5% of Chadians were connected to social networks. Today in 2024, this rate has increased significantly because, among other things, the price of the internet connection has dropped considerably. And when the number of Internet users increases, it goes without saying that the abuses associated with Internet use are also likely to increase. In recent years, there's been a lot of information clutter. When we talk about misinformation, we're talking about disinformation proper, i.e. information manipulated to mislead people. There's also misinformation, which has the same purpose, but refers more to when information is based on fact, but is deliberately exaggerated by its disseminator. Then there's misinformation, which this time consists of sharing false information, but without knowing it, i.e. without necessarily intending to deceive. This latter form is the most prevalent in Chad, because most people who share false information do so unknowingly, since the general public is not very familiar with the subject of misinformation. Having said that, there aren't many people who intentionally fabricate false information, because we're still an embryonic country in digital terms. On the other hand, until recently, Chad was the only country in the Sahel with a particularly strong French military presence. Over the past few years, this situation has created an information war between France and Russia, resulting in the circulation of a considerable amount of false information.
What role do local media, community leaders and state authorities play in combating misinformation?
I think they play a lesser role. The reality is that there aren't many players involved in the fight against misinformation in Chad - I may be one of the pioneers. However, organizations like the digital hub Wenaklabs have put strategies in place to combat misinformation. Apart from that, few entities exist in this area. It has to be said that local authorities are not really involved in the fight against misinformation. There's ANCISE (Agence Nationale de Sécurité Informatique et de la Certification Électronique), a kind of digital police force that exists with laws and texts, but their applicability remains unclear, not to mention the fact that it doesn't really invest in campaigns to combat disinformation. That's why I'm personally trying to approach certain officials and authorities, with the aim of convincing them of the need to take action as state regulators in this fight. As it happens, however, they don't have the resources to implement their policies, which makes it difficult to put these ideas into practice. As far as I'm concerned, since there's a real lack of resources, I'm in the process of setting up a structure that will make it easier to understand the issues surrounding disinformation.
How does misinformation impact on security crisis management and social cohesion, particularly in vulnerable areas?
An example from two years ago, during the events of October 20, 2022, when anti-government demonstrations were harshly repressed, is particularly telling. During this period, there was a lot of false information circulating about the fact that in Chad, there is an old feud between the Muslim-majority North and the Christian-majority South, which has its roots in the Chadian civil war (1965-1979). In the process, ill-intentioned people took advantage of the troubled situation to rekindle the flame of war, claiming that people in the South were massacring Muslims, when in fact these were images from the Central African Republic. During this period, with the Chad bloggers' association, we were in the middle of a training session, which was a godsend for quickly re-establishing the truth. Similarly, during the previous presidential election, a lot of fake news circulated, but we tried to mitigate its impact in real time.
What local solutions could be put in place to effectively combat misinformation?
The first step is to focus on media education, starting in primary school. A lot of training is given to young people and students, but we tend to forget about teachers. Teachers are essential, as they are in direct daily contact with pupils. This all-encompassing approach will help raise awareness and combat the problem at grassroots level. In addition, we need to make the authorities aware of the importance of combating misinformation, which is a global phenomenon with harmful consequences for democracy. As the primary actors in democratic health, governments should be taking this fight seriously, but unfortunately they are not. What's needed, therefore, is effective awareness-raising among the relevant authorities, so that they invest, finance and take up the fight against disinformation head-on. Finally, journalists also need media education. In 2024, I trained hundreds of journalists on misinformation, but I don't think that's enough, because they still need effective and appropriate tools.
Interview by Kensio Akpo, Media Team, Strategic Watch, Timbuktu Institute
Timbuktu Institute – Janvier 2025
Comme le rappelle souvent Dr. Bakary Sambe, directeur régional du Timbuktu Institute, « la désinformation étant une problématique structurelle, elle exige en toute logique des réponses tout aussi structurelles prenant en compte les spécificités locales pour éviter des biais culturels dans l’élaboration des solutions ». Ainsi, tout en la combattant dans ses manifestations actuelles, il est essentiel d’y apporter également des solutions aux racines du fléau. Dans le cadre de son action de promotion des solutions et approches locales de lutte contre la désinformation, Timbuktu Institute – African Center for Peace Studies continue de donner la parole aux acteurs locaux et organisations de la société civile dans le but de faire émerger des initiatives locales et endogènes contre ce phénomène. C’est dans ce cadre que le Timbuktu Institute – African Center for Peace Studies s’est entretenu, cette semaine, avec le journaliste et membre fondateur de l'Association des blogueurs du Tchad, Emmanuel Deuh’b, qui estime que l’éducation aux médias doit être intégrée comme une priorité dès les premières étapes du cursus scolaire.
Quels sont les principaux vecteurs de désinformation au Tchad, notamment dans le contexte de la crise sécuritaire ?
En 2019, nous étions environ 5% de Tchadiens connectés sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui en 2024, ce taux a augmenté de manière significative parce qu’entre autres, le prix de la connexion internet a considérablement diminué. Et lorsque le nombre d’internautes augmente, il va de soi que les dérives liées à l’utilisation d’internet sont aussi portées connaître une augmentation. Ces dernières années, il y a eu beaucoup de désordre informationnel. Lorsqu’on parle de désinformation, il y a la désinformation proprement dite, c’est-à-dire l’information manipulée dans le but de tromper les gens. Il y aussi la mal-information qui a le même but, mais qui fait plus référence à lorsqu’une information se repose un fait, mais est volontairement exagérée par son diffuseur. Ensuite, la mésinformation qui consiste cette fois-ci à partager de fausses informations, mais sans le savoir c’est-à-dire sans avoir nécessairement l’intention de tromper. Cette dernière forme est la plus présente au Tchad parce que la plupart des gens qui partagent de fausses informations le font sans le savoir parce que les populations n’ont pas de manière générale une connaissance assez poussée de la thématique de la thématique de la désinformation. Cela dit, les personnes qui fabriquent intentionnellement des fausses informations ne sont pas nombreuses car nous sommes par ailleurs, un pays encore embryonnaire sur le plan digital. D’un autre côté, le Tchad, en tout jusqu’à récemment, est resté le seul pays du Sahel où la présence militaire française est restée particulièrement affirmée. Cette situation a créé depuis quelques années, une guerre informationnelle entre la France et la Russie, occasionnant ainsi dans ce cadre, une circulation non-négligeable de nombreuses fausses informations.
Quels rôles jouent les médias locaux, les leaders communautaires et les autorités étatiques dans la lutte contre la désinformation ?
J’estime que ce rôle est moindre. La réalité est qu’il n’existe pas beaucoup d’acteurs engagés dans la lutte contre la désinformation au Tchad, j’en suis peut-être l’un des pionniers. Toutefois, des organisations comme le Hub digital Wenaklabs a mis des stratégies en place pour lutter contre la désinformation. En dehors de cela, peu d’entités existent à ce propos. Il faut dire que les autorités locales ne se sont pas vraiment impliquées dans la lutte contre la désinformation. Il y a l'ANCISE (l'Agence Nationale de Sécurité Informatique et de la Certification Électronique), une sorte de police numérique qui existe avec des lois et textes mais leur applicabilité demeure floue, en plus du fait qu’elle ne s’investit pas réellement dans des campagnes de lutte contre la désinformation. C’est pour cela j’essaie, à titre personnel, de me rapprocher de certains responsables et autorités, dans le but de les convaincre de la nécessité d’initier des actions en tant que régulateurs étatiques dans cette lutte. Seulement, il se trouve qu’ils ne disposent pas de moyens pour leurs politiques, ce qui fait que les velléités à ce sujet ont du mal à être matérialisées. Pour ma part, vu qu’il y a un réel manque, je suis en train de chercher à mettre sur pied une structure qui permettra de vulgariser davantage la thématique et les enjeux de la désinformation.
Comment la désinformation impacte-t-elle la gestion de la crise sécuritaire et la cohésion sociale, en particulier dans les zones vulnérables ?
Un exemple survenu il y a deux ans, pendant les événements du 20 octobre 2022 où des manifestations contre le pouvoir ont été durement réprimées, est particulièrement parlant. En effet, durant cette période, il y avait eu beaucoup de fausses informations qui circulaient sur le fait qu’au Tchad, il existe une vieille querelle entre le Nord à majorité musulmane et le Sud à majorité chrétienne, qui prend ses sources dans la guerre civile tchadienne (1965-1979). Ce faisant, des personnes mal intentionnées ont profité de la situation de trouble pour rallumer cette flamme belliqueuse, prétendant qu’au Sud, des gens massacreraient des musulmans alors que c’était des images provenant de la Centrafrique. Pendant cette période, avec l’association de blogueurs du Tchad, nous étions en pleine session de formation, ce qui a été une aubaine pour rapidement rétablir la vérité. De même, lors de la précédente présidentielle, nombre de fake news ont circulé, mais nous avions essayé d’atténuer en temps réel, leur portée.
Quelles approches de solutions locales pourraient être mises en place pour lutter efficacement contre la désinformation ?
Il faut commencer par mettre l’accent sur l’éducation aux médias, dès les classes de primaires. Beaucoup de formations sont effectuées à l’endroit des jeunes et étudiants, mais l’on a tendance à oublier la catégorie des enseignants. Ces derniers sont essentiels dans la mesure où ils sont au contact direct et quotidien des élèves. Cette approche globale permettra une sensibilisation et une lutte à la base. En outre, il faut faire prendre conscience aux autorités de l’importance de la lutte contre la désinformation parce que celle-ci est un phénomène mondial qui a des conséquences nuisibles sur la démocratie. En tant que premiers acteurs de la santé démocratique, les États qui devraient prendre cette lutte au sérieux, ne le font malheureusement pas. Il faut donc une sensibilisation efficace à l’égard des autorités compétentes pour qu’elles s’investissent, financent et prennent à bras le corps, la lutte contre la désinformation. Pour finir, les journalistes ont aussi besoin de cette éducation aux médias. En 2024, j’ai formé des centaines de journalistes sur la désinformation mais j’estime que cela n’est pas suffisant parce qu’ils ont encore besoin d’outils efficaces et appropriés.
Interview réalisée par Kensio Akpo, Équipe média, Veille stratégique, Timbuktu Institute
Timbuktu Institute - January 2025
As part of its efforts to promote local solutions and approaches to the fight against disinformation, the Timbuktu Institute - African Center for Peace Studies is giving the floor to local players and civil society organizations, with the aim of encouraging the emergence of local and endogenous initiatives to combat this phenomenon which, according to Bakary Sambe, represents “a destabilizing factor and a setback for democracy in a context of instability and insecurity in the Sahel”. This interview with Harouna Drabo Simbo (FasoCheck) from Burkina Faso is the first in a series of interviews to be conducted and published over the coming weeks. In a sensitive and unstable politico-security context, it is clear that misinformation often contributes to aggravating the situation.With this in mind, approaches to combating misinformation need to be both coordinated and comprehensive. To achieve this, “we need to build an alliance between organizations specializing in the fight against disinformation, the mainstream media, civil society organizations and public institutions”, asserts this journalist from the fact-checking platform, FasoCheck.
What are the main vectors of misinformation in Burkina Faso, particularly in the context of the security crisis?
First of all, there are the digital platforms, in this case the social networks. Facebook, X (formerly Twitter) and TikTok, the most widely used social networks, are the main channels for disinformation. Then there are private messaging services like WhatsApp, which is very popular in Burkina Faso. Insofar as WhatsApp has the characteristics of confidentiality, intimacy and affinity between people in discussion groups, it becomes a privileged place for the dissemination of false information. The socio-political and security crisis that the country is currently experiencing is leading to a form of repression on freedom of expression and the press, reducing the space for debate. As a result, people are expressing themselves much more in private messaging services, the antechambers for the circulation of fake news.
What role do local media, community leaders and state authorities play in the fight against misinformation?
We keep saying that every player in public life - the media, public authorities and civil society organizations - has an important role and responsibility. First and foremost, the local media, which produce local information that takes into account the socio-cultural singularities of populations, mainly by broadcasting their information in local languages. These media are, to use a military expression, the armed arm that can be used to broadcast fact-checking articles in radio formats, adapted to the information consumption habits of grassroots populations. When you look at fact-checking initiatives, you notice that the articles are published on French-language websites, even though the vast majority don't understand this language. Meanwhile, false information circulates in the local language. What we need to do now, and what we've been doing for the past two years, is to adapt fact-checking content into audio format and radio capsules for broadcast in the local media. This enables people to find out what's really going on, and to understand that the news is not true. As far as the public authorities are concerned, it's mainly a question of developing public policies in this area. I'd say that, despite a slight delay, public institutions are beginning to run awareness campaigns. The BCLCC (Brigade centrale de lutte contre la cybercriminalité), the CIL (Commission de l'Informatique et des Libertés) and other organizations are all trying to raise awareness. We also have the beginnings of a law in the revised penal code that punishes the dissemination of false information. As for civil society organizations, there are several that raise awareness through forum theaters, with the aim of helping people understand that information can be manipulated and not to take everything at face value.
How does misinformation impact on security crisis management and social cohesion, particularly in vulnerable areas?
Disinformation today undermines peace-building efforts and amplifies socio-political instability. We have several examples that we have verified ourselves. Today, there are certain vulnerable areas where fake news has led to the displacement of populations. A report that a column of armed terrorist groups was on its way to attack a village created panic, prompting people to flee to a regional capital. In a situation where the means to provide increasingly scarce humanitarian aid are becoming increasingly scarce, this exacerbates the problem. As for security issues and diplomatic tensions with traditional international partners, these are often fuelled by instrumentalized fake news that adds fuel to the fire. These situations sometimes lead to demonstrations and the circulation of general denunciation narratives, when in fact such information, even if it includes a factual element, is nonetheless infox, aggravating an already fragile situation.
What local solutions could be put in place to effectively combat misinformation?
First and foremost, we need to build an effective alliance between organizations specializing in the fight against misinformation, mainstream professional media, civil society organizations and public institutions. Clearly, organizations specializing in the fight against misinformation make their verified content available to the mainstream media, with the aim of boosting the latter's audience. A second very important component of the mainstream media is the community radio stations located in the regions, provinces and hinterland in general. At this level, the verified content in question needs to be adapted into audio capsules in the main local languages for better dissemination. Then there's the third column: CSOs specializing in citizenship and social cohesion issues. The latter can seize upon the knowledge and analytical data on the underside of coordinated disinformation campaigns produced by fact-checking organizations. This will enable them, on the one hand, to raise awareness among grassroots populations, and, on the other, to draw up advocacy material for public authorities. Finally, these measures will enable the fourth column, i.e. state institutions, to take action. Effective coordination of these various actions can convince the authorities of the urgent need for appropriate and effective legislation and public policies. This, in a nutshell, is the fork in the road needed for a structural fight against misinformation.
Interview by Kensio Akpo - Media & Strategy Specialist - Timbuktu Institute
Timbuktu Institute – Janvier 2025
Dans le cadre de son action de promotion des solutions et approches locales de lutte contre la désinformation, Timbuktu Institute – African Center for Peace Studies, donne la parole aux acteurs locaux et organisations de la société civile dans le but de faire émerger des initiatives locales et endogènes contre ce phénomène qui représente, selon Bakary Sambe, « un facteur de déstabilisation et de recul de la démocratie dans un contexte d’instabilité et d’insécurité au Sahel ». Cette interview avec Harouna Drabo Simbo (FasoCheck) du Burkina Faso est la première d’une série d’entretiens qui seront réalisés et publiés ces prochaines semaines. Dans un contexte politico-sécuritaire sensible et instable, il est manifeste que la désinformation contribue souvent à aggraver la situation. Dans cette perspective, les approches de lutte contre la désinformation doivent être à la fois coordonnées et globales. Pour ce faire, « il faut bâtir une alliance entre les organisations spécialisées dans la lutte contre la désinformation, les médias classiques, les organisations de la société civile et les institutions publiques », affirme ce journaliste de la plateforme de fact-checking, FasoCheck.
Quels sont les principaux vecteurs de désinformation au Burkina Faso, notamment dans le contexte de la crise sécuritaire ?
Il y a d’abord les plateformes numériques, c’est-à-dire les réseaux sociaux en l’occurrence. À ce niveau Facebook, X (ex-Twitter) et TikTok qui sont les réseaux sociaux les plus utilisés, s’avèrent les principaux canaux de désinformation. A cela, il faut ajouter les messageries privées comme WhatsApp, très populaire au Burkina Faso. Dans la mesure où WhatsApp possède les caractéristiques de confidentialité, d’intimité et d’affinité entre personnes dans les groupes de discussions, il devient un endroit privilégié pour la diffusion des fausses informations. La crise socio-politique et sécuritaire que traverse actuellement le pays donne lieu à une forme de répression sur la liberté d’expression et de presse, réduisant ainsi les espaces de débat. Par conséquent, les gens s’expriment beaucoup plus dans les messageries privées, antichambres de circulation des fake news.
Quels rôles jouent les médias locaux, les leaders communautaires et les autorités étatiques dans la lutte contre la désinformation ?
Nous ne cessons de dire que chaque acteur de la vie publique, c’est-à-dire les médias, les pouvoirs publics et les organisations de la société civile ont un rôle et une responsabilité importante. D’abord, les médias locaux qui sont des producteurs d’information de proximité prenant en compte les singularités socio-culturelles des populations, principalement en diffusant leurs informations en langues locales. Ces médias sont, pour utiliser une expression militaire, le bras armé qui peut être utilisé pour diffuser des articles fact-checking en formats radio, adaptés aux habitudes de consommation de l’information des populations à la base. Lorsque vous observez les initiatives de fact-checking, l’on remarque que les articles sont publiés sont sur des sites web en langue française, alors que la grande majorité ne comprend pas cette langue. Pendant ce temps, la fausse information circule en langue locale. Ce qu’il faut donc aujourd’hui et c’est ce que nous faisons depuis deux ans, adapter les contenus de fact-checking en format audio et capsules radios pour les diffuser dans les médias locaux. Ceci permet ainsi aux populations de savoir réellement ce qui se passe et de comprendre qu’il y a du faux dans l’info. Concernant les pouvoirs publics, il s’agit surtout de l’élaboration de politiques publiques en la matière. Je dirais que malgré un peu de retard, il existe un début de campagne de sensibilisation émanant des institutions publiques. C’est le cas de BCLCC (Brigade centrale de lutte contre la cybercriminalité), la CIL (Commission de l'Informatique et des Libertés) ainsi que d’autres organismes qui essaient aujourd’hui de faire de la sensibilisation. Nous avons aussi un début de loi dans le code pénal révisé qui sanctionne la diffusion de fausses informations. Quant aux organisations de la société civile, il en existe plusieurs qui sensibilisent à travers des théâtres-forums, dans le but d’aider les populations à comprendre qu’une information peut être manipulée et de ne pas tout prendre pour argent comptant.
Comment la désinformation impacte-t-elle la gestion de la crise sécuritaire et la cohésion sociale, en particulier dans les zones vulnérables ?
La désinformation aujourd’hui annihile les efforts de construction de paix et amplifie l’instabilité socio-politique. Nous avons plusieurs exemples de cas que nous avons nous mêmes vérifiés. Aujourd’hui, il y a certaines zones vulnérables où des fake news ont provoqué des déplacements de populations. En effet, une information selon laquelle une colonne de groupes armés terroristes était en route pour attaquer un village, a créé la panique, poussant ainsi les populations à fuir vers un chef-lieu de région. Dans une situation où on souffre d'une raréfaction des moyens de prise en charge pour une aide humanitaire de plus en plus rare, cela empire le problème. Concernant les questions sécuritaires et les tensions diplomatiques avec des partenaires traditionnels internationaux, elles sont souvent nourries par des fakes news instrumentalisées qui mettent de l’huile sur le feu. Des situations qui causent parfois des manifestations et la circulation de narratifs de dénonciation générale, alors qu’au fond, ces informations, même si elles comportent une part de factuel, n’en demeurent pas moins de l’infox, envenimant ainsi une situation déjà fragile.
Quelles approches de solutions locales pourraient être mises en place pour lutter efficacement contre la désinformation ?
En premier lieu, il faut bâtir une alliance efficace entre les organisations spécialisées dans la lutte contre la désinformation, les médias professionnels classiques, les organisations de la société civile et les institutions publiques. En clair, les organisations spécialisées dans la lutte contre la désinformation mettent à la disposition des médias classiques leurs contenus vérifiés, dans le but d’amplifier l’audience de ceux-ci. Dans les médias classiques également, il y a une deuxième composante très importante, ce sont les radios communautaires situées dans les régions, provinces et l’arrière-pays en général. À ce niveau, les contenus vérifiés en question doivent être adaptés en capsules audio dans les principales langues locales pour une meilleure diffusion. Ensuite, la troisième colonne rentrant en jeu : les OSC spécialisées sur les questions de citoyenneté et de cohésion sociale. Ces dernières peuvent se saisir de ces connaissances et données analytiques sur les dessous des campagnes coordonnées de désinformation, qui sont produites par les organisations de fact-checking. Ceci pour d’une part mener une sensibilisation à l’endroit des populations à la base, puis pour dresser des contenus de plaidoyer à l’endroit des pouvoirs publics, d’autre part. Enfin, ces dispositions permettront à la quatrième colonne que sont les institutions étatiques, d’entrer en action. Une coordination efficace de ces différentes actions peut convaincre les autorités sur l’urgence d’une législation et de politiques publiques appropriées et efficaces. Tel est un peu, en termes d’approches, l’embranchement nécessaire pour une lutte structurelle contre la désinformation.
Entretien réalisé par Kensio Akpo - Spécialiste Média & Stratégies - Timbuktu Institute
Dr. Bakary Sambe, of the Timbuktu Institute, a think tank committed to the production of knowledge on peace, security and conflict resolution, has worked extensively on integration issues in West Africa. With the latest Ecowas Summit, where the departure of the countries of the Sahel States Alliance (SSA) seems to have been decided, he looks back in this interview at the possibilities and alternatives in the face of this situation.
1. At the last Ecowas summit, the regional body decided to record the departure of the Aes countries, while asking Senegalese mediation to continue. Do you believe in the possibility of a reconciliation?
As you know, this summit took place against a tense backdrop, and negotiations were already well underway in the region's diplomatic corridors. The Heads of State were aware of the immediate consequences of the planned application of article 91 of the 1993 revised ECOWAS treaty, with the grave risk of compromising not only decades of integration efforts, but also the regional security architecture in a context of unprecedented rise in the terrorist peril. There were two possible scenarios: A fait accompli with the withdrawal of the three SSA states from ECOWAS, with all its consequences, despite the possibility of mitigating the immediate effects (movement of people and goods) through regional cooperation frameworks and mechanisms such as WAEMU, of which Mali, Burkina Faso and Niger are still members. But the political and image consequences for ECOWAS would be far-reaching. The other option, of course, was to grant a delay in the form of a moratorium, which seems to have been the preferred outcome of the Summit. In any case, the guiding principle of preserving regional integration could still guide Senegal's position, given its status as a mediator, but also that of most of the ECOWAS driving states. The region needs stabilization efforts rather than disintegration factors, at a time when common security challenges alone call for a minimum of synergy both between SSA countries and between the various ECOWAS states. But what is reassuring from every point of view is that pan-Africanism and the safeguarding of regional integration now remain the two things best shared in ECOWAS and the countries of the SSA. And as the saying goes, those who can never part must necessarily walk together. While important from a symbolic point of view, the organization or form in which this shared awareness of the need for integration is materialized should in no way compromise the stakes involved in sealing a common destiny. Moreover, in the final communiqué issued at the end of last Sunday's summit, both in form and content, we sense the importance attached by ECOWAS to the fact of never prejudicing the diplomatic talks which must take their course.
2. Alongside Senegal, there is also Togolese mediation. Are these two countries well placed to carry out this mediation?
There are obvious reasons for choosing these two countries. Togo enjoyed privileged relations with the SSA countries, even at the height of the crisis, when ECOWAS threatened military intervention in Niger. But Senegal's position as mediator in this crisis gives it a legitimacy reinforced by our country's diplomatic tradition, which has made dialogue and the search for peaceful solutions part of its foreign policy credo. Senegal naturally embodies this role, in line with its pan-Africanist commitment - the achievement of African unity is one of the missions of the President of the Republic, as recalled in his oath - but also its economic and strategic interests, and the importance of good neighborliness, notably with Mali, a pivotal country within the SSA. In addition to these considerations, there is also the need for close and ongoing security cooperation with Mali in view of the terrorist threat, as well as an economic partnership that is vital to both countries. It is true that, on the eve of the summit, President Bassirou Diomaye Faye spoke of encouraging progress. It has to be said that Senegal's mediation had already won a major battle in this long-term process of diplomacy. This mediation ratified a collective awareness on all sides of the need to safeguard the gains of sub-regional integration. In my opinion, it was this shared awareness that even encouraged the positive signals sent out by the SSA countries on the eve of the Summit, when they were keen to give assurances regarding freedom of movement within the regional area, which has become an achievement of the ECOWAS peoples beyond the sometimes tumultuous life of organizations and the turbulence of diplomatic relations.
3. If the departure of the Aes countries is confirmed, won't the integration project be in serious jeopardy?
In itself, the creation of the Sahel States Alliance through the Liptako Gourma Charter presaged a weakening of ECOWAS and the tacit disappearance of the G5 Sahel, which was a key player in the fight against terrorism in the Sahel and West Africa in general. It also presented risks of fragmentation of regional counter-terrorism efforts, and a negative impact on the AU's efforts by weakening its role insofar as this new initiative will further complicate its attempts to coordinate security efforts on a continental scale. If such a crisis becomes entrenched, it will further affect the AU's perception at continental and international level, where it had gained much with the Senegalese Chairmanship and the acquisition of a seat at the G20, not to mention the weakening of its continental coordination role in other areas beyond counter-terrorism and economic cooperation. Learning from the mistakes of the crisis with Niger, which precipitated the creation of the SSA, ECOWAS will have to integrate the fact that the current crisis is conjunctural and that the battle of opinion with the peoples of the region, whose destinies are linked by history and geography, should not be lost. This is perhaps the meaning of the reforms to which the Senegalese president seems to be committed, despite his efforts to pick up the pieces. In addition to the necessary reforms, the gamble to be taken is that of putting on a good show in asserting the desire to strengthen integration and not lose face with the peoples of the region, including those of the SSA countries.
4. If institutional breakdown becomes inevitable, is there an alternative solution for the countries of the region?
You know, the six-month moratorium that the Timbuktu Institute has always advocated seems to me to be a good option that splits the difference. It respects the choice made by the SSA countries, which see merit in the creation of a group that can take greater account of their specific characteristics and priorities, notably in terms of security, while guaranteeing that the ECOWAS countries, which have taken note, can comply with the organization's regulatory framework. An alternative solution could be envisaged to maintain the thread of dialogue and avoid hampering regional cooperation, which has become a collective security issue with the transnationality of threats and challenges, until the current crisis has been overcome. We need to start thinking now about an Association Agreement between the SSA Confederation and ECOWAS in targeted areas such as trade and, above all, integrated border surveillance and management. There are precedents and best practices in this area, such as the Association Agreement between the European Union and the Swiss Confederation, concluded on November 28, 2023, which has safeguarded a framework for cooperation on key issues: the free movement of people, air traffic, road traffic, agricultural products, technical barriers to trade, public procurement, educational and scientific exchanges, etc. The WAEMU instruments, of which the SSA countries are still members, could facilitate the establishment of such frameworks. Bilateral agreements, which are already being considered (Niger-Nigeria, for example), could complement this common base with an agile approach that emphasizes ongoing dialogue and awareness of collective challenges.
Source: Le Soleil, December 17, 2024