Facteurs de radicalisation et perception du terrorisme dans les zones frontalières sénégalo-mauritaniennes: Cas de Rosso-Sénégal.

C'est l'intitulé du dernier rapport que vient de publier le Timbuktu Institute, un centre de recherche sur l'extrémisme violent, basé à Dakar

Ce rapport est publié au moment où une trentaine de personnes sont jugées au Sénégal pour apologie du terrorisme.

Le docteur Bakary Sambe est le Directeur de Timbuktu Institute. Il est notre invité et répond aux questions de Samba Dialimpa Badji

http://www.bbc.com/afrique/media-44026358

« Le terrorisme est une longue chaîne dont chaque maillon pris individuellement peut ne pas être simple » a déclaré Bakary Sambe, directeur de Timbuktu institute et un des réalisateurs d’une enquête au Sénégal, au Mali, en Mauritanie, au Niger et au Burkina Faso sur l’extrémisme violent pour le compte de l’Onudc et le Wacap.

 D’après ce spécialiste de questions terroristes, il y a un besoin de synergie entre la Société civile et les acteurs   de la chaine pénale.

« Les Etats font face à ce dilemme ou il y a d’un côté l’impératif de justice et de l’autre la nécessité de garantir la sécurité. Entre les deux, il faut un terrain d’entente.

L’étude réfléchit sur les besoins d’harmonisation des législations et préconise une forte mobilisation de la Société civile.

L’enquête appelle à une volonté à coopérer pour l’amélioration des cadres réglementaires et de mieux prendre en compte cette question du terrorisme », indique M. Sambe.

Pour le Ministre de la Justice, la Société civile est « actrice principale dans toute œuvre de sécurité, de paix et de justice ».

Ainsi, souligne le Pr Ismaïla Madior Fall, « le degré d’implication  de la Société civile dans les programme gouvernementaux de lutte, outre qu’il constitue un indicateur de conformité des Etats dans le cadre des évaluations relatives à la lutte contre le crime organisé en général et l’extrémisme violent en particulier, participe à la sensibilisation des populations »  

 

Source: www.lequotidien.sn

En février, l’Observatoire des radicalismes et des conflits religieux en Afrique a publié une étude qui alerte sur les discours des prédicateurs salafistes sur Internet et leurs stratégies d’enrôlement.

L’Observatoire des radicalismes et des conflits religieux en Afrique est un instrument de recherche-action du Timbuktu Institute-African Centre for Peace Studies, un centre de recherche qui privilégie des approches transdisciplinaires sur des questions liées au radicalisme religieux. En février, il a publié une étude sur les stratégies salafistes sur Internet au Sénégal.

Dans cette étude, les chercheurs de l’Observatoire se sont intéressés aux vidéos de prédicateurs salafistes diffusés sur les réseaux sociaux. Leur analyse a permis de détecter une stratégie d’enrôlement avec des discours qui, à première vue, peuvent sembler inoffensifs mais qui constituent un terreau fertile pour le radicalisme religieux.

Le Sénégal, dernier bastion en Afrique de l’Ouest contre le terrorisme

Le Sénégal est un pays où 95 % de la population est musulmane. L’islam y est dominé par le soufisme, un courant musulman spiritualiste qui a beaucoup contribué à la stabilité politico-religieuse du pays.

Les musulmans se réclament, pour la plupart, de confréries religieuses dont les plus connues sont la tidjaniya et le mouridisme. Les guides religieux très écoutés et respectés promeuvent un islam tolérant et ouvert. Ces confréries soufies sont considérées par plusieurs spécialistes comme un rempart contre le radicalisme religieux. Ce pays de 15 millions d’habitants est, d’ailleurs, considéré comme le dernier bastion d’Afrique de l’Ouest contre les attaques terroristes

Cependant, depuis quelques années, des observateurs alertent sur la présence de courants salafistes qui se présentent comme une alternative au modèle confrérique traditionnel.

Un discours qui s’adapte au milieu

Selon le professeur Bakary Sambe, enseignant-chercheur à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis, fondateur du Timbuktu Institute-African Centre for Peace Studies, « ces courants salafistes concurrencent le modèle traditionnel dans le but de le supplanter ». Pour le chercheur, la stratégie de ces salafistes est d’« utiliser la modernité technologique pour combattre la modernité sociale ». Pour ce faire, les réseaux sociaux sont largement utilisés avec la diffusion de nombreuses vidéos qui ont servi de matière première à l’étude de l’Observatoire. La principale cible de ces courants salafistes est la jeunesse confrontée à des problèmes existentiels, au chômage, à la pauvreté, etc. Les courants salafistes lui proposent un islam plus engagé, plus politique.

A lire <La pauvreté et l’exclusion, terreau favorable de l’extrémisme musulman en Afrique

Le discours s’est adapté au milieu. Il se fait moralisateur, il encadre la pratique cultuelle. La critique de la modernité, de la démocratie et de l’Occident, n’apparaît pas au premier abord. Ce qui est visible, c’est la critique du discours confrérique. Les prédicateurs salafistes se présentent comme des personnes venues purifier l’islam du pays.

« Le discours qui est utilisé pour parler aux populations est très plat en apparence, mais il y a une stratégie de dissimulation du véritable agenda en attendant que le rapport de force soit favorable », analyse Bakary Sambe. Selon le chercheur, cette stratégie fait qu’il est difficile de détecter la dangerosité de ce discours dont le but ultime est de supplanter un ordre religieux pour en implanter un autre. « On ne voit rien au premier abord, mais il y a un travail de conditionnement mental et de préparation psychologique pour que les autres formes de discours plus radicaux puissent passer », prévient-il.

 

Bakary Sambe pide soluciones integrales en los países africanos y opina que el Islam está canalizando el descontento de jóvenes de todo el mundo con el sistema capitalista

Casa Africa en Las Palmas de Gran Canaria es sede hoy de una jornada sobre el yihadismo en el continente, los radicalismos y su enfoque desde España. 

Más cercano al archipiélago la situación en Mali mejora muy lentamente. La amenaza del terrorismo yihadista sigue en la zona y se extiende a otros países donde se diluyen las fronteras. Allí estuvo hasta hace un año el general Alfonso García-Vaquero que dirigió la misión europea de adiestramiento a los soldados malienses. El militar español ahora en la reserva cree que Canarias es un lugar seguro por sus características y por los efectivos que existen, incluso más que otros puntos del estado español

Source: http://cadenaser.com/emisora/2016/06/10/ser_las_palmas/1465556120_373066.html

Entre diplomatie religieuse et conquête économique, le modèle marocain fascine les milieux politiques et économiques et attire l’attention des chercheurs.

La probable adhésion du Maroc à la CEDEAO (et plus globalement sa stratégie africaine) continue d’animer le débat intellectuel en Afrique de l’Ouest. C’est ainsi que le think tank Timbuktu Institute a consacré sa conférence de rentrée, le 5 septembre, à la stratégie africaine des nouveaux acteurs de la coopération, avec un focus sur les cas du Maroc et de l’Inde.

Besoin d’affirmation
Pour Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute-African Center for Peace Studies, le royaume chérifien a réussi à transformer ce qui aurait pu être un handicap (sa géographie) en avantage. «Entre l’Océan Atlantique, la Méditerranée et l’Algérie, sa seule zone de déploiement, c’est l’Afrique subsaharienne», dit-il, citant un discours du roi Hassan II, en 1983, dans lequel il comparait le Maroc à un vieil arbre dont les racines se trouvent en Afrique subsaharienne et les branches et les feuilles dans la Méditerranée. Même si, selon le chercheur, derrière la forte affirmation de l’africanité du Maroc, il y a le besoin d’affirmation de l’africanité du Sahara.

Capital image
Le Maroc a donc capitalisé sur son histoire pour réussir sa «conquête» économique de l’Afrique subsaharienne. En effet, selon Bakary Sambe, l’intelligence des autorités marocaines réside dans le fait qu’elles ont su transformer les ressources symboliques et spirituelles du royaume en «capital image», et celui-ci en «capital économique». Pour cela, en plus de la diplomatie classique, le Maroc n’a pas hésité à mettre à contribution la Tariqa tidjania et les «cheikhs bilatéraux», ce réseau d’oulémas mis en place sous le règne de Hassan II. Un exemple qui devrait inspirer le Sénégal qui peine à sortir sa diplomatie d’une approche normative, alors que le monde est entré dans l’ère de l’influence où les ressources symboliques et culturelles sont devenues de véritables outils diplomatiques. Le Maroc a aussi, il faut le dire, profité du «mauvais calcul» de la France de Charles Pasqua, qui avait restreint l’accueil d’étudiants africains, avec la création de l’Institut d’études de Rabat au service d’une théorie bien ficelée de la coopération Sud-Sud. L’arrivée du roi Mohammed VI a marqué un tournant très important dans la mesure où c’est lui, en personne, qui prend en charge l’expansion économique sur le continent, multipliant les périples avec les chefs d’entreprise. Désormais, estime Bakary Sambe, pour Rabat, le défi réside dans la dialectique du lien (historique avec le continent) et du bien (l’économie). Et comment faire pour que le bien ne détruise pas le lien ? Tout l’enjeu est là !


Bakary Sambe
Directeur du Timbuktu Institute

Nos pays font l'objet de la convoitise des puissances sans développer aucune stratégie, non de résistance, mais d’existence. Comparé au Maroc, avec les mêmes moyens, notre diplomatie pouvait être plus ambitieuse si elle arrivait à gagner en vision et en prospective. Autrement dit, à sortir d’une logique normative pour intégrer les nouvelles réalités. On est sorti de la logique de puissance pour entrer dans l’ère de l’influence, du soft power, ce que le Maroc a très bien compris en faisant de son histoire des ressources symboliques au service de sa diplomatie. Il s’agit d’une véritable conquête économique par l’image et par l’histoire. Concernant une éventuelle adhésion du Maroc à la CEDEAO, nos pays ne doivent pas avoir peur, mais se préparer, définir des politiques claires pour ne pas en subir les effets pervers».

Yoro Dia
Journaliste, enseignant de relations internationales

L’avantage du Maroc, c’est d’être une monarchie: le temps politique correspond au temps économique. Contrairement à nos pays, le Maroc sait pourquoi il veut adhérer à la CEDEAO. Mais cette éventuelle adhésion mérite un grand débat national qui n’a pas encore eu lieu». 


Hub africain

Dans sa stratégie d’expansion africaine, le Maroc a d’abord misé sur la la banque, «un outil performant d’intelligence économique». Le Groupe Attijariwafa bank, présent dans plus de 20 pays, est le symbole de cette pénétration sur le continent. Sans parler des autres têtes de pont (BMCE Bank of Africa, Banque Atlantique, Saham, Maroc Telecom, etc.). Par ailleurs, conscient du rush vers l’Afrique, le Maroc cherche à convaincre les investisseurs étrangers de poser leurs valises à Casablanca pour ensuite les accompagner dans leur pénétration sur le continent, chose dont témoigne la multiplication des forums Chine-Maroc-Afrique ou Inde-Maroc-Afrique. C’est ainsi que Casablanca est devenu un véritable hub économique en Afrique. Un signal bien perçu par les milieux économiques européens. En témoigne la Coface qui, en 2012, avait présenté sa stratégie africaine à… Casablanca. Toutefois, certains redoutent de voir le Maroc devenir un pays de dédouanement de marchandises européennes avec une délocalisation massive des industries européennes sur son sol pour mieux exporter vers les autres pays de la CEDEAO.

Source : http://www.leseco.ma

Dans une récente tribune de Jeune Afrique (n°2979), le Directeur de Timbuktu Institute-African center for Peace Studies, Dr. Bakary Sambe, revient sur une « archéologie de la crise sécuritaire au Sahel » montrant que les racines profondes de la crise sont à trouver dans les inconséquences des politiques imposées aux pays du Sahel dans les années 90 mais aussi d’un retard de 40 ans accusée, depuis les sécheresses des années 70, par la communauté internationale dans son intervention au Sahel. Il appuie l’idée des solutions préventives par l’éducation mais pointe des incohérences qu’il faudrait éviter pour ne pas répéter les erreurs du passé. Voici in extenso cette tribune intitulée « Les kalachnikonvs n’ont jamais vaincu les idéologues »

« Un éminent leader religieux du Sahel me confiait qu’il fallait chercher les causes de la radicalisation dans la combinaison entre « l’arrogance des injustes et l’ignorance de ceux qui se sentent victimes ». De fait, la communauté internationale a quarante ans de retard par rapport aux réseaux qu’elle combat : lors des sécheresses des années 1970, ni l’Europe ni les États-Unis, rudement frappés par la crise pétrolière, ne pouvait nous aider. Ceux qui le pouvaient exportaient du pétrole, des pétrodollars et… des idéologies. Puis la communauté internationale imposa, dans les années 1990, des politiques d’ajustement structurel à des pays sommés d’emprunter le chemin du libéralisme en investissant le moins possible dans l’éducation, la santé et le social… Tandis que les exportateurs d’idéologies construisaient au Sahel des méderssas et y implantaient des ONG dites « islamiques » – lesquelles ont remplacé l’État et délégitimer les nouveaux missionnaires de la démocratie.

Début février, Dakar a accueilli le Partenariat Mondial pour l’Éducation. Mais j’aurais voulu rappeler à Macky Sall, Emmanuel Macron et même à Rihanna que de nombreux pays du Sahel souffrent encore d’une dualité, voire d’un éclatement du système éducatif, avec d’un côté l’école « officielle » francophone et, de l’autre, une multitude d’écoles coraniques. Les États sahéliens ne saisissent pas les enjeux d’une telle dynamique et n’ont jamais intégré cette dimension du choc des modèles religieux et citoyens par le biais de l’éducation dans le cadre global d’une politique de sécurité.

Le terrorisme a surgi au milieu de cet espace après avoir été vu, pendant longtemps, comme un phénomène lointain, et son caractère imprévisible n’a pas laissé de place à des stratégies en amont. Il a imposé une approche réactive. Confrontés à l’urgence, les pays du Sahel et leurs partenaires internationaux n’ont pu répondre que par le sécuritaire comme le fit Serval, dont il faut bien reconnaître qu’elle a stoppé les djihadistes sur leur route de Bamako. Mais en a découlé une conception strictement sécuritaire d’un phénomène nécessitant une approche holistique.

L’échec des solutions strictement militaires est une réalité irréfutable. Il ne fallait pas s’attendre à voir des kalachnikov défaire une idéologie. Les Américains sont restés plus de quinze ans en Afghanistan et les Talibans y sont encore. Serval a vécu, remplacée par Barkhane, qui est incapable d’en finir avec les terroristes dans le nord du Mali. Les groupes armés y prospèrent et le front s’est élargi vers le centre du pays avec le Front de libération du Macina, débordant jusqu’au Burkina Faso.

Les solutions militaires sont certes un mal nécessaire pour endiguer la menace grandissante, mais elles ne sont ni efficaces ni durables. Elles ont même inspiré les djihadistes ! Plus besoin de stratégies globales et de coordination risquées : il suffit de créer des zones d’instabilité et de mettre une couverture « islamique » sur toutes sortes de conflits pour susciter l’intervention occidentale qui, avec leurs bavures et leurs ratés, nourriront frustrations et révoltes – un terreau idéal pour recruter de nouveaux combattants.

Nous sommes devenus une vraie communauté internationale : pays riches ou pays pauvres, d’Afrique ou d’Europe, nous avons la vulnérabilité en partage. Gao, Maïduguri ou Tazalit sont aussi exposées que Paris, Bruxelles ou Miami. Ce qui se passe sous nos tropiques concerne aussi les puissants membres du Conseil de Sécurité et il est urgent de trouver ses solutions concertées. Or il y a un hiatus entre les approches globales, préconisées par nos partenaires internationaux, et les perceptions locales. Il est temps de donner leur dignité de « solutions » aux possibilités endogènes. Il y a cinq ans, je disais à des responsables de la Commission européenne que dans certains de nos villages l’achat d’un char vieux modèle coûtait plus cher que la construction d’une école. Deux choix s’offrent à nous avec la chance de pouvoir les coupler : prévenir aujourd’hui par l’éducation et la justice sociale ou se préparer, militairement, à intervenir indéfiniment et continuellement, demain, sans gage de réussite et avec le risque de reproduire les causes du mal que l’on cherche à combattre.

(Source Jeune Afrique n° 2979)