Timbuktu Institute- Avril 2019

Avec les récents évènements au Mali et les risques d’extension du champ des conflits intercommunautaires vers le Burkina Faso et le Niger, notamment, dans la région de Tillabéry, il est urgent que la protection des populations soient renforcée surtout les couches les plus vulnérables y compris les femmes. Elles demeurent un maillon essentiel de l’activité sylvopastorale tout en étant injustement désavantagées dans le cadre de la gestion et de la distribution foncières. Si l’on sait que la plupart de ces conflits découlent, à l’origine, des velléités autour du contrôle des ressources (pâturages, terres agricoles, vol de bétail), il faudra forcément prendre en considération les risques qui pèsent sur les femmes, en même temps, exposées par leur intense activité et fragilisées par les systèmes de répartition notamment foncière.

Mais au-delà de « simples » victimes, les femmes, par leurs différentes formes de mobilisation, pourraient constituer un premier pilier important dans la recherche de solutions endogènes, notamment, en termes de dialogue intercommunautaire, de sensibilisation et de médiation.

Pour ce faire, faudrait-il d’abord que leur rôle soit reconnu et renforcé par les Etas mais aussi tous les autres acteurs intervenant dans la région au-delà des simples effets d’annonce et d’une approche genre parfois superficielle. En d’autres termes, la résolution 1325 et ses dispositions et recommandations essentielles doivent être urgemment suivies d’effet surtout avec la recrudescence des crises intercommunautaires qui commence à déborder du Mali.

Il est vrai qu’avec la complexité progressive de la situation sous régionale, un certain nombre d’initiatives (conférences internationales, tables rondes, opérations militaires, etc.) ont été prises aux plans régional et international. Dans cet ordre d’idées, ONUFEMMES, pleinement inscrite dans la dynamique impulsée par la Résolution 1325, via la déclaration de Bamako, a tenté d’alerter les décideurs et la communauté internationale pour plus d’actions. Mais celles-ci ont été jusqu’ici timides au regard du grand enjeu que représente l’autonomisation des femmes mais surtout leur implication dans les questions de paix et de sécurité. Le G5 Sahel a pu aussi donner plus d’importance à cet aspect avec, notamment, une experte dédiée aux questions de genre au niveau du Secrétariat permanent, à Nouakchott.

Mais, depuis ces dernières décennies, les foyers de tensions se multiplient en Afrique de l’Ouest y compris dans des pays où, jusqu’à une période relativement récente, on était loin d’imaginer qu’ils seraient un jour le théâtre de conflits, aujourd’hui, les plus inquiétants. L’exemple typique est le cas malien, territoire jadis paisible, mais dont le Nord est aujourd’hui pris d’assaut par des groupes armés se réclamant tantôt de la nébuleuse terroriste, tantôt de la mouvance irrédentiste[1]. Le mal septentrional a contaminé le Centre, notamment la région de Mopti où sévissent des tensions interethniques parfois meurtrières. Bien que le Mali en soit l’épicentre, ce type de conflits s’est déjà signalé au Burkina Faso dans le département de Dori (province du Séno, région du Sahel), dans le Soum et sur quelques points déjà chauds de l’Oudalan.

À ces conflits intercommunautaires sur fond de lutte contre le terrorisme, se greffent toujours d’autres velléités telles que celles opposant traditionnellement éleveurs et agriculteurs[2]. Il est à noter que dans ce type de conflit, la gestion du foncier qui lèse souvent les femmes malgré leur dynamisme dans les activités agropastorales, demeure l’épine dorsale d’une problématique complexe et sensible. Cette situation préoccupante a provoqué d’importants déplacements de populations, n’épargnant pas les femmes vers d’autres pays ou près de la capitale notamment à Sénou, a seulement quelques kilomètres du Centre-ville de la capitale, Bamako. Ce conflit malien persistant a fini par déborder sur la quasi-totalité de la bande sahélo-saharienne dans une situation de forte vulnérabilité.

Sortir du paradigme simpliste de la victimisation

On présente les femmes de manière générale, comme de « simples » victimes des conflits notamment communautaires mais aussi dans le cadre de la recrudescence d’actes terroristes. De ce fait, leur implication en tant qu’actrices soit comme parties prenantes ou médiatrices reste négligée et reléguée au second plan dans l’analyse des conflits.

Cette image de « victimes » qui a dominé les perceptions s’est encore plus ravivée en Avril 2014, lorsque 276 lycéennes nigérianes sont enlevées à Chibok par les éléments de Boko Haram déclenchant, ainsi, l’indignation de toute la communauté internationale. Malgré une riposte lancée par le Tchad, le Niger et le Cameroun pour affaiblir les djihadistes nigérians, ces exactions continuent d’alimenter l’actualité régionale.

Cette vague d’enlèvement de filles et de femmes se poursuit, encore aujourd’hui, d’une part pour contraindre certaines à se marier, de plus en plus entraînées à prendre part aux attaques armées. Mais au-delà de cette brutalité qui a pu être médiatisée au regard de l’ampleur et du caractère spectaculaire du phénomène, il y a une réalité encore plus complexe et un processus qu’il serait  intéressant de revisiter.

On oublie souvent que durant les deux décennies écoulées, les femmes ont marqué les différentes étapes de la lutte contre l’extrémisme religieux avent que celui-ci ne devienne un enjeu politico-sécuritaire. Bien avant le Nigéria, sans attirer l’attention de la communauté internationale, le Mali aussi fut le théâtre d’un long débat parfois houleux entre les franges islamistes et les organisations féminines. Cette situation faisait suite au vote massif d’un nouveau code de la famille avec des mesures consolidantes en faveur du droit des femmes en 2009. Dans cette configuration, les femmes sont toujours considérées comme les premières victimes de l’extrémisme religieux. En même temps elles ont été à l’avant-garde des luttes contre ce phénomène de la radicalisation du discours et des attitudes religieux. Les hommes politiques ont imprudemment attendu que l’extrémisme devienne un enjeu sécuritaire pour s’en préoccuper.

Mais l’apparition du phénomène surprenant de femmes kamikazes lors des attentats au Nigeria et dans le bassin du Lac Tchad a remis à l’ordre du jour le rapport entre les femmes et processus de radicalisation violente. Il s’est alors lancé un débat loin d’être tranché et de plus en plus tranché sur l’identité des femmes kamikazes de Boko Haram dont le premier attentat suicide au nom du groupe djihadiste remonte au 8 juin 2014, dans l’Etat de Gombe, au Nigeria. Dans la foulée, il y a eu la multiplication des attaques menées par des kamikazes de sexe féminin depuis le 22 février 2015 : une fillette de 7 ans tue sept personnes en se faisant exploser dans la localité de Potiskum.  Dans les jours qui suivent, une autre kamikaze femme actionna une ceinture explosive à la gare routière de Damaturu au Nigeria avec un bilan aussi lourd. Cette nouvelle donne soulève nombre d’interrogations sans réponses pour l’heure ; le phénomène étant nouveau et intervenu de manière inattendue dans l’espace sahélien. Cela pourrait être dû à une globalisation des modes opératoires des mouvements radicaux qui n’aurait pas épargné le Sahel et renverrait à une standardisation des attaques terroristes au-delà de la diversité des contextes socioculturels.

 

De « victimes » à détentrices de solutions : les initiatives féminines au service d’une approche endogène et inclusive

Etrangement, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et les initiatives de paix on omet souvent de signaler le rôle très important joué par les femmes notamment en termes de résilience communautaire comme lors de l’occupation djihadiste à Tombouctou et à Gao. La marche peu médiatisée des femmes et leur résistance ont, façonné, par la suite la résilience des populations suite à un choc inédit en termes de prise en charge et de réconciliation.

Du côté du Nigeria le rôle de leaders féminins comme une pasteur de Jos, capitale de l’Etat du plateau, qui organise des rencontres inter-religieuses dans un climat de grande méfiance. Elle arrive à fédérer autour de messages de paix et de conciliation malgré les velléités et la persistance d’une croyance en un pays contrasté comme le Nigeria notamment entre certains Etats du Nord et du Sud. Rappelons que dans cet Etat, les heurs inter-communautaires entre agriculteurs et bergers Fulani causent des tueries loin d’être motivées par une quelconque idéologie mais provoquées par des divergences de même nature que dans le Macina, en région du Centre malien.

Une récente étude de l’OIM établit un lien potentiel entre ces faits combinés et une possible influence des groupes extrémistes sur le bassin du Lac Tchad au regard de la proximité géographique, des échanges commerciaux, des liens linguistiques avec le Nigéria. D’ailleurs, une des couches sociales considérées parmi les plus vulnérables, en l’occurrence les femmes, a subi très tôt les exactions des groupes extrémistes parfois violents. Rappelons qu’en 1993, le siège de l’Association des femmes du Niger sise à Zinder a été incendié par des assaillants islamistes sous prétexte de défendre les « valeurs de l’islam » et purifier les « pratiques et mœurs »[3]. Aussi, il a été constaté lors d’une récente étude sur la violence des jeunes dans la ville de Zinder et la menace terroriste, que la quasi-totalité des femmes interrogées au niveau des ménages identifiées refusaient purement et simplement de s’exprimer en l’absence du chef de famille[4]. Ceci pose un vrai problème d’expression des femmes dans l’espace public et donc d’autonomisation en vue d’un meilleur exercice de leurs droits malgré leurs capacités souvent démontrées de trouver des consensus même dans des zones propices à nombres de conflictualités.

Au Tchad, pays développant une certaine résilience malgré la pression sécuritaire, se développe aujourd’hui une rare expérience de résiliences communautaires s’appuyant sur l’apport inestimable des femmes. Très actives dans le cadre de la plateforme interconfessionnelle dans un pays à composition religieuse assez diverse, les femmes prédicatrices (preeching women), aux côtés des autres leaders religieux, arrivent à développer de nombreuses initiatives surtout dans la province du Lac Tchad considéré comme un continuum naturel de la crise sécuritaire qui frappe le Nord du Nigeria.

Dans la même logique, les caravanes de sensibilisation dans la province du Kompienga (Région Est) au Burkina Faso, sont l’œuvre de femmes actives dans la consolidation de la paix et la prévention des conflits, arrivant encore à maintenir un lien social indispensable pour la médiation et la résolution des conflits.

Malgré la crise multidimensionnelle qui perdue dans ce pays, plus d’une trentaine de femmes leaders maliennes se sont auto-organisées en comptant sur leur capacité de plaidoyer autour d’un groupe informel dénommé « femmes et consolidation de la paix ». Elles mènent aujourd’hui une réelle réflexion concertée sur la partition des femmes dans la recherche de solution aux conflits inter-communautaires et la réconciliation nationale à un moment où les hommes politiques sont constamment rattrapés par leurs contradictions et leur difficulté à créer des synergies au-delà des logiques partisanes dans un pays faisant face à une multiplication des foyers de tension.

C’est à ce niveau, d’une implication citoyenne des femmes libérée des pressions et contraintes socioreligieuses, que la Déclaration de Bamako suite à l’importante réunion d’ONUFEMMES dans la capitale malienne mériterait d’être opérationnalisée comme y a appelé Yague Samb[5], en charge de la résolution des conflits à Timbuktu Institute. A cet effet, cet institut qui travaille beaucoup sur la construction des résiliences communautaires par le dialogue inclusif, avait soutenu et apprécié positivement les recommandations de cette déclaration notamment :

–          La mise en place au niveau national et régional des cadres de concertation entre les organisations des femmes et les organisations religieuses

–          L’intégration de modules relatifs à la radicalisation et l’extrémisme violent dans les programmes scolaires et universitaires. 

Dans le cadre de son Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique (ORCRA) et des activités qu’il mène à travers son Programme « Educating for Peace » au sein des établissements scolaires (Mothers for Peace), Timbuktu Institute participe activement à « la sensibilisation, des femmes, des jeunes, des leaders d’opinion (religieux et chefs coutumiers), la communauté et les médias sur les effets et les conséquences de l’extrémisme violent », conformément à la recommandation numéro 5 de la déclaration de Bamako portée par un bel esprit auquel il urge de donner corps.

Un véritable travail de recherche approfondie s’impose pour mieux documenter cette implication non négligeable des femmes dans la prévention et résolution des conflits à un moment où la complexité des crises notamment intercommunautaires exige une approche donnant plus de place aux stratégies endogènes et non forcément militaires ou sécuritaires.

Par Dr. Bakary Sambe

www.timbuktu-institute.org

La dégradation de la situation sécuritaire au Burkina Faso, confronté à une multiplication alarmante des attaques djihadistes sur son sol, menace de s’étendre aux pays côtiers du Golfe de Guinée, jusque-là épargnés, préviennent experts et sources sécuritaires.

Héritant du chaos qui règne depuis 2012 au Mali, où prolifèrent les groupes liés à Al-Qaïda et l’Etat islamique (EI), le nord du Burkina Faso est confronté depuis trois ans à des attaques de plus en plus fréquentes et meurtrières.

L’instabilité s’est rapidement étendue ces derniers mois à d’autres régions dont celle de l’Est, frontalière du Togo et du Bénin.

« Cet acharnement inouï semble indiquer que le Burkina est le dernier verrou que ces groupes veulent casser pour atteindre l’Afrique côtière », affirme à l’AFP Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute, basé à Dakar.

Le nord de ces pays, considérés jusque-là comme des îlots de stabilité dans une région mouvementée, pourraient ainsi devenir des « zones de repli » pour les djihadistes retranchés dans des poches forestières et rurales isolées, le long de frontières réputées poreuses.

« Étendre leur champ d’action loin de l’épicentre actuel du djihadisme leur permettrait en outre de gagner un accès à la mer via les ports ouest-africains », et donc de nouveaux circuits d’approvisionnement en armes, estime M. Sambe.

Le 15 février, l’assassinat de quatre douaniers burkinabés et d’un prêtre espagnol qui revenait d’une réunion à Lomé, au Togo, peu après avoir passé la frontière, a renforcé les craintes.

– ‘Menace réelle’ –

Hormis la Côte d’Ivoire, frappée par un attentat ayant fait 19 morts en 2016 à Grand-Bassam, aucune attaque n’a été recensée dans les pays du Golfe de Guinée.

Mais des signes précurseurs y indiquent une activité croissante depuis quelques années. Dans le parc du W, à cheval sur le Bénin, le Niger et le Burkina, « des combattants originaires du Mali auraient mené dès 204-2015 une reconnaissance » jusqu’au Bénin, selon un rapport publié en mars par l’institut de recherche Thomas More.

Mi-décembre, les services de renseignement maliens avaient annoncé l’arrestation de quatre djihadistes burkinabés, malien et ivoirien soupçonnés de préparer des attentats dans ces trois pays pour les fêtes de fin d’année.

Plusieurs sources font également état d' »incursions récentes de micro-groupes » traversant la frontière burkinabé vers des petits villages du Togo et du Bénin, pour leur demander d' »interdire la vente d’alcool » ou « prêcher des messages radicaux » dans les mosquées.

Burkina, Ghana, Bénin et Togo ont mené en mai et novembre 2018 une vaste opération de lutte contre la criminalité transfrontalière, conduisant à l’arrestation de plus de 200 individus – dont plusieurs soupçonnés d’activités djihadistes – dans les quatre pays.

« La menace est réelle. Tout le monde est sur le qui-vive », confirme à l’AFP un haut responsable sécuritaire togolais, précisant que le dispositif militaire a été renforcé dans le nord après l’assassinat du prêtre espagnol.

« Les forces de sécurités togolaises et béninoises travaillent en étroite collaboration avec les Burkinabés », ajoute-t-il. « Ces derniers temps, des patrouilles sont régulièrement organisées dans les villages frontaliers, surtout la nuit ».

Selon l’agence de gestion des secours ghanéenne (Nadmo), près de 300 Burkinabés – dont 176 enfants – ont fui les violences dans leur pays pour se réfugier dans le district de Bawku (nord-est du Ghana) ces dernières semaines.

– Banditisme et trafics –

« Nous surveillons de près la situation avec notre voisin (burkinabé) », déclare à l’AFP le porte-parole de l’armée ghanéenne, le colonel Aggrey Quarshie.

Au Burkina, 90% des attaques ne sont pas revendiquées. Elles ont été pour la plupart attribuées à Ansaroul Islam, au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) ou à l’Etat islamique dans le grand Sahara (EIGS), mais une dizaine d’autres groupes, « plus petits et sans doute moins structurés » sont également actifs, selon l’International Crisis Group (ICG).

« Il est très difficile de savoir qui fait quoi exactement, dans la mesure où il s’agit d’une nébuleuse de groupes armés dont les relations évoluent au gré des alliances et des fâcheries », rappelle Rinaldo Depagne, directeur pour l’Afrique de l’Ouest à ICG.

« Le Burkina, où l’Etat n’a pas les moyens de faire face, est devenu une sorte de maillon faible à partir duquel ils allument des foyers insurrectionnels », poursuit-il. « La multiplication des fronts leur permet notamment d’échapper à la tenaille des réponses militaires des armées occidentales et de la Force du G5 Sahel, qui les ont obligés à se disperser ».

Au sein de cette nébuleuse, interviennent également des groupes criminels sans idéologie particulière, mais attirés par la propagande des jihadistes et installés dans les zones frontalières, propices aux trafics en tous genres – contrebande d’armes, de drogues, orpaillage clandestin… – souligne M. Depagne, qui parle de « djihadisation du banditisme ».

Il reste toutefois difficile d’évaluer dans quelle mesure les groupes djihadistes parviendront à recruter au sein des populations locales. Mais selon plusieurs experts, le sentiment d’abandon, la pauvreté et le taux d’illettrisme dans ces régions éloignées des pouvoirs politiques et économiques pourraient à terme favoriser la percée des idées radicales.

 

 

 

Dans un communiqué signé par la Coordination des Mouvements et Associations islamiques du Sénégal (CAMIS), les leaders musulmans interpelle l'Organisation de la Coopération islamique (OCI) pour une rencontre d'urgence sur la situation de l'islamophobie dans le monde et en appelle à la communauté internationale pour plus de fermeté contre la promotion des discours et actes de haine anti-musulmans.

Voici le texte intégral du communiqué conjoint:

 

"Au nom d'Allah le Tout Miséricordieux le Très Miséricordieux 

Louange à Allah, c'est de lui que nous cherchons appui.

Que la paix et le salut d'Allah soient sur le Prophète Mouhammad fils d'Abdallah, sur sa famille et sur tous ses Compagnons. 

C'est avec un grand regret et amertume que la Coordination des Mouvements et Associations Islamiques du Sénégal a reçu l'information du carnage qui a eu lieu dans la ville de Christchurch à la Nouvelle Zélande.

En effet, le Vendredi 15 Mars 2019, en début d’après-midi, à l’heure de la grande prière hebdomadaire, un terroriste extrémiste de droite, de nationalité australienne, a perpétré un carnage dans deux mosquées de Christchurch, la deuxième ville de Nouvelle-Zélande faisant un bilan de 49 morts et de plus d'une vingtaine de blessés.  Les images insoutenables, retransmises en direct sur Facebook puis relayées sur les réseaux sociaux, témoignent de l'acharnement du tueur et de son objectif à assassiner un maximum de fidèles musulmans, dans un pays jusqu'à maintenant épargné par de telles pratiques.

Faisant référence à sa foi aux préceptes révélés et aux enseignements de l'islam,  qui considèrent le droit à la vie comme universel, et infligeant des sentences les plus dures à ceux qui portent atteinte à ce droit, la Coordination des Mouvements et Associations Islamiques du Sénégal condamne avec la dernière énergie cet acte ignominieux dont les auteurs sont inspirés  par les propagateurs de la haine et de l'aversion contre l'Islam et les musulmans; et au delà, contre l'humanité, la paix et la stabilité dans le monde.

Nous prions Allah d'accueillir dans Sa miséricorde immense ceux parmi nos frères et sœurs qui ont perdu la vie dans ce carnage, qu'Il les accepte parmi les martyrs, qu'Il inspire à leurs familles et proches la patience et l'endurance, qu'Il accorde un prompt rétablissement aux blessés, et protège les musulmans du monde entier de cette vague de haine qui s'abat sur eux. Nous associons à nos prières, les musulmans en Afrique qui subissent directement les conséquences de l'islamophobie au nom de la lutte contre le terrorisme, les musulmans chinois "ouïghours" détenus dans des camps de concentration, et ceux de la Birmanie qui continuent à subir des atrocités du fait de leur conviction religieuse.

Enfin, nous appelons solennellement l'ensemble des pays musulmans, sous la bannière de l'Organisation de la Coopération Islamique, à convoquer en urgence une rencontre sur la situation de l'islamophobie à travers le monde pour dénoncer vigoureusement et prendre des mesures sur les pays qui en font la promotion, et dont les idéaux influencent des criminels qui n'hésitent pas à passer à l'acte..

Inna Lillahi, wa Inna Ilayhi Raaji'oun

Certes nous sommes à Allah, et c'est à Lui que nous retournerons



 

RépondreRépondre à tousTransférer

 

Dans son ouvrage Al-Islâm fi Sinighâl (L’islam au Sénégal), Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy brossait déjà une critique du monde contemporain qui revenait sur les différentes problématiques telles que la domination et la l’éthique.  Dans sa conception toujours universaliste du rapport entre les cultures et civilisations, il soutient que l’islam a légué son patrimoine scientifique et éthique à toutes les cultures et civilisations pour qu’elles puissent s’interférer, se soutenir et se renouveler sous la supervision de ce message de grande qualité. Pour lui, sous le prisme de l’Unicité de Dieu, l’islam ne voit que l’Unité de l’Humanité. Cette égalité de condition n’est remise en cause que de manière temporaire et alternée par les vicissitudes de l’Histoire qui, à tour de rôle, distribuent puissance et décadence « Wa Tilkal Ayyâmu nudâwiluhâ bayna Nâsi ». Il ne manquera pas, toutefois, de rappeler que malgré l’ingéniosité des concepteurs des systèmes les plus sophistiqués, cette marche du monde n’a jamais pu échapper à la volonté du Sage Savant (Al-‘Alîmul Hakîm).

Dans cette partie de sa démonstration, Serigne Cheikh citera, l’auteur de l’Evolution de l’Islam (C-Levy, 1960), Raymond Charles, commentant l’orientaliste français, Louis Gardet, qui rappelait qu’il devenait urgent que l’Occident revînt aux valeurs spirituelles et religieuses en plus de son rôle scientifique ; ces valeurs sans lesquelles il retombera, sans doute, dans une forme de non-sens et d’absurde malgré ses conquêtes et explorations.

A cette époque précise, Serigne Cheikh exprimait une espérance de voir les Civilisations jouer leur véritable rôle en construisant plus qu’elles ne détruisent et à comprendre le mouvement de libération des pays dominés ainsi que l’affranchissement des « damnés de la terre » comme l’une des plus sages leçons de l’Histoire sur le caractère passager de toutes les dominations. Il espérait, comme il le disait, que ces civilisations accueillissent les donnes de l’Histoire et les grands évènements des temps nouveaux en les admettant de manière positive.

Hélas, d’après Al-Maktoum, cela n’était possible que dans un état d’esprit ou ne dominait pas ce qu’il appelle une certaine « philosophie de la décadence ».

A vrai dire, c’est la manière dont il décrit les effets d’une telle philosophie qui imprime à la pensée de Serigne Cheikh toute sa dimension universelle et avant-gardiste pour son époque.

En réalité, il nous peignait le contexte d’un monde contemporain où, tel qu’il le disait dans les années 60, « les plus riches du globe assaillent les pauvres et thésaurisent leurs avoirs au détriment même de tout esprit de fraternité et de rapprochement, déniant aux dominés l’ambition de l’avoir et de l’accumulation, et par-dessus tout, prétendent que le bonheur et la réussite sont l’apanage des seuls riches des civilisations industrialisées  jusqu’à même se prévaloir d’une prétendue élection les plaçant au-dessus de tous les autres ». Et à Serigne Cheikh de leur rétorquer, en empruntant le style coranique : « Pourquoi donc êtes- vous constamment punis par le biais de la guerre, des dégâts de l’alcoolisme, de la cupidité, des jeux, de l’injustice, de la mesquinerie, de la tendance à l’exploitation ? Vous êtes donc de simples humains ! ».

Soulignant l’inanité et le non–sens d’une civilisation prétentieuse et dénuée d’éthique et de morale qu’il critiquait, Al-Maktoum se résolut à étaler sa vision d’un monde où on pourrait parler de « civilisation » dans son sens noble.

Selon lui, il faut espérer que la Civilisation humaine, dans son essence, « puisse retrouver la toute la splendeur qu’elle mérite et sans laquelle la terre deviendra une « boucherie » où, un jour ou l’autre, ceux à qui l’on a enlevé leur dignité pour en faire « des vaches, des chevaux et des loups », se révolteront contre les patrons et grands industriels, les habitants des capitales et des gratte-ciels pour recouvrer l’honneur de l’Humanité ».

Pour Serigne Cheikh Tidiane Sy si l’humanité en arrive à ce point, alors « plus d’humanité et point de civilisation ! ».

Vision ne pouvait être plus futuriste. Il aura bien fallu attendre la fin du XXème siècle, que le communisme s’effondre, que Jean-Christophe Ruffin parle d’« empire » et de « nouveaux barbares », qu’un certain Huntington théorise le choc des civilisations, que le 11 septembre se produise, qu’Emmanuel Todd prédit la « fin de l’Empire », qu’on envahisse des pays souverains au mépris du droit international, que le capitalisme mondial soit frappé par une crise inouïe, que le terme de régulation réintègre le vocabulaire économique et financier, que la jeunesse du monde arabe se dresse contre l’injustice des potentats, qu’une réelle crise de confiance s’installe entre les gouvernés et les gouvernants pour comprendre enfin le vrai sens et la nécessité de l’éthique dans les rapports politiques et économiques !

Pourtant, dès les années 1960, Serigne Cheikh, ce penseur avant-gardiste, l’avait intégré dans sa conception d’une civilisation universelle durable à laquelle l’islam et les Musulmans devraient contribuer à la mesure de la pertinence du message Mohammedien. Certainement, pour théoriser une telle conception et l’harmoniser avec le message islamique au-delà des particularismes, il fallait compter sur la vision d’un Cheikh Tidiane Sy, ce « philosophe de son temps » (faylasûfu ‘açrihi) –comme le dit SerigneMaodoSy – armé d’un sens élevé de la critique constructive et d’une audace de l’alternative, libératrices des conformismes coutumiers (âda), puisse l’exprimer en toute responsabilité.

Source : Revue Défense, N°196 –Janvier- Février 2019

La multiplication des « stratégies Sahel », l’absence de coordination de l’action internationale dans cette région donnent parfois l’impression d’une compétition perçue comme une « inconscience » face à la montée des périls et aux urgences. Lors des échanges avec des acteurs maliens, on perçoit bien une forme d’incompréhension de l’action de la communauté internationale et de la France en particulier.

Au Mali, il semble se dessiner, depuis plusieurs années, un conflit de perception du conflit entre la classe politique malienne et les dirigeants européens plus focalisés sur la menace terroriste à raison de son caractère transnational que sur la question de la « réconciliation nationale ». En d’autres termes, au sein des sociétés civiles africaines, il y a une forte perception selon laquelle la lutte contre le terrorisme est aussi un levier d’influence et une justification « intéressée » d’une présence militaire occidentale en Afrique.

Dès 2014, dans une étude intitulée Mali-Mètre « Que pensent les Maliens ?» menée par la Fondation Friedrich Ebert, plusieurs sujets ont été abordés dont la présence et le rôle des forces étrangères dans le pays. Les sondés divergent sur la force française Barkhane et son rôle tout en méconnaissant l’action de l’EUTM, la mission de formation de l’Union européenne. Le signal avait été donnée sur la perception de la présence militaire française à travers l’appréciation de Barkhane et de son action dans le pays et 34% des citoyen(ne)s estimaient que les forces armées françaises devraient rester « moins d’un an » au Mali ; ils étaient 22% à penser qu’elles pourraient encore rester entre « un et trois ans ». Pour 6% d’entre eux, Barkhane pourraient faire plus de 15 ans au Mali révélant du coup que la stabilisation du pays et la victoire contre les djihadistes n’était pas pour demain alors que les acteurs locaux étaient plus dans la logique d’une présence salvatrice que celle d’une installation à long terme.

Au Niger voisin, les acteurs de la société civile qui ne partagent pas souvent les orientations des dirigeants politiques, développent un sentiment assez mitigé de la coopération sécuritaire dans le cadre de la lutte contre le terrorisme qui, pour l’heure, semble être la seule approche préconisée par les pouvoirs publics contre le phénomène de l’extrémisme violent. En plus des questionnements que soulève, pour les défenseurs des droits humains, l’arsenal répressif dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les principales inquiétudes portent sur les perceptions d’une coopération internationale souffrant d’une « absence totale de transparence » de la part de l’Etat. En quelque sorte, ces acteurs s’interrogent sur la pertinence même d’une telle coopération souvent vue sous l’angle d’une volonté des pouvoirs publics à satisfaire les désirs des partenaires internationaux aux agendas « flous » aux yeux de la population.

De ce fait, la question des « forces étrangères » commence à être un sujet majeure de préoccupation : « la présence des forces étrangères inquiète nos populations ; cela donne l’idée d’une occupation du Niger sous prétexte de la lutte contre le terrorisme », affirme un responsable d’une ONG locale. Ce regard critique sur coopération sécuritaire semble même recouper la perception assez mitigée, de plus en plus partagée, de la présence militaire dans le pays. Les déclarations sont de plusieurs types mais ont en commun la traduction d’un sentiment d’incompréhension et même d’un relatif rejet d’une coopération pourtant saluée par les Etats comme participant de la sécurisation de ces vastes zones du Sahel. Bien que plus discrète, la présence militaire américaine qui s’est révélée comme une réalité désormais admise depuis l’attaque mortelle d’octobre 2017, n’échappe pas à cette perception négative de la part des populations : « la mission des drones qui survolent le territoire nigérien est incompréhensible. Ces drones ne sont pas là pour nous ! ». Il y a aujourd’hui une forte impression lisible dans des déclarations publiques de la part de représentants de la société civile,  telles que : « La présence militaire des pays occidentaux n’est pas là pour nous sécuriser. Les calculs géostratégiques orientent cette présence militaire ».

Du moment que la coopération sécuritaire est conçue comme relevant d’un engagement des Etats et des partenaires internationaux, on dirait que les sociétés civiles africaines commencent désormais à exiger plus de transparence au même titre que dans les autres volets de la gouvernance comme l’exprime cet acteur important d’une ONG travaillant dans la zone de Gueskérou : « Il y a tout un flou qui entoure cette présence des forces étrangères et la société civile voudrait qu’il y ait plus de transparence sur cette présence militaire qui accentue même le sentiment d’insécurité. La présence militaire étrangère est devenue même un facteur incitatif à l’extrémisme ».

Toutefois, une fine analyse de cette perception pourrait amener à croire à une différence d’appréciation selon qu’il s’agisse de l’approche américaine ou de celle française. Les liens historiques entre la France et les principaux pays du Sahel ainsi qu’une forte impression des acteurs français qui maîtriseraient mieux les « affaires africaines » pourraient induire à des erreurs d’appréciation de la situation. Il est encore courant que certaines autorités militaires françaises considèrent que les Etats-Unis seraient en rade sur les affaires sahéliennes en s’appuyant sur des documents américains de politique africaine dans lesquelles l’Afrique ne semble pas être une priorité. La réalité serait pourtant beaucoup plus complexe.

Une observation approfondie de la stratégie américaine ferait apparaître que les Etats-Unis ont, plutôt, fait l’option de laisser la sécurisation à d’autres pays avec son lot de critiques et de perceptions négatives, tout en profitant de cette sécurité relativement garantie pour accroître leur influence, à l’intérieur de l’espace, et se donner le temps de la prospective. Cette option semble « payer » et marque nettement les perceptions locales : « Il y a une différence entre l’approche américaine et l’approche française ; ils sont moins discrets. Il y a une forte suspicion sur la présence militaire française au Niger », remarque un président d’association de victimes à Diffa. Au moment où, l’option militaire semble être privilégiée par la France supportant ainsi les coûts financiers et militaires et termes d’image, les Etats-Unis se concentrent sur les actions de prévention de l’extrémisme violent avec une approche holistique. De la même manière l’Allemagne d’Angela Merkel qui a, désormais, pris son destin sahélien en main, en dehors des cadres européens ou sous « parapluie française », s’appuie sur l’approche développementaliste ainsi que ses puissantes fondations complétant sa diplomatie d’influence.

Cette incompréhension se creuse en même temps que, dans les cercles des leaders africains et de l’intelligentsia, les esprits se surchauffent déjà à l’idée de voire le Burkina Faso devenir un « nouveau Mali » malgré les assurances de Florence Parly lors de sa dernière visite à Ouagadougou. L’approche militaire, elle, dévoile ses insuffisances quotidiennes alors que les groupes terroristes qu’elle devait faire disparaitre se multiplient. Il y a aujourd’hui une forte impression selon laquelle la France s’interroge en même temps que ses alliés sahéliens doutent et sont fragilisés par les critiques des opinions publiques de plus en plus sceptiques quant à la pertinence de « nouvelles guerres » aux issues incertaines.

Il est sûr qu’un nouveau conflit s’installe : celui entre les approches internationales d’une crise sahélienne qui perdure et ses perceptions locales longtemps négligées. Ce que nous avons appelé le « nouveau dilemme sahélien » semble pour l’heure insoluble pour les Etats africains et de leurs partenaires internationaux  « entre l’impératif de gestion des urgences sécuritaires et la nécessité d’un changement inévitable de paradigme face à l’échec patent du tout-militaire ».

« De Bologne, ville de la Renaissance en Europe, siège de la plus ancienne université du monde occidental depuis sa fondation en 1088, je voudrais lancer un appel. L’Europe ne peut continuer à prétendre promouvoir les droits de l’homme et la liberté tout en cédant à la tentation du populisme et de la xénophobie. Ce faisant, l'Europe se trahit elle-même », a déclaré Dr. Bakary Sambe.

Invité par le Ministère italien des Affaires étrangères et de la coopération internationale par le biais de l’Ambassade d’Italie à Dakar, dans le cadre de la Session 2019 de l’Académie européenne de religion, le chercheur sénégalais est intervenu dans le panel dirigé par Professeur Jocelyne Cesari de Gorgetown University.

Dans cette session, il a été noté qu’au cours des trois dernières décennies, un nombre important de centres de «Religion et vie publique» ont émergé dans les universités européennes. Au-delà d’un objectif commun d’améliorer la compréhension du public de religion, ces centres varient considérablement en termes de mission, portée, programme de recherche, et ils collaborent rarement les uns avec les autres. La session dans laquelle est intervenu le chercheur sénégalais portait sur les modes de communication sur la religion en Europe afin de se pencher sur les espaces publics d’après différentes perspectives nationales et religieuses.

Certes, pour l’enseignant au Centre d’étude des religions (CER) de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, « avec la montée du terrorisme, les esprits sont surchauffés, l’émotion est à son comble, mais l’Europe ne doit pas abandonner son combat pour la défense des principes en cédant le pas aux minorités extrémistes. Le choc des extrêmes tant redouté et qui semble se profiler à nos yeux n’apportera rien de positif à l’essentiel du vivre-ensemble»Loin de souscrire au sentiment d’un « choc inéluctable entre Islam et Occident », le Directeur du Timbuktu Institute a surtout invité à se départir des « discours dichotomiques et des conceptions manichéens » à propos des relations interculturelles : « Je n'ai jamais cru à l'opposition systématique entre l'Islam et l'Occident, qui est une construction simpliste. L'islam est devenu une religion européenne depuis longtemps. Les langues européennes sont les langues de l'islam à travers lesquelles des millions de musulmans se parlent et s'expriment. C'est en français que des millions de jeunes acquièrent les connaissances de base de l'islam en Afrique comme en Europe. Si, aujourd'hui, la représentativité à l'organisation de la Conférence islamique devait être déterminée par le nombre de musulmans sur un territoire ou un pays donné, la France mériterait plus de sièges que le Koweït ou encore la Jordanie »Appelant à une approche privilégiant « une étude comparée des religions, toujours prônée par le Professeur Mohamed-Chérif Ferjani dans ses différents travaux qui ont démontré que l’islam n’était pas une exception dans le cadre de l’évolution du discours religieux », Dr. Bakary Sambe a déploré le peu d’intérêt à la démarche islamologique critique, depuis peu supplantée par « une malheureuse mode d’étudier l’islam en tant que simple problème dans les sociétés européennes »