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Educating for Peace: Changement climatique
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Par Dr. Bakary Sambe, directeur régional de Timbuktu Institute
Au Sahel, les différentes stratégies de lutte contre le terrorisme n’ont jusqu’ici réussi à endiguer un phénomène qui, au lieu de reculer, continue de menacer l’ensemble de la région. Dès le début de cette lutte, l’approche militaire et sécuritaire avait été privilégiée eu égard aux urgences sécuritaires qui avaient surpris des Etats désemparés. L’une des principales erreurs d’appréciation de la part des Etats sahéliens était d’être longtemps restés dans une posture considérant le terrorisme comme un phénomène toujours « lointain », exogène, alors qu’il devenait progressivement un fléau bien réel avec ses manifestations de plus en plus locales. Dès que les pays du Maghreb avaient été touchés, durant les années 1990, il fallait s’attendre à l’extension du champ de la menace vers les pays du Sahel. Mais une certaine géopolitique dominante avait conçu le désert du Sahara comme une barrière infranchissable alors qu’il a toujours été une zone d’infinies interactions et de circulation des hommes, des marchandises mais aussi des conflits et sources de violence. Ainsi, les pays sahéliens pris de court, ont d’abord testé les capacités individuelles de réponse qui se sont avérées faibles au point de vite recourir à partir du processus de Nouakchott jusqu’à la mise en place du G5 Sahel. Malgré la transnationalité évidente du phénomène de l’extrémisme violent ainsi que des menaces, il y a eu une prise en compte tardive de l’importance de stratégies conjointes. D’ailleurs, il semble paradoxalement, que les groupes terroristes de la région sont plus capables de synergie que les Etats de la région et leurs partenaires internationaux. Ces groupes ont pu exploiter le phénomène de transnationalité et des continuum territoriaux mieux que les Etats restés longtemps sur le schéma d’une guerre classique alors qu’il importait surtout de faire face à l’asymétrie.
Du débordement des épicentres aux continuums d’insécurité
Le caractère de plus en plus hybride de la menace, aggravé par l’éclatement de conflits communautaires, a même poussé les Etats de la région à recourir aux groupes d’auto-défense pour pallier les défaillances de la gouvernance sécuritaire et les manquements des armées nationales mal équipées et peu préparées, à l’instar de celles du reste du monde, à des formes d’insurrections inédites, mobilisant revendications sociopolitiques et même identitaires.
Dans ce contexte qui sera marqué par le débordement des épicentres où le phénomène devient de plus en plus difficile à circonscrire, le glissement des théâtres d’opération comme des zones de redéploiement stratégique fait de certains pays, des cibles stratégiques privilégiées. Le Burkina Faso entre dans ce cadre, vu par les groupes terroristes comme le dernier verrou à faire céder afin d’amorcer une avancée plus aisée vers l’Afrique côtière. Les pays qui lui sont frontaliers ressentent déjà les effets d’un tel débordement. Des Etats comme le Bénin, le Togo voire le Ghana sont déjà conscients de l’ampleur grandissante du terrorisme qui a déjà franchi leurs frontières.
Même si la menace d'une radicalisation de masse au niveau local est pour l’heure limitée, les recrutements de terroristes se multiplient avec des jeunes Ghanéens ayant rejoint Daech dès 2015. Les récents conflits armés dans la région (Sierra Leone, Libéria) facilitent la circulation des armes dans un contexte de porosité des frontières et des arsenaux encore intacts aux mains de groupes et de bandes jamais aussi mobiles. Plus de 80 points d’incursions hors contrôle le long des frontières du Togo, du Burkina Faso et de la Côte d'Ivoire à partir du Ghana, font, aujourd’hui, de l’accès des groupes terroristes à la mer une réalité probante. Les incidents relatifs aux enlèvements d’étrangers en 2019 en plus de la récurrence d’arrestations d’individus armés sur le territoire togolais en provenance du Burkina Faso, coïncident avec le démantèlement de cellules terroristes dans ce pays. La connexion entre réseaux terroristes et criminels depuis les couloirs sahéliens avec les cartels sud-américains fait planer le risque d’une aggravation de l’insécurité.
Fin du déni et prise de conscience progressive et collective
Les autorités du Bénin, du Ghana et du Togo ont entamé des efforts de mutualisation des capacités et d’échanges de bonnes pratiques malgré les différents niveaux d’élaboration des stratégies en cours dans chacun des pays. En effet, bien que se situant à des niveaux différents dans le processus d’élaboration de stratégies nationales, les trois pays partagent des vulnérabilités de même que des préoccupations de sécurité similaires justifiant une approche régionale.
Dans un processus couvrant le Bénin, le Ghana et le Togo, le plan régional de mise en œuvre d’un projet conjoint en cours, tente d’inclure, en plus des entités de différents Etats, les Organisations de la Société Civile (OSC), des femmes, des jeunes et des organisations religieuses. Il faut rappeler que ce processus inclusif a été approuvé en 2019 sous l'égide du programme régional de prévention de l’extrémisme violent du PNUD. Ce dernier ambitionne, avec ses bureaux-pays, de fournir, aux trois pays, les ressources et l'expertise nécessaires aux différents pays pour initier et développer des plans d'actions nationaux de prévention de l’extrémisme violent.
En effet, plusieurs raisons objectives consolident l’idée selon laquelle les défis et les menaces auxquels les trois pays sont confrontés doivent être traités de manière globale, transfrontalière et transnationale comme le phénomène des continuum socioculturels et le fait que les zones transfrontalières demeurent une source avérée d’instabilité dans la région où s’activent des groupes extrémistes violents dont l’action et les modes opératoires transcendent les frontières nationales. De même, le rapprochement du théâtre d’opération des groupes terroristes dans la région semble aboutir à une prise de conscience que la dimension transfrontalière est un élément-clé à prendre en compte malgré la nécessité de bien spécifier les besoins et les enjeux pour les pays côtiers.
La spécification des besoins sera la clé d’un changement de paradigme, expérience que pourrait offrir le contexte des pays côtiers. Les partenaires internationaux doivent éviter de transposer les solutions - d’ailleurs infructueuses - du Sahel dans des zones côtières qui n’ont pas les mêmes réalités. Les stratégies doivent être différenciées et rompre d’avec le « package sécuritaire ». On ne peut pas appliquer la même stratégie à forte dominante sécuritaire qui peut être envisageable dans des pays déjà atteints par le phénomène d’un extrémisme violent à caractère massif comme le Mali et le Nigeria où des Etats sous pression sécuritaire à l’instar du Niger, de la Mauritanie, du Burkina Faso ou encore du Tchad. Malgré les initiatives prises dans le cadre de l’initiative d’Accra, les pays côtiers peuvent encore développer une approche préventive et prospective qui correspondrait le plus à leur situation.
Ces pays côtiers seraient même le laboratoire approprié d’une approche holistique préventive et prospective qui privilégie le renforcement de la cohésion communautaire dans le cadre d’une politique de prévention assumée tout en intégrant les impératifs de sécurité humaine. Le succès annoncé des récentes opérations militaires conjointes dans le cadre de l’Initiative d’Accra qui peut, certes, galvaniser les ardeurs mais ne doit pas divertir les pays côtiers de saisir l’opportunité de différencier la lutte contre le terrorisme de la prévention de l’extrémisme violent.
La lutte contre le terrorisme vise, par des moyens militaires, à éliminer les cibles pour restaurer une sécurité durable par le partage du renseignement et la mutualisation des forces contre les groupes et autres poches terroristes. Non seulement les cibles ainsi éliminées peuvent se régénérer mais les moyens de lutte préconisées par le contre-terrorisme classique peuvent causer d’autres sources de conflits notamment communautaires surtout avec la stigmatisation de certaines régions et populations dont les frustrations seront encore instrumentalisées par les mouvances terroristes à des fins de recrutement. Les opérations de ratissage et de sécurisation très vite considérées comme des succès militaires, cachent souvent les germes de conflits futurs encore plus complexes. Un pays comme la Côte d’Ivoire avec des équilibres sociopolitiques fragiles devrait prêter une particulière attention aux risques d’une telle approche de même qu’une trop grande focalisation sur l’analyse mono-causale avec une fixation sur la seule dimension idéologique ou religieuse. Le risque est trop grand de fractures réveillant les vieux démons du conflit encore récent dans les esprits que ce pays a traversé ces dernières années.
Les pays côtiers doivent veiller à ne pas être emportés par l’élan de victoires militaires partielles et temporaires au point de réveiller les sentiments communautaires qui alimenteront les cellules terroristes locales de demain. On pourrait dire que le contre-terrorisme classique certes, semble avoir les faveurs des partenaires internationaux. Cependant il ne s’attaque qu’aux symptômes d’un mal déjà profond, à un résultat qu’est même le fait terroriste. Toutefois, il s’avère impuissant face aux racines de ce mal qui se déclinent en plusieurs fléaux. Ils ont pour noms, entre autres, la pauvreté, le mal-développement, la mal-gouvernance, les injustices et les griefs entretenus sur certains groupes ethniques et populations par une reproduction des imaginaires nés de l’époque coloniale et reproduits par les Etats postcoloniaux sur des populations entières auxquelles on n’offre que la répression comme réponse. De même, au Sahel, toutes les tentatives infructueuses de privatiser la gestion sécuritaire par le biais de milices d’autodéfense ont, de manière contreproductive, abouti à la stigmatisation de populations qui, frustrées et instrumentalisées, sont finalement allées grossir les rangs de l’Etat islamique au Grand Sahara et d’autres groupes terroristes qui n’ont même plus besoin de l’idéologie djihadiste pour recruter massivement.
Différente du contre-terrorisme, la prévention de l’extrémisme violent s’attaque aux causes structurelles de la radicalisation et des frustrations. Cette dimension ne devrait pas être perdue de vue. Sa prise en compte devra passer par la définition préalable des questions les plus urgentes à gérer selon les pays ainsi que de l’environnement extérieur à prendre nécessairement en compte. La conquête des cœurs par le renforcement du sentiment d’appartenance nationale des citoyens des zones transfrontalières et les investissements massifs sur le désenclavement s’avèrent plus durable que de leur imposer des conditions draconiennes de sécurité donnant l’impression d’un Etat à visage répressif. Une plus grande présence de l’Etat protecteur dont l’interface doit être des forces de défense et de sécurité ayant gagné la confiance des populations et la bataille du renseignement humain, participera du travail de prévention dans une démarche holistique et inclusive.
Il y a aujourd’hui une nette volonté de parachever l’élaboration des stratégies contre l’extrémisme violent au Togo, au Bénin et au Ghana malgré les disparités sur le niveau d’évaluation de la menace. Mais, il manque surtout la documentation des causes profondes et éventuelles de la montée du terrorisme par des études de terrain notamment à travers les enquêtes de perceptions qui, pour l’heure, font défaut. Cela fait planer le risque de reproduction de stratégies existantes sans une spécification des besoins réels des pays en question. Il faudra nécessairement, une revue actualisée des stratégies et politiques (CVE et CT) existantes axées sur la prévention. Les pays côtiers doivent veiller nécessairement à conduire une analyse actualisée de la menace et aller vers un système d’alerte précoce. L’appui de partenaires comme celui entamé par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), qui s’est déjà engagé dans une démarche préventive, pourrait aider à une meilleure harmonisation et à la conduite des réformes nécessaires pour respecter les textes internationaux notamment ceux relatifs aux droits de l'homme.
Même encore relativement loin de l’épicentre du djihadisme sahélien, les pays côtiers sont, pourtant, depuis quelques années, traversés par des dynamiques d’évolution sociopolitiques et religieuses qui doivent alerter. La pression sécuritaire à l’extrême-Nord de la Côte d’Ivoire, aux frontières entre le Burkina Faso, le Bénin et le Ghana est le signe évident d’une descente de la menace et de l’extension des zones d’intervention des groupes terroristes depuis le Sahel. Dans cette dernière région où l’on semble avoir déjà avoué l’échec de l’approche du tout-sécuritaire, la lutte contre le terrorisme n’a pas fini de susciter de sérieux doutes quant à la viabilité même des Etats, de leurs systèmes de sécurité, face aux nouvelles menaces. Les pays côtiers ne devraient pas se livrer à un mimétisme stratégique malgré la pression sécuritaire et l’engouement que suscitent les opérations militaires conjointes. Il y a une nécessité de spécifier les solutions et ne pas perdre de vue les possibilités que peut encore offrir l’approche préventive qui doit nécessairement être couplée avec la gestion des urgences sécuritaires. C’est dans cet équilibre entre démarche préventive et anticipation par le renseignement humain qui se gagnera avec les populations par la circonscription de la menace que résident les éventuelles chances d’éviter le scénario sahélien. Dans ces pays qui semblent développer des stratégies donnant une large place à une synergie d’action au plan militaire, comme dans le cadre de l’initiative d’Accra, il serait important d’apprendre des erreurs du Sahel où des « solutions » contre-productives ont abouti à un désaveu des politiques sécuritaires des Etats et de l’intervention de leurs partenaires internationaux. Ces derniers doivent aussi tirer les leçons des échecs sahéliens et éviter aux pays côtiers les solutions préconçues et qui ont plongé les Etats de la région dans une difficile posture de devoir faire face à des opinions publiques de plus en plus critiques sur les modes actuels de coopérations sécuritaires. Ce conflit de perceptions désormais perceptible entre, d’une part, les populations ouest-africaines et, de l’autre, les Etats et leurs partenaires internationaux, est le signe que la gouvernance sécuritaire est désormais au cœur des exigences citoyennes. De la prise en compte de cette mutation sociopolitique et de la volonté des Etats côtiers à aller au-delà des packages sécuritaires du contre-terrorisme classique dépendent, en grande partie, leurs meilleures chances d’échapper à la « sahélinisation ».
Source : Le quotidien l’Indépendant (Mali)
Les fake news, fausses nouvelles ou informations non vérifiées distillées sur les réseaux sociaux, le poids des influenceurs sur l’opinion publique, la course au scoop et au buzz, autant d’éléments aggravant les effets incontrôlés de la démocratisation de la diffusion et de l’accès à l’information à l’heure du numérique. Les pays du Sahel qui, en plus, d’absence de cadres normatifs ou de régulation, font face à ce flux d’informations et à sa manipulation par divers acteurs. Tout cela dans un contexte d’incertitudes et de tensions politiques internes, de menaces sécuritaires mais aussi d’escalades sur le plan diplomatique. Récemment, de fausses informations ont failli déclencher des émeutes au Mali et dans d’autres pays de la région sur fonds de lutte contre le terrorisme et de contestation des présences militaires étrangères. Dans ce contexte lourd de menaces pour la sécurité, la stabilité et même le peu d’acquis démocratiques, le Directeur régional de Timbuktu Institute, un think tank régional basé à Bamako, Dakar et Niamey, nous accorde cet entretien. Son organisation vient de mettre en place un Observatoire des Réseaux sociaux au Sahel et compte lancer une vaste initiative de formation des journalistes et des médias en ligne contre ce fléau
Dr. Sambe dans une étude récente que vous aviez dirigée dans 7 pays du Sahel et du Bassin du Lac Tchad, vous attiriez déjà l’attention sur ce phénomène. Pouvez-vous revenir sur le contexte ?
Cette étude de perception menée par Timbuktu Institute a été une première au niveau mondial qui a permis un focus sur le Sahel en interrogeant selon la méthode CAP (Connaissances, Attitudes et pratiques) plus de 4000 Sahéliens simultanément dans 7 pays (Mali, Niger, Burkina Faso, Mauritanie, Cameroun, Sénégal, Tchad). L’étude qui a permis de mesurer les perceptions des Sahéliens avec une focalisation sur la dimension désinformation et de l’instrumentalisation de l’opinion publique à travers divers media et supports y compris numériques. Se déroulant dans un contexte de grave crise sanitaire doublée d’une angoisse socioéconomique, l’enquête s’est appuyée sur les moyens technologiques de collecte et de traitement de données sur une plateforme entièrement conçue par des ingénieurs africains tout en faisant une large place aux approches qualitatives pour capter les spécificités endogènes au-delà des seules statistiques.
Quelles ont été les tendances globales surtout au niveau de la confiance que les accordent aux médias et aux autorités politiques ?
En plus de confirmer les tendances du début de la pandémie, notamment, la surprenante résilience de l’Afrique lors de la première vague, l’étude a établi le plébiscite sans appel des media audiovisuels avec une forte confiance des sahéliens vis-à-vis de la presse écrite. Adoptant une approche différenciée en prenant en compte les spécificités liées à la ruralité et au milieu urbain l’étude a fait ressortir l’importance que les Sahéliens accordent aux leaders religieux et traditionnels en tant que vecteurs de l’information crédible loin devant les médias d’Etats fortement contestés de même que et les canaux officiels de communication qu’ils soient nationaux ou internationaux. Cela veut dire que désormais les gouvernants de la région feront de plus en plus face à la contestation de l’information officielle et de celles provenant des organisations internationales telles que l’ONU et des partenaires internationaux comme l’Union Européenne et surtout les médias français qui ont été perçus comme distillant de l’information partisane. Seuls 32,5% des Sahéliens enquêtés affirment accorder une certaine confiance aux autorités gouvernementales même sur l’information sanitaire concernant la pandémie de COVID-19.
Quelle a été la part de confiance accordée aux médias en tant que vecteurs d’information dans un contexte marqué par une domination des réseaux sociaux ?
II est vrai que qu’entre 2011 et 2018, le taux d’utilisation d’Internet a plus que doublé sur l’ensemble de notre continent, passant de 13,5 % à 28 %. Mais, il y a une attitude paradoxale vis-à-vis des réseaux sociaux de la part des populations sahéliennes. Autant, ils sont considérés, de plus en plus, comme des média alternatifs et un espace de liberté par rapport à l’information officielle encadrée, il y a une certaine méfiance quant aux informations qui y sont diffusées. Les statistiques sont catégoriques. Même si les populations du Sahel sont plus nombreuses à avoir confiance dans la télévision (86%), la radio- bénéficiant d’une forte démocratisation y compris dans les zones reculées- bénéficie tout de même d’un important taux de confiance. Les Sahéliens sont ainsi 84% à avoir confiance dans la radio. Pourtant le taux de connectivité est monté à plus 360 % depuis une décennie et les smartphones sont devenus on moyen d’accès à l’information plus que répandu.
Justement y a t-il des disparités à ce niveau et quels en seraient les conséquences pour nos pays ?
Selon l’étude, les hommes, les jeunes et les urbains sont plus nombreux à s’informer à travers Internet et les applications de messagerie. On dirait que la dimension genre des inégalités horizontales se répercute aussi au niveau de l’accès à l’information en ligne Les femmes, les ruraux ainsi que les personnes âgées n’y ont recours de manière assez modeste. Le paradoxe est que les rumeurs, par exemple, ont plus de chance à se diffuser dans les zones rurales qu’auparavant chez des populations moins éduques avec moins de capacités de discernement et de remise en question critique face aux entreprises de désinformation. C’est l’effet d’applications comme Whatsapp dont l’usage ne nécessitant pas d’être très alphabétisé Le plus inquiétant est que les populations du Sahel sont apparus majoritairement comme incapables de détecter rapidement une fausse information. En plus des disparités de genre, il y a la question du niveau d’éducation. L’étude a nettement montré que les personnes les éduquées sont plus à même de détecter les fausses information pendant que l’accès à internet se démocratisent avec des applications dont la maîtrise ne demande pas un certain niveau d’étude. Ces fausses informations visent souvent des publics jeunes et vulnérables directement ciblées sur leur smartphone. Le développement d’une presse en ligne en perpétuelle quête de buzz et économiquement vulnérable accentue le phénomène. Cela représente une réelle menace à la stabilité et aux acquis démocratiques au Sahel
Au Mali, on semble déceler les signaux d’une véritable guerre informationnelle dans un contexte de rivalités entre des puissances étrangères…
Le terrain malien est depuis peu le laboratoire d’expérimentation de toutes formes de communication d’influence. Dans un contexte d’insécurité et d’instabilité politique, la désinformation revêt plusieurs formes et se cache derrière bien des campagnes de communication bien ciblées. La période de la transition avec la montée de diverses formes de contestation des dominations sur fond d’escalades diplomatiques et de guerre de positionnement de nouvelles puissances est particulièrement propice à ce phénomène. Mais en accentuant la guerre informationnelle on est en train de jouer avec le feu. La lutte contre la désinformation est un enjeu de sécurité et de stabilité pour les pays du Sahel. En présence d’une crise et d’une angoisse des populations les tentatives de manipulations de l’opinion à travers les réseaux sociaux et les différents médias peut compromettre les politiques publiques et même la crédibilité des institutions ; ce qui représente une menace grave contre la viabilité des Etats, du système démocratique, de la paix et de la sécurité au Sahel.
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken passe cinq jours sur le continent. Il débute sa tournée au Kenya. Il se rendra ensuite au Nigeria. Puis il terminera son déplacement au Sénégal. Cette tournée intervient au moment où la France a mis fin à l'opération Barkhane au Sahel. Quels sont les enjeux du premier voyage officiel du chef de la diplomatie américaine sur le continent ? Entretien avec Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute-African Center for Peace Studies. Le secrétaire d'État américain Antony Blinken avait prévu de se rendre sur le continent africain en août. Le retrait des troupes américaines d'Afghanistan avait retardé ce voyage.
Bakary Sambe, fondateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique et Directeur de Timbuktu Institute-African Center for Peace Studies (Dakar, Bamako & Niamey)
TV5Monde : Que faut-il attendre de cette visite ? Quel rôle peuvent jouer les Etats-Unis en Afrique subsaharienne ?
Il ne faut pas oublier que le programme de campagne de Biden était "America is back", signifiant le retour d’une Amérique qui montre sa vitalité, économique et politique, une Amérique passionnée par la scène internationale. Donc l’Amérique est de retour, mais dans quel contexte ? Il y a trois choses qui interviennent. La montée continue, fulgurante même, de la puissance chinoise qui prend une place de choix sur le plan des relations internationales, y compris en Afrique. Il y a aussi un moment où l’allié naturel des Etats-Unis, qui était et est toujours la France, se trouve dans une période assez complexe aujourd’hui au niveau du Sahel. Il y a un effet transversal, le retour de l’Amérique pour renforcer l’axe atlantique, dans un contexte que j’appellerais les retrouvailles "des enfants de Victoria" : le Royaume Uni, les Etats-Unis, et l’Australie. C’est très complexe. C’est une période très fragmentée sur le plan des relations internationales. Il y a des crises majeures au plan international, comme par exemple avec le contrat des sous-marins avec l'Australie.
La France se retrouve dans une posture difficile, avec des alliés faibles, contestataires, qui sont prêts à répondre à l’appel du pied d’autres alliances, telles que la Russie.
Au sein de l’alliance occidentale, une division des espaces était organisée où il existait une sorte de "gentlemen’s agreement" : la France étant le pays qui devrait avoir plus de valeur ajoutée sur le Sahel et en Afrique francophone, les États-Unis et le Royaume-Uni exerçant leur influence sur les pays qui sont membre du Commonwealth.
TV5Monde : Les États-Unis vont-ils soutenir la France dans sa lutte contre le djihadisme au Sahel ?
Les États-Unis n’ont jamais été absents de l’espace sahélien, ils ont joué un rôle important dans le renseignement et au niveau de la logistique tout en évitant la présence au sol de troupes.
Pour les médias français, la France est au-devant et pas les États-Unis. C’est le contraire de ce qui se passe dans la réalité. Je crois qu’il y a de la part des Américains un choix très clair, et ce dès le début. Ils ont tiré les leçons de l’Afghanistan, avant même de quitter ce territoire. Au Sahel, les Américains ont scindé la problématique en deux. Il y a la problématique de la lutte contre le terrorisme, avec des militaires qui visent l’élimination des cibles avec des troupes au sol… Je pense qu’ils ont laissé cet aspect-là à la France. Et il y a la question en amont de la prévention de l’extrémisme violent.
Les Américains veulent agir sur les sources profondes du conflit et de la radicalisation. Dr Bakary SAMBE
Le programme le plus poussé en matière de prévention est un programme américain. Il s'agit du "Projet Partenariat pour la paix P4P" - développé par USAID qui accompagne le G5 Sahel et aide des pays comme le Burkina Faso, le Centrafrique et le Niger à mettre en place des politiques de prévention de l’extrémisme violent.
Tout en donnant une aide au niveau logistique et une aide concrète au niveau opérationnel, les Américains livrent aussi une aide beaucoup plus affirmée au niveau de l’influence. Ils veulent agir sur les sources profondes du conflit, de la radicalisation, et je crois que l’aspect militaire, sécuritaire pur, est laissé à la France. Telle est la stratégie américaine.
Dans un espace qui serait sécurisé par la France, ils font de l’influence. Ce programme "Projet Partenariat pour la paix P4P" a élaboré ces cinq dernières années des stratégies de prévention de l’extrémisme violent, alors que la France reste concentrée sur l’aspect militaire et la lutte contre le terrorisme. Et les États-Unis font ça au sein du G5 Sahel, dans un espace francophone. Aujourd’hui, ce sont les États-Unis qui ont financé l’élaboration d’un guide régional pour la prévention de l’extrémisme violent, au sein du G5 Sahel. Ils sont plus concentrés sur l’aspect prévention alors que la France s’occupe de l’aspect militaire.
Les États-Unis sont très impliqués au Sahel avec du positionnement stratégique, avec de l’influence, sans engranger une image négative ou critique, si l’on compare avec la France.
Les chars, les militaires, ça élimine des cibles mais les cibles peuvent se régénérer. Il faut s’attaquer aux causes structurelles que sont les vulnérabilités socioéconomiques. Dr Bakary SAMBE
Les Américains ont donc scindé la problématique en deux, en distinguant la lutte contre le terrorisme avec l’opérationnel visible, en se concentrant sur la prévention et l’influence. C’est-à-dire, qu’au moment où la lutte contre le terrorisme sur un plan militaire, vise l’élimination des cibles, la prévention de l’extrémisme vise à combattre les causes de la radicalisation. C’est dans ce cadre-là que les États-Unis ont financé tout un programme de prévention de l’extrémisme violent au sein du G5 Sahel. Les chars, les militaires, ça élimine des cibles mais les cibles peuvent se régénérer. Il faut aussi s’attaquer aux causes structurelles que sont les vulnérabilités socioéconomiques.
TV5Monde : Cette visite confirme donc un travail de fond commencé par les États-Unis depuis 5 ans ?
Ça va au-delà de la zone traditionnelle anglophone. Antony Blinken arrive à un moment où on commence à voir le début de la fin du pré carré français. Ça se manifeste aujourd’hui par l’éclatement de tous les schémas existants. C’est un moment où on aurait pu dire que la menace russe aurait pu unir le camp atlantiste mais en même temps on vient de sortir d’une crise assez forte, qui a divisé ce camp avec notamment la crise des sous-marins. Ceux que j’appelle les "enfants de Victoria" se sont retrouvés.
Antony Blinken arrive à un moment où on commence à voir le début de la fin du pré carré. Dr Bakary SAMBE
Mais il reste des thématiques fondamentales qui pourraient renforcer la coopération entre la France et les États-Unis dans la région. Même avec une différence d’approche, la lutte contre le terrorisme rapprochera toujours la France et les États-Unis, mais il y a aussi cette nouvelle donne d’une présence russe annoncée. Ça pourrait être une chance. Mais il ne faut pas oublier qu’il n’y a pas que les Russes, les Chinois sont aussi très présents.
L’Afrique, malgré tout le désintérêt apparent que l’on semble y montrer aux États-Unis, est devenuele terrain du nouveau grand jeu qui s’annonce.
Nous publions in extenso le communiqué diffusé à l'issue de la conférence de presse tenue ce matin 15 novembre à l'institut islamique de Dakar par le Cadre Unitaire de l'islam au Sénégal
Assalaamou aleykoum wa rahmatou Laahi wa barakaatouhou,
Louange à Dieu qui a béni le Sénégal en en faisant un pays où la culture de paix et le vivre ensemble ont des fondements solides bâtis sur l’ouverture à l’autre, le métissage, la parenté et surtout la lumière de la foi qui doivent structurer profondément nos postures et nos actions.
Le Cadre Unitaire de l’Islam au Sénégal (CUDIS) présente ses salutations déférentes à tous les musulmans et à la communauté nationale toute entière et prie Allah soubhaanahou wa taala d’agréer toutes les vibrantes prières et généreuses actions de grâce faites à l’occasion du Magal et des Gamou, partout dans le pays. Que notre Seigneur nous aide à chasser Sheytan de nos intériorités et de notre espace public pour que les sénégalais retrouvent la sérénité et la convivialité ! Que tous les efforts d’élévation spirituelle individuelle et collective inspirent également un meilleur fonctionnement de notre société sous la guidée de nos chefs religieux.
Conscients de leur rôle légendaire de régulation sociale, de consolidation et de transmission des valeurs qui fondent le Sénégal au-delà de nos différences, toutes les obédiences religieuses du pays avaient lancé un message commun à la communauté nationale dans un contexte de violence inédite en mars 2021. Ce message transmis par les émissaires des khalifes généraux qui sont les personnalités les plus écoutées et auxquelles les sénégalais se réfèrent dans leur écrasante majorité, avait pénétré la conscience des sénégalais et avait été entendu et suivi d’un apaisement salutaire pour la nation. Il avait permis à la suite de rencontres avec le Président de la République Mr Macky Sall et le Mouvement pour la Défense de la Démocratie (M2D) d’arriver à une désescalade et la promesse d’une nouvelle page dans l’accompagnement des relations entre les acteurs politiques pour anticiper les conflits violents entre eux, notamment lors des périodes pré et post électorales. Nous avions espéré que les leçons tirées de ces événements éviteraient pendant très longtemps à notre pays leur survenue. Le Président de la République Macky Sall appelait au soir du 8 mars à rejeter « la logique de l’affrontement qui conduit au pire » et le Mouvement pour la Défense de la Démocratie (M2D) le rejoignit le samedi 22 mai en s’engageant sur plusieurs actions :
« 1. agir individuellement et collectivement pour l’unité nationale, la paix et la concorde dans l’espace politique ;
2. bannir de nos discours, nos comportements et nos actions tout ce qui peut susciter, entretenir ou encourager la haine et la division sur des bases religieuses, ethniques ou communautaristes;
3. nous écarter publiquement de toute personne ou groupe de personnes, qu’il soit du pouvoir, de l’opposition ou des mouvements citoyens ou de la société civile, qui par l’acte ou la parole, susciterait ou encouragerait la violence et la haine dans l’espace politique;
4. promouvoir et encourager une pratique politique positive, fondée sur le respect de l’autre et la valorisation des débats d’idées ».
Faisant suite à cet épisode, les khalifes généraux ont, à l’occasion des événements religieux comme le Magal et les Gamou, réitéré les appels à renoncer à la violence et au respect des règles de bonne conduite dans les compétitions politiques qui se profilent à l’horizon, notamment les élections locales et législatives de 2022.
Au demeurant, dans un contexte de grande fragilité sociale et économique due à la pandémie du COVID 19 qui a impacté les activités et le niveau de vie des sénégalais, la nation court le risque de voir s’aggraver la crise politique et de rejoindre le peloton des pays de la sous-région dont les perturbations politiques latentes ont fini par générer des coups d’état et des remises en question de leur équilibre et des fondements de leur nation.
Devant de telles menaces et à l’instar du début de la gestion de la pandémie du COVID 19 à ses débuts, les acteurs politiques doivent être capables de se retrouver autour de l’essentiel pour les intérêts supérieurs de la nation. Ils nous le prouvent à chaque perte de parents proches ou à l’occasion des événements religieux.
A la lumière de ces constats, le CUDIS vient rappeler à nos frères et sœurs, acteurs et actrices politiques du pouvoir et de l’opposition, leur responsabilité historique et directe dans la préservation et la perpétuation de la paix et de la sécurité dans ce pays, aujourd’hui et demain. Il condamne les violences psychologique, verbale, physique et armée, déjà observées depuis quelques semaines et qui augurent de lendemains sombres si un sursaut général n’est pas observé.
Cette responsabilité est décuplée dans un contexte où les 14 morts et les milliers de sénégalais blessés lors des affrontements et manifestations du mois de mars 2021 attendent encore qu’on leur fasse justice. La violence extrême observée à cette occasion avait surpris tous les acteurs de la société quel que soit leur camp et présentait des risques de basculement de notre cher pays dans les affres de l’inconnu.
Les impacts sociaux et économiques de la pandémie du COVID 19, notamment l’accentuation de la pauvreté et la destruction d’emplois et d’activités, se sont rajoutés au désespoir des jeunes, à la dépravation des mœurs. Les menaces sécuritaires lèchent nos frontières et la présence présumée de cellules dormantes djihadistes dans notre pays n’est pas encore formellement démentie. Ce contexte interne si inflammable invite à l’esprit de dépassement et à la préservation de la cohésion nationale qui constitue un legs acquis par le sang et par la sueur de nos valeureux ancêtres. Il s’y ajoute que des pays frontaliers du Sénégal sont sujets à des conflits violents et agités par des coups d’état, et ces situations représentent des menaces directes à la paix et à la stabilité du pays.
Au regard de tous ces éléments, le Cadre Unitaire de l’Islam au Sénégal (CUDIS) appelle les acteurs politiques de tout bord à se ressaisir et à adopter la non-violence comme un impératif catégorique et un viatique à prendre à compte à tout instant et surtout lors des compétitions électorales à venir. De même, le CUDIS appelle l’État à assurer les conditions du respect du jeu démocratique à travers l’organisation d’élections transparentes pour la préservation de la paix sociale.
Le Cadre Unitaire de l’Islam rappelle aux sénégalais que la non-violence n’est pas de la naïveté ou de la lâcheté, mais un choix philosophique, culturel, politique et stratégique payant, qui a également une profondeur historique et un sens moral profond dans notre pays, ceci dans des contextes autrement plus dramatiques et plus contraignantes. Il leur rappelle également que quels que soient leurs divergences et leurs différends, le dialogue doit prévaloir pour éviter que les logiques de confrontation violente prennent le dessus sur la clairvoyance et l’esprit chevaleresque.
Il invite les hommes et femmes politiques de tout bord à bannir la haine viscérale entre personnes au nom de leur commune appartenance à un même peuple, une même foi qui appelle à la spiritualité, vecteur de paix intérieure et la bienfaisance à l’égard des autres et de son environnement.
Pour concrétiser la co-construction de cette ère de non-violence que nous appelons de nos vœux, le Cadre Unitaire de l’Islam au Sénégal propose aux acteurs politiques de tout bord de signer d’adopter la CHARTE de la NON VIOLENCE. Cette charte constituera un instrument de veille citoyenne sur l’espace politique et social et permettra de juger des actes posés par les uns et les autres en rapport avec leur serment. La moralité de personnes qui cherchent à briguer la confiance des citoyens et le respect de nos vénérables guides religieux trouveront à travers cette charte un baromètre appréciable.
Dans cet entretien qu’il nous accorde, Dr Bakary Sambe, Directeur de Timbuktu Institute, revient sur la crise malienne et sur la situation dans le Sahel. Selon lui, il faut une amélioration des conditions du dialogue entre la France et le Mali pour dénouer la crise. Pour le Directeur régional du Timbuktu Institute, un dialogue franc et sincère entre ces deux partenaires est une clé essentielle pour la sortie de crise et la stabilité du Sahel.
Propos recueillis par Aliou Diouf (Quotien le Soleil)
Quelle lecture faites-vous de l’état actuel de la crise au Mali ?
- Il y’a au Mali une sorte de fracture entre les perceptions locales qui semblent s’inscrire dans la dynamique de dialogue inclusif des assises de la Refondation pour mieux réfléchir au meilleur système pour leur pays et trouver des solutions endogènes et la communauté internationale qui s’agrippe aux principes sacro-saints de tenue d’agenda d’élections. Donc, il y a, encore une fois, une forme de tiraillement entre les perceptions locales et l’approche internationale. De ce point de vue, à mon avis on ne peut pas proposer de solutions à l’encontre des perceptions des populations locales. Une sortie de crise est nécessaire au Mali où on voit 79% de la population s’accordent à dire que ce sont les hommes politiques qui divisent le pays d’après la récente étude du Timbuktu Institute dans le cadre de l’initiative « La Parole aux Maliens ». Ces Maliens sont aujourd’hui favorables aussi à une implication des leaders religieux, des leaders traditionnels et de la société civile mais qu’au même moment il y a un début de satisfaction par rapport à la gestion de la sécurité par les nouvelles autorités.
Est-ce que la suspension de la détention de Issa Kaou N’Djim demandée par le conseil national de la transition peut contribuer à faire baisser la tension ?
- Cela entre, à mon avis, dans le cadre d’un apaisement voulu par les autorités. Je trouve ça salutaire parce que, depuis un certain moment, beaucoup se plaignent d’une ambiance délétère où les libertés d’expression commençaient à être restreintes. Cela va dans le bon sens d’élargir les discussions d’autant plus que le gouvernement prône la tenue des Assises nationales de la Refondation. Ce, malgré la pression de la communauté internationale qui veut se diriger vers les élections en février 2022. Il y a aujourd’hui une situation qui méritait que l’on aille vers un apaisement. Je crois que cela donne un signal encourageant par rapport à la situation qu’il y a aujourd’hui avec les arrestations qui se multiplient et qui inquiètent au plus haut niveau. On est sûr que l’instance sous régionale, la CEDEAO, est devant ses responsabilités mais aussi devant un dilemme de pouvoir gérer aussi bien la situation guinéenne où il n’y a aucun agenda, pour l’heure, et la question malienne où il y a un agenda mais qui risque fort de ne pas être respecté.
Quel est l’impact que la présence de l’ex otage Sophie Petronin peut avoir sur les relations entre Paris et Bamako ?
- Le cas de cet ex-otage avait posé un sacré problème d’éthique. Le contexte dans lequel elle est revenue au Mali est assez lourd d’incertitudes et de risques. Je pense que la sous-région n’a pas besoin d’escalade entre ces deux pays, partenaires :le Mali et la France. Autant la France est un partenaire stratégique de premier plan pour son engagement dans la lutte contre le terrorisme, autant le Mali est une pièce maîtresse de ce puzzle sahélien qui doit rester stable. Je crois que l’intérêt de tous, c’est qu’on se retrouve dans une forme de consensus et que le Mali puisse s’ouvrir à tous les partenaires conventionnels qui pourraient apporter quelque chose pour la sécurité et la stabilité tant attendues.
Quelle analyse de la situation au Sahel confrontée aujourd’hui aux atrocités des djihadistes ?
- Nous sommes dans une forme de statu quo qui, parfois, va avec l’aggravation de la situation sécuritaire. La situation est inquiétante au Burkina Faso qui semble devenir de plus en plus un nouveau maillon faible sahélien. On voit aussi la montée des périls dans la zone des trois frontières, dans un moment où il y a une redéfinition de la politique de coopération sécuritaire française, notamment de sa présence militaire. Au plan africain, nous sommes encore dans des tergiversations sur l’activation de la force africaine. Je crois qu’on est dans un moment de perplexité dans la sous-région et dans le Sahel. Cette situation ne doit pas perdurer. Le Mali s’interroge. Le Sahel est dans une sorte de crispation pendant que les partenaires internationaux sont dans l’hésitation. Il faut une amélioration des conditions de dialogue entre la France et le Mali. C’est une des clés pour dénouer cette crise. Il faudrait que la CEDEAO et l’Union Africaine jouent leur véritable rôle surtout en termes de facilitation. Néanmoins, il est grand temps que les Africains sortent de la délégation de la sécurité et de la souveraineté à des puissances étrangères qui sont, certes, des partenaires mais qui ont aussi, légitimement, leur agenda et leurs priorités. Mais, il faudra vite aller vers une convergence des agendas parce que la stabilité du Mali et du Sahel regarde tout le monde. Le Mali est une digne qui, si elle cède, va compromettre, aussi, la sécurité des partenaires européens. Nous sommes liés par les contraintes de la sécurité collective