Source AFP

La tentation est forte d'anticiper une recomposition des grands équilibres dans une économie mondiale questionnée dans son fonctionnement

Le puits d'interrogations semble sans fond. Alors que les gouvernements sont confrontés au déferlement du covid-19, les perspectives de sortie de crise s'accompagnent d'un amoncellement de questions vertigineuses sur l'état du monde post-coronavirus.
Comment redémarrer des pays aux économies littéralement figées, leurs emplois sans doute détruits dans des proportions possiblement inégalées ? Dans quel état retrouvera-t-on les marchés financiers, les démocraties, les Nations, les libertés publiques, les accords multilatéraux ?
"Est-ce un gros titre ou une tendance ? Assistons-nous à un évènement qui va remodeler les relations internationales et les relations entre Etats ?", s'interrogeait la semaine dernière Aaron Miller, de la fondation Carnegie Endowment for International Peace, lors d'un séminaire sur internet.
Et d'ajouter, en pointant la fragilité des Etats-Unis de Donald Trump: "Est-ce que cette position dominante, ou absence de position dominante, va ouvrir des opportunités ou des vulnérabilités pour différents pays dans le monde ?". Une allusion évidente à la Chine, concurrente affichée des Etats-Unis pour la suprématie mondiale des décennies à venir.
De fait, la tentation est forte d'anticiper une recomposition des grands équilibres dans une économie mondiale questionnée dans son fonctionnement.
Plusieurs experts consultés par l'AFP dans le monde évoquent le spectre de déflagrations sociales. Si certaines puissances ont mis en place des outils d'indemnisation des entreprises, d'aide aux chômeurs et d'assistance aux plus démunis, d'autres n'en auront pas les moyens financiers.
"Le potentiel de troubles sociaux, dans des pays qui n'ont pas de filet de sécurité pour ceux qui ont perdu leur emploi, me semble très réel avec de possibles répercussions sur la gouvernance et au-delà", résume Joshua Geltzer, professeur de droit à l'université Georgetown de Washington.
Et selon l'ampleur de ces troubles, des régimes pourraient vaciller, insistent plusieurs sources. Quitte à ce que certaines puissances, dont la Russie, soufflent sur les braises à leur profit.
Outre ces imprévisibles destins nationaux, une série de grands principes pourraient être remis en cause. La mondialisation des échanges a dominé les débats depuis l'après-guerre. Mais douze ans après la crise financière asiatique de 2008, qui avait déjà sérieusement ébranlé le système, la façon de faire du commerce risque de changer.
"On assiste à un déclic phénoménal", a assuré à l'AFP Bakary Sambé, directeur du Timbuktu Institute basé à Dakar, en évoquant une faiblesse des stratégies sanitaires européennes et américaines. "Voilà toute une élite mondiale qui nous a théorisé pendant très longtemps le libéralisme et la mondialisation et qui a été la première à fermer ses frontières".
Qu'il s'agisse de masques, de pétrole ou de nourriture, l'épidémie crée des manques, initie des dépendances, suscite des aides plus ou moins instrumentalisées qui feront date.
"La dé-globalisation peut potentiellement s'accélérer dans le sillage de la crise. Il y aura certainement plus de conflits liés aux systèmes commerciaux et au besoin de sécuriser les chaînes d'approvisionnement", estime Pratap Bhanu Mehta, chercheur en sciences politiques à l'Ashoka University près de New Delhi, dans une chronique publiée sur le site The Indian Express.
Donald Trump, le Chinois Xi Jinping ou l'Indien Narendra Modi ne mettront pas de côté leurs objectifs, assure-t-il. Alors que la pandémie monopolise la bande passante, "les différents partis et idéologies politiques, de Trump à Xi en passant par Modi, ne cesseront pas d'utiliser la crise pour servir leurs objectifs".
Les lignes de fracture historiques pourraient donc bouger. Mais la tectonique est incertaine. L'Afrique, pour ne citer qu'elle, pourrait repenser des décennies de relations avec les Européens.
"Le facteur psychologique et symbolique de la redécouverte de l'Europe vulnérable, impuissante même pour elle même, incapable de coordination, pèsera beaucoup sur les nouveaux rapports avec l'Afrique", prévoit ainsi Bakary Sambé, pronostiquant une Chine plus présente encore sur le continent.
Et au-delà des logiques régionales, c'est une certaine idée du monde qui est menacée. Car si la coordination internationale, déjà affaiblie par l'unilatéralisme de Donald Trump, est jugée essentielle pour juguler la maladie, elle ne s'est pas imposée aux décisions nationales.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS), en théorie autorité globale sur le sujet, "semble de plus en plus effacée", s'inquiète à cet égard Barthélémy Courmont, chercheur à l'Institut de recherches internationales et stratégiques (IRIS) à Paris.
"On ne cherche pas tant à éradiquer le virus qu'à ne pas y être trop exposé", constate-t-il dans une interview en ligne. "Quelle légitimité accorderons-nous aux institutions internationales si celles-ci n'ont pas autorité pour gérer des crises ? (...). C'est le système-monde dans lequel nous vivons qui sort un peu plus fragilisé de cette crise".

Avec plus de 526 000 personnes contaminées et plus de 23 700 décès dans 175 pays (le Mali entre dans la liste avec quatre cas), le Covid-19, parti en décembre de la province de Hubei (Chine), est la preuve que nous sommes bien dans un monde globalisé où les frontières sont imaginaires.

 

Outre les urgences sanitaires qu’il a causées en quelques semaines, qui ont poussé dans un premier temps à « l’égoïsme des États » en Europe, la crise sanitaire prépare un bouleversement géopolitique dans le monde. Au moment où la Chine enregistre une baisse de contagion locale, le nombre des contaminés double chaque trois jours aux États-Unis et dans plusieurs pays dans le monde. Le Covid-19 a changé de foyer, faisant dorénavant de l’Europe l’épicentre.

Ce changement brusque a eu un impact significatif sur les relations entre les États européens en particulier et sur l’économie mondiale en général. De fait, les réponses varient de la fermeture des frontières à la limitation des échanges touristiques, au blocus de la production manufacturière en Chine avec la baisse des bourses en Asie, en Europe et aux États-Unis.

Tensions au sein de l’Union européenne

Alors que le nombre de morts et de personnes testées positives augmentaient d’une manière vertigineuse depuis le début du mois de mars en Italie, les gouvernements français et allemand ont interdit l’exportation des matériels médicaux. L’Italie, qui était dépassée par les événements au cœur de son poumon économique, la Lombardie, se voit abandonner par ses partenaires européens avec des restrictions aux frontières.

Ces fermetures de frontières, illégales, enterreraient implicitement le traité de Schengen. Bruxelles, pour éviter un tel scénario, a pris le devant pour demander la fermeture des frontières extérieures de l’Union européenne et le retour provisoire des contrôles aux frontières entre les pays membres. Il faut toutefois souligner que le contrôle aux frontières a été instauré une centaine de fois à cause des multiples crises migratoires, mais ne limitait aucunement le déplacement des citoyens de la communauté.

L’allié Chinois mieux que le partenaire européen en cas de crise ?

A peine la maladie a commencé à se propager en Italie, les premières réactions des pays européens ont été de se retrancher dans le protectionnisme en oubliant toutes les notions de solidarité voire en violant des traités. Malgré que l’Italie ait été parmi les premiers pays à suspendre tout vol avec elle pour limiter sa contagion, la Chine s’est empressée de lui apporter son aide en envoyant neufs médecins expérimentés pour partager l’expérience Chinoise, des tonnes de médicaments, un millier d’appareils respiratoires, 50.000 tampons pour effectuer des diagnostics et 20.000 combinaisons de protection.

Il est intéressant de rappeler que, depuis la signature de presqu’une trentaine de contrats en mars 2019, l’Italie est devenue pour la Chine la porte d’entrée en Europe. Alors même qu’elle savait qu’elle fâcherait ses alliés historiques, américains et européens, la péninsule a adhéré au projet millénaire de Xi Jinping : « One belt, one road », communément appelé la « Nouvelle route de la soie ».

Après l’annonce de l’aide chinoise, le ministre italien des Affaires étrangères, Luigi Di Maio, ne s’est pas empêché de faire un tacle à ses partenaires : « Nous nous souviendrons de tous les pays qui nous ont été proches pendant cette période, de tous ces pays qui ont été avec nous en cette période de difficultés. » Un message que le couple franco-allemand a vite compris en appelant l’Union européenne à apporter toute l’aide nécessaire à l’Italie.

L’administration Trump avait tenté une manœuvre égocentrique en proposant de racheter à un milliard de dollars une entreprise allemande, CureVac, leaders dans la recherche de vaccin du Covid-19 dans le monde afin qu’elle puisse produire ce vaccin « exclusivement pour les États-Unis ». Par contre, Pékin voit cette crise à la fois comme un défi mais aussi une opportunité pour améliorer son image aux yeux des européens réticents à son projet « Nouvelle route de la soie ». La Chine entend aussi marquer sa différence avec la puissance outre-Atlantique, qui s’isole depuis 2017 après l’investiture de Donald J. Trump, et peu fiable ces dernières années.

La Chine en sauveur de l’humanité

La décision protectionniste prise par la Commission de l’Union européenne de soumettre au préalable aux gouvernements des États européens l’autorisation ou non de l’exportation des matériels médicaux pour la protection a été mal accueillie par le « potentiel 28e membre de l’union », la Serbie. Pour le Président de cette République balkanique de l’ex-Yougoslavie et candidat à l’Union européenne, Aleksandar Vucic « (…) la grande solidarité internationale n’existe pas. La solidarité européenne n’existe pas. C’est un conte de fées sur papier (…) Nous avons les plus grands espoirs dans la seule qui peut nous aider, à savoir la Chine ». Il est clair que cette crise a créé une tension entre les différents partenaires. Mais comme toute crise, quelqu’un sort gagnant.

Le Covid-19 a donné l’occasion à Pékin de jouer de sa diplomatie de soft power pour apporter son aide à la France, à l’Allemagne, à l’Espagne mais aussi à presqu’une centaine d’autres pays. Les grandes entreprises chinoises comme Alibaba de Jack Ma, ou Huawei, Tencent et d’autres contribuent aussi à cette diplomatie en apportant leur aide partout dans le monde. Et l’Afrique n’est pas en reste avec les premiers lots en Éthiopie le 22 mars.

https://twitter.com/AbiyAhmedAli/status/1241659980580827142?s=20

Bien que rien ne soit sûr avec cette crise du Covid-19, nous pouvons facilement imaginer quand on aurait tourné cette page que le monde connaitra un changement et un bouleversement géopolitique.

Alpha Alhadi Koïna: chercheur associé à Timbuktu Institute

 

Au Sénégal, le débat sur la fermeture des lieux de culte pour endiguer la propagation de l’épidémie de coronavirus interroge sur l’autorité de l’État laïque face au pouvoir religieux.

Fermeture des mosquées bravée à Dakar, maintien de la prière à Touba, en présence du secrétaire général de la présidence, Mahammed Boun Abdallah Dionne, malgré l’interdiction des rassemblements sur l’ensemble du territoire, désaccords entre les associations d’imams… Au Sénégal, la fermeture des mosquées pour endiguer l’épidémie de coronavirus suscite un vif débat.

Du moins jusqu’au 24 mars, date à laquelle le khalife général des mourides, l’une des plus influentes confréries du pays, a appelé ses nombreux fidèles à prier chez eux. Si la décision de fermer les mosquées a été prise moins de 24 heures après la proclamation de « l’état d’urgence » par le président Macky Sall, cette indépendance interroge sur l’autorité des États laïques face au pouvoir religieux en période de crise.

Pour Jeune Afrique, Bakary Sambe, enseignant-chercheur au Centre d’études des religions de l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis et spécialiste des questions religieuses, décrypte les mécanismes de cette double autorité.

Jeune Afrique : Si l’État sénégalais a très tôt appelé les chefs religieux à l’accompagner dans la lutte contre le coronavirus, il n’a pas explicitement ordonné la fermeture des mosquées, laissant cette décision aux confréries. N’est-ce pas une façon, pour l’État, de fuir ses responsabilités face au pouvoir religieux ?

Bakary Sambe : Je parlerais plutôt d’un refuge dans l’implicite de la part du chef de l’État. En interdisant les rassemblements mais en ne fermant pas les mosquées, il a laissé une marge de manœuvre à l’administration territoriale, qui a pris des décisions au cas par cas, comme ce fut le cas lorsque le préfet de Dakar a ordonné la fermeture des mosquées [le 19 mars, ndlr].

Dans ses discours, Macky Sall a joué sur les nuances d’une langue, le français, que la majorité de la population ne comprend pas. Et il a été encore plus nuancé dans leur version en wolof. C’est une manière d’éviter une prise de position trop exposée de l’autorité centrale, et donc d’amoindrir les risques.

À quels risques faites-vous référence ? 

Au Sénégal, il n’y a pas d’autorité de régulation communément acceptée par toutes les communautés. C’est le paradoxe que rencontrent les États laïques lorsque la gestion du religieux devient un enjeu sécuritaire. C’est une grande difficulté pour ces États, d’autant que dans des moments de crise, une part importante de la population se reconnaît surtout dans l’argumentaire religieux.

Dans le cas du coronavirus, le politique a complètement esquivé le débat en l’abandonnant aux théologiens qui, à mon sens, ne sont pas à jour sur certaines approches et interprétations quant à l’évolution du discours religieux au plan international.

Je parlerais plutôt d’une spécificité subsaharienne. Le musulman africain a tendance à sacraliser tous les écrits en arabe, qui font pourtant ailleurs l’objet d’interprétations et d’évolutions. Le Mali et le Niger ont fait comme le Sénégal : ils ont fermé les bars et d’autres lieux publics mais ont mis en négociation la fermeture des lieux de culte. Ce débat dévoile clairement les faiblesses des pouvoirs centraux face à la pression du religieux.

La fermeture des mosquées n’a pas provoqué de débat dans les pays du Maghreb et du Moyen-Orient touchés par l’épidémie. Au Maroc, le roi est le commandeur des croyants, sa parole n’a donc pas été contestée. En Tunisie, l’autorité de l’État n’a pas été discutable non plus.

À Dakar, l’arrestation d’un imam ayant bravé la fermeture des mosquées a déclenché un mouvement de protestation dans la communauté layène. Faut-il en déduire qu’une partie de la population s’attachera davantage aux ndiguëls (consignes) de son chef religieux qu’à l’autorité administrative ?

Cela dit en effet quelque chose de la dispersion des pôles de légitimité au Sénégal, et révèle une forme de suspicion constante des masses religieuses vis-à-vis de l’État, considéré comme une continuité de l’État colonial.

Le Sénégal a cette caractéristique de vouloir conserver un consensus mou, parfois décrit comme une illustration du contrat social sénégalais entre politique et religieux.

Comment expliquer le décalage entre les mesures prises par chaque confrérie ? Entre les tidjanes, par exemple, qui ont rapidement appelé les fidèles à rester chez eux, et les mourides, qui ont pris plus de temps pour cela ?

Il semble en effet que les tidjanes aient pris les devants pour empêcher les grands rassemblements, avant même que le débat soit soulevé. À l’instar de la Hadratoul Djuma (l’oraison du vendredi), qui est pourtant un des trois piliers de la confrérie. Cette décision rappelle celle de Cheikh El Hadj Malick Sy [le principal propagateur de la confrérie, ndlr] qui, au plus fort de l’épidémie de peste à Dakar, vers 1914, avait pris des mesures d’hygiène quasi similaires.

Si les mourides y sont venus un peu plus tard, il ne faut pas non plus perdre de vue le geste de leur khalife général, qui a dégagé une enveloppe de 200 millions de francs CFA. C’est un état de fait : il y a une forme d’extraterritorialité attachée au statut de Touba [la ville sainte des mourides, ndlr]. Si on considère certaines élections locales, par exemple, la parité intégrale était appliquée à toutes les listes sauf à Touba, où le Conseil constitutionnel a entériné la décision du khalife, considéré comme l’autorité sur place.

Mais dans le cadre du coronavirus, le porte-parole du khalife général des mourides a très vite dit deux choses importantes. D’abord, qu’il fallait se conformer aux instructions sanitaires de l’État. Ensuite, il a appelé les talibés à rester à l’écoute de l’autorité centrale, ce qui, selon moi, ouvrait une voie au politique.

Si les fidèles ont été appelés à prier chez eux, certaines traditions semblent difficilement compatibles avec l’état d’urgence dans lequel se trouve le Sénégal : isolement, limitation des déplacements, fermetures des écoles…  On pense notamment aux daaras, les écoles coraniques, où vivent toujours des milliers d’enfants, dont bon nombre sont contraints de sortir mendier…

Le cas des daaras risque de mettre à nu les inconséquences de la politique éducative d’un pays où coexistent deux systèmes parallèles. Et ce, malgré les efforts de l’État pour institutionnaliser et moderniser l’enseignement coranique. Sur cette question, le khalife des Tidjanes, Serigne Babacar Sy Mansour, a décidé assez tôt de confiner la daara de Cheikh El hadj Malick Sy et de subvenir aux besoins des talibés pendant la crise sanitaire.

Comme dans tant d’autres domaines de la vie des Sénégalais, on verra émerger, çà et là, des gestions au cas par cas, faute d’anticipation, d’organisation et, surtout, de systématisation de l’autorité centrale de l’État.

 

Source :Jeune Afrique 

L'enlèvement du chef de l'opposition malienne, Soumaïla Cissé et de sa délégation vient de remettre à l'ordre du jour la manière dont les groupes terroristes saisissent l'opportunité des crises pour se repositionner su l'échiquier politique.

Dans le cadre d’une série d’entretiens exclusifs sur l’impact des crises notamment sanitaires due au Coronavirus sur la stabilité et l’évolution de la situation sécuritaire au Sahel, Dr. Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute basé à (Niamey -Dakar), revient dans cette première partie sur les derniers développements au Mali et au Sahel en général.

Dr. Sambe estime qu’en ce temps d’une crise sanitaire qui « absorbe le gros des efforts de la communauté internationale, la stratégie d’Iyad et des autres groupes terroristes aura tout le temps de s’appuyer, en plus des alliances, sur l’instrumentalisation du sentiment anti-français grandissant au Mali afin de saper davantage les fondements de l’Etat et d’affaiblir le leadership politique en proie à ses divisions ».

Pour lui, « Cette situation qui sera fortement aggravée par l’incidence d’éventuelles mesures d’hygiène restrictives sur les rassemblements et lieux de culte serait très favorable à la montée en puissance de leaders religieux comme l’Imam Mahmoud Dicko, farouche défenseur de la négociation avec Bamako auquel il fait miroiter une hypothétique trêve ».

De plus, la publication d’un communiqué du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) début mars suivi d’une vidéo mise en ligne entre le 16 et le 17 du même mois, participerait, selon Sambe, d’un « positionnement stratégique de plus qui cherche avant tout à mettre encore plus à mal l’Etat malien avec son principal allié, la France, mais aussi la communauté internationale de manière générale ». La même vidéo a servi, au passage « à revendiquer implicitement les récentes attaques contre l’armée malienne à Sokolo de même que celle de Dioungani, localité située à une cinquantaine de kilomètres de Koro en région de Mopti», souligne Bakary Sambe.

Dans cette vidéo élaborée avec les techniques de communication politique les plus sophistiquées, commente Sambe, « on aperçoit le chef de guerre Abu Mus’ab Abdul Wadoud plus connu sous le nom d’Abdel Malik Droukdel confiné en Algérie depuis 2012 mais opérant par un commandement à distance mais toujours très suivi par les différentes katibas », rappelle-t-il.

« En posant comme préalables à l’avancée des négociations voulues par Bamako, le départ de la force française Barkhane ainsi que de la MINUSMA, Iyad Ag Aly veut rassurer toutes composantes de la nébuleuse GSIM composée d’AQMI, d’Ansardine, de la Katiba Macina et d’Ansarul Islam opérant au Burkina Faso, sur l’orthodoxie de la ligne idéologique classique qui impose avant tout « de chasse les infidèles de la terre de l’Islam» analyse Bakary Sambe.         

Pour ce spécialiste des réseaux transnationaux et des risques d’instabilité au Sahel, « la présente période est surtout saisie comme une opportunité au sein des nébuleuses terroristes pour le renforcement des positionnements et la redistribution des cartes ».

Bakary Sambe pense qu’après avoir été positionné comme « l’interlocuteur incontournable » au Mali, « Iyad Ag Aly profite bien de cette période propice à la récupération des frustrations pour harcèlement de la classe politique malienne, fortement divisée au sujet de la négociation, en jouant sur la fibre et le sentiment anti-français, pour s’aménager des espaces plus confortables et une réelle marge de manœuvre et se présenter comme le véritable allié des populations »

De même, dans son analyse de la communication d’Al-Qaida, le directeur du Timbuktu Institute estime que « la mobilisation, à titre posthume d’un vieux discours du Cheikh du groupe des combattants libyens, Atiyyatoullah Al-Lîbî (tué en même temps qu’Abul Hammam en mars 2019), fait partie d’une stratégie de rappel de la nécessité d’un recentrage sur les fondamentaux comme l’amélioration de la culture religieuse »…. le temps que la crise passe pour lancer de nouvelles grandes offensives.

Lenlèvement de Soumaïla Cissé est un" signal de la part des groupes armés pour justement dire au leadership politique qu'ils font bien partie du jeu. A la veille d'une élection qu'on essaie de tenir malgré la crise, il fallait bien qu'ils montrent qu'ils sont là et qu'ils gardent leurs capacités de nuire", conclu Bakary Sambe

Réalisé par Babacar Cissé

Une crise est une occasion de se remettre en cause et de remettre de l’ordre dans les choses.

C’est ce que nous ont appris nos maîtres dans le soufisme en s’appuyant sur la religion, sur leur observation de la dynamique de la vie en société et dans la nature.

Dans la tendance actuelle des choses avec la propagation fulgurante du nouveau corona virus le Covid 19, le Sénégal a eu jusqu’ici une approche positive et efficace. Nous prions pour que cela se poursuive et se consolide surtout avec l’apparition de nouveaux cas qui font de notre pays, au regard des informations que nous détenons, le pays africain au sud du Sahara le plus touché. Cette fois-ci nous ne pouvons pas dire que ça ne nous arrivera pas. Ça nous est bien arrivé et c’est à nous de faire face avec sérénité et responsabilité, sans psychose ni négligence.

Les autorités de l’Etat au plus haut niveau en ont pris la juste mesure. Ils ont adopté les bonnes dispositions et délivré les messages qu’il fallait aux autorités de la société dont les guides religieux, les chefs coutumiers, les leaders d’opinion de tous secteurs, afin que nul n’en ignore. Afin que chacun et chacune, au niveau qui est sien, puisse prendre la pleine mesure de ses responsabilités.

Pour que la chaîne de solidarité soit solide et que les risques soient réduits et maîtrisés, toutes les sphères et en particulier les cercles religieux musulmans et chrétiens sont comptables. Dans ces conditions me reviennent les mots de Serigne Abdoul Aziz Sy al-Amine qui indiquait que « le Sénégal est au-dessus de nous tous. C’est une vérité au relent des préceptes apostoliques. Il s’agit de la Patrie, ici et maintenant, de ses fils et filles, de ses générations jeunes et moins jeunes. C’est de la préservation de la santé publique et de la vie que Dieu a rendue sacrée [an-nafs allatî harrama Allah], qu’il s’agit.

Et c‘est sérieux!

Dans le but de contribuer à contenir les risques de contamination et de propagation, nous devons nous rééduquer dans nos pratiques sociales et dans l’expression de notre religiosité et de notre sociabilité. Il est vrai que c’est Dieu Qui est Le Maître de la vie et de la mort, mais c’est Lui qui a interdit de s’exposer sciemment à la mort. Et comme pour établir le cadre pratique, le Prophète Psl a indiqué la conduite à tenir dans les conditions d’épidémie ou de menace de ce genre.

Nos guides religieux en ont relayé le sens et ont traduit tout cela dans leurs enseignements théoriques et pratiques. Serigne Babacar Sy considère le fait de ne pas user des moyens idoines pour obtenir les résultats désirés, est un manque de respect et de déférence à l’égard de Dieu. Par conséquent, il faut s’engager dans la voie qui mène aux objectifs en sachant que ce ne sont pas les actes qui sont les seuls facteurs déterminants. « Sabablu leen te buleen sukkandi Koo yëngu ya ». Il y a là une forte dose d’équilibre entre la responsabilité humaine et la détermination divine. Ce qui est aussi corroboré par les enseignements de Cheikh al-Khadîm quand il invoquait Dieu à nous préserver des épidémies et à nous doter d’une nourriture saine et d’une eau pure : « wanfil-wabâ wal-balâyâ kullahâ ‘anhâ/ wa Tayyib shurbahâ wa aklahâ ».
Dans ce contexte où, de l’Amérique à l’Europe, de l’Asie à l’Afrique, les États se barricadent, les lieux de rassemblement pour le savoir comme pour l’avoir se cloisonnent, devons-nous attendre qu’il y ait des ravages chez nous pour commencer à nous accuser les uns les autres de négligence, d’insouciance ou de je ne sais quoi encore? Non, à mon humble avis et compte tenu des leçons de l’histoire il nous faut agir en combinant la raison (xel) et l’émotion (xol).
En son temps, conscient de sa responsabilité en qualité d’autorité religieuse et du fait que la parole des experts est l’expression du divin dans ces cas, El H. Malick Sy s’était lui-même rendu au service d’hygiène de « Get Ndar » pour se faire vacciner. Ce geste simple et lourd de signification a pu sauver des milliers de personnes de la peste, avec l’aide de Dieu.

Cette exemplarité est encore sollicitée aujourd’hui car si la vaccination a été la mesure préventive entre autres, de nos jours, avec l’absence de vaccin, seules les bonnes pratiques peuvent sauver. Les experts médicaux les ont déclinées, le Chef de l’Etat les a rappelées dans le dit et le geste. Il reste aux leaders d’opinion d’être les relais et aux acteurs religieux de transmettre le message dans le discours et la pratique comme ils en ont eu l’habitude.

Au demeurant, les autorités religieuses et politiques de l’Arabie Saoudite ont pris ce chemin en adoptant des mesures restrictives par rapport à la Umrah alors qu’il n’y avait encore aucun cas sur leur territoire. Aujourd’hui, en demandant de surseoir à toute transaction relative au hajj de cette année, ils ont fait montre d’un sens aigu de responsabilité devant une si grave menace.
Ces mesures fortes de l’Arabie Saoudite sont à la dimension du défi du Covid 19 sur la vie des fidèles et la stabilité de la société. Car quelle que soit la sacralité d’un rituel sur l’échelle des piliers de l’islam, la survie de l’humain est encore plus sacrée. Cheikh El. H. Omar Fûti le confirme dans Tadhkirat al-Ghâfilîn quand il dit qu’auprès d’Allah, le caractère sacré de la vie du croyant est au-dessus de celui de la Ka’ba: « Fa hurmatul Mu’min a’lâ wa ajall / min hurmatil ka’bati ‘andal-Lâhi Jalla ». S’il en ainsi pour la Ka’ba vers laquelle affluent des millions de croyants répondant à l’appel d’Allah, qu’en serait-il de toute autre activité établie, au nom de la religion, par un serviteur?

Abdoul Azize KEBE
Délégué général au Pèlerinage aux Lieux saints de l’Islam.
 

 

Asfiyahi.Org
Vendredi 13 Mars 2020
According to Yague Samb, in charge of conflict resolution and political dialogue at the Timbuktu Institute- African Center for Peace Studies, “Privatization to maintain security and order in certain regions of Burkina Faso is risky in terms of inter-community conflicts.” Yague Samb, a specialist of the Sahel region explains 
 
“The recent killings committed in the Djibo region are a sign that the security measures entrusted to self-defense groups can be counterproductive and effect already existing relationships between communities who for a long time have lived together peacefully. As a reminder, this Sunday, 8 March 2020, attacks were perpetrated against the Fulani villages of Dinguila, Barga, and Ramdola in the north of the country by the Koglweoago, according to radio Oméga. However, a press release by the president of Burkina Faso still carefully refers to the attackers as “unidentified armed individuals.” 
 
According to Yague Samb, “Beyond a very symbolic national mourning decreed by the authorities of Burkina Faso, other urgent measures are necessary to ease the inter-community tensions in order to avoid at all costs a scenario similar to that of Central Mali—with massive killings such as in Ogossagou.” 
 
“The terrible events of Yirgu Fulbé should have been a wake-up call and the authorities must review the strategy of entrusting entire sections of security to militias and other vigilante groups despite the security pressure and the outbreak in attacks,” said Yague Samb.