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Synthèse Par Léonor Weyerstahl (Stagiaire)
(Télécharger le rapport intégral en bas de l’article)
Le Sénégal s’est illustré comme modèle de résilience aux problèmes de sécurité dans le Sahel. Cela n’est pourtant pas généralisable à l’ensemble de ses régions, pour certaines excentrées de leurs capitales. C’est notamment le cas des régions frontalières comme Kédougou, située au Sud-Est du Sénégal et voisine de la République de Guinée et du Mali. Les défis auxquels est soumise cette région riche en culture Bassari et en minéraux sont particuliers à la transnationalité des acteurs en jeu. En proie à d’importants flux migratoires générés par la recherche de l’or, la frontière entre ces pays pose des défis socio-sécuritaires entre activités illégales (prostitution, exploitation infantile) et menace terroriste. En effet, depuis l’appel transnational au djihad lancé par le chef de la Katiba Macina aux peuls du Sahel qui a pour but de rallier les pays côtiers, le nombre d’arrestations en zone militaire 4 a augmenté. Cela s’accompagne d’une intensification des contrôles de police indiquant une prise de conscience politique de la réalité des menaces ainsi qu’une volonté de préparation.
Grâce à une approche trilogique mixte quantitative-qualitative-participative réalisée avec des questionnaires, des entretiens et la création des focus groups, l’équipe de recherche a pu évaluer les capacités de résilience de la zone frontalière de Kédougou et d’en déduire des recommandations stratégiques de prévention des conflits.
Selon les analyses alarmistes sur la région de Kédougou, cette dernière est propice aux tensions de par sa frontalité avec un pays en crise sécuritaire et politique, le Mali. La porosité des frontières laissant facilitant la circulation des chercheurs d’or, représente un danger potentiel pour les kédovins. Cependant, ces derniers ne voient pas la situation d’un même œil : ils identifient leurs relations avec ces étrangers orpailleurs comme bonnes malgré le différend que peut créer la religion. En effet, la recherche de l’or est qualifiée de diabolique et non conforme par les chefs religieux de l’islam puisque l’or est la propriété du démon.
Le vivre-ensemble est un idéal kédovin, un peuple dont la majorité se targue d’un esprit de solidarité. Cela peut être expliqué par les initiatives mises en place pour le maintien d’un climat social calme telle que la pratique de la Tripartite qui est une forme d’intégration régionale. Cette initiative des années 1970 se traduit en une semaine d’activités culturelles dans les régions voisines de Guinée, du Mali et du Sénégal dans l’objectif de créer un dialogue et de gérer d’éventuelles tensions. L’ambiance sociale régnante est également aidée par certaines pratiques sociales (des codes de langage et les mariages mixtes) qui assurent un respect de l’autre. Finalement, l’histoire commune entre ces populations qui, auparavant, appartenaient toutes à l’Empire du Mali et plus tard à la Fédération du Mali renforce leur solidarité.
D’après les réponses au questionnaire, trois quarts des kédovins voient la frontière comme un avantage, notamment pour le commerce et la satisfaction de leurs besoins. On observe ici une inversion du paradigme de la frontalité comme synonyme de frustration. Cela s’exprime dans les initiatives gouvernementales cherchant à améliorer les conditions de vie des citoyens. Pour ce qui est du quart restant d’insatisfaits, ils expliquent leur sentiment par leur lien à la capitale, le banditisme répandu et les tensions entre autochtones et étrangers. Une certaine méfiance subsiste à cause de la peur d’appropriation culturelle et d’imposition de culture étrangère en retour. On peut cependant en déduire que les kédovins ressentent en général un sentiment de sécurité au vu de la satisfaction de leurs besoins, d’autant plus qu’ils apprécient aussi le travail des forces de défense et de sécurité contribuant à la surveillance de la frontière.
Les principales sources d’insécurité de la région pointées du doigt par les populations sont les trafics majoritairement d’origine étrangère, les vols à main armée et l’orpaillage d’étrangers. Alors que seuls 15% des répondants identifient un sentiment de menace général les trafics illicites explosent au point d’engager la société civile, les autorités sénégalaises et la communauté internationale. Un hiatus se forme entre la réalité d’insécurité et l’absence de prise de conscience de la population voire une banalisation de la situation de crise sécuritaire. De plus, les relations avec les sociétés minières ne sont pas constamment paisibles avec la multiplication des différends. La population de Kédougou est donc peu au fait des enjeux sécuritaires auxquels elle est soumise. Il est évident qu’une menace terroriste importante les entoure au vu de leur proximité avec le Mali. Néanmoins, environ 96% d’entre eux n’a aucune connaissance de groupes terroristes avoisinants et nombreux sont ceux qui en déclinent l’éventualité. Ainsi, il est nécessaire d’engager une campagne de sensibilisation sur le sujet notamment auprès des jeunes qui risquent l’endoctrinement basé sur leur ignorance.
La principale cause de radicalisation des jeunes est la frustration socioéconomique à laquelle les habitants de la zone frontalière de Kédougou ne font pas exception. L’enquête a permis de déterminer les potentielles causes de précarité et les déficits d’infrastructure et de formation professionnelle entraînant la région dans une dynamique de marginalisation.
La population kédovine estime majoritairement que sa région est riche (67% des répondant ayant répondu par l’affirmative à la question). En effet, Kédougou se distingue du reste du Sénégal de par sa richesse minière notamment en or, un secteur important de l’économie d’exportation sénégalaise ; mais aussi par sa pluviométrie d’exception. Malgré cela, elle reste l’une des régions les plus touchées par le chômage dans le pays. Cela permet de comprendre la frustration de certains, qui ne manquent pas de noter l’absence d’infrastructures. Il y existe véritablement deux causes de la précarité des habitants identifiées lors des entretiens qualitatifs : le manque de main d’œuvre qualifiée comparée à la demande et les défis de gouvernance. Il est vrai que les structures de formations sont nombreuses, entre le lycée technique industriel et minier, le programme de formation école entreprise et les multiples initiatives des partenaires internationaux. Mais les préoccupations survivent à cause du décrochage scolaire. De ce fait, les répondants considèrent que la couche sociale la plus impactée par les difficultés économiques est celle des jeunes, très vite confrontés à la pauvreté, au chômage et parfois même à l’exclusion. Ainsi, il est nécessaire de rediriger cette jeunesse vers des structures efficientes de formation et de prise en charge dont elle ignore encore l’existence. Pour cela, les kédovins interpellent l’État et les autorités locales qu’ils identifient comme responsables du lien entre richesse des sols et situation économique.
Comme nous l’avons exprimé plus tôt, la région de Kédougou connaît une pluviométrie importante avec une période hivernale de six mois ce qui représente un avantage considérable pour l’agriculture. Malheureusement, le relief accidenté mène à un délaissement de ce secteur qui pourtant, pourrait pallier le chômage des jeunes. Alors que la majorité des habitants détiennent des terrains, seule la moitié d’entre eux en font un usage agricole. D’après un rapport de l’ANSD, les jeunes délaissent l’agriculture au profit de l’orpaillage malgré les projets publics et privés cherchant à les stimuler. Ce délaissement malgré l’importance de l’agriculture pour la sécurité alimentaire, peut s’expliquer par le besoin de modernisation industrielle exprimé dans les entretiens et en tenant compte des défis environnementaux (déforestation, pollution, présence de produits chimiques venant des mines).
L’une des problématiques majeures que connaît le Sénégal et d’autres pays en développement est l’accès difficile aux Services Sociaux de Base (SSB) tels qu’ils ont été reconnus comme cause structurelle de la lutte contre la pauvreté par les Nations Unies. Malgré les efforts éducatifs d’augmentation du nombre d’écoles et les stratégies mises en place contre le décrochage scolaire, la question de la formation professionnelle dans la zone minière reste inchangée. La carence de structures efficaces pour prendre en charge ce défi passe sous le nez des habitants, qui ont besoin d’une sensibilisation avancée et de plus d’information. En conséquence, si on ajoute à cela des facteurs tels que les frustrations socio-économiques des jeunes, le rejet des politiques et l’adhésion à l’idéologie djihadiste, il existe un risque grandissant d’engagement dans un groupe violent pour ces derniers (même si des agences comme l’ARD restent positives quant à l’efficacité des actions de l’État).
III. Vivre en zone frontalière : avantage ou inconvénients ?
Les zones frontalières sont de potentiels foyers de tensions et de conflits. La porosité des frontières facilite un échange culturel mais aussi les trafics illicites menaçant la sécurité des habitants. De ce fait, les avis sont partagés sur l’avantage que représente la transfrontalité de Kédougou, qui est à la fois une richesse et un danger (de terrorisme, de conflits et de la COVID).
La région de Kédougou partageant sa frontière avec le Mali, des migrations quotidiennes ont lieu entre ce pays et le Sénégal. Les populations de nationalité différente mais voisines sont appelées à vivre ensemble mais grâce à leur histoire commune d’appartenance à la fédération du Mali (ce qui se symbolise dans leurs devises nationales similaires), il est normal qu’elles jugent leurs relations comme bonnes.
Alors que la crise sécuritaire au Mali inquiète la communauté internationale et les États du Sahel, la majorité des répondants à l’enquête ne se sentent pas concernés par cette menace. C’est un taux inquiétant vu le rôle de pivot que tient Kédougou sur la situation. Sa proximité géographique avec le Mali explique la mise en place de système sécurisants (des postes frontaliers et la présence de l’armée) ainsi que la crainte de ceux qui se sentent concernés. Ce sont surtout les femmes qui appartiennent à cette dernière catégorie, qui citent comme causes la proximité, les migrations et l’insécurité grandissante de la région. Malgré ce sentiment, il semble que beaucoup hésitent à s’inquiéter réellement du contexte au Mali.
Au moment où l’ONU déclare que la situation d’insécurité au Sahel est une menace pour tous les pays, près de la moitié des habitants de Kédougou disent ne pas savoir si le Mali représente un danger pour le Sénégal. Pourtant, la frontière représente la cause première de menace puisqu’un débordement peut aisément déstabiliser les communautés voisines.
L’insécurité et la menace pressante du Mali peut aboutir à de fortes crises par effet domino (selon le Dr. Bakary Sambe). Malgré ce contexte dont les sénégalais devraient s’inquiéter, près de la moitié des jeunes kédovins disent ne même pas savoir de quoi cette crise s’agit. Rappelons aussi qu’ils ne semblaient pas être au courant d’éventuelles actions de groupes terroristes et criminels. Cette population jeune qui apparaît comme inconsciente du contexte géopolitique du Sahel tarde à comprendre et donc à adhérer à la crainte de la communauté internationale d’une reproduction de la situation malienne au Sénégal.
Un rapport de l’ANSD en 2018 montre une part égale de sénégalais et de maliens dans les mines d’or de Kédougou, illustrant la diversité de la région. Mais cette cohabitation souffre de tensions entre étrangers et population locale mais aussi entre étrangers eux-mêmes. De ce fait, les habitants sont mitigés quant à l’accueil d’orpailleurs étrangers sur leur territoire.
Malgré les obstacles qui ont été cités, Kédougou conserve une image de zone résiliente aux crises de la zone Mali – Guinée - Sénégal. Cela s’explique par l’association de divers acteurs, à la fois administratifs et représentants culturels en passant par les femmes et les jeunes trop souvent exclus de ces dynamiques. Les kédovins sont un bel exemple de cohésion sociale malgré les tensions dues à l’orpaillage et à la proximité au Mali.
D’après les réponses au questionnaire, trois quarts des kédovins estiment que la culture et la tradition ont un rôle à jouer dans la cohésion sociale de la région. Il est vrai que la tradition participe activement à la cohésion et au raffermissement des liens sociaux entre les populations voisines. C’est notamment l’objectif de deux évènements que sont le Festival des minorités ethniques et l’organisation de la Tripartite, permettant le mélange et la démonstration culturelle de chaque communauté pour les autres. Il est donc naturel d’en déduire que variété de cultures n’est pas antonyme de solidarité et paix.
Les deux classes sociales des jeunes et des femmes sont considérées comme particulièrement vulnérables. Pourtant, les sociétés Bassari sont souvent matriarcales. Cela se retrouve dans les réponses des kédovins dont 84% accordent une forte confiance aux femmes quant à la consolidation de la paix. Elles sont donc désignées comme actrices de la paix et de la cohésion sociale. Il est dommage qu’elles ne se fassent pas autant confiance au regard du nombre important de femmes dubitatives quant au rôle important qu’elles peuvent jouer dans la consolidation de la paix, mais cela permet d’exposer les multiples obstacles auxquels elles font face. Parmi ceux-ci on compte surtout les défis culturels et religieux (souvent alliés du sexisme plaçant les femmes comme incapables). En opposition, les jeunes pourtant aussi acteurs de la paix font face à des défis culturels mais aussi socio-économiques et politiques (comme la gérontocratie).
Selon l’enquête menée à Kédougou, il semblerait que la responsabilité du maintien de la paix soit accordée à l’administration sénégalaise, incarnée par les chefs de village, la gendarmerie et la police. Cela ne veut pas pour autant dire que les chefs religieux et coutumiers en sont exclus, mais plutôt que ces divers acteurs s’associent. Ce sont effectivement ces derniers qui conservent une autorité morale sur la population. Ils sont également indiqués comme préservateurs de la paix sociale, bien plus que les acteurs politiques sujets à la critique (notamment des jeunes insatisfaits).
CONCLUSION
La région de Kédougou regorge de richesses, qu’elles soient culturelles ou minières. Toutefois, elle fait l’objet d’inquiétudes de la part des autorités et de la société civile à cause de sa proximité avec le Mali, épicentre de l’insécurité au Sahel. Face aux menaces terroristes et aux trafics illicites, l’administration s’allie efficacement à la culture pour assurer la sécurité des kédovins. Néanmoins, l’accueil d’étrangers dans les mines d’or de la région est un obstacle à la sécurisation de la zone, d’où la nécessité de renforcer la formation professionnelle des jeunes afin de disposer d’une main d’œuvre qualifiée. Les autorités sénégalaises se doivent donc de mettre en place des politiques permettant de réduire les frustrations socioéconomiques poussant à la radicalisation des jeunes mais également de faire barrière à d’éventuels liens avec les groupes terroristes sur la frontière sénégalo-malienne.
Le samedi 26 juin 2021 se tiendra une conférence-débat organisée par le Timbuktu Institute dans le cadre du Programme Different Leaders soutenu par l’Ambassade de France au Mali et en partenariat avec Polaris Asso. Ces différents partenaires s’associent à cette initiative de promotion du débat citoyen et au renforcement des capacités des jeunes leaders maliens sur les grandes questions contemporaines.
A cette occasion, Dr. Bakary Sambe Directeur du Timbuktu Institute, introduira le thème du jour par une revue des « sources du conflit de perception sur la présence de barkhane au sahel » Il y aura des interventions de Dr. Aly Tounkara, le Directeur du Centre des Études Sécuritaires et Stratégiques au Sahel (CE3S), et de Attaye Ag Mohamed, analyste de la Paix et la Sécurité au Sahel.
Ces experts, en interaction avec les jeunes bénéficiaires du Programme Different Leaders Fellowship échangeront autour de l’émergence de nouveaux défis, dans le contexte de l’après-Barkhane. Les risques et les opportunités de refondation de la coopération seront également abordés.
Le 12 juin, sur l’axe Tèhini- Togolokaye (région de Bounkani) localité frontalière du Burkina Faso, deux soldats et un gendarme ivoiriens ont perdu la vie dans une embuscade avec « usage d’engin explosif improvisé ». Cette attaque non revendiquée mais attribuée aux terroristes est la quatrième en moins de trois mois. Elle est intervenue deux jours après l’inauguration de l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme (Ailct) à Jacqueville, près d’Abidjan, par le premier ministre ivoirien, Patrick Achi aux côtés du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.
Les capacités d'une vingtaine de leaders religieux renforcées !
Dans le but de renforcer la compréhension des jeunes sur le phénomène de la radicalisation et de la prévention de l'extrémisme violent de manière générale, et plus spécifiquement au Mali et au sahel, que l'hôtel Colibris a servi de cadre du 08 au 10 juin 2021, à la tenue d'un important atelier de renforcement de capacités des leaders religieux. Au total, plus d'une vingtaine de leaders religieux participent à cette formation afin d'être outillé par le directeur de Timbuktu
Rappelons d'abord qu'après le coup d'État du mars 2012, des groupes islamistes : Ansar Edine d'Iyad Ag Ghali, le Mouvement pour l'Unicité et le Jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO), Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), ainsi que le Mouvement National pour la libération de l'Azawad (MNLA) se sont emparés du nord du Mali. Un nombre inconnu de jeunes (souvent très jeunes) ont été recrutés, parfois par la méthode d'acceptation liée au communautarisme, à l'argent et par force, dans ces groupes armés. Ils se sont retrouvés dans les rangs des rebelles ou des djihadistes chargés de surveiller les postes de contrôle, de cuisiner et de faire des commissions. Nombreux d'entre eux étaient entraînés à manier des armes et beaucoup de jeunes filles ont aussi été violées et mariées de force aux combattant ou leurs chefs, les intimidations et assassinats ciblés qui ne s'arrêtent pas au quotidien dans le les régions du nord, du centre et même à Bamako avec l'assassinat du président de la CMA BRAHIM OULD SIDATTI LE 12 Avril dernier. Les atrocités commises par des groupes armés islamistes au Mali et les ripostes abusives des forces de sécurité maliennes ont rendu le phénomène de radicalisme violent plus tendu dans le centre, maintenant l'insécurité et les violences de tous types s'étendent dans le sud et l'Ouest du pays courant 2020 et 2021 et le phénomène s'agrandit ça fléchit de façon exponentielle, exposant davantage de civils aux risques liés aux conflits, Violence Basée sur le Genre, banditismes, criminalités, violences socio-politiques, violences post-conflits.
Les groupes islamistes ont menacé, violé et tué des civils. Par ailleurs, les forces de sécurité maliennes ont mené des opérations militaires à l'issue desquelles ont été perpétrés des détentions arbitraires et des actes de torture. L'intervention militaire conduite par la France en 2013, suivie d'opérations visant à chasser les forces islamistes qui continuent à ce jour, ainsi que la mise en oeuvre de l'Accord de paix de juin 2015 entre le gouvernement et les groupes armés signataires, ont permis d'établir une stabilité précaire dans le nord du pays. Au même moment, des groupes armés islamistes se sont multipliés et ont mené des opérations plus loin dans le centre et le sud du Mali.
Selon Dr Bakary Sambe, directeur de Timbuktu Institute, l'objectif de cette formation qui a été initiée par l'ONG Wildaf-Mali avec le soutien de la coopération Suisse, vise à former les leaders religieux pour prévenir l'extrémisme violent au regard de leur responsabilité dans la société. Au cours de cette formation, les capacités des leaders religieux se verront renforcer sur l'origine du mouvement extrémiste ; comment contrecarrer ces idéologies ; puis quelles sont les stratégies à mettre en place en accord avec le plan de la politique nationale de prévention de l'extrémisme violent dirigé par le Ministère des Affaires Religieuses et du Culte ? Après, les participants vont élaborer un manuel de communication non-violente en direction des jeunes pour faire la prévention de l'extrémisme violent au Mali.
En ce qui concerne les résultats attendus au cours de ces trois jours de formation, il s'agira pour les jeunes : d'avoir une bonne compréhension de ces concepts de radicalisation et lutte contre l'extrémisme violent ; qu'ils apprennent à communiquer de façon non-violente et qu'ils soient formés sur leur rôle en tant qu'acteurs de leur changement pour jouer un rôle d'artisan de paix auprès des autres jeunes et au sein de leur communauté. Deuxièmement, élaborer un manuel de communication non-violente disponible et transmis aux jeunes pour être des relais.
"Cette formation a beaucoup aidé les leaders religieux à comprendre que veut dire le mot "extrémisme violent et intégrisme religieux " celà nous a servi de comprendre a distinguer beaucoup de choses et c'est très important pour nous " nous confie Cheik Yaya Koné un des leaders religieux participants à la formation.
Pour un autre participant imam Diarra, préconise qu'il interpelle les autorités maliennes et tous les sages du pays à prendre des dispositions nécessaires pour aider les leaders religieux à comprendre les dangers liés à l'intégrisme religieux et l'extrémisme violent car c'est une nécessité pour la lutte contre la radicalisation des jeunes au Mali.
Les participants à la formation ont donné des ébauches de recommandations pour lutter efficacement contre la radicalisation et l'extrémisme violent au Mali " nous pensons que la tolérance, l'accès à l'éducation et les échanges mutuelles entre les différentes communautés du Mali peuvent aider à enrayer ce fléau facilement à travers des renforcements des capacités sur le plan mental, il nous faut beaucoup de formations pour avoir des bons connaisseurs du coran et de la charia en un mot des bon éducateurs voir des théologiens si possible pour nous aider à sortir de ses ténèbres qui font souffrir les populations maliennes au quotidien " nous expliqué IMAM Ba venu du centre du Mali.
Mohamed Ag Ahmedou et Alassane Cissé
Source: www.mehari-consulting.com
(Télécharger le rapport complet en bas de l’article)
Cette nouvelle étude menée par l’équipe du Timbuktu Institute en Côte d’Ivoire, coordonnée par le chercheur Lassina Diarra s’est intéressée à la région de Bounkani dans le cadre d’une recherche-pilote pour mettre en évidence les signaux faibles et les multiples facteurs d’une radicalisation rampante. Cette dernière devient de plus en plus préoccupante dans un contexte d’avancée des groupes terroristes vers les pays côtiers. Ces éléments que met en lumière cette étude de terrain basée sur des données issues d’enquêtes et d’entretiens qualitatifs indiquent que l’extrême-Nord de la Côte d’Ivoire vit déjà pleinement les effets de la régionalisation de la menace qui s’était manifestée avec les attentats de Grand-Bassam dès 2016.
Avec le récent phénomène de débordement des épicentres de la violence et du terrorisme au Sahel, les pays voisins de ceux du Sahel subissent les contrecoups de la dégradation de la situation sécuritaire dans la région. On évoque même, de plus en plus, un glissement progressif des zones de déploiement stratégique et des théâtres d’opération vers les pays dits côtiers.
La Côte d’Ivoire partage une frontière de plus de 1000 km avec le Burkina Faso et le Mali et subit, parallèlement, la migration massive en provenance d’autres pays tel que le Niger, pourtant assez éloigné. D’après certains signaux que l’on évoquera dans cette étude, la proximité de l’épicentre du djihadisme sahélien expose, l’un des pays les plus multiconfessionnels de la région, à nombre de vulnérabilités. En l’espèce, depuis plusieurs années, le gouvernement ivoirien tente de réduire les conséquences d’une géographie de plus en plus hostile, en redéfinissant sa politique de sécurité, par un réaménagement de sa posture opérationnelle et de son administration territoriale.
Globalement, la réponse de l’État se structure autour d’un dispositif conventionnel qui, à certains points vus, serait, relativement, miné par quelques contradictions. L’ensemble des signes annonciateurs d’une radicalisation progressive - dont les dérives de la censure et de négation de la diversité culturelle - se dissimule de moins en moins ; dans les rues des grandes villes de Côte d’Ivoire et jusqu’aux confins de la forêt. Cette nouvelle situation semble témoigner d’une progression de la radicalité, en particulier dans un environnement de surnatalité, de misère et de faible niveau d’accès à l’instruction publique. L’exemple de la région du Bounkani à l’extrême nord offre, ici, l’occasion de remonter aux sources et manifestations, encore larvées, d’une montée en puissance de l’extrémisme endogène, de moins en moins corrélé à l’influence de l’extérieur.
La réalité autant que l’avenir prévisible pressent la Côte d’Ivoire, d’engager une réadaptation de ses mécanismes et stratégies d’anticipation, en marge de la seule approche militaire. La compréhension du terrorisme, sous le prisme d’une volonté soudaine de nuire et de menées relevant de la criminalité primaire, gomme le primat de l’idéologie, le met en arrière-plan ; derrière la phraséologie du sous-développement devenue la mode chez des experts qui manquent d’outils conceptuels pour appréhender la dimension idéologique. Certains de ces experts et universitaires continuent, à percevoir, le volontaire du jihad, sous les traits d’une victime du capitalisme, de l’impérialisme ou d’un énième « isme » commodément convoqué pour cacher, du moins excuser, une faillite authentiquement endogène.
Le pays peine encore à l’admettre en 2021 : la souche du jihad subsaharien n’est pas forcément une affaire de groupes, d’organisations, mais, d’emblée, un dessein de sujétion et d’uniformisation, cherchant à faire substituer la théocratie au peu de démocratie.
Pourtant, mieux qu’au Burkina Faso, au Mali et au Niger, la Côte d’Ivoire héberge le capital culturel de son salut, à condition que ses dirigeants s’en persuadent à temps et établissent - ensemble et à rebours des luttes internes de préséance – les termes de l’union sacrée contre le terrorisme. Si elle prend la mesure du risque en couplant approche préventive et gestion des urgences sécuritaires et en sortant du déni d’une réalité persistante qui est la montée de l’extrémisme, la Côte d’ivoire pourrait encore s’appuyer sur ce que Bakary Sambe appelle « les ressources culturelles endogènes » pour renforcer sa résilience à l’épreuve de la transnationalité.
Rapport intégral ici :
Par Carolina Collado*
Criminologue, Chercheure associée à Timbuktu Institute (Mali)
Le Sahel est devenu une des principales enclaves où les groupes djihadistes trouvent des opportunités pour réussir à réaliser leurs activités et à établir toute une série de réseaux complexes aux niveaux logistique et social. Cette capacité d’adaptation au milieu leur a permis d’accroître leurs recrutements et d’étendre leur influence, en parvenant finalement à agir dans plusieurs pays. Après la crise au Nord du Mali en 2012, la situation sécuritaire dans le pays, puis dans la région, se sont dégradées. A la suite de ces évolutions, différentes missions internationales ont été mises en place. Dans ce contexte de militarisation de la réponse au phénomène terroriste sur le territoire sahélien, et après avoir normalisé la tendance à faire face au terrorisme depuis une perspective éminemment militaire, en tant que « guerre contre le terrorisme », et en tenant, d’ailleurs, compte des aspirations politiques des terroristes, la science politique s’est largement appropriée la recherche académique sur cette problématique.
En effet, le terrorisme, en tant que phénomène social, et nécessairement politique, a traditionnellement mobilisé diverses expertises de nombreuses disciplines, notamment celles de la science politique ou des relations internationales, orientées vers la polémologie, la sécurité, la défense et les conflits armés. Pourtant, la criminologie, souvent mobilisée sur des aspects périphériques, peut offrir une perspective qui conjugue les critères provenant de la sécurité nationale et internationale et, en même temps, tenir compte des préceptes de la sociologie ou de la psychologie, également importantes pour comprendre le phénomène. Pour la nécessaire approche interdisciplinaire du phénomène terroriste, les outils de la criminologie peuvent être d’une certaine pertinence.
La victimologie au secours du profilage ?
Parmi ces domaines pertinents, il est nécessaire de souligner la victimologie, chargée d’examiner le profil des victimes et de celles qui peuvent potentiellement devenir l’une d’entre elles, ce qui est notamment important pour la prévention des délits. Il est certes évident que les forces de sécurité et les armées sont devenues une des principales cibles visées par les terroristes. Mais en observant le modèle comportemental des groupes djihadistes au Sahel, dont les attaques aveugles contre la population civile, il reste difficile de déterminer les acteurs qu’ils utilisent en tant que « chair à canon ». On observe cependant un espace de vulnérabilité dans les zones les plus éloignées des villes et des capitales, ainsi que près des camps de déplacés, notamment dans les zones rurales. Cela explique la récurrence des attaques aux hameaux et aux villages, et dans les zones frontalières, déclenchant une violence insoutenable dans les enclaves de Liptako-Gourma et du bassin du Lac Tchad.
Dans ce contexte, il faut noter le fait que la population civile souffre à différents degrés de victimisations accumulées, devant faire face à des exactions répétitives. D’un côté, les femmes sont souvent victimes de violences sexuelles de la part des agents de l’autorité. De l’autre, il y a les conditions sécuritaires draconiennes dans le cadre de la lutte anti-terroriste qui n’épargnent aucune frange de la population civile avec, surtout les femmes et les enfants, déplacés. Ces faits de violence combinés font subir une sorte de double peine aux populations des zones frontalières exposées aussi bien aux attaques terroristes qu’à la répression aveugle des forces de sécurité et de défense. De plus, dans ces zones très souvent désertées par les services de l’Etat, les populations civiles ne peuvent espérer le minimum de protection et encore moins de justice. D’ailleurs les nations Unies ne cessent d’y dénoncer et de condamner de flagrantes violations des droits de l’homme perpétrée par les forces de sécurité et les armées à l'encontre de suspects de terrorisme. De même, la double victimisation de la population qui est aussi la base de l’expansion du djihadisme nourrit l’activité criminelle en l’absence de l’Etat de droit et en présence d’un fort sentiment d’abandon. Ainsi, la construction d’une rhétorique dualiste et manichéenne qui revendique une identité fondée sur des allures de « nous contre eux » et qui donne plus de crédibilité aux terroristes sur le plan idéologique est renforcée, entre autres, par une réponse au terrorisme qui ne met pas en avant les victimes.
Vers une « écologie sociale » du djihadisme au Sahel ?
En fait, coïncidant avec la théorie de la cinquième vague du terrorisme moderne établie par Kaplan (2008), le phénomène terroriste se déroule surtout dans le milieu rural, qui a eu un rôle essentiel dans la propagation du djihadisme. Au Mali, par exemple, après la révolution de 2012, par laquelle le Mouvement National de Libération de l’Azawad a déclaré l’indépendance du Nord du pays et a réussi à affaiblir l’armée dans cette zone désertique, le terrorisme a commencé à s’intensifier et à se répandre dans la région du Sahel. De la même manière, les groupes djihadistes trouvent un espace stratégique pour se réfugier, ainsi que pour établir leurs camps d’entraînement, dans les parcs naturels comme les réserves sylvopastorales du Sahel et la Réserve Partielle de Faune d’Ansongo-Ménaka. Ces endroits sont précisément situés aux frontières poreuses avec le Burkina Faso et le Niger, où il devient encore plus compliqué d’exercer un quelconque contrôle gouvernemental.
Le concept d’écologie sociale, concept développé pendant le dernier siècle parmi les criminologues et chercheurs est centré sur les liens entre les facteurs criminogènes existants et les lieux où ils se produisent, en considérant les opportunités dérivées du milieu pour qu’un certain type de délit puisse être commis. Il peut, ainsi, pertinemment expliquer le rôle du milieu rural, des zones frontalières et de l’absence du gouvernement, dans la survie et la propagation des groupes djihadistes.
Il est vrai que l’expansion du terrorisme n’a pas été le seul fait de l’absence de l’Etat. Elle est aussi due à bien d’autres aspects dont des facteurs socioéconomiques comme la pauvreté et les conflits intercommunautaires. Ces derniers ont été souvent attisés par les djihadistes, et par la délégation de compétences régaliennes sécuritaires de la part de l’État aux groupes d’autodéfense. Par conséquent, il est possible d’expliquer le fait que le terrorisme tend à augmenter dans des zones où il n’existe pas de normes, d’ordre et de mécanismes de contrôle social.
Qu’en est-il du « choix rationnel » ?
Bien que les groupes djihadistes au Sahel opèrent au niveau local si on compare le phénomène avec la stratégie de communication de Daesh et d'Al-Qaida en Iraq et en Syrie, les ambitions expansionnistes de ces organisations restent, néanmoins, de plus en plus évidentes. L’activité djihadiste s’étend et glisse progressivement vers d’autres pays d’Afrique de l’Ouest comme le Bénin, la Côte d’Ivoire, voire le Sénégal, notamment vers le dénommé front Est.
Une des théories principales en criminologie explique la genèse du délit à travers un choix évalué en termes de coût-bénéfice de l’action, normalement appliqué à l’échelle individuelle plutôt qu’au niveau du groupe. En outre, il est possible de comprendre le comportement des organisations djihadistes au Sahel depuis cette théorie. Les intérêts économiques des groupes exigent désormais une expansion géographique dans le but de contrôler les routes du trafic illicite par le golfe de Guinée, d’établir de nouvelles cellules ou des réseaux naissants et d’étendre leur cause au-delà des territoires actuellement sous son influence.
Dans une telle configuration, l’asymétrie des capacités entre les groupes djihadistes et les États, leur imprévisibilité, leur décentralisation et leur capacité d’adaptation facilitent la pénétration dans différents pays jusqu’ici loin des épicentres classiques. Leur volonté de lutter « jusqu’à la mort » pour leur cause est un facteur pour lequel les risques d’être capturés par les forces de sécurité se voient minimisés, rendant les bénéfices de perpétrer des actions terroristes encore plus élevés. La région ouest-africaine est ainsi entrée dans une nouvelle zone de turbulence et les paradigmes d’antan ont bien subi l’oeuvre du temps et de la géopolitique.
Pour conclure, il est possible d’expliquer l’expansion du djihadisme au Sahel à travers une première approche criminologique qui tient compte de plusieurs acteurs qui interviennent qu’ils soient directement ou indirectement impliqués dans la perpétuation du terrorisme, vu son lien intrinsèque avec le crime et les trafics illicites.
D’abord, l’élargissement du champ des victimes peut, dans ce contexte, permettre de comprendre l’expansion du terrorisme visant aussi bien les zones urbaines que rurales. La forte possibilité de devenir victime des groupes terroristes dans certaines zones met en évidence le besoin de renforcer la surveillance et la présence des forces de sécurité, notamment dans les zones rurales et les enclaves frontalières. D’ailleurs, il ne suffit plus d’aborder les aspects socioéconomiques qui peuvent pousser quelqu’un à rejoindre les groupes djihadistes de même que mitiger les déficiences au niveau judiciaire. L’absence de sécurité souvent citée dans certains endroits montre qu’il devient plus que jamais nécessaire de renforcer le lien entre la société et l’État pour empêcher l’enracinement de la rhétorique djihadiste. C’est ce que Bakary Sambe explique lorsqu’il souligne la nécessité d’empêcher que les groupes terroristes trouvent des « couveuses locales ».
Enfin, les groupes djihadistes eux-mêmes ont pour but le prosélytisme ainsi que l’affaiblissement des gouvernements, ce qui explique le projet d’expansion, même si leurs dynamiques répondent aussi aux intérêts économiques et aux sources de financement. Ils cherchent ainsi à exercer une forte pression sur les forces de sécurité et intensifier des actions dissuasives, comme celles entreprises par les groupes d’autodéfense. La forte volonté des groupes terroristes de réaliser leurs actions au-delà de la région sahélienne est fondée sur une évaluation des coûts et des bénéfices qui peuvent être obtenus, ces derniers étant généralement bien plus élevés en raison de leur disposition à donner leur vie pour leur cause et surtout sauvegarder leurs intérêts.
*Carolina Collado est chercheure associée à Timbuktu Institute Mali
Après avoir obtenu une Licence en Criminologie et Relations Internationales à l’Université de Plymouth (Royaume-Uni), elle a suivi sa formation avec un Master en études approfondies en terrorisme (analyse et stratégie). Elle a collaboré avec plusieurs médias en Espagne en publiant des articles dans le centre de recherche du ministère de la Défense espagnol, dans l’Observatoire des Études sur le Terrorisme (OIET) et d’autres journaux. Son domaine de recherche est relatif à la sécurité, dont les conflits armés, la criminalité transfrontalière et le terrorisme djihadiste, particulièrement en Afrique, au Proche-Orient et au Sud de l’Europe. Elle s’intéresse aussi aux politiques publiques concernant la prévention des délits et la radicalisation violente.
Au Mali, les jeunes veulent se départir des politiciens. C’est tout le sens de leurs déclarations favorables à un régime militaire. Ils participaient, hier, à un Webinaire organisé par Timbuktu Institute sur le thème : « Transition et Stabilisation du Mali : Quelle contribution des jeunes ? »
C’est une transition dans une transition. Alors que la communauté internationale s’intéresse au sort politique du Mali, de jeunes ressortissants de ce pays veulent plutôt se débarrasser des politiciens. C’est en tout cas, ce qu’on peut déduire de leurs déclarations tenues, hier, au cours d’un webinaire organisé par Timbuktu Institute. La majeure partie de ces jeunes ayant pris part à ce panel virtuel se sont indignés de la situation dans laquelle est plongé leur pays de par les agissements des hommes politiques.
« Depuis 2012, Nous pataugeons dans des troubles indescriptibles. Que les régimes soient militaires ou démocratiques, qu’importe pour nous. C’est le rayonnement du pays qui nous intéresse. On a une classe politique qui manque de légitimité. Depuis l’installation du conseil national de la transition, il y a une forte implication des jeunes. Dans les instances de décision. Nous avons besoin de stabilité, d’un gouvernement d’union national », a introduit hier, Cheickh Tidiane Dara, étudiant malien et président d’un mouvement dénommé Association des jeunes orateurs (AJO) du Mali.
Selon ce dernier, « le Mali est détruit par les régimes » qui se disent « démocratiques » alors que leurs actes ne répondent pas aux normes internationales. A l’en croire, le Mali a connu d’autres transitions qui ont, par la suite, remis le pouvoir aux civiles. Suffisant pour souligner que la transition est un terreau fertile aux jeunes pour tailler bavette avec les populations sur les tenants et les aboutissants de cette transition. « Nous devons organiser des activités sportives et culturelles pour rassembler toutes les forces vives de la nation. La situation est beaucoup plus importante. Certains jeunes se réjouissent à ce que le militaire Goïta soit le président de la République. Nous sommes favorables à un régime militaire », laisse entendre Cheikh Tidiane Dara.
Abondant dans le même sens, Kadiatou Sow, présidente de l’Association des étudiants et sympathisants pour la sauvegarde du patrimoine culturel (Aespat) se réjouit de la récupération du pouvoir par les militaires. A son avis, les jeunes sont déçus par les régimes démocratiques qui se sont succédé au Mali. « Il y a aussi la nostalgie d’une bonne gouvernance. On ne peut pas parler de l’état de droit dans un pays basculé dans une crise cyclique. Si on n’arrive pas à régler la question de l’instabilité, on ne pourra pas parler de l’état de droit », juge-t-elle.
« A travers cette transition, nous voyons qu’il y a une concertation. Les jeunes occupent des postes ministériels. Nous prions pour que la transition réussisse. Il faut que les jeunes s’intéressent à la politique si on veut renverser la tendance. Nous sommes fatigués de voit des réfugiés, des déplacés, etc. », poursuit Abdoul Azize Mohamed, jeune de la ville de Tombouctou. « La jeunesse joue un rôle important. C’est une force vive, même s’il y a des contraintes. Ils sont invités à s’impliquer dans cette mise en œuvre de cette transition, à lutter pour le respect de leurs droits », renchérit Abdoul Azize Mohamed.
Salif Kâ
Source : Walf Quotidien du 3/06/2021
Le centre de recherches Timbuktu Institute en partenariat avec la Fondation Konrad Adenauer a présenté jeudi 27 mai son rapport sur la situation sécuritaire dans la région de Kédougou, au sud-est du Sénégal, une zone frontalière du Mali et de la Guinée.
« La bataille de l’Est » aura bien lieu, et il faut s’y préparer. Situation géographique frontalière et excentrée, répartition inégale des richesses minières, circulation d’explosifs utilisés dans les mines d’or, ou encore infrastructures de base défaillantes… L’étude du Timbuktu Institute fait état d’un « cocktail de facteurs de risques » dans la région de Kédougou. Pour ses auteurs, « les frustrations socio-économiques apparaissent comme les principales causes de radicalisation ».
Le rapport indique qu’en 2019 et 2020, « le nombre d’arrestations d’individus, pour l’essentiel d’origine étrangère, avec des explosifs, a connu une hausse inquiétante » dans la zone.
Le paradoxe, c'est qu'une grande majorité des personnes interrogées – 85% – disent « se sentir en sécurité ». 65% affirment « ne pas être concerné par la crise malienne ».
« Le Sénégal a toujours été présenté comme un îlot de stabilité dans un océan d’instabilité, explique Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute. Cette absence de prise de conscience de la population montre aussi un défaut de sensibilisation de la part de l'État sénégalais qui ces dix dernières années est passé d'un déni de cette réalité à une prise de conscience progressive récemment. Le Sénégal doit passer à une étape de mise en place d'une politique de prévention assumée sachant que cette exception tant vantée n'est pas durable si on ne renforce pas la résilience ».
Les chercheurs recommandent, entre autres, une meilleure organisation de l’exploitation minière, et la formation des chefs religieux et coutumiers sur les enjeux des conflits transfrontaliers. Lors de la présentation du rapport, le représentant du ministère de l’Intérieur, Alpha Diallo, a lui insisté sur la collaboration des populations en matière de renseignement.