Timbuktu Institute

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Dr Bakary Samb de Timbuktu institute analyse les nouveaux défis sécuritaires dans le Sahel au lendemain de la mort du président tchadien Idriss Déby. Dans un entretien au quotidien national Le Soleil, le chercheur décrypte les enjeux au plan géopolitique avec une nouvelle redistribution des cartes dans les jours qui viennent.
 
« Inévitablement on s’achemine vers une nouvelle ère. Déby bénéficiait du soutien des partenaires internationaux, au regard de son rôle dans la lutte contre le terrorisme où l’engagement des forces tchadiennes constituent une garantie de sécurité pour certains pays. Je pense particulièrement au Mali, au Niger et au Burkina. Il y aura certainement une redistribution des cartes sur le plan géopolitique. Le Niger vient de sortir d’une transition politique douce mais avec des menaces et des vulnérabilités. Le Mali est dans une situation de transition où la junte, arrivée au pouvoir, était constituée, pour l’essentiel, de forces spéciales qui étaient destinées à combattre le terrorisme et qui sont maintenant dans le fauteuil douet du palais de Koulouba. Ceci laisse présager un abandon de points stratégiques et essentiels sur lesquels on avait besoin de la présence du Tchad et de son leadership sur le plan militaire. Autre chose, sur le plan militaire, le Tchad préside le G5 Sahel », analyse Bakary Samb dans les colonnes du journal.
 
Une situation qui selon lui pourrait avoir des répercussions sur la sécurité dans des pays comme le Mali et le Sénégal.
 
« D’ailleurs, explique-t-il, le Président Macky Sall avait été invité au Sommet de N’Djamena. Ce, après une longue absence dans ce cadre régional de concertation. Les liens entre le Sénégal et le G5 Sahel commençaient à connaitre une avancée significative, notamment avec le geste du Président Macky Sall qui a offert la somme d’un milliard de FCfa pour la lutte contre le terrorisme ; ce qui pousse à réfléchir au renforcement de cadres sous-régionaux œuvrant dans ce sens, sachant que cela bouge dans l’ouest du Mali. Donc, dans l’est du Sénégal. Je crois que c’est un moment crucial où les cartes se redessinent et où on va véritablement vers une nouvelle géopolitique du Sahel eu égard aux circonstances aussi bien régionales que celles liées aux partenaires internationaux, dont la France en premier lieu qui s’achemine vers une présidentielle cruciale, surtout concernant la présence des forces française au Sahel ».
 
Idriss Déby, rappelle Bakary Samb, « C’était un allié très important, un pivot capital dans la stratégie de Paris et de la communauté internationale dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Paris aussi était dans une forme de statisme par rapport à l’évolution au Tchad parce que Deby était un allié à ne pas lâcher. Maintenant quel sera son positionnement sur la transition qui, à mon avis, reste assez fragile si l’on sait que les autres tribus et composantes vont commencer à remettre en question la légitimité du fils de Déby et que les Zagawas sont restés 30 ans au pouvoir, sans partage ? Dans ce bloc ethnico-culturel qu’on appelle les Zagawas, on commence à avoir des déchirures, sachant que lorsque cette rébellion du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (Fact) était à l’approche de la région du Kanem, certains éléments zagawas commençaient à se désolidariser. C’est une situation assez trouble, où il n’y a pas encore une lecture claire et qui mérite, véritablement, d’être surveillée de près ».

De manière globale, les habitants du Sahel ont favorablement accueilli l’arrivée des vaccins anti-Covid dans leurs pays. Toutefois, les discussions se font beaucoup plus entendre dans la zone francophone. 

 

D’après une étude réalisée au Sahel sur les langues dans lesquelles s’effectuent les discussions autour du vaccin anti-Covid, il y a une prépondérance écrasante des réactions sur la toile en langue française. Seuls 10% des discussions se font dans une langue différente du français, à savoir l’arabe ou l’anglais. Sur la toile sahélienne, les sources qui suscitent le plus d’interactions sur la thématique des vaccins se trouvent être, une fois de plus, sénégalaises. C’est le cas par exemple des sites d’informations Senego et Senenews, qui ont produit des articles générant près de deux millions de réactions (liens article) Le président Macky Sall lui-même a déployé d’importants moyens de communication  sur la thématique du vaccin. S’il s’est d’abord appuyé sur les autorités religieuses pour sensibiliser les populations, il s’est ensuite énormément exprimé sur le sujet par le biais de différents réseaux sociaux et, enfin, a fait de la réception du vaccin Sinopharm un événement retransmis à la télévision nationale RTS1 le 18 février dernier. 

Des craintes sur la réussite de la campagne de vaccination

La tendance globale penche sur un accueil largement favorable à l’arrivée des vaccins, à savoir AstraZeneca, Pfizer, Moderna, Sinopharm, etc. Selon les résultats d’une mesure algorithmique sur une période de trente jours (du 1er février au 3 mars), la proportion des internautes qui s’exprime favorablement à l’arrivée des vaccins est deux fois supérieure à celle des internautes qui expriment différentes réserves par rapport à ces vaccins. Ces réserves sont généralement d’ordre complotistes, ou concernent les craintes liées à la réussite des campagnes de vaccination, dans un contexte manifestement difficile pour les différents gouvernements. Le manque de logistique est notamment un paramètre non négligeable dans nombre de pays sahéliens. Au Burkina Faso par exemple, le ministre burkinabé de la santé Charlemagne Ouédraogo a annoncé que le vaccin sera volontaire, et non obligatoire.

 

L’arrivée du vaccin fait chauffer la toile sénégalaise

Sur la même période de trente jours, deux-tiers des débats sahéliens sur le vaccin se concentrent au Sénégal. Au cours de cette période, les débats se sont intensifiés à partir du 17 février, à la veille de l’arrivée des premières doses de vaccin au Sénégal. Sur les blogs, les sites d’information et le réseau social Twitter, ils ont pour la plupart non seulement évoqué le démarrage des campagnes de vaccination dans les pays, mais aussi annoncé les différentes stratégies mises en place pour amener les populations à se faire vacciner. Par la suite, un pic a été atteint au lendemain, le 18 février, date à laquelle le Président Macky Sall est allé réceptionner à l’aéroport Blaise Diagne 200 mille premières doses du vaccin chinois Sinopharm.

 

Le vaccin AstraZeneca en cours d’approvisionnement

Plus généralement, c’est un sprint dans lequel sont engagés ces pays sahéliens qui misent sur une arrivée rapide du vaccin pour tenter d’enrayer la seconde vague de la pandémie, qui se trouve être au beau fixe. Les livraisons promises par COVAX, permises par le dispositif d’aide internationale aux pays en développement, devraient s’étaler de mars 2021 à décembre 2022. 600 millions de doses ont été prévues par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Le Sénégal, qui est censé recevoir en tout 1,296 million de doses d’AstraZeneca, devrait recevoir le reste de son lot durant le deuxième trimestre de l’année. Le Mali, avec ses 19 millions d’habitants, attend 1,572 million de doses du même vaccin, sur la période allant de la fin du premier trimestre au deuxième trimestre de 2021. Le Burkina-Faso, qui compte plus de 19 millions d’habitants, attend lui aussi sur la même période, 1,620 million de doses d’AstraZeneca.

Cela dit, malgré les avis favorables de l’OMS quant à l’utilisation de l’AstraZeneca, le Danemark devient le premier pays d’Europe à renoncer définitivement à ce vaccin anti-Covid. De plus, l'Union européenne a annoncé le lundi 26 avril 2021, avoir attaqué en justice le laboratoire AstraZeneca pour ne pas avoir tenu ses engagements quant aux livraisons de son vaccin anti-Covid. Une procédure que le groupe suédo-britannique a aussitôt jugée sans "fondement".

Kensio Akpo

 

Le Timbuktu Institute, le CESTI et Sayara International ont mis en place une veille de l'opinion publique digitale concernant la pandémie de la COVID-19. Grâce à notre plateforme de veille, nous analysons des milliers de publications qui émanent des réseaux sociaux, des sites d'information et des blogs, et qui, chaque jour, sont diffusées dans 8 pays du Sahel (Sénégal, Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso, Cameroun, Tchad, Soudan).

 

Soumettez-nous une information, les journalistes du CESTI la vérifieront.

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Au-delà des élections, le Tchad représente un verrou essentiel pour contenir le débordement des crises libyenne et centrafricaine.

Quel est l'enjeu aujourd'hui d'une nécessaire stabilité de ce pays ? Dans la configuration actuelle et au regard de son rôle dans la lutte contre Boko-Haram, quel lien entre la stabilité du Tchad et celle du bassin du lac Tchad dans son ensemble ? On sait aussi que ce pays accorde une contribution esssentielle dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Quelles seraient les conséquences d'un affaiblissement du Tchad sur la paix et la sécurité dans le Liptako Gourma et le Sahel dans son ensemble ?

Réponses avec Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute de Dakar.

« Investir aujourd’hui au Sahel pour l’Afrique de demain », cette devise de l’Alliance Sahel serait-t-elle une solution pour combattre l’extrémisme violent en Afrique de l’Ouest ? Comme beaucoup d’autres organisations internationales et projets régionaux qui interviennent dans la région, l’on s’aperçoit que la solution sécuritaire ne serait pas uniquement militaire.

 

En effet, il aura fallu attendre 2017 pour que les partenaires européens du Sahel, par cette initiative, prennent en compte la dimension d’aide publique au développement pour combattre le terrorisme dans la région. Initiée principalement par la France et l’Allemagne, cette aide financière et de coordination de la coopération internationale fait aujourd’hui débat auprès des communautés locales qui souhaitent le retrait de ces partenaires.

 

Depuis 2012, l’espace sahélien est en proie à d’extrêmes violences en raison de la sanctuarisation d’Al-Qaïda puis de l’Etat islamique. Pour lutter efficacement contre ce fléau, une première organisation africaine fut créée en 2014 afin d’apporter une réponse en matière de sécurité et de stabilité sociale grâce au développement et au financement de certains projets, le G5 Sahel. Composé des cinq pays du Sahel les plus touchés par le terrorisme que sont le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. Elle sera appuyée en 2017 par la mise en place d’une Force conjointe à travers la résolution n°2359 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, pour répondre de manière opérationnelle sur le terrain. Mais ladite Force conjointe n’est pas la seule au Sahel puisque la France est présente depuis 2013 avec l’opération Serval puis Barkhane, tandis que l’Union européenne participe avec l’EUTM Mali - Mission de formation et de conseil stratégique - en plus des Nations Unies avec la MINUSMA. Dès lors, le terrain sahélien est submergé d’acteurs militaires rendant la situation complexe. Dr Bakary SAMBE, directeur du Timbuktu Institute dit d’ailleurs que : « Le Mali ressemble à un malade autour duquel il ya tellement de médecins, que personne nest daccord sur le diagnostic. » Ainsi, la situation au Sahel continue de s’enliser malgré l’intervention et l’appui de nombreux partenaires internationaux en raison du manque de coordination.

 

Désormais, il faudra repenser la stratégie et répondre à cette crise sécuritaire qui n’est pas uniquement militaire, mais qui est aussi alimentaire et humanitaire. Pour beaucoup d’experts, répondre à la crise multidimensionnelle sahélienne, c’est faire face aux menaces qui entravent la paix et le développement de la région, notamment en adoptant des réponses sociales à travers des projets d’actions de lutte contre la pauvreté. Avec le contexte de la pandémie mondiale de la Covid-19, le renforcement des services de santé publique et la relance de l’économie sahélienne deviennent une priorité pour les États mais aussi pour les partenaires internationaux. Dès lors, l’Alliance Sahel joue un rôle primordial dans l’accompagnement à la stabilisation et au développement global de la région.

 

Cette plateforme de coordination de la coopération internationale s’appuie sur six secteurs prioritaires que sont : l’éducation et l’emploi des jeunes ; l’énergie et le climat ; l’agriculture, le développement rural et la sécurité alimentaire ; la gouvernance ; la décentralisation et les services de base ; et la sécurité intérieure. En étroite coopération avec le G5 Sahel, l’Alliance Sahel, selon Aliou Maïga[1] : « reste à ce jour la campagne mondiale la mieux structurée pour soutenir la croissance et la stabilité au Sahel »[2]. Lors de la 7ème session ordinaire du G5 Sahel le 15 février 2021, une 2ème assemblée générale de l’Alliance Sahel s’est tenue afin de mettre l’accent sur les stratégies d’Approche de Territoire Intégrée (ATI), de Cadre d’Action Prioritaire (CAPI) et de Programme de Développement d’Urgence (PDU). Cette plateforme fait partie des quatre piliers de coordination de la Coalition pour le Sahel, créée lors du Sommet de Pau le 13 janvier 2020, piloté conjointement avec le G5 Sahel. Elle s’engage à restaurer les bases sociales par le ciblage de secteurs prioritaires et à améliorer durablement les conditions de vie des populations sahéliennes en renforçant la cohésion sociale.

 

Combattre le terrorisme au Sahel, c’est désormais investir dans la résilience des populations par le retour des services de base. Mais est-ce que l’aide publique au développement pourrait véritablement devenir un rempart contre l’extrémisme violent au Sahel d’autant plus qu’elle doit aussi gérer des urgences de plus en plus pressantes ? Enfin, répond-elle de manière convaincante aux interrogations des pays de la région qui déplorent parfois une certaine inversion de leurs priorités avec l’orientation sécuritaire de la coopération internationale ?

 Constance WYBO

*actuellement en stage de fin d'étude en Géopolitique à Timbuktu Institute.

 

 



[1] Directeur régional de la SFI (Société financière internationale) pour l’Afrique de l’Ouest et Centrale

Décryptage de la réconciliation au Mali avec Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute basé à Dakar et à  Bamako. Il revient sur le rôle des ressources culturelles endogènes et des initiatives citoyennes négligées dans le traitement médiatique de la crise malienne très focalisé sur le tout-securiraire

Après avoir contribué aux différents processus d’élaboration des stratégies nationales de prévention de l’extrémisme violent au Niger et au Burkina Faso, le Directeur de Timbuktu Institute, Dr. Bakary Sambe, en tant qu’expert international mobilisé par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a présenté, ce 29 mars, le rapport d’évaluation du Plan d’Action du Mali dans la ville de Sikasso. Lors d’une retraite de l’ensemble des départements ministériels du Mali impliqués dans ce processus, Dr. Sambe a appuyé l’élaboration du nouveau plan d’action quinquennal dans le cadre d’une démarche inclusive et participative adoptée par les autorités maliennes avec l’appui du PNUD.

En effet, malgré la signature en 2015 de l'Accord de paix, la crise politique et sécuritaire s’est étendue au Mali aggravée par la montée de l’extrémisme violent et la multiplication des conflits intercommunautaires au Centre du pays avec de sérieux risques de débordement vers l’Ouest.  Cette situation a fortement impacté les populations du Centre et du Nord du Mali souffrant toujours d’un déficit d’accès aux services étatiques de même que des problèmes de la sécurité et de justice.

Au regard de cette situation, et en partenariat avec les autres agences du système des Nations Unies, le PNUD a fourni un appui au renforcement de la résilience communautaire face à l’extrémisme violent. Un tel appui prend en compte la nécessité d’améliorer la résilience de communautés aux dynamiques des multiples conflits et un retour des services de sécurité et de justice. C’est dans cette perspective que le Programme des Nations Unies pour le Développement au Mali (PNUD Mali) a aidé à lancer, en partenariat avec le Ministère des Affaires Religieuse et du Culte l’évaluation de la mise en œuvre du plan d’action 2018-2020 de la stratégie nationale de PEV du Mali et a permis d’élaborer un nouveau plan d’action quinquennal. Cette stratégie dont l’élaboration s’est appuyée sur une méthodologie participative est en cours de de révision dans un cadre inclusif de concertation et de coordination inter sectoriel pour la mise en œuvre des actions du gouvernement malien et de ses partenaires en matière de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent et le terrorisme.