Timbuktu Institute

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Cette note d'Analyse n°1 est réalisée dans le cadre d'une série d'études avec le soutien de la Fondation Konrad Adenauer (Dakar) sur les réponses des sociétés civiles à la pandémie de covid-19 au Sahel

L’expression « village planétaire » n’a jamais été aussi d’actualité que dans ce contexte de pandémie de COVID-19 qui fait actuellement infléchir la planète entière indépendamment du niveau d’industrialisation ou de développement. Considérée comme la première véritable épidémie de la mondialisation, la COVID-19 a instauré une forme d’égalité de condition entre Nations et continents.

D’une conception lointaine que l’on se faisait ironiquement du « virus chinois », on est très vite arrivé à une crise sanitaire mondiale aux conséquences incalculables dont l’Afrique n’a pu échapper. Aucun des 54 pays du continent n’est aujourd’hui épargné par la pandémie avec, à ce jour, un lourd bilan en moins de trois mois : +100 000 cas et +3 000 décès selon le Centre pour la prévention et le contrôle des maladies de l’Union Africaine.

Depuis l’enregistrement du premier cas de COVID-19 au Nigéria fin février, il a fallu seulement quelques semaines au virus pour qu’il touche tous les pays comme pour s’accommoder à l’environnement sahélien. 

Face à cette situation les États de la région ont mis en place des plans de riposte pour gérer la nouvelle donne. À défaut d’opter pour un confinement avec tous les moyens que cela nécessite, des mesures ont été prises telles que la fermeture des frontières, l’instauration de l’état d’urgence assortie d’un couvre-feu dont les horaires sont variables d’un État sahélien à un autre, l’interdiction des rassemblements publics sans mention expresse sur la fermeture des lieux de culte, etc.

Ayant touché à l’ensemble des domaines d’activités et des secteurs socioéconomiques, la pandémie a aussi impacté le domaine religieux qui est d’une importance capitale dans cette région qui semble moins affectée que beaucoup d’autres par les effets de la sécularisation et du recul théorisé du religieux. Ce dernier conserve toute sa vigueur dans les sociétés sahéliennes.

Au regard de l’importance que revêt le champ religieux dans les dynamiques sociétales au Sahel, il a semblé intéressant d’interroger la manière dont la pandémie et sa gestion l’ont affecté à travers plusieurs variables.

C’est dans cette perspective que s’inscrit la présente recherche préliminaire s’intéressant aux acteurs et discours religieux ainsi que leur rapport avec la gestion de la pandémie dans les différents pays du Sahel.

Même si dans l’ensemble, les discours religieux se sont illustrés, dès le début de la pandémie, à travers leur adhésion à la plupart des mesures pour l’essentiel inédites, les acteurs religieux n’ont pas toujours eu des positions unanimes sur les décisions politiques et administratives régulant le culte et le domaine du sacré dans cette période spécifique.

Certes le domaine du sacré a toujours été en interaction avec celui du politique dans ces pays, mais ces derniers mois ont été marqués par un ensemble de mesures et de dispositions dont le but était de réguler le culte dans le cadre de précautions hygiéniques et sanitaires. 

Pendant que certains États ont mis en place des mesures plus strictes en fermant les lieux de culte quitte à faire passer certaines autorités comme des « ennemis de la religion », d’autres ont opté pour un dialogue ouvert avec les acteurs religieux privilégiant la négociation. Dans ce sillage, des observateurs analysent ce dernier choix comme une déresponsabilisation de l’État souverain, pendant que d’autres y voient une mise en pratique du principe de laïcité impliquant la séparation des pouvoirs temporel et spirituel.

Dans l’espace sahélien, aussi limitatives que les mesures puissent paraître les attitudes des acteurs religieux pourraient être classifiées en trois catégories selon qu’elles soient volontaristes, collaboratives ou contestataires.

Du fait de la difficulté matérielle de mener des enquêtes de terrain au regard de la situation sanitaire, une équipe de veille a été mobilisée qui s’est appuyée sur une netnographie analytique. En fait, la situation des différents pays analysée a été suivie au jour le jour avec un focus sur les interactions entre autorités politiques et acteurs religieux autour de la gestion d’une question sanitaire.

Cette  note d’analyse traite des différentes actions et discours religieux face aux mesures restrictives liées à la gestion de la pandémie de COVID-19 dans les pays du G5 Sahel et au Sénégal sous l’angle du triptyque relatif aux actions volontaristes, aux initiatives contributives et aux actions contestataires défiant l’autorité politique.

La pandémie de Covid-19 a de nouveau illustré les ambiguïtés et les lacunes de la gouvernance du religieux par l’Etat sénégalais (source Le Monde)

Tribune. Faut-il y voir une simple contradiction ou l’illustration d’une tendance de fond ? Alors que l’Etat sénégalais, sous pression, a « autorisé » la réouverture des mosquées au public en pleine pandémie de coronavirus, pour l’Aïd el-Fitr, le président Macky Sall est resté prier dans sa résidence de Mermoz, en contradiction avec la « tradition républicaine ».

En réalité, le Sénégal vit pleinement le paradoxe des Etats laïcs devant gouverner le religieux sans autorité de régulation du culte acceptée de toutes les communautés. Le schéma d’une « exception sénégalaise » dans ce domaine a bien changé. L’analyse des discours depuis plus d’une décennie montre qu’il faudra désormais déplacer le curseur de l’islam politique au Sénégal.

Le salafisme wahhabite n’a pas le monopole de l’extrémisme et se montre, même parfois, plus empreint de « modernité » et d’ouverture sur beaucoup de questions comme l’illustre leur position plus conciliante sur la fermeture des mosquées, admise en tant que mesure d’hygiène. Même les autorités s’inscrivent dans la logique de collaboration avec ces mouvances « réformistes » pour leur contrôle ou comme contrepoids aux forces confrériques.

« Consensus mous »

L’autre particularité du Sénégal est que la gestion du religieux est faite de fuites en avant en différant les questions « sensibles ». Chaque régime laisse au suivant la patate chaude religieuse : délimitation du statut et des prérogatives des religieux, réforme de l’enseignement. Le manque de courage politique et des calculs électoralistes sont à l’œuvre, alors qu’il s’agit d’un enjeu vital pour l’avenir du Sénégal.

Ainsi, les mêmes problèmes structurels – liés au statut des écoles coraniques et à la mendicité des enfants ou au conflit entre parents d’élèves musulmans et écoles catholiques sur le port du voile – vont ressurgir à tout moment après des solutions conjoncturelles et politiciennes.

Dès le début de la pandémie, le politique a esquivé le débat en l’abandonnant à des théologiens peu au fait de l’évolution du débat global sur le religieux. Dans ses discours successifs, Macky Sall a joué sur les nuances d’une langue, le français, que la majorité de la population ne comprend pas, à la recherche de « consensus mous ». Une manière d’éviter une prise de position exposant l’autorité centrale.

Pour fermer les mosquées, le président de la République s’est réfugié derrière des décisions administratives. Pour les rouvrir, il s’est mis au-devant de la scène, engrangeant le bénéfice politique. Pour comprendre les dessous d’une telle politique il faut s’arrêter sur trois faits intéressants à analyser.

Cacophonie autour des mosquées

Primo : avec l’assouplissement des mesures préventives, Macky Sall veut s’éviter une islamisation des inévitables contestations à venir, surtout sur le plan socio-économique et politique. Il a dû sentir monter une tension dans laquelle il y avait une convergence de vue de divers acteurs et organisations de la société civile, activistes religieux et porteurs de revendications corporatistes.

Connu pour ne jamais faire face à deux fronts en même temps, Macky Sall, l’ingénieur, disséqua les problèmes : calmer, d’abord, le front religieux dénonçant la fermeture des mosquées et assouplir, ensuite, le couvre-feu pour soulager le monde économique.

Deusio : par un dialogue aux apparences inclusives, Macky Sall a réussi à scinder le champ islamique en se servant de sa multiplicité et de ses divisions. Il s’est occupé des khalifes des confréries, tandis que son ministre de l’intérieur a pris langue avec les autres acteurs, représentants des confréries, réformistes et mouvances salafistes. La cacophonie autour de la réouverture des mosquées a fait le reste du travail politique, offrant en spectacle une scène islamique sénégalaise jamais autant divisée.

En même temps, l’Etat implique des acteurs islamiques devenus collaborateurs agréés pour la sensibilisation sur les mesures hygiéniques. Un acteur très averti des dynamiques politico-religieuses confie : « Quand les forces religieuses sont divisées, c’est en général, la République qui gagne. »

Un éventuel « front islamique »

En plus de désamorcer un éventuel « front islamique » ou pouvant islamiser les contestations, cela a permis de le réduire à plusieurs groupuscules devenus rivaux. Les surenchères interconfrériques montent sur l’ouverture ou non des mosquées ou la tenue des prières dans une atmosphère inespérée de discorde politiquement « utile ». Dans son management des forces religieuses, l’Etat s’est toujours servi des acteurs islamiques « à la carte ».

Tertio : l’Etat a réussi à garder intacts les rapports traditionnels avec les confréries et leur leadership en vue de leur intercession future en cas de tensions, de troubles ou de conflits sociaux. Et nous revoilà en plein cœur de ce « contrat social sénégalais » qui a jusqu’ici fonctionné à merveille. Sauf qu’il faudra être prudent sur l’avenir. Les accointances répétitives avec le pouvoir politique ont dû peser sur la crédibilité du discours confrérique auprès de différentes franges de la population.

L’expérience des quinze dernières années a montré le caractère non déterminant du soutien politique des confréries lors des différentes échéances électorales. Abdoulaye Wade fut élu en 2000, alors qu’Abdou Diouf bénéficiait du soutien de la majorité des marabouts. Macky Sall est arrivé au pouvoir dans un contexte où Abdoulaye Wade a été soutenu comme jamais un homme politique par les confréries.

Le président Sall, en 2019, a été fortement réélu en perdant dans des villes symboliques sur le plan confrérique et religieux. De plus, il y a une diversification poussée de l’offre sur le marché religieux sénégalais où l’islam local est rudement mis à l’épreuve par la mondialisation du croire et une démocratisation émancipatrice de l’accès au savoir religieux. Les disciples citoyens ont, depuis, intégré, une « nouvelle conscience » confrérique, dissociant l’allégeance spirituelle de l’engagement politique.

Au-delà de la gestion conjoncturelle des crises, il va falloir, un jour, affronter la gouvernance du religieux au Sénégal comme ailleurs dans la région. D’importantes questions restent entières. Pour l’heure, l’approche et la vision utilitariste similaires à celles du Bureau des affaires musulmanes au temps de la colonisation dominent la pratique des régimes successifs. Différer éternellement les problèmes ne les résout pas et les fait encore moins disparaître.

Gouverner, en dehors de prévoir, c’est aussi prendre des risques politiques et assumer des responsabilités. Les « consensus mous » ne sont jamais durables, rien que par l’évolution des acteurs et de leurs intérêts. Ceux « supérieurs » doivent guider la conduite des affaires d’un pays, au-delà des logiques de conservation ou de consolidation du pouvoir. Le vrai réalisme est celui qui fait prendre conscience qu’acheter la paix mène souvent à la guerre.

Bakary Sambe est directeur du Timbuktu Institute et enseignant-chercheur au Centre d’étude des religions de l’université Gaston-Berger de Saint-Louis du Sénégal.

www .timbuktu-institute.org 

(Niamey et les 2 jours) - Malgré la crise sanitaire liée au covid-19, on pourrait dire que les terroristes ne connaissent pas de répit. L’Ouest du Niger a récemment subi de violentes attaques dans de nombreux villages de la commune d'Anzourou située à une cinquantaine de kilomètres de Tillaberi, « C’est une tendance régionale », rappelle Bakary Sambe, directeur de Timbuktu Institute basé à Niamey et Dakar, qui souligne que « ces incursions des groupes terroristes se multiplient aussi bien au Sahel, notamment au Mali, que dans le bassin du Lac Tchad. »

Dans ce contexte où les États s’interrogent sur l’issue de cette crise, la communauté internationale semble préoccupée par la gestion de la pandémie. À l’instar du Tchad, le Niger fait encore face à des tentatives d’incursions de Boko Haram dans la région de Diffa. Surtout que comme le souligne, toujours, Bakary Sambe, « Boko Haram a l’habitude de surprendre les FDS dès que le niveau des eaux de la rivière Komadougou baisse comme lors de la bataille de Bosso en 2015 ». Mais, pour le directeur de Timbuktu Institute, « le défi particulier du Niger est de devoir combattre sur deux fronts et en même temps contre les attaques de l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) dans la région de Tillaberi et contre Boko Haram vers Diffa ». Toutefois il souligne que le Niger a récemment adopté la bonne stratégie qui a consisté à « ne pas laisser à Boko Haram l’avantage de l’offensive ».

Dans ce même entretien accordé à Niamey et les 2 jours, Dr. Bakary Sambe révèle qu’au moins « 70 terroristes de Boko Haram auraient été tués entre le 11 et 12 mai 2020 par le Bataillon spécial de sécurité en territoire nigérian dans le cadre de la Force Multinationale mixte ». 

« Le fait que les forces nigériennes aient anticipé dès les attaques perpétrées par les terroristes au poste frontalier de Doutchi à la frontière nigero-nigériane proche de Diffa les 2 et 5 mai derniers, a été très stratégique et a permis de prendre les devants », souligne Dr. Sambe.

Mieux, pour lui, « ces opérations qui permettent de détruire les bases logistiques de Boko Haram découlent d’une stratégie offensive largement plus payante que les positions statiques qui ont l'inconvénient majeur de permettre à un ennemi d'être le maître de l'agenda ».

Dakar – Voici trois questions à M. Bakary Sambe, Directeur du Think tank “Timbuktu Institute-African Center for Peace Studies”, enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, au Sénégal, et auteur notamment de “la politique africaine du Maroc, 2011”, qui revient sur l’initiative royale visant à limiter la propagation de la pandémie du Covid-19 en Afrique :

1- SM le Roi Mohammed VI a proposé le lancement d’une initiative de Chefs d’Etat africains visant à établir un cadre opérationnel afin d’accompagner les pays africains dans leurs différentes phases de gestion de la pandémie du Covid-19.

Que pensez-vous de cette initiative ?

-Le fait de lancer une initiative africaine en fédérant ses partenaires traditionnels, comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire, est le signe d’un leadership assumé de la part de Sa Majesté et d’un ancrage continental encore plus marqué, tout en confortant le Maroc dans une posture claire de “bridging power” devant drainer des synergies constructives au niveau continental.

Il serait hautement souhaitable que d’autres pays se joignent à cette initiative historique à un tournant essentiel dans les rapports internationaux.

Le Maroc, sous la conduite de sa Majesté le Roi Mohammed VI, a démontré que l’Afrique pouvait se départir du statut de continent importateur de solutions pour endosser la responsabilité de proposer des alternatives crédibles.

2-Quel sera l’apport, selon vous, d’une telle initiative pour faire face à l’impact sanitaire, économique et social de la pandémie ?

-On a tendance à réduire la présence marocaine en Afrique à une simple percée économique et à un “soft power” nourri par les ressources symboliques du religieux, en perdant de vue la dimension Sud-Sud de sa coopération avec le reste du continent mais aussi la rupture paradigmatique qu’il opère contrairement à une vision afro-pessimiste répandue.

Ses performances économiques et aujourd’hui son mode de résilience face à la pandémie, sont des éléments de stimulation d’une prise en charge africaine de la crise sanitaire par les pays de région. La réponse marocaine est une combinaison d’approches économique et scientifique d’une crise multidimensionnelle.

3-Quelle stratégie doit-on mettre en œuvre pour amortir le choc de la crise virale et éviter des conséquences catastrophiques pour le continent ?

-Dans la gestion de cette crise, le Maroc a démontré sa capacité de mobiliser son capital humain comme si chaque citoyen s’était approprié une mission nationale.

Le Maroc a montré au reste du continent que nos pays pouvaient mobiliser leurs ressources endogènes, développer une résilience et tester leurs capacités à formuler une réponse adéquate à une crise de cette ampleur sans être limités par l’absence de moyens comparables aux autres pays du Nord.

Au Niger, dans la région d’Agadez qui a été marquée par des violences dans les années 1990, les responsables religieux se sont organisé dans le cadre d’un « Observatoire » regroupant toutes les confessions, afin de résoudre les  conflits récurrents et de maintenir les bases d’une cohésion sociale. L’action de cet Observatoire est multiforme, allant de la médiation auprès des familles au règlement des conflits découlant de divergences de nature religieuse, sociale ou d’autres.

L’Observatoire s’active, aussi, dans le renforcement des capacités des leaders religieux et traditionnels. Ainsi, dans le cadre de la médiation communautaire, cet Observatoire a permis de former des leaders communautaires au rôle de « guides » et de « référents » dans des localités où les services sociaux sont, parfois, quasi inexistants et où les religieux se retrouvent seuls face à des jeunes pleins d’interrogations.

Cet instrument de régulation a été, par exemple, au cœur de la stratégie de prévention de l’extrémisme violent contre lequel la région d’Agadez qui a pourtant connu des conflits de par le passé, développe une certaine résilience comparée à d’autres zones frontalières du Sahel.

 

Mais voilà que cet outil arrive à s’adapter aux enjeux et aux situations nouvelles en s’impliquant par le bais des leaders religieux de différentes obédiences et confessions pour devenir un véritable instrument de prévention et de lutte contre la pandémie du coronavirus.

 

D’après ce leader religieux connu pour son implication dans l’appui aux projets de développement et la prévention des conflits dans la ville du nom d’El Haji Namadina, « l’Observatoire s’est vite impliqué sans même attendre  d’être sollicité par les autorités ».  « Nous avons déclenché notre plan de communication à travers le dispositif concerté suite à une discussion au sein de l’Observatoire », rapporte t-il aux chercheurs de Timbuktu Institute qui suivent cette dynamique depuis plusieurs années dans le cadre d’un dispositif de veille sur les stratégies endogènes

 

Pour plus d’impact et de proximité avec les communautés locales, les leaders religieux d’Agadez ont mis en place un « comité des grands témoins de l'Observatoire » présidé par le Sultan de l’Aïr et composé de tous les Imams dirigeant la prière du vendredi, un Prêtre, un Pasteur et le Président ainsi que le Secrétaire Général.

 

Afin de décentraliser son action dans les différentes communes de la région comme Arlit, Ingal et d’autres, les leaders religieux ont institué des comités de veille appelés « Gao Nassiha ». Ces Comités de veille citoyen et médiation communautaire qui existent à présent dans tous les quartiers et villages de la région ont pris le relais de l’Observatoire religieux dans le travail de sensibilisations aux mesures d’hygiène et gestes barrières.

 

Dans le cadre d’une démarche inclusive et d’une stratégie fondée sur l’implication des « voix écoutées » au sein de la communauté, l’Observatoire a doté ces comités décentralisés d’une instance de concertation chargée comprenant dans toutes les localités couvertes, un Chef traditionnel, une femme leader, un  Imam ainsi que deux jeunes en tenant compte de l’équité du genre dans les représentations.

 

L’Observatoire tient des réunions régulières et travaille en synergie avec les équipes médicales ainsi que les autorités dans le cadre de cette lutte dont la partie la plus gagnable pour les pays africains est certainement la phase de la prévention.

 

Source www.timbuktu-institute.org 

 

Une quarantaine de pays africains parmi les plus pauvres au monde vont bénéficier d’une suspension de leur dette pendant 12 mois, une mesure d’urgence décidée par le G20 pour aider des économies déjà vulnérables pétrifiées par le ralentissement mondial lié au coronavirus.

 

D’où vient la dette africaine?

A leur indépendance, dans les années 1960, plusieurs pays africains ont hérité de dettes issues de la colonisation et se sont également endettés auprès de la communauté internationale pour bâtir leurs nouveaux Etats.

 

« C’était très abordable car les taux d’intérêt étaient proches de zéro. Mais le drame c’est que les Etats africains se sont endettés à des taux d’intérêt variables », explique l’économiste togolais Kako Nubukpo.

Or, à la fin des années 1970, après les chocs pétroliers, les taux montent en flèche.

« Les pays africains se sont retrouvés à rembourser à des taux très élevés une dette qu’ils avaient contractée à des taux très faibles. Le côté insoutenable de la dette africaine est né à ce moment-là », décrypte Nubukpo.

C’est à cette période que les politiques d’ajustement structurel voient le jour avec des prêts de la Banque mondiale ou du Fonds monétaire international en échange de réformes pour libéraliser l’économie.

Un troisième vague d’endettement intervient dans les années 2000 avec l’arrivée de la Chine, qui devient rapidement le premier créancier du continent.

« C’est un cycle où nous sommes sortis du colonialisme pour tout de suite entrer sous le joug de l’endettement », déplore pour l’AFP le philosophe camerounais Achille Mbembe.

Suspension, annulation: vraiment possible?

Mercredi, plusieurs créanciers publics, ont accepté la suspension pour douze mois de la dette des pays les plus pauvres, dont font partie 40 Etats africains.

Un report, à défaut d’une annulation, qui ne devrait représenter qu’une petite partie de l’endettement total du continent estimé à 365 milliards de dollars, dont environ un tiers est dû à la seule Chine.

« Contrairement à ce que l’on a connu dans les années 80 où ce n’était que de l’endettement auprès d’Etats souverains, la dette africaine est aussi détenue désormais par des investisseurs privés, comme des fonds d’investissement », pointe Nubukpo.

Car outre les prêts accordés, souvent à des taux très bas, par certains Etats ou organisations internationales, les pays africains ont émis de la dette sur les marchés financiers internationaux.

« Le fait d’annoncer un moratoire sur la dette et a fortiori une annulation de la dette ne semble pas aussi simple qu’il y a 20 ou 30 ans », craint à ce titre Kako Nubukpo.

La dette africaine, mythe de Sisyphe?

Plusieurs pays africains ont connu des allègements de dette ces dernières années, au titre de l’initiative de la Banque mondiale et du FMI en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE).

Mais le cercle vertueux escompté ne s’est pas enclenché: le Congo-Brazzaville par exemple, dont la dette a été divisée par trois en 2005, est à nouveau endetté à plus de 100% de son PIB.

« Il ne faut pas perdre de vue la question de la malgouvernance et de la corruption qui gangrènent certains régimes sur le continent. On parle d’un cycle infernal de l’endettement pour le financement d’un développement qui n’est toujours pas là », explique Bakary Sambé, directeur du Timbuktu Institute basé à Dakar.

Un avis partagé par Kako Nubukpo qui rappelle également que « beaucoup d’économies africaines exportent des matières premières sans les transformer et se privent donc des possibilités de création de valeurs, d’emplois, de revenus et d’impôts », poursuit-il.

Achille Mbembe pointe, lui, « le système de la dette ».

« On vous enlève une petite partie de la dette et en échange on vous rajoute un autre prêt. Cela créé un cercle infernal », critique t-il.

« La Chine a mis en place une économie de captation avec des dettes pratiquement irremboursables pour, en échange, mettre la main sur un ensemble de ressources naturelles rares », explique Mbembe.

L’occasion de bâtir une nouvelle relation avec l’Occident?

« Nous devons instaurer un moratoire immédiat sur le paiement de toutes les dettes bilatérales et multilatérales (…). Nous demandons aussi à tous les partenaires du développement de l’Afrique d’allouer leurs budgets », ont demandé des chefs d’Etat et de gouvernement africains mais aussi européens comme Emmanuel Macron ou Angela Merkel dans une tribune au Financial Times.

Suspendre des dettes et continuer l’aide au développement: la recette habituelle de la relation Occident-Afrique peut-elle durer?

« Il faut annuler une bonne fois pour toutes le paiement des intérêts sur la dette dont les montants dépassent souvent de loin l’emprunt originel », plaide Achille Mbembe.

Le philosophe préconise aussi des conditions draconiennes aux nouveaux emprunts, en les soumettant aux « délibérations démocratiques » directement des populations concernées.

« Il est criminel que les générations d’aujourd’hui, au lieu de laisser un patrimoine aux générations futures, leur laissent des dettes irremboursables », conclut-il.

 

Source: https://www.h24info.ma/

En plaidant pour une annulation de sa dette, Emmanuel Macron veut « aider » l’Afrique à affronter la crise du coronavirus et se place ainsi en champion de la coopération internationale face à l’isolationnisme des Etats-Unis et à l’opération de charme lancée par la Chine sur le continent.

« Nous devons absolument aider l’Afrique à renforcer ses capacités à répondre au choc sanitaire et a fortiori l’aider sur le plan économique », a expliqué le chef de l’Etat dans un entretien à RFI diffusé mercredi.

Lundi soir, il avait surpris en appelant, lors de son allocution aux Français, à annuler « massivement » la dette des pays africains pour qu’ils puissent lutter « plus efficacement » contre la crise sanitaire.

La pandémie semble jusqu’à présent moins toucher l’Afrique que le reste du monde, avec un total de quelque 16.200 cas officiellement recensés pour près de 900 morts, selon un décompte de l’AFP. Mais Emmanuel Macron a appelé à la prudence, en disant ne vouloir être « ni catastrophiste, ni naïf » car ce virus « touche tout le monde ».

Pour Paris, la crainte existe que l’Afrique soit touchée de plein fouet au moment où l’Europe en sortirait, avec le risque d’une possible recontamination.

A l’Elysée, on insiste cependant sur « la bonne réaction » de nombreux pays africains. « J’ai beaucoup parlé avec mes partenaires africains pour qu’ils décident au maximum des confinements et qu’ils retardent l’épidémie: plus ils la retardent, plus les Européens sont en situation de leur apporter de l’aide, parce qu’on n’aura pas le pic épidémique au même moment », a expliqué Emmanuel Macron.

Le président français a notamment échangé avec son homologue sud-africain Cyril Ramaphosa, dont le pays préside l’Union africaine, et trois autres chefs d’Etat avec lesquels il a noué des « relations privilégiées » selon l’Elysée: l’Ethiopien Abiy Ahmed, le Rwandais Paul Kagamé et le Sénégalais Macky Sall. Ce dernier a d’ailleurs salué comme une « marque de solidarité internationale » le soutien d’Emmanuel Macron à la « stratégie d’annulation de la dette des pays africains » qu’il avait présentée la semaine dernière.

– « Suspension de la dette » –

Après s’être accordé, le 3 avril, avec dix dirigeants africains sur la nécessité d’un effort commun face au virus, le président français a cherché à y associer des pays européens et la Commission. Et ce sont 18 chefs d’Etat, de gouvernement et d’institutions internationales des deux continents qui ont lancé un appel commun à des « mesures d’exception » en faveur de l’Afrique, dans une tribune publiée mercredi dans le Financial Times et Jeune Afrique.

Mercredi, les ministres des Finances et les banquiers centraux du groupe G20 ont donné leur aval mercredi à une suspension immédiate et pour une durée d’un an de la dette des pays les plus pauvres, dont une quarantaine de pays africains.

Une « avancée historique », selon Paris, qui reste cependant très en-deçà de l’objectif fixé par Emmanuel Macron et défendu par nombre d’ONG – même si le ministre français de l’Economie Bruno Le Maire assurait dès mardi qu’un moratoire était « une étape majeure et un succès important pour la France ».

« Si Emmanuel Macron ne prenait pas ce leadership sur l’Afrique, personne ne le ferait en Europe », souligne l’un de ses conseillers. Car « il est le seul, parmi les Européens, à avoir une relation directe avec une dizaine de chefs d’Etat africains ».

’expert Bakary Sambé, directeur du Timbuktu Institute à Dakar, voit dans la démarche d’Emmanuel Macron « une nette volonté de faire avancer les choses dans un moment difficile où certains pourraient voir les priorités ailleurs », notamment sur le seul plan national.

Mais l’appel des 18 dirigeants à s’appuyer sur les institutions internationales face à la pandémie se heurte de plein fouet à la suspension, annoncée mardi par Donald Trump, de la contribution des Etats-Unis à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Une décision aussitôt dénoncée par l’ONU et de nombreuses capitales.

Depuis le début du quinquennat, le président français cherche à relancer les relations franco-africaines, traditionnellement complexes, sur de nouvelles bases. Après avoir acté en décembre la fin prochaine du franc CFA, il devait en tirer un bilan lors du sommet France-Afrique prévu en juin à Bordeaux mais reporté en raison de la crise sanitaire.

La France peine à garder son influence en Afrique face aux offensives d’autres puissances comme la Russie et surtout la Chine, particulièrement active depuis le début de la crise avec des envois de matériel et d’équipes médicales. Alger a ainsi récemment exprimé sa « gratitude » envers Pékin, qualifié d' »amie véritable de l’Algérie ».

L’Elysée affirme que l’initiative lancée cette semaine n’est pas « une réponse à l’offensive chinoise en Afrique », tout en appelant à « éviter que chacun fasse de la surenchère à la visibilité dans l’aide à l’Afrique ».​

Source: https://afrique.lalibre.be/

Par Fatima Lahnait – Senior Associate

Fellow Timbuktu Institute

Cet article de Fatima Lahnait, Senior Associate Fellow du Timbuktu Institute, est au cœur de la problématique du linkage et de l’interdépendance des économies autour d’un destin collectif devant amener à mieux penser les formes et le sens de la coopération. Elle revient dans ce papier sur l’analyse d’une situation géopolitique et économique inédite due à la pandémie affectant en même temps l’Europe et l’Afrique. Dans une démarche alliant le souci du factuel et profondeur des interrogations socioéconomiques liées à une conjoncture internationale aggravant les difficultés internes, Fatima Lahnait ouvre une voie pour une recherche plus ciblée sur cette problématique d’un grand intérêt aussi bien pour les dirigeants africains et leurs partenaires internationaux.

 

Surnommée par certains la ‘maladie des riches’, car ‘importée’ par des étrangers et/oupar les ressortissants qui ont voyagé ou qui vivent dans des zones dites ‘à risque’ (Europe ou Asie), le Covid-19 est la première crise sanitaire véritablement mondiale. Elle affecte le continent africain depuis février 2020.

 

I –Faire face à une situation inédite

La pandémie se propage dans un contexte économique mondial bouleversé par l’effondrement des cours du pétrole, la perturbation des échanges commerciaux et des flux financiers.

Elle va avoir des répercussions importantes sur les économies du continent en raison de son impact sur le commerce mondial. Selon les estimations de la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED), la croissance du produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique en 2020 pourrait passer de 3,2% à 1,8%, voire moins si la situation s’aggravait davantage[1].

 

Les faibles moyens de dépistage et de protection dont disposent les pays africains, à l’instar il faut bien le dire, des pays occidentaux, ne permettent pas d’avoir des estimations probantes du nombre de personnes infectées, mais le nombre de cas confirmés augmente.

 

Les Etats africains se sont adaptés en fonction des contextes locaux. Ils ont progressivement pris des mesures plus ou moins drastiques pour freinerla propagation du virus, n’hésitant pas suspendre les vols internationaux, malgré l’importance du tourisme pour les économies locales, et à restreindre la circulation. Il est cependant difficile de fermer de manière étanche les frontières terrestres.

La fermeture des écoles et des commerces non essentiels et l’interdiction des événements sportifs, religieux (alors même que de nombreux croyants s’en remettent ‘à la grâce de Dieu’ pour être protégés), politiques, mariages, funérailles ont progressivement été instaurées.

 

Qu’il soit volontaire ou imposé, partiel ou total le confinement fait dorénavant partie du quotidien sur le continent. Il est pourtant difficile de généraliser des confinements, notamment dans les quartiers populaires densément peuplés, au risque de provoquer la panique des populations qui craignent pour leur subsistance au quotidien. Le Covid19 exacerbe en effet les disparités économiques et paralyse le secteur vital de l’économie informelle, parfois seule activité génératrice de revenus dans les foyers.

Selon les chiffres publiés par l’Organisation Internationale du Travail, en 2018, le taux d’emploi informel s’élève, sur le continent, à près de 85,80%[2]. Comment dès lors atténuer les conséquences économiques et sociales de la pandémie auprès des plus vulnérables ?Quelles ressources mobiliser pour soutenir les travailleurs du secteur informel ? Si l’intervention des Etats est indispensable, la coopération et la solidarité internationale s’impose également.

 

II - L’Afrique peut compter sur ses diasporas.

Les diasporas sont des acteurs majeurs du développement économique de leurs pays d’accueil et d’origine et des soutiens sans faille à leurs familles et communautés. Les transferts de fonds effectués par la diaspora vers leurs pays d’origine entretiennent la perception de ‘réussite’ de ses membres aux yeux de ceux qui sont restés dans leurs pays d’origine et alimentent les mouvements migratoires.

 Malgré un contexte difficile et une certaine morosité dans les pays d’accueil, les membres des diasporas ne dérogent pas aux règles de générosité et de partage qui prévalent sur le continent. La solidarité avec les pays d’origine est de rigueur.

[1]https://news.un.org/fr/story/2020/03/1065072

[2]https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_627201/lang--fr/index.htm

 

Les transferts monétaires sont affectés au soutien familial, pour compléter des revenus faibles et/ou irréguliers, à des investissements personnels et des opportunités de placement, et servent aussi souvent à pallier les carences de l’investissement public dans les pays d’origine (domaines de l’eau, de l’électricité, de l’éducation, la santé). La concurrence dans le secteur a fait légèrement baisser le coût des transferts, mais ceux-ci restent élevés, aggravés encore par les taux de change appliqués.

En moyenne, le coût d’un transfert représente environ 6% de la somme envoyée, soit près du double de l’objectif de développement durable (ODD 10.c) de 3 %, fixé par les Nations Unies, à atteindre d’ici 2030.

 

III - Les transferts d’argent : pierre angulaire de l’économie de nombreux pays

Ces transferts, en hausse, contribuent au développement économique et social du continent. Ils se révèlent cruciaux en cette période de crise sanitaire, tout en étant cependant peu organisés et sous-productifs.

 

Les transferts vers l’Afrique sub-saharienne étaient estimés à environ 49 milliards de dollars pour 2019, avec une prévision de 51 milliards de dollars pour 2020. La zone Moyen Orient Afrique du Nord cumulant 59 milliards de dollars pour 2019, avec une prévision de 61 milliards pour 2020, cela sans inclure les transferts informels.

En 2018, l’Egypte, avec 28,9 milliards de dollars, et le Nigéria avec 24,3 milliards de dollars, ont été les pays du continent ayant reçu le plus de transferts.

 

Ces transferts constituent une manne financière indispensable pour de nombreux pays et représentent souvent la 1ère source de devises étrangères. D’autant plus importante qu’actuellement les investissements directs étrangers et les activités touristiques sont quasiment interrompus. Ce qui implique de s’interroger sur leur continuité.

 

Certes, pendant le confinement, les revenus d’une partie de ces diasporas continuent d’être assurés, soit parce qu’ils travaillent dans des secteurs dont la poursuite de l’activité est indispensable, soit parce les pays où elles se trouvent ont pris des mesures garantissant leurs revenus (chômage partiel, aides financières aux indépendants…). Ce qui leur permet de poursuivre leur soutien financier vers leurs pays d’origine.

Mais cela concerne essentiellement les revenus salariaux. Or nombre des membres des diasporas travaillent sans statut officiel et/ou légal, soit pour compléter leurs revenus, soit parce qu’ils se trouvent en situation irrégulière, soit encore parce qu’ils vivent dans des pays sans protection sociale spécifique à cette crise sanitaire.

Il est donc à craindre que dans ce contexte, le montant ou la régularité des transferts d’argent ne viennent à chuter, ce qui ne pourra qu’ajouter une pression supplémentaire sur les fragiles économies des Etats africains.

 

                                                                                                                                                                 

A l’heure de la co-construction, les partenaires internationaux de l’Afrique doivent éviter d’être éternellement induits en erreur par des projections et autres études imprégnées de doctrine, comme figées dans un moule idéologique.

Si les choix stratégiques ou les lignes diplomatiques doivent se dessiner dans des « centres ou cellules de crise” alimentés par des « Groupes de crise », c’est que la méthodologie est clairement orientée et plus sûrement biaisée.
Il y a, ces dernières semaines, une profusion de titres et de tendances à “surveiller”, qui rythme le quotidien des prospectivistes engagés sur les trajectoires africaines.

Un « effet pangolin» serait donc à prévoir à partir de « tendances à surveiller »

Et l’on résume ainsi froidement le destin de tout un continent ou d’une région aux réalités complexes.

Il ne faut pas être simplement foucaldien pour comprendre que «surveiller» c’est aussi «punir», condamner, dirait-on, toute une région à un destin préétabli avec une approche conjoncturelle qui se mue en surdéterminant indéterminé – comme aime dire M. Chérif Ferjani -.

Même si tout n’est pas noir ou négatif, accordons le bénéfice de la bonne intention ; on peut «sur-veiller» un bien précieux qu’on croit entièrement posséder, mais le préfixe induit, déjà, l’idée de se mettre au-dessus et de regarder d’en ou de haut. Mais s’il ne sied plus de punir, on se plaît à condamner une région, voire tout un continent à une éternelle répétition de l’Histoire, si seulement il réussissait la prouesse d’y entrer. Continuer à appréhender les réalités africaines sous le seul paradigme d’un continent qui sert de variable d’ajustement après périodes de crises, de repositionnement stratégique ou de transition de puissance, serait une fatale erreur d’appréciation qui risque d’exacerber les malentendus cumulés ou refoulés.

Toutes les tendances que nous annoncent les « centres » et les « groupes crise », se résument en une seule : l’Afrique revivra forcément et éternellement les catastrophes du passé et ses fragiles structures politiques et économiques voleront en éclat de sorte qu’elle aura besoin de l’assistance internationale comme seule issue possible.

Cette perception repose sur deux principaux postulats qui ont marqué le regard sur le continent et ses réalités depuis la nuit des temps : un déterminisme structurel et systémique qui perd de vue ou ignore le rôle des acteurs, une dépendance automatisée qui ignore la vitesse d’adaptation du continent dans la mondialisation.

Dans un esprit constructif loin des présupposés et des doctrines, il serait hautement plus salutaire d’aller au-delà de la seule « surveillance » de tendances qui induit une attitude passive et pessimiste et créer de manière collaborative les conditions d’une résilience.

 

Face au déterminisme structurel, valoriser les dynamiques créatrices nouvelles

Le déterminisme structurel avec son concept de « causalité historique » ne prend que peu en compte la capacité des êtres humains à déjouer les lois et effets structurels qui naissent de certains phénomènes sociaux, dès qu’ils en prennent conscience. Beaucoup de prospectivistes sont tombés dans ce travers au prix de « mauvaises surprises » par rapport à des sociétés qu’ils avaient figées et cernées dans leurs analyses.

Les révolutions du Printemps arabe ont eu cet effet, sans qu’un seul des cadres des « centres de crise » n’ait pu voir arriver une seule hirondelle,
déceler le moindre mouvement social, jamais capté par des méthodes sophistiquées, souvent basées sur des normalités devenues faussement « structurelles ».

Les notes et autres études qui ont largement circulé ces derniers temps prophétisant les effets «dévastateurs» du Covid-19 sur le continent ont, toutes, une même tendance : le continent est fait d’Etats fragiles ne pouvant développer suffisamment de résilience face à un tsunami de problèmes et de catastrophes comme cela s’est toujours déroulé lors des précédentes crises.

Quid de la prise en compte des contextes qui ont changé et des dynamiques en mouvement ?

 

Contre les projections déterministes : les mêmes causes ne produisent pas forcément les mêmes effets :

Les notes qui ont émané d’officines diplomatiques présentent des fragilités théoriques à partir de postulats simplistes reposant sur le lien causal entre les structures et les résultats ultérieurs, en ignorant totalement la question de la temporalité.

En s’appuyant sur les évènements passés pour juger de l’avenir, on est dans la méthodologie de la facilité voulant que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets.

Ainsi faisant, ces experts semblent ignorer que les événements déclencheurs, relèvent parfois de simples épiphénomènes, tout comme l’effet cumulatif des causes, tant il est évident que la structure prédétermine un certain résultat qui se produira tôt ou tard.

C’est dans ce genre de déterminisme structurel que Pierson range les travaux de Barrington Moore sur les origines de la dictature et de la démocratie, dans la mesure où il se base sur des variables macrosociales qui prédisposent les pays à tel ou tel résultat.

Appréhender ainsi l’avenir de l’Afrique face à cette pandémie serait injuste si l’on retient que, dans l’Histoire de l’Europe, par exemple, les conjonctures critiques comme la Peste noire, ont placé les Etats sur des trajectoires qui ont transformé de petites différences institutionnelles initiales en grandes disparités.

Cette pandémie, justement, n’avait pas abouti à l’éclatement des sociétés en crise mais bien à la fin de la féodalité en Europe de l’Ouest alors qu’à l’Est de l’Europe, elle a renforcé cette même féodalité avec le second servage. A partir de ce rappel d’une cause historique ayant produit des effets complètement différents, on peut bien apprendre qu’aucune projection sérieuse ne peut conclure de manière catégorique que l’Afrique réagira forcément de la même manière que lors des crises précédentes.

 

L’Afrique réagira différemment à la montée des nationalismes post-Covid-19 : une leçon africaine à méditer face aux crises identitaires ?

Il est vrai que l’après-covid-19 s’annonce comme l’ère du retour paradoxal au nationalisme où même l’élite mondiale, celle de la génération de la Fin de l’Histoire, qui, pendant plusieurs décennies nous avait théorisé le libéralisme et la mondialisation prône, désormais, l’économie nationaliste, après celle du « container », dans un contexte où l’Union européenne, en son essence, vole en éclats.

C’est, peut-être, pour cela que certaines conclusions sont vite allées dans le sens d’un éclatement probable des systèmes politiques africains au lieu de mettre l’accent sur les très possibles recompositions au sein du continent.

S’il n’est point aventurier de penser que l’après-coronavirus sera marqué par un fort retour ou un renforcement des nationalismes et des réflexes identitaires, il est sûr que ces relents identitaires ne se manifesteront pas de la même manière en Europe qu’en Afrique.

Fidèle à l’esprit westphalien, les nationalismes et populismes européens vont exacerber le repli car construit autour de l’Etat et des frontières, tel qu’on en a vu les prémisses dans la gestion barricadière de la crise sanitaire. L’Europe qui redécouvre en même temps que le monde entier sa vulnérabilité a rompu d’avec les principes mêmes des idéaux mondialistes et libéraux et a retrouvé les réflexes de la fermeture sur soi.

L’Afrique est l’une des zones du monde où nationalisme rime avec régionalisme, au sens panafricain du terme, et où le sentiment national n’a jamais nuit au projet régional.

La montée du nationalisme signifie, aussi en Afrique, ce retour au panafricanisme puisque l’idée d’Etat-nation n’y est pas complètement tropicalisée depuis sa migration à partir de l’Occident européen où il y a effectivement une superposition de l’Etat et de la Nation du moins dans leur construction historique et sociale.

Pour ce qui est de la gestion de la pandémie à proprement parler, le Covid-19 aura des effets différents sur les régions selon qu’on se situe au début ou à la fin du cycle. Le strict contrôle de l’information dans les régions asiatiques d’où la crise est partie a fait que l’alerte n’est pas arrivée très tôt dans les pays occidentaux qui ont été moins préventifs, sûrs des capacités de leurs systèmes sanitaires qui ont finalement lâché face à des maladies qu’ils croyaient tellement bénignes. L’Afrique a eu le temps d’apprendre de l’expérience des autres et de sa victoire sur Ebola, tout en étant consciente de sa principale vulnérabilité dans cette pandémie :

Le déficit de moyens de traitement a ipso facto entraîné une concentration dans la prévention, seule phase où l’Afrique peut espérer des victoires contre l’effondrement prédit par les analystes de crise.

D’ailleurs, la manie de qualifier de « miracles » toutes les autres réussites qui échappaient à ses prévisions est le signe qu’a sonné, depuis belle lurette, l’heure du renouveau paradigmatique pour la tradition universitaire européenne qui devrait plus faire preuve d’humilité et de prudence.

 

Cette crise est une rare opportunité d’intégration : mitiger les thèses d’une désintégration annoncée ?

Comme l’a si bien analysé Pr Alioune Sall, directeur de l’Institut des futurs Africains, la prudence s’impose et que ...

« le sensationnalisme de ceux qui annoncent des ravages doit être combattu au même titre que les postures incantatoires des magiciens du verbe ou des marchands d’empathie »

Les réactions à travers les réseaux sociaux et les médias de masse commencent à montrer comment le sentiment d’une hostilité ou d’un rejet provenant de l’extérieur renforce les cohésions internes panafricaines de manière inespérée. Cette tendance se manifeste à deux niveaux : politique décisionnelle et mobilisation d’une société civile continentale qui, en réalité, a toujours mieux incarné l’esprit intégrationniste que le leadership politique.

Il a été rarement constaté que les leaders africains parlent le même langage face à l’émergence des crises. Ces derniers jours, nombreux sont parmi eux qui appellent soit à l’annulation de la dette ou l’allègement des conditions imposées par les institutions financières internationales.

Sur le plan des initiatives, le centre africain de prévention et de lutte contre les maladies impulse une dynamique de synergie en rassemblant l’ensemble des pays membres deux fois par semaine afin d’élaborer des stratégies communes.

Bien que critique face au leadership et à l’aboutissement des initiatives entamées, on peut être frappé par l’élan de solidarité panafricaine incarnée par les leaders d’opinion dont la voix porte au plan mondial.

Même si ces porteurs de voix ne sont pas forcément issus des universités et du monde de la pensée pour l’heure timide, ces acteurs de la société civile panafricaine, sportifs et artistes de renom, amorcent la dynamique de « sortie de bibliothèque » au profit de « l’intervention et de l’action ».

Ces dynamiques silencieuses ne sont pas captées par l’approche statique d’un continent en mouvement où l’apport phénoménal des réseaux sociaux et de la société de l’information a introduit toute une autre donne. Il a dû faire défaut à ces experts des « crises africaines », le réflexe de porter l’attention due aux signaux faibles, mouvement lents mais ancrés ainsi qu’aux mutations échappant à l’observation des faits nus sans efforts d’une netnographie analytique.

Aujourd’hui ce nationalisme d’ordre civil et populaire trouve dans les réseaux sociaux le puissant relai médiatique qui lui manquait au siècle dernier.

 

L’agilité contre les fragilités ou comment développer des stratégies alternatives en co-construction ?

Aujourd’hui, afin de saisir pleinement ces dynamiques, il importe de rompre d’avec le syndrome de l’expert assis confortablement dans des tours pour une réelle entreprise de netnographie pour au moins deux raisons : la démocratisation de l’accès à l’information structurante et formatrice des opinions africaines à toutes les échelles hors des murs de la censure mais aussi malheureusement du contrôle éthique et de la répartie à l’heure des fake news .

Même si les opinions exprimées à travers les réseaux sociaux, et qui déterminent désormais le rapport à l’Europe et à ses actions sur le continent, ne sont pas des indices totalement fiables, elles donnent le signal qui appelle à une prise de conscience des mutations des rapports politiques et internationaux.

Sans outrecuidance ou un excès de confiance en la capacité de pays africains à surmonter cette crise, le continent a tellement fait face à des catastrophes ou épidémies qu’il est capable de tirer des leçons utiles (tool kits) de ces expériences passées ; alors que le plus gros problème que l’épidémie a pu poser aux pays dits développés provient du fait que les maladies infectieuses appartenaient au passé au point qu’ils ont surtout investi dans la médecine du futur. Il est sûr que les politiques publiques ne sont pas juste des causes mais des effets comme nous le démontrent les travaux de Pierson.

Cette situation est donc propice à l’échange de bonnes pratiques et de leçons apprises au sens d’une véritable co-opération, en tant que nouvel espace du donner et du recevoir loin des paradigmes de domination, de servitude obligée ou encore de paternalisme corrupteur de l’esprit de solidarité internationale.

Le gap qu’il y a eu entre l’approche internationale de la crise sahélienne et les perceptions locales et qui a fortement nuit à l’esprit même de la coopération est justement dû à cette

 

torpeur méthodologique que provoquent les certitudes instituées au sujet d’un continent et d’une région en mouvement et en mutation.

Des partenaires internationaux du Sahel continuent à en payer le prix avec l’amère impression d’un non retour sur un investissement lourd en vies humaines, en moyens financiers, qui n’ont finalement eu que des effets indésirables pour leur image et même leurs intérêts stratégiques.

La situation d’auto-remise en question créée par cette pandémie devrait être favorable à une nouvelle conception des échanges mais surtout de la notion de résilience. Les expériences développées dans le cadre de l’épisode douloureux de l’extrémisme violent et du terrorisme montrent que les communautés sont capables d’adaptation et d’inventivité face aux crises multidimensionnelles qui les affectent.

Tout en mettant à nu les failles des politiques sécuritaires, les crises ont souvent permis aux populations locales de réinventer des notions comme la « confiance », « la cohabitation pacifique», « la cohésion sociale », le « dialogue », la « concertation » dans des contextes que l’on présente très souvent comme conflictuels et baignant dans l’insécurité quotidienne (communautés de Sikiré, Arbinda, Yirgou-Foulbé etc).

Ces formes de résilience ignorées des analystes de crise trouvent leur efficacité dans la capacitédes populations victimes d’attaques terroristes à réinventer le «vivre-ensemble» et surpasser les périodes de crises intercommunautaires.

Ces actions sont rarement prises en compte par les analystes auxquelles elles échappent et s’inscrivent en complémentarité avec les politiques publiques étatiques. Elles comportent une réelle valeur ajoutée en termes de proximité et peuvent être expérimentées selon une méthodologie ‘Agile Policies’

Ecouter les communautés, identifier les leviers de résilience qu’elles inventent, tester rapidement des solutions publiques modestes, symboliques et viables, créer des halos de confiance, retester des solutions en co-construction,... itérations successives bien documentées dans l’Agilité appliquée au logiciel et au management.

 

Un renversement méthodologique qui privilégie les interactions entre personnes plutôt que les processus (manifeste Agile) et se nourrit de pratiques ayant une signification sociale dans le référentiel culturel des populations destinataires.

Hélas, l’exclusion des approches valorisant les ressources de l’anthropologie et d’une sociologie compréhensive partant des référentiels endogènes aboutit très souvent à un hiatus entre la réalité décrite et celle effectivement vécue.

C’est peut-être là, l’une des explications de l’inefficacité des politiques de coopération in vitro ne pouvant prendre en compte les réalités du terrain qu’il faudrait écouter plus souvent au lieu de lui imposer d’emblée des pré-pensées aux objectifs décalés des besoins réels. C’est aussi ici que se trouvent nichés les germes du conflit de perception qui fausse l’esprit des coopérations aussi bien sécuritaires qu’humanitaires ?

 

Vers la nécessaire transformation ontologique pour une réinvention des représentations symboliques

Une nouvelle chance se présente pour redonner du sens à la coopération Sud-Nord si nous savons saisir l’opportunité de la présente crise pour faire l’expérience de la valorisation des ressources et stratégies endogènes.

Sans tomber dans une naïve idéalisation d’un nouveau partenaire se présentant sous ses beaux atours mais qui a aussi ses travers, il semble évident que c’est en échappant aux « lumières » éblouissantes de la vision hegelo-hugolienne d’une Afrique qui devrait forcément appartenir à un autre continent que la Chine, par exemple, a pu réaliser qu’elle pouvait miser avec ce continent sur un deal commercial de 300 milliards de dollars.

Si elle a réussi cette opération de déconstruction, c’est que la Chine a pu établir le narratif selon lequel l’Afrique n’est point un défi mais une opportunité là où d’autres ont perdu leur avantage de départ sur cet aspect.

Les puissances qu’elle bouscule aujourd’hui sont restées confinées dans la seule approche quantitative qui réduisit la place de l’Afrique dans le système commercial mondial à un simple indicateur statique : moins de 2% des échanges globaux. La Chine a pu tester un modèle de coopération dont le terrain d’expérimentation fut l’Afrique avec ses succès comme ses travers.

Il va falloir construire un nouveau multilatéralisme comme à chaque fois que l’humanité passe un choc. Après 1945, le système onusien était l’illustration d’un nouveau cap malgré ses insuffisances.

Le plus grand risque auquel nous faisons face est que le monde post-coronavirus coïncide aussi avec celui du «post-shame»...

où on ne se gêne plus d’étaler l’adhésion à des thèses qui heurtent l’esprit du vivre-ensemble international et même la conscience d’une communauté de destin, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité collective.

Quelle que soit la profondeur des malentendus, il ne faudrait jamais perdre de vue que les barricades d’aujourd’hui qu’imposent les épidémiologistes, vont tôt ou tard céder par la force des impératifs de la nécessaire coopération pour la sécurité collective... et les vulnérabilités en partage referont jour avec encore plus d’acuité.

Et nous devrons co-construire les stratégies pour y faire face, ensemble.

 

Dr Bakary Sambe - Directeur du Timbuktu-Institute.

 

PARIS - In the West African country of Burkina Faso, rising insecurity has shuttered dozens of health clinics and left just three capable of carrying out coronavirus testing.  
 
In nearby Chad, a COVID-19-triggered drop in crude prices could translate into problems paying the Sahel region’s most powerful army fighting an Islamist insurgency.  
 
And in nations ranging from Mali to the Democratic Republic of Congo to South Sudan, years of unrest have weakened governments, deepened hunger and malnutrition, and left crowded camps of displaced people with scant access to health care and hygiene services.  
 
If experts fear the coronavirus may deal Africa an outsized blow, the continent’s conflict-torn regions are particularly vulnerable, analysts and humanitarians say.  
 
“They are now facing two wars,” said Laurent Bossard, director of the Sahel and West Africa Club for the Paris-based Organization for Economic Cooperation and Development. “And these two wars will be interlinked in many ways.”  
 
So far, the continent has reported just a few thousand coronavirus cases, and no major outbreaks yet of the kind being endured in China, Italy and the United States.  
 
But experts fear the cases could multiply rapidly, even as the continent risks potentially shrinking peacekeeping operations and humanitarian support from donor countries fighting their own battles against COVID-19.  
 
Calling for urgent action, the International Committee of the Red Cross warned this week that Africa’s conflict areas would bear the brunt of a potentially “devastating” impact of COVID-19 on the continent.  
 
“We’re particularly worried about Africa, because it’s a continent marked by conflict and violence that haven’t stopped” with the coronavirus, said the ICRC’s Dakar-based spokeswoman, Halimatou Amadou.

 Yet another humanitarian crisis?  
 
Spreading unrest, much of its generated by Islamist militants, has led to the closure of more than 100 health facilities this year alone in Burkina Faso, according to the ICRC, while 20 percent of those centers have been partially or completely destroyed in neighboring Mali.  
 
To the east, decades of war in South Sudan have left just one physician for every 65,000 people, according to the World Health Organization.  
 
In the Horn of Africa, health experts fear a coronavirus outbreak in conflict-ravaged Somalia, with 2.6 million displaced people, could be one of the world’s worst, according to humanitarian group Refugees International.  
 
The ICRC, for one, is working with local partners in Africa’s conflict zones to spread community awareness about the disease through media spots, flyers and small focus groups. But the challenges are tremendous, Amadou said, including the many areas rendered no-go zones through insecurity.  
 
“We’re trying to think of ‘out of the box’ solutions to reach these populations,” she added.  
 
Some conflict areas have a few advantages. In the Sahel, for example, unrest has limited circulation and cut off affected communities from capitals that could potentially be hard-hit by the pandemic.  
 
The DRC also emerged from a devastating Ebola outbreak last month that may have better prepared health workers to deal with this latest health crisis.  
 
“One of the forces of Africa is it’s a continent that has unfortunately been hit by different epidemics, and where the medical structure is used to working with very little means,” said the ICRC’s Amadou. “We have medical staff who are very inventive, who find solutions adapted to the local context.”

Military setbacks  
 
Although United Nations Secretary-General Antonio Guterres has called for a “global cease-fire” while fighting the pandemic, few armed groups in Africa appear to be listening.  
 
Late last month, Boko Haram militants killed almost 100 Chadian troops in an ambush on a Lake Chad island, dealing N’Djamena’s military its deadliest blow yet. Boko Haram also killed nearly 50 Nigerian forces the same day.  
 
With 1,000 troops committed to the French-supported, five-nation G5 Sahel campaign fighting the Islamist insurgency, Chad is facing another serious threat: an economic crunch from tumbling oil prices, which is also hitting Nigeria hard.  
 
“Will the Chadian government be able to pay its forces in the future?” asked the OECD’s Bossard.  
 
“From a security perspective, it really is a significant liability,” said Pierre Englebert, international relations professor at Pomona College in California and senior fellow at the Atlantic Council research group. “The Chadians are pretty much the only local military that’s really capable in the region, so it would leave the French with no serious partner there.”  
 
For their part, it’s unclear whether many rebel and insurgent groups will feel economic pain from the coronavirus. In the Sahel, for example, a number survive through activities such as smuggling, kidnapping, and facilitating migration movements, Englebert said. He doubts they will be hard hit.  
 
In DRC, the myriad rebel groups depend on small-scale activities like artisan mining. They, too, would be marginally affected by a coronavirus-driven global recession, he added.  

Foreign impact  
 
France recently announced it would pull some of its forces from Iraq due to coronavirus concerns but has said nothing about withdrawing its 5,100-person counter-insurgency operation in the Sahel.  
 
Last week, France and several other European countries announced the creation of a new special forces initiative in the Sahel, due to be fully operational next year.  
 
But the coronavirus may prompt other international forces to scale back, even temporarily, analysts say. That includes the United States, which is already mulling troop cuts.  
 
While the coronavirus may not directly impact Washington's decision, “I can only imagine it could precipitate it, could accelerate the rhythm of disengagement,” analyst Englebert said.    

For its part, the U.N. has also asked nine troop-contributing countries affected by the coronavirus to delay their rotations to peacekeeping missions, many of which are in Africa. In South Sudan, U.N. peacekeepers are also taking steps to limit their potential exposure to the virus, including cutting travel to the field, according to Refugees International.   
 
The U.N.'s peacekeeping headquarters in New York did not respond to a request for comment.  
 
Experts also fear richer nations fighting the coronavirus and its fallout at home will fail to step up with the humanitarian assistance desperately needed for Africa to confront the pandemic, especially in conflict-affected regions.  
 
Referring to the Sahel region, Bakary Sambe, of the Dakar-based research group Timbuktu Institute, warned the European Union of the dangers of being solely fixated on the bloc’s economic survival.  
 
“The day the sanitary barricades are lifted, we’ll be confronted by the scale of the disaster,” Sambe told the Mondafrique investigative website.  
 
“And we’ll realize, once again, that the Sahel’s vulnerabilities also concern Europe,” he added, “if only on the question of collective security, migration, and the fight against terrorism.”

 

Source: Voici of America