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La chronique hebdomadaire du Timbuktu Institute en partenariat avec Medi1TV (#HebdoAfricain) est consacrée cette semaine à la thématique du panafricanisme. Dans cet entretien, Dr. Bakary Sambe, revient sur le processus de la construction de l’unité africaine malgré ses péripéties et les obstacles encore réels. Il insiste surtout sur le décalage qu’il y a entre les lenteurs des processus politiques et le désir d’unité chez les peuples qui évolue selon différentes trajectoires. Sambe insiste, beaucoup, sur l’arrivée sur la scène continentale de nouvelles générations faisant de l’idée de panafricanisme un instrument de libération paradigmatique et un moyen d’accélérer la souveraineté du continent. Selon le directeur du Timbuktu Institute, la montée en puissance d’une « pensée critique africaine et alternative » chez les intellectuels et universitaires de même que des mouvements des jeunes boostés par la « conquête des réseaux sociaux » introduit une véritable rupture et une « tendance irréversible » que les partenaires internationaux de l’Afrique, gagneraient à prendre en considération.
En cette journée du 25 mai ou on célèbre les 59 ans de l'organisation de l'unité africaine, la thématique du panafricanisme semble encore en plein cœur du débat socio-politique voire géopolitique. Mais aujourd'hui peut-on dire que l'idéal de l'unité africaine a fait un certain pas depuis les pères fondateurs?
Rappelons que le terme « panafricain » est apparu, pour la première fois, à la fin du xixe siècle lors de la préparation de la Première Conférence panafricaine de 1900. Mais dès les luttes pour l’indépendance et juste après l’accession des premiers pays à la souveraineté internationale, les leaders du continents l’ont adopté. Les pères fondateurs de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) s’étaient divisés sur l’orientation de cette organisation entre le groupe dit de Casablanca dès 1961 et un autre dit de Monrovia. Mais il y avait un idéal d’unité, de construction de l’unité continentale ayant abouti à la création de l’OUA en 1963 avec une Charte historique. Il y a eu certes des péripéties mais des avancées mais aussi des évolutions importantes ayant permis par exemple le retour du Maroc dans sa famille africaine naturelle et l’impulsion d’un nouveau souffle. Les pères fondateurs ont donc posé un jalon important. Mais le rêve caressé d’une unité africaine au sens d’une parfaite intégration a encore du chemin à faire pour se réaliser.
Justement, devenue Union africaine depuis 2002, l'organisation panafricaine a-t-elle réussi à impulser une nouvelle dynamique pour prendre en compte ce désir d'intégration au moment où les peuples en font une véritable demande? En quelque sorte les États et le leadership politique ont-ils répondu à cette préoccupation des peuples?
Oui, il y a eu la déclaration historique de Syrte de septembre 1999, lors d'une session extraordinaire de l’OUA en Libye sous l’impulsion de Khadhafi pour que l’OUA devienne l’Union africaine au Sommet de juillet 2002, à Durban en Afrique du Sud. Le désir d’intégration des peuples a quand même poussé le leadership politique à déployer de efforts importants. Aujourd’hui, l’idée de la ZLECAF dont le processus de négociation a été lancé à Johannesburg depuis 2015 et qui a suscité un immense espoir de voir enfin les organisations économiques sous-régionales regroupés au sein d’une Zone de libre échange pour les 55 États-membres. Le 1er janvier 2021, la ZLECA est mise en place pour les pays ayant ratifié l'accord. Mais je dis souvent que les peuples africains semblent en avance sur le leadership politique dans cette prise de conscience d’une unité continentale, principe parfaitement intégré mais qui butte encore sur d’innombrables obstacles.
On a vu récemment une autre thématique celle de la souveraineté surtout par rapport à l'Europe s'imposer au niveau d'une jeunesse et des activistes au Mali au Burkina Faso et dans toute la région qui développent un autre panafricanisme accentué par les réseaux sociaux. Est-ce une simple révolte juvénile ou une nouvelle conscience panafricaine ?
C’est dans l’air du temps. La jeunesse africaine aspire désormais à une libération d’abord paradigmatique du continent avec la montée en puissance d’une réflexion critique alternative incarnée par des personnalités universitaires d’envergure comme Felwine Sarr, Achille Mbembé, Mehdi Allioua et tant d’autres ainsi que des mouvements de pensée, et des approches critiques sur le présent et l’avenir du continent qui ont abouti, par exemple, à la mise en place du Rapport Alternatif Sur l’Afrique (RASA), du Timbuktu Institute entre autres cadres de réflexion et de recherche. Les jeunes boostés par la conquête des réseaux sociaux et la démocratisation de l’accès au savoir et à l’information ont franchi une étape importante dans la quête de souveraineté sur tous les fronts. Il y a une nouvelle dynamique qui a même poussé les partenaires occidentaux de l’Afrique à reconsidérer leurs politiques. Cette tendance ne changera pas et des mouvements de jeunes comme les Africtivistes, pèsent aujourd’hui sur l’avancée des conquêtes démocratiques et de la souveraineté. Le ton est donné d’un renouveau africain avec une parfaite conscience d’une unité africaine mentalement acquise et d’une souveraineté qui ira grandissante. Certes, il faudra encore de la volonté politique et surtout une prise de conscience de la communauté internationale que la rupture est désormais amorcée qui sera, certainement, difficile. Mais, je pense qu’aujourd’hui, l’élan de la construction de l’unité africaine, d’une souveraineté grandissante et d’une jeunesse affranchie du poids de l’histoire et de la domination est désormais irréversible.
Pour contribuer à la promotion d’un débat multi-acteurs, ouvert et inclusif sur cette problématique, Timbuktu Institute – African Center for Peace Studies et le Bureau de la Représentante Spéciale de l’Union européenne au Sahel, Mme Emanuela Del Re, organisent ce webinaire régional est organisé sous le thème : « Pastoralisme et consolidation de la paix au Sahel : défis et perspectives ».
Plusieurs groupes socioculturels ou ethniques du Sahel sont décrits comme "pastoraux", dans le sens où le pastoralisme est une pratique de subsistance principale parmi ces groupes et joue un rôle important dans leur identité culturelle et leurs rapports avec les Etats centraux de la région. Dans leur diversité, ces populations sont largement impactées par le changement climatique, la gouvernance des espaces sylvopastoraux, la montée de l’insécurité dans les zones frontalières.
Au regard de son lien intrinsèque avec la gestion et la distribution des ressources dans des zones de plus en plus arides, cette question divise souvent les décideurs politiques et les experts.
Les déficits de la gouvernance des ressources naturelles, aggravés par les effets du changement climatique, créent des tensions dues aux difficultés d’un arbitrage serein et durable entre production alimentaire et mouvements transfrontaliers. Dans un contexte de l’expansion de l’extrémisme violent, ces conflits sont instrumentalisés à des fins de recrutement surfant sur les vulnérabilités socio-économiques, les griefs politiques et les frustrations accumulées.
Des conflits latents peuvent à tout moment dégénérer en violences et affrontements intercommunautaires et, ainsi, accentuer les fragilités pour miner, davantage, la stabilité régionale. Il s’y ajoute que les impacts du changement climatique, de la croissance démographique aggravent ces conflits en rapport avec le pastoralisme. Ces effets perturbent les équilibres sociaux et déstructurent le vivre-ensemble tout en causant des conflits transfrontaliers avec leur lot de déplacements forcés avec une certaine incidence sur la sécurité alimentaire et la stabilité économique et politique.
Cette situation critique liée à la problématique complexe du pastoralisme porteuse de germes de conflits intercommunautaires et d’instabilité pour les pays de la région, est souvent traitée de manière partielle sous l’angle de l’opposition traditionnelle entre éleveurs et agriculteurs. Pourtant, au regard de sa complexité et de son caractère multidimensionnel, la question du pastoralisme mériterait une réflexion au-delà des effets immédiats d’une telle opposition.
« Jeunes et Médias : entre engagement et responsabilité citoyenne », tel est le thème central de cette première série des « Conversations citoyennes » concept interactif pour la promotion du débat public avec les jeunes sur diverses problématiques ayant trait à la vie citoyenne dans ses différents aspects et implications. La séance inaugurale aura lieu le 30 mai prochain à Tambacounda.
En effet, les jeunes sont, de plus en plus, informés et intéressés par le débat public sans, parfois, y trouver réellement leur véritable place du fait de contraintes ou d’autres obstacles limitant leur prise de parole sur des sujets les concernent au premier chef. En même temps que le développement fulgurant des réseaux sociaux fait des jeunes les cibles privilégiées de contenus sur divers sujets, il se développe un phénomène d’auto-isolement qui enferme cette catégorie majoritaire de la population loin de l’expression publique des idées et des opinions. Il se creuse ainsi un important fossé entre ce public jeune, hyper-connecté et friand d’informations et le discours institutionnel ou politique qui ne prend pas en compte ses spécificités et aspirations.
Ainsi l’apparente démocratisation de l’accès au savoir et à l’information à profusion n’a pas forcément un environnement favorable au débat public et à l’échange en dehors des plateformes et réseaux sociaux qui exposent aux risques liés à la désinformation, entre autres. Il y a aussi, la circulation de diverses théories et idées reçues allant à l’encontre de l’esprit citoyen et fragilisant davantage les acquis, le débat démocratique et les valeurs fondant le vivre-ensemble.
Ces cadres d’échanges constructifs sont d’autant plus nécessaires qu’en leur absence, on risque une cristallisation des conflictualités construites et entretenues et amplifiées par les réseaux sociaux au détriment de la consolidation de l’engagement et du débat citoyen, ouvert, inclusif, contradictoire et respectueux des différences et de la diversité des opinions. Ainsi la tenue des « conversations citoyennes » participe de la promotion du débat citoyen dans un cadre participatif et inclusif mettant en avant l’accès à de véritables savoirs et informations tout en développant l’esprit critique et le sens de la responsabilité des jeunes.
La première série de « Conversations citoyennes » qui sera lancée ce 30 mai à Tambacounda porte sur le thème : « Jeunes et Médias : entre engagement et responsabilité citoyenne » et se poursuivra à Rosso-Sénégal, Fogny (Gambie), Matam, Guédiawaye et Mbour.
Dans le contexte actuel marqué par l’émergence de problématiques complexes sur lesquelles circulent les informations et idéologies des plus contradictoires, les « conversations citoyennes » cherchent à offrir des cadres sereins de débats introduits par des chercheurs, des praticiens, professionnels, des acteurs de la société civile, des jeunes porteurs d’expériences à partager etc. Ce sont des sessions interactives de conférences-débats publics qui se tiennent, régulièrement, en mettant les jeunes au centre du débat d’idées.
Dans le format retenu par le Timbuktu Institute, « les jeunes sont les véritables acteurs du débat citoyen sur des sujets variés, soit imposés par l’actualité ou suite à une expression de besoins sur des thématiques diverses : engagement citoyen, questions socioéconomiques, géopolitique, liberté de la presse et enjeux de la désinformation, religion, rapports Sud-Nord, échanges internationaux etc », souligne Dr. Bakary Sambe, concepteur et directeur scientifique des « Conversations citoyennes ».
Timbuktu Institute
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« Conversations communautaires pour l’engagement positif des jeunes dans la prévention de l’extrémisme violent au Togo » est une expérience de partenariat stratégique entre le Conseil national de la jeunesse du Togo et Timbuktu Institute, leader régional dans ce domaine, soutenu par le Programme régional d’Appui aux pays côtiers de l’USAID (Agence des États-Unis pour le développement international). Suite à cette tournée lancée à Lomé et qui s’est déployée, par la suite, dans la région des Savanes (Nord du Togo), la chaîne panafricaine Medi1TV, basée au Maroc s’est entretenu avec Régis Batchassi, président du CNJ – Togo dans le but de mieux comprendre cette initiative. Selon M. Batchassi, « elle doit faire l’objet d’une valorisation en tant que bonne pratique dans les pays voisins au regard de l’enjeu de la transfrontalité du phénomène de l’extrémisme violent » et la « nécessité de faire des jeunes de véritables acteurs de prévention et de renforcement de la résilience ».
Medi1TV : Au moment où les dernières attaques au Bénin et au Togo rappellent les sérieuses menaces sur les pays côtiers, vous venez de boucler, dans le cadre d’un partenariat avec Timbuktu Institute, soutenue par le Programme Régional d’Appui aux Pays côtiers de l’USAID (Agence des États-Unis pour le développement international), l’initiative « conversations communautaires pour l’engagement positif des jeunes dans la prévention de l’extrémisme violent ». Pourquoi un tel projet dans le contexte actuel ?
Cette tournée de plus deux semaines avec une série de « conversations communautaires » dans 4 préfectures de la région des Savanes, après le lancement officiel à Lomé, avait pour objectif de mobiliser les jeunes et de les sensibiliser. Vous savez, très souvent, on présente cette frange importante de notre population comme de simples cibles d’intervention, en insistant sur leurs vulnérabilités. Le conseil national de la jeunesse, grâce à ce partenariat avec le Timbuktu Institute, soutenu par le Programme Régional d’Appui aux pays côtiers, a voulu faire des organisations de la jeunesse, un véritable levier de résilience en renforçant leurs capacités pour en faire des acteurs de la prévention en appui aux efforts de l’Etat. La jeunesse ne doit pas être vue comme un problème qui pèse, mais une source de propositions et de solutions constructives.
Medi1TV : On sait que votre pays le Togo a mis en place un comité interministériel de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent (le CIPLEV) et même développé une stratégie nationale. Dans quel cadre d’intervention se situe alors cette initiative du Conseil National de la Jeunesse ?
Le programme Régional d’Appui aux pays côtiers de l’USAID (Agence des Etats Unis pour le développement international) dans la région des Savanes, a été très vite convaincu de l’importance de notre action qui est complémentaire avec les efforts de l’Etat et l’a soutenue parce qu’elle se situe dans une démarche holistique. La lutte contre le terrorisme par des moyens militarisés et la mobilisation des forces de sécurité et de défense est, certes, importante. Mais, il faut la distinguer de la prévention de l’extrémisme violent qui vise à traiter les causes profondes et structurelles surtout que l’engagement communautaire de la jeunesse se fixe aussi l’objectif de l’appropriation des politiques étatiques par les populations locales. Au regard de l’effet de la transfrontalité avec des pays largement atteints par un phénomène djihadiste massif, nous comptons poursuivre ces initiatives surtout pour empêcher qu’il se constitue ce que Dr. Bakary Sambe appelle des « couveuses locales » et un ancrage de ces mouvements dans le territoire togolais qu’ils ciblent actuellement avec des attaques sporadiques. Cette tournée dans les Savanes nous a réconfortés sur le fait que les jeunes veulent jouer pleinement leur rôle dans le domaine de la prévention. La seule approche sécuritaire est, certes, utile, mais ne suffit plus face à la complexité du phénomène. Il faut, vraiment, un engagement des jeunes pour une résilience communautaire, et nous continuerons à y travailler. Les jeunes l'ont suggéré à l'Ambassadrice des États-Unis au Togo lors de sa visite lors des « conversations communautaires » pour venir les encourager.
Medi1TV : Après le succès de ces « conversations communautaires » largement saluées par les autorités et qui a suscité un grand engouement des organisations de jeunes dans ces zones exposées aux risques, quelle suite souhaitez-vous donner à cette initiative ?
Nous pouvons d’ores et déjà considérer cette initiative comme une bonne pratique à pérenniser en amplifiant l’impact. Les jeunes de la région des Savanes vont encore bénéficier de formations pour restituer ce qu’ils ont acquis. On peut dire qu’une communauté juvénile de la prévention est née suite à cette action et nos partenaires doivent nous soutenir encore pour maintenir cette flamme de l’engagement et cette dynamique encourageante malgré les attaques. Les jeunes pensent même à mettre en place un Observatoire du vivre ensemble axé sur la prévention de l’extrémisme violent. Mais, comme le Programme Régional d’Appui aux pays côtiers de l’USAID concerne, aussi, des pays comme le Bénin voisin, nous envisageons aussi un partage d’expériences avec d’autres jeunes des pays du Golfe de Guinée qui partagent les mêmes vulnérabilités. Vous savez, vu la transnationalité du phénomène terroriste et des menaces, la dimension transfrontalière doit être prise en compte, une fois que nous arriverons à consolider et élargir davantage les acquis de cette initiative au Togo.
Source : Medi1TV Afrique – Timbuktu Institute
La menace terroriste gagne du terrain en Afrique de l’ouest. A partir du Sahel, l’insécurité descends de plus en plus vers le golfe de Guinée, poussant les dirigeants de la région ouest africaine à multiplier les initiatives de mutualisation des efforts pour en venir à bout. Dans cet entretien, Dr. Bakary Sambe, Directeur de Timbuktu Institute livre son regard sur cette situation et se prononce sur la création éventuelle d’une force conjointe Cedeao.
Les chefs d’États-majors de la Cedeao viennent de consacrer, les 5 et 6 mai à Accra, une réunion extraordinaire à la lutte contre le terrorisme dans la région. Quel est votre regard sur ces réunions qui se multiplient sur la question du terrorisme sur le plan sous-régional.
Dans le principe, c’est une initiative à saluer au regard de la montée des périls dans la sous-région et plus particulièrement au Sahel dont les pays les plus touchés se trouvent dans l’espace communautaire. Il y a urgence dans une région où on note une augmentation de 1000% (mille pour cent) du nombre de morts depuis 2007 alors que le Sahel concentre 43% du nombre total de victimes du terrorisme en Afrique subsaharienne. Selon les organisateurs, cette réunion des 5 et 6 mai 2012 à Accra visait surtout à réfléchir sur comment travailler au renforcement de la coopération entre États afin de lutter contre l’insécurité grandissante en Afrique de l’Ouest au moment où l’Afrique est effectivement devenu le nouveau point chaud du terrorisme international selon les dernières données du Global Terrorism Index qui consacre malheureusement l’Afrique subsaharienne comme le foyer de repli du terrorisme mondial après la déroute de Daech (EI) en Orient et sa perte de vitesse même en Europe où il n’arrive même plus à mobiliser des « loups solitaires ». Il était donc temps que la CEDEAO impulse une nouvelle dynamique à son action anti-terroriste surtout que l’organisation sous-régionale semble avoir été dépossédée de cette question sécuritaire, ces dernières années, au profit du G5 Sahel, partenaire favori des partenaires internationaux.
Selon vous, pourquoi malgré l’existence depuis 2017 de l’initiative d’Accra qui a permis de mettre l’opération « Koundalgou » renforcée plus tard et élargie au Mali, au Niger et à la Côte d’Ivoire, la menace terroriste semble tout de même gagner du terrain dans la région ?
Malheureusement, on ne compte plus les initiatives dans notre région devenue l’espace de redéploiement des groupes et favorable à une nouvelle vie au terrorisme global auquel elle offre une nouvelle opportunité d’expansion. Il est vrai que les États du Golfe de Guinée ont plusieurs fois répondu par des opérations militaires, soit conjointement, soit individuellement. Par exemple en novembre dernier, une opération militaire conjointe entre plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest a pu mobiliser environ 6 000 soldats et aurait même permis l’arrestation de 300 terroristes présumés. Le déploiement militaire, baptisé Opération Koundalgou, s’inscrivait dans le cadre de l’Initiative d’Accra, un concordat signé en 2017 entre le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Togo pour lutter contre la menace croissante dans la région. Et il faut dire que ce n’est pas le premier cas d’opérations militaires bilatérales contre les groupes déjà actifs dans la région : En 2018, une opération conjointe entre les forces armées du Mali et du Burkina Faso avait permis de démanteler une cellule terroriste présumée à Ouagadougou. Mais à vrai dire, ce ne sont pas les initiatives militaires qui manquent mais une approche globale du phénomène multiforme du terrorisme. L’approche jusqu’ici adoptée n’a pas empêché que l’Afrique subsaharienne concentre la moitié des décès dus au terrorisme en 2021. D’ailleurs, le Général Lassiné Doumbia de la Côte d’Ivoire n’a pas manqué de souligner cette faille en soutenant ouvertement, lors de cette rencontre d’Accra, qu’« indépendamment de l’action militaire, plusieurs autres actions doivent être menées dans ces zones de vulnérabilité, … que ces groupes jihadistes peuvent exploiter pour enrôler les populations locales ». Depuis des années, dans le cadre des travaux et recommandations du Timbuktu Institute, nous appelons une approche différenciée et complémentaire : lutter efficacement contre le terrorisme en gérant les urgences sécuritaires mais ne pas oublier la prévention de l’extrémise violent en s’attaquant aux causes structurelles, souvent instrumentalisées par les groupes terroriste à la recherche d’ancrage sociopolitique et surtout de ce que j’appelle les « couveuses locales ». Hélas, on semble persister dans une approche traitant les symptômes en négligeant les racines du mal déjà profondes.
Au-delà des opérations militaires conjointes entre ces pays de la Cedeao et de la mutualisation des renseignements, la création d’une force conjointe des pays de la Cedeao serait-elle plus efficace ?
La mise en place d’une telle force qui devrait être la plus inclusive possible n’a jamais été aussi opportune au moment où la problématique de la lutte contre le terrorisme dans la région semble de plus en plus parasitée par les passes d’arme politico-diplomatiques. La Cedeao a pourtant eu, avec le leadership du Nigeria, des expériences à faire valoir comme ECOMOG et ses « casques blancs » mais aussi d’autres formes de synergie et de mécanismes qu’il suffit de réactiver comme c’est déjà le cas pour le renseignement et l’alerte précoce. Toutefois, il faudrait qu’au niveau communautaire, la volonté politique soit non seulement réelle mais accompagnée des efforts financiers nécessaires. Surtout que l’organisation sous-régionale devient de plus en plus sollicitée pour divers partenariats dont la Cedeao aura bien besoin au regard de l’ampleur des interventions nécessaires. Malheureusement la brouille actuelle entre Bamako et Paris, est en train de nuire à l’esprit de sécurité collective. Aujourd’hui, malgré cette situation qu’il faudra vite dépasser, – les deux pays étant deux maillons essentiels de la chaîne de solidarité Sud-Nord- la coopération sécuritaire, même si elle doit être repensée et élargie à tous les acteurs conventionnels, reste une priorité stratégique. La volonté d’européanisation de Takuba, qui était une nécessité, marquait un changement de paradigme. Il faut prendre conscience du fait que l’Afrique, le Sahel en particulier, et l’Europe, qui partagent la même vulnérabilité et font face à des menaces communes, restent intimement liées par la contrainte de la sécurité collective, malgré toutes les conjonctures diplomatiques.
L’échec relatif du G5 Sahel constitue-t-il un frein à la mise en place éventuelle de cette nouvelle force conjointe ?
Il serait excessif de parler d’un échec du G5 Sahel bien qu’il faille reconnaître tous les écueils de cette organisation qui, auparavant, n’a jamais eu les moyens de son ambition alors qu’aujourd’hui elle est rudement affectée par la situation de crise politique que traverse la majorité de ses Etats-membres. Mais, il faudrait faire de cette crise, une nouvelle opportunité de la redresser et de restaurer l’équilibre qui lui faisait défaut dans une complémentarité logique avec la Cedeao vu le partage de priorités stratégiques : 3 de ses cinq membres sont dans la Cedeao qui depuis la conférence de Lomé en juillet 2018 discutait déjà avec la Ceeac dont fait partie le Tchad, de l’impératif d’une coopération interrégionale pour lutter contre le terrorisme qui secoue ces deux régions. On connaît aussi toute la place de la Mauritanie dans ce schéma depuis le processus de Nouakchott. L’heure est aux partenariats qui ne peuvent plus exclure ni le Sénégal et encore moins les pays du Golfe de Guinée partageant les mêmes préoccupations sécuritaires. Vous conviendrez avec moi que la force conjointe initialement pensée devrait s’élargir. Dans ce contexte où s’imposent les synergies, la Cedeao qui doit renforcer sa présence au Mali, peut jouer le rôle de catalyseur qui lui renvient tout en prenant la pleine mesure, avec un nouveau départ, de la nécessité d’urgentes réformes et d’un inéluctable changement de paradigme. L’idéal serait, toutefois, que la Cedeao puisse disposer d’une force d’imposition de la paix aux regards des multiples défis politico-sécuritaires dans la région.
Propos recueillis par Mohamed Kenouvi
Cet entretien de Dr. Bakary Sambe, avec Medi1TV (Hebdo Africain) se focalise sur la nécessité d’accélérer les efforts conjoints pour soutenir l’Afrique qui fait face à une montée de la violence extrémiste sur le continent au moment où, paradoxalement, elle recule en Europe et dans d’autres régions du monde. Le Maroc a accueilli en mai 2022, la réunion ministérielle de la Coalition anti-Etat islamique (EI) au moment les experts africains et observateurs se posent un certain nombre de questions sur l’engagement de la communauté internationale en Afrique même si parmi les objectifs de ce cadre, figure en bonne place celui de «coordonner et poursuivre l'engagement international» contre la menace croissante de l'organisation djihadiste en Afrique et sa résurgence au Moyen-Orient. Pour Dr. Bakary Sambe, «l’Africa Focus Group est, certes, une initiative à saluer vu la montée des périls en Afrique et plus particulièrement au Sahel » même s’il exhorte la communauté internationale à mettre l’accent sur un soutien plus affirmé « de la même ampleur que les efforts conjoints déployés pour combattre conjointement l’EI au Moyen-Orient ». Toutefois, le Directeur du Timbuktu Institute reste convaincu que « la coopération sécuritaire n’a pas jusqu’ici permis de lutter efficacement contre le terrorisme en gérant les urgences sécuritaires sans négliger la prévention de l’extrémise violent » en s’attaquant aux causes structurelles, souvent instrumentalisées par les groupes terroriste à la recherche d’ancrage sociopolitique et surtout de ce qu’il appelle les « couveuses locales ».
Dr. Bakary Sambe, vous dirigez le Timbuktu Institute, une des institution africaines leader dans le domaine des études stratégiques et de sécurité avec vos travaux novateurs sur la menace terroriste. Vous considérez la première réunion ministérielle de la coalition mondiale contre Daech en Afrique qui se tient ce matin à Marrakech comme une opportunité pour le Maroc de porter la voix de l'Afrique sur cette question. Depuis le Maroc que doit dire l'Afrique à la communauté internationale ?
Le choix du Maroc pour co-présider ce nouveau groupe confirme son rôle important dans la lutte contre le terrorisme. En tant que signal important pour l’Afrique de manière générale, cette idée d’Africa Focus Group est une initiative à saluer vu la montée des périls dans la région et plus particulièrement au Sahel. Il y a urgence dans une région où on note une augmentation de 1000% (mille pour cent) du nombre de morts depuis 2007 alors que le Sahel concentre aujourd’hui 43% des victimes du terrorisme en Afrique subsaharienne. A Marrakech, l’Afrique ne doit pas rater l'occasion de dire à la communauté internationale qu’on n’a pas encore vu sur le continent une mobilisation de la même ampleur que celle opérée lors de la lutte contre Daech au Moyen-Orient. L’Afrique semble à bien des égards abandonnée à elle-même alors qu’au même moment où un note un recul de la nébuleuse Daech au Moyen-Orient et en Europe notre continent est devenu, le nouveau point chaud et foyer de redéploiement du terrorisme international. Il y a un paradoxe assez parlant relevé par un ancien ministre burkinabé : après d’innombrables conférences, la communauté internationale dit chercher en vain 423 millions d’euros pour le G5 Sahel depuis des années alors que pour l’Ukraine 6 milliards d’euros ont été mobilisés en urgence et en une seule conférence.
On le sait vous êtes assez critique sur l'approche jusqu'ici adoptée dans la lutte contre le terrorisme. Pourquoi pensez-vous que cette lutte n'a pas produit les résultats escomptés ?
Contrairement aux idées reçues, les pays de la région qui, malheureusement, offrent aujourd’hui une nouvelle opportunité d’expansion à Daech n’ont jamais été inactifs face au terrorisme. Les États du Golfe de Guinée ont plusieurs fois mené des opérations militaires, soit conjointement, soit individuellement. Par exemple, en novembre dernier, une opération militaire conjointe entre plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest a pu mobiliser environ 6 000 soldats avec l'arrestation de 300 terroristes présumés. Il y a aussi l’Opération Goundalgou, dans le cadre de l'Initiative d'Accra, lancée en 2017 par le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Ghana et le Togo. Déjà en 2018, une opération conjointe entre les forces armées du Mali et du Burkina Faso avait permis de démanteler une cellule terroriste présumée à Ouagadougou. En fait, à vrai dire, ce ne sont pas les initiatives militaires qui manquent mais une approche globale du phénomène multiforme du terrorisme. Il faut se l’avouer, l’approche jusqu’ici adoptée n’a pas empêché que l’Afrique subsaharienne concentre la moitié des décès dus au terrorisme en 2021 avec au moins 43% des victimes africaines au Sahel.
Alors qu'est-ce que l'Afrique et ses partenaires ont donc raté jusqu'ici et qu'attendre du Maroc plus spécifiquement? Peut-on s'attendre à une nouvelle dynamique avec le focus Africa après Marrakech?
La communauté internationale doit avoir à l’esprit que la réunion de Marrakech se déroule à un moment à la fois décisif et critique avec la prolifération des mouvements affiliés à Daech où notre continent se transforme en un havre d’épanouissement de l’Etat islamique. Rien qu’au Niger les décès dus au terrorisme ont doublé. La coopération sécuritaire n’a pas jusqu’ici permis de lutter efficacement contre le terrorisme en gérant les urgences sécuritaires sans négliger la prévention de l’extrémise violent en s’attaquant aux causes structurelles, souvent instrumentalisées par les groupes terroriste à la recherche d’ancrage sociopolitique et surtout de ce que j’appelle les « couveuses locales ». Hélas, on semble persister dans une approche traitant les symptômes en négligeant les racines du mal déjà profondes. Et, aujourd’hui avec la brouille entre Bamako et Paris qui a parasité l’esprit de sécurité collective, Vous conviendrez avec moi que la force conjointe initialement pensée doit s’élargir. La question est de savoir comment le Maroc, en dehors de la formation des imams et autres initiatives, pourrait impulser une nouvelle dynamique en s’appuyant sur ses excellentes relations avec les pays de la région pour porter le plaidoyer afin que la CEDEAO puisse disposer, enfin, d’une force d’imposition de la paix aux regard des multiples défis politico-sécuritaires dans la région tout en encourageant l’activation et le soutien international de la force africaine en attente… depuis maintenant, trop longtemps.
Pourquoi un webinaire régional sur « Jeunes et transitions politiques au Sahel et en Afrique de l’Ouest » au moment où les différentes expériences en cours commencent à interroger les observateurs comme les citoyens des pays respectifs qui traversent cette période décisive et cruciale pour l’avenir de leurs institutions et de manière générale, leur stabilité pour les années à venir ? Comment expliquer l’engouement des jeunes lors des différents coups d'État qui ont réussi dans la région et qui ont débouché sur de « nouvelles pathologies de la démocratie » – qu'elles prennent la forme d'interventions militaires contre le pouvoir civil ou de violations de la Constitution visant à permettre aux dirigeants sortants d'effectuer un mandat supplémentaire ?
Ces phénomènes récurrents méritent d’être analysés en prenant en compte les perceptions des jeunes qui, à l’origine, étaient aux avant-postes des luttes pour la démocratie et qu’on retrouve, aujourd’hui, en première ligne pour acclamer l’arrivée des militaires au pouvoir.
Deux questions centrales se posent avec acuité qui méritent une profonde et sérieuse réflexion : Que s’est-il réellement passé pour que s’impose cette nouvelle dynamique que l’on note aussi bien au Mali, au Burkina Faso, en Guinée et dans une moindre mesure au Tchad ? En est-on arrivé à une panne du modèle démocratique qui n’aurait tenu ni la promesse du développement ni celle de la sécurité et encore moins celle d’un plein épanouissement d’une jeunesse en pleine « quête de sens et de chance » ?
Les jeunes en sont-ils à une approche « alternative » de la question démocratique parce que le multipartisme qui devait couronner le processus démocratique a, tout au plus, réveillé le spectre de l'ethnicisme et du régionalisme dans les différents pays de la région ? Comment en est-on arrivé à cette situation complexe où à un pluralisme démocratique sain et paisible tant rêvé s’est substitué l’esprit de « népotisme de clans », allumant le feu des crises et conflits intercommunautaires qui font toujours rage sur le continent sur fonds d’une insécurité devenue endémique ?
Aujourd'hui, ces conflits latents ou qui couvent dans nombre de nos pays sont ravivés par les effets du terrorisme et du radicalisme religieux au Sahel et en Afrique de l’Ouest alors que des régimes militaires sont venus sonner le glas de la réelle dynamique de démocratisation des dernières décennies malgré leurs insuffisances. Depuis quelques mois, des transitions politiques sont entamées dans un contexte de vives contestations, d’un vent inédit de « populisme » pour certains et même de surenchères nationalistes voire diplomatiques.
Pourtant, le rôle des jeunes dans cette période reste flou oscillant au gré des instrumentalisations politiques et des revendications souverainistes brandies par les gouvernements de transition comme une nouvelle demande sociale qui serait au cœur des priorités et dont ils seraient les nouveaux chantres légitimes voire incontournables.
Depuis le lancement, en octobre 2021, de l’initiative participative « la Parole aux Maliens » et l’étude de perception menée par Timbuktu Institute dans 10 régions du Mali, il manque une véritable mise à jour sur l’appréciation propre aux jeunes de la conduite des transitions politiques.
Mais, ces transitions ont-elles réussi à répondre, concrètement, aux attentes des jeunes ? Les gouvernements de transition respectifs ont-ils, comme promis à leur arrivée, suffisamment impliqué les jeunes dans la gestion des affaires publiques ? Les gouvernements respectifs et les nouvelles autorités ont-ils effectué un travail d’écoute et de recueil des attentes de cette frange qui constitue l’écrasante majorité de la population des différents pays en situation de transition politique ? Enfin, au-delà des manifestations et des diverses mobilisations politiques des jeunes, quelle est l’appréciation de cette catégorie d’acteurs de la conduite même des transitions en termes d’atteinte des objectifs, d’orientations et de prise en compte de la nécessaire consolidation de la démocratie et de l’Etat de droit ?
C’est dans cette perspective que le bureau Mali du Timbuktu Institute qui conduit une veille sur ces différents pays à travers ses chercheurs et grâce aux outils technologiques de son Observatoire des réseaux sociaux, organise ce webinaire participatif à dimension régionale. Cet évènement animé par des chercheurs et acteurs de la société civile du Burkina Faso, de la Guinée, du Mali, du Sénégal et du Tchad entre dans le cadre du concept « Conversations citoyennes » développé par l’Institut et qui couvrira divers sujets de préoccupation dans les pays de la région avec un focus particulier sur les jeunes et leurs perceptions et visions de la démocratie, de l’Etat de droit, des avancées dans la conduite des transitions politiques mais aussi des rapports entre l’Afrique et le reste du monde.
Ce webinaire régional destiné, surtout, à faire entendre la voix de jeunes engagés, aux divers profils ainsi que leur appréciation de la situation verra la participation de : Maix Somé du Burkina Faso, économiste et analyste politique, Nathalie Sidibé du Mali, directrice de Data Tic Consulting, Open Data Activist, Joslain Djeria du Tchad, analyste politique spécialiste des questions de stabilisation, Sally Bilaly Sow de la Guinée, Coordonnateur de l’Association Villageois 2.0 et consultant en CivicTech et de Fanta Diallo du Sénégal, Activiste-féministe et bloggeuse engagée sur les questions de citoyenneté et de participation politique.
S’inscrire sur ce lien : https://us02web.zoom.us/webinar/register/WN_Y1bb5WInTW6E4MIkHNrz0A