Sacré-Coeur 3 – BP 15177 CP 10700 Dakar Fann – SENEGAL.
+221 33 827 34 91 / +221 77 637 73 15
contact@timbuktu-institute.org
Chargée de Communication et Relations publiques au sein du bureau Sahel de Timbuktu Institute basé au Mali, Fatoumata Gouro Cissé est une jeune malienne qui s’est fait distinguée par son engagement communautaire depuis son plus bas âge. Dans le cadre du programme Different Leaders Fellowship qu’on déploie au Mali en partenariat avec le Timbuktu Institute et l’Ambassade de France au Mali, elle a accepté de répondre à nos questions …
Par Dr. Bakary Sambe- Directeur du Timbuktu Institute (Août 2021)
L’enregistrement diffusé à travers Az-Zallâqa au sujet du dernier message d’Iyad Ag Aly renseigne sur la ligne claire désormais assumée par le chef et coordonnateur de ce qui est communément appelé le « G5 Djihadiste ». Dans l’élaboration du message, à part les effets spéciaux classiques dont abusent aussi bien Al-Qaida que le Groupe Etat islamique (Daesh- ISIS), Iyad Ag Aly se présente comme investi d’une mission de jonction entre le Djihâd sahélien et le courant mondialiste. Partant de considérations générales dont le but est d’affirmer l’inscription de son action et de celui de son mouvement dans le canevas général du djihadisme mondial, le chef du Jamâat Nuçrat al-islâm wal Muslimîna (JNIM-GSIM) s’arrête sur l’importance d’un message spécifique aux mouvements djihadistes au Sahel : la nécessité de jonction des fronts face aux nouveaux enjeux.
Un discours de galvanisation capitalisant sur les « victoires »
Dans un discours teinté d’une certaine solennité, faisant appel aux références textuelles classiques du djihadisme mondial, Iyad Ag Aly se félicité de ce qui serait, pour lui, une généralisation du Djihad dans la région : « Après être partis du Nord de ce pays (Mali), d’autres les ont rejoints parmi différentes communautés et des pays voisins …malgré l’engagement des ennemis de Dieu de tous pays ». L’idée est de galvaniser ses troupes dans un contexte où certains chefs combattants terroristes ont été, récemment, abattus notamment par l’armée française.
Avec un ton plus serein que d’habitude, Iyad Ag Aly considère l’extension des zones touchées par le djihad comme un acquis qui se consolidera au Sahel conformément à l’esprit de ce message avec une Vidéo intitulée « la secours d’Allah est proche ».
Pour mieux comprendre la teneur du message d’Iyad Ag Aly, il serait important de se pencher sur le sens de l’utilisation de cette expression tirée de ce verset du Coran (II, 114) assez symbolique et souvent repris dans les milieux djihadistes : « Pensez-vous entrer au Paradis alors que vous n’avez pas encore subi des épreuves semblables à celles que subirent ceux qui vécurent avec vous ? Malheurs et calamités les avaient touchés ; et ils furent secoués jusqu’à ce que le Messager et les croyants avec lui, se fussent écriées : « Quand viendra le Secours d’Allah ? » le secours d’Allah n’est-il pas proche ? » (Coran, Sourate II, verset 114).
Il faut dire que ce message est aussi adressé aux « prisonniers du Djihad » à qui il promet une libération « proche » et conseille, en même temps, la patience conformément à l’esprit du verset constamment cité le long de ce discours.
… La France demeure « l’ennemi » à combattre malgré l’annonce du retrait de Barkhane
Iyad Ag Aly est revenu sur les récents évènements ayant ponctué l’actualité malienne et sahélienne pour donner plus de réalité à ce discours qui était annoncé et très attendu : « la France annonce la fin de Barkhane ...La France a-t-elle réalisé les objectifs qui l’ont mené au sahel ? », assène-t-il sur un ton ironique au milieu de son allocution. Il y a, aussi, une nette volonté d’envoyer un message fort à la France et à ses dirigeants avec, parfois, une personnalisation du destinataire, notamment, en direction du président Macron.
Il est vrai que le Président Macron s’était mis récemment au-devant de la scène sur la question sahélienne à propos de laquelle les sorties du chef de la diplomatie française, Jean-Yves le Drian, étaient plus fréquentes.
Cette prise en main personnelle de la question, de même que l’exposition médiatique d’Emmanuel Macron lors du processus décisionnel qui mena à l’annonce du retrait de Barkhane lui valent, dans cette allocution, les attaques directes de la part du chef du JNIM-GSIM et même un certain sarcasme lorsqu’il évoque la libération des otages. Iyad Ag Aly brandit ainsi la conversion à l’islam de l’ex-otage française, Sophie Petronin, comme un trophée et un signe qui serait à décrypter. Le chef djihadiste y voit même un « camouflet » pour Emmanuel Macron. Dans le même registre quasi-sarcastique, il considère cette conversion de la célèbre otage comme « une véritable gifle sur la joue » du Président Macron.
…. « Chaque fois qu’un seigneur (de la guerre) disparaît un autre prendra le flambeau »
Sur plusieurs de ses aspects, cet enregistrement d’Iyad Ag Aly apparaît comme un discours-bilan débouchant sur un appel à la mutualisation, à défaut de la jonction, des forces djihadistes au Sahel.
Dans une analyse de la situation sécuritaire au Sahel, le chef du JNIM conclut de l’inefficacité voire du caractère improductif des stratégies de lutte contre le terrorisme basées principalement sur l’effort militaire dans lequel la France s’est particulièrement illustrée : « L’invasion des croisées n’a fait que donner une plus grande dimension au Djihad…Chaque fois qu’un seigneur de la guerre disparaît un autre prendra le flambeau ». Une reprise d’un vers de la poésie arabe pré-islamique magnifiant les valeurs chevaleresques et les qualités des seigneurs de la guerre.
… Rejet d’un « régime putschiste transitoire » au Mali et de tous les autres « soutenus par la France »
Dans cette déclaration où il s’attarde sur la situation politique malienne, Iyad Ag Aly considère le régime actuel de Bamako comme « putschiste transitoire » de même qu’il lie la persistance des régimes laïcs qui ont « tous échoué » à l’appui politique et militaire de la France. Il établit, de ce fait, une relation de causalité entre le soutien aux régimes laïcs et le fait de voir éclater les fronts du djihadisme au Mali : « La France a compris, après tant d’années, que le soutien aux pouvoirs laïcs successifs au Mali était une manière de souffler sur les braises du Djihad ».
Dans le même style à travers lequel le chef d’Al Qaida s’adressait à l’Amérique depuis les grottes de Tora Bora, le discours d’Iyad Ag Aly réserve la part belle à la France. Dans cette rhétorique, ce dernier pays est le symbole d’une puissance occidentale assimilable à un « ennemi de l’islam ».
Iyad Ag Aly passe en revue les « griefs » djihadistes contre la France en tant que « pays maudit » : « la lutte contre le Djihad », « les caricatures du Prophète ». Liant cette guerre contre la France au Sahel à celle qui, selon lui, lui est aussi faite par ses « propres jeunes ressortissants », il félicite en passant, ceux qui ont « tué les caricaturistes du Prophète », faisant référence aux attaques contre Charlie Hebdo. Réitérant son appel habituel à combattre la France, il insiste sur la nécessité stratégique d’étendre et d’internationaliser le djihad.
Par ailleurs, à travers une prise de position sans nuance, Iyad ag Aly se prononce sur la transition en cours au Mali en adoptant la même attitude d’esprit qu’avec les régimes précédents. En fait, dans la rhétorique djihadiste, l’Etat dans sa forme républicaine et laïque, ne peut être religieusement acceptable, qu’importe les acteurs qui en incarnent la gouvernance. Cela apparaît nettement dans cette allocution ponctuée de références et d’allusions se rapprochant de plus en plus du discours des ténors de l’Etat islamique et du djihadisme mondialisé.
… Connecter le front sahélien au djihadisme mondialisé, décrédibiliser et rejeter l’Etat laïc
« Nous nous inscrivons dans une guerre mondiale contre la mécréance mondiale …et le secours d’Allah est proche ». C’est par cette affirmation qu’Iyad Ag Aly marque une transition pour adresser ses félicitations aux Talibans d’Afghanistan faisant le lien entre l’action menée au Sahel et le djihadisme mondialisé qu’illustre bien ce « front » symbolique.
C’est au nom de cet appel à l’unification du Djihad dans la multiplication des fronts qu’Iyad Ag Aly exhorte « les différentes communautés » maliennes dans leur diversité, à s’unir autour de « l’instauration de la religion et de la charia » et s’éloigner de toutes les divergences et de tous les conflits. Il prône même avec insistance, l’instauration de la charia comme « seule solution de dépassement des conflits » et la réconciliation de toutes les communautés du Mali dans le cadre d’une revivification de la « fraternité islamique ».
… L’option du dialogue avec les groupes terroristes rejetée par l’un des principaux concernés
Dans ce même esprit, un autre appel est cette fois-ci lancé aux différents mouvements et fronts en rappelant qu’«il est temps de se conformer à la loi de Dieu et à bannir la démocratie ainsi que tous les accords » avec l’Etat « impie ». Il considère d’ailleurs que l’acceptation de l’Etat laïc et de sa gouvernance « n’a jamais aidé et à réaliser le développement du pays mais n’a fait qu’accentuer l’injustice et la servitude ». D’ailleurs dans son entendement, « la vraie libération ne se fera que dans le cadre de l’islam par la voie du Djihad, c’est seulement cela qui délivrera les créatures de l’adoration de leur alter ego ».
Bref, un rejet de toute forme de collaboration avec l’Etat séculier et à plus forte raison le dialogue avec celui-ci : un message clair en direction des autorités et de la communauté internationale mais certainement, aussi, à ceux qui pouvaient prôner un dialogue avec le JNIM ou ses factions.
Ce propos aussi incisif qu’édifiant sur une position tranchée contre le dialogue et la négociation avec les autorités, est conclu par une prière habituelle à la « malédiction » de la France, de l’Amérique, d’Israël et de la Russie de même que des « autres potentats arabes et étrangers du monde musulman ».
……………….
A travers les différents axes de ce discours, Iyad Ag Aly, réaffirmant son leadership incontesté au Mali où il demeure incontournable, apparaît comme un chef qui a voulu marquer un tournant par un discours de rupture. Certes, les derniers évènements importants au Sahel comme l’annonce du retrait de Barkhane, la réorganisation du dispositif français, de même que les évolutions politiques au Mali suite au second coup d’Etat au Mali, ont pesé sur l’orientation d’un tel discours.
Saisissant parfaitement les nouveaux enjeux, tels que les appels à des négociations avec les groupes terroristes maliens et le redéploiement des forces dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, l’inévitable redistribution des cartes politiques au Mali, Iyad Ag Aly s’affirme en unificateur de l’action djihadiste. La focalisation sur la France, de même que les attaques frontales et personnelles contre son Président, relèvent d’une ferme volonté de mettre la pression sur ce dernier qui croyait, par l’annonce du retrait de Barkhane, avoir mis en parenthèse le débat sahélien d’ici les élections. L’annonce de la reprise des opérations conjointes avec l’armée malienne, le 2 juillet dernier, a pu être assimilée, dans le discours d’Iyad Ag Aly, à un soutien de la France à ce qu’il appelle « un régime putschiste transitoire ».
Le rejet de toute idée de collaboration à celui-ci, de même que toute forme de dialogue, s’inscrivent dans une radicalisation des positions du chef du JNIM-GSIM qui croit pouvoir compter sur une jonction des fronts djihadistes au Sahel. L’idée agitée par Iyad Ag Aly d’une réunification et d’une réconciliation des Maliens à travers une retrouvaille autour de « l’instauration de la religion de la charia » émerge dans un contexte de recrudescence des affrontements intercommunautaires. Elle cadre aussi avec l’idéal d’une alternative islamique au Mali et au Sahel face à des régimes laïcs, « corrompus et injustes » auxquels il faudrait opposer le « modèle islamique ».
Au-delà d’une simple affirmation d’un leadership, cette démarche unitaire de même que la jonction prônée des fronts djihadistes procède de l’idée d’un plus fort ancrage dans le djihadisme mondialisé au moment où, après le retrait américain, les talibans n’ont jamais été plus proches de la prise de Kaboul, capitale de l’Afghanistan.
Toutefois, l’échec de l’expérience d’un dialogue avec les Talibans de même que le rejet sans nuance, par l’un des principaux concernés, de cette option tant de fois agitée ces derniers temps au Sahel, reposent avec grande pertinence le débat houleux sur la négociation que prônent certains avec les extrémistes violents.
Quand il s’agit de s’informer sur la pandémie de COVID-19, les Soudanais font peu confiance aux médias. C’est ce que révèle une enquête menée par le Timbuktu Institute et Sayara International en décembre 2020, où seulement 8% des personnes interrogées considèrent les journalistes comme des sources crédibles.
Il y a au Soudan une véritable crise de confiance dans les médias. C’est une des conclusions de l’étude réalisée par le Timbuktu Institute et Sayara International, destinée à analyser les perceptions et comportements des populations de huit pays du Sahel face à la pandémie (Sénégal, Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Cameroun, Tchad et Soudan). D’après l’étude, seulement 29% des Soudanais interrogés font confiance aux journalistes, et ces derniers ne sont une source d’informations sur la COVID-19 que pour 8% des répondants.
Au Soudan, les populations traversent clairement une crise de confiance à l’égard des médias. Les proches de l’entourage sont une source d'information pour 49% des personnes interrogées, mais seulement 35% leur font confiance. En outre, les étrangers, fait pour le moins particulier, constituent une source d'informations sur la COVID-19 pour 25% des personnes interrogées, mais seulement 15% leur font confiance.
Les répondants ayant un niveau d'éducation du cycle primaire font également confiance à 69% aux leaders religieux et communautaires, 52% pour les personnes du secondaire. On note donc à ce niveau que les personnes les plus instruites ont moins tendance à faire confiance à leurs leaders communautaires. Par ailleurs, 39% des personnes interrogées obtiennent des informations sur la COVID-19 auprès d'agents de santé communautaires, de médecins ou de scientifiques et 77% d'entre elles leur font confiance. Cette confiance est plus élevée dans les zones rurales (84%) que dans les zones urbaines (72%).
Le cœur de la pandémie a été une période éprouvante pour les médias du monde entier. Entre la psychose générale et les fake news, la méfiance envers les médias s’est particulièrement accentuée. Le Soudan n’a pas échappé à cette situation. L’heure soudanaise est donc au travail pour recouvrer cette confiance perdue.
Max-Bill
Soumettez-nous une information, les journalistes du CESTI la vérifieront.
Menée en décembre 2020 en pleine pandémie de COVID-19, une étude réalisée par le Timbuktu Institute et Sayara International informe que les Soudanais font confiance aux canaux traditionnels que sont la télévision et la radio pour s’informer sur la COVID-19. Réalisée dans plusieurs pays du Sahel, cette étude se base sur un échantillon de plus de 4000 personnes
Selon les résultats de l’étude, les principaux canaux de réception sur la COVID-19 sont les sources en ligne (57%), la télévision (56%) et la radio (45%). Cela dit, les citoyens soudanais font, à part égale (66%), largement plus confiance à la radio et à la télévision. Les Soudanais accordent peu de confiance aux autres canaux d’information. Ainsi, les sources en ligne ont la confiance de 26% des Soudanais (29% pour les applications de messagerie) et, quant aux journaux, seulement 15% des personnes interrogées leur font confiance.
Les Soudanais font confiance à leurs chefs religieux
Les chefs religieux ou les leaders communautaires sont la source d'informations relatives à la COVID-19 pour seulement 18% des personnes interrogées au Soudan. Mais c’est 47% qui leur font confiance. Cette confiance est plus présente en zone rurale (51%) qu’en zone urbaine (43%). Les personnes mariées font davantage confiance aux chefs religieux ou communautaires (53%) que les célibataires (41%). Ce qui est compréhensible au regard de la place de l’institution matrimoniale dans un pays à 97% musulman. C'est la source auprès de laquelle les personnes interrogées ayant un niveau d'éducation inférieur au primaire obtiennent la plupart de leurs informations sur la COVID-19 (22%), et c'est la seule source à laquelle ce groupe fait confiance. En termes plus clairs, 59% d'entre elles font confiance aux leaders religieux/communautaires.
Somme toute, dans un contexte d’émoi suite à l’avènement de la COVID-19, les Soudanais, dans leur méfiance face aux médias, ont tout de même gardé le réflexe de s’informer sur les canaux traditionnels historiques, que représentent la télévision et la radio.
Selon une étude qui se propose d’analyser les comportements et perceptions des habitants du Sahel autour de la COVID-19, la moitié des Soudanais ne sont pas satisfaits de la réponse de leur gouvernement à la propagation de la COVID-19. Cette enquête a été menée par le Timbuktu Institute et Sayara International en décembre 2020.
Selon les résultats de cette étude réalisée sur un échantillon aléatoire de plus de 4000 personnes interrogées dans huit pays du Sahel (Sénégal, Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Cameroun, Tchad et Soudan), une écrasante majorité des Soudanais, soit 80%, sont insatisfaits de la gestion de la COVID-19 par leurs gouvernants.
D’après les entretiens conduits au Soudan, le sentiment d’insatisfaction des Soudanais serait dû à une campagne de sensibilisation à la COVID-19 menée par le gouvernement ayant utilisé des termes complexes et peu compréhensibles pour la majorité des Soudanais. De ce fait, 52% des personnes interrogées au Soudan pensent que leur communauté ne gère pas du tout bien la COVID-19, contre environ 20% dans le Bassin du Lac Tchad et dans le Sahara Occidental. « Les messages diffusés par le gouvernement pour les campagnes de sensibilisation à la COVID-19 n'ont pas atteint toutes les couches de la population. En fait, la terminologie utilisée était trop compliquée », selon l’une des personnes interrogées.
Seulement 35% des répondants se disent satisfaits de la réponse apportée par leur gouvernement, ce qui s’explique par la prise de mesures inadéquates. En outre, le système de santé soudanais est fragile et mal structuré, et le secteur médical est débordé en raison de la faible capacité générale des hôpitaux. Un état de fait accentué par la pandémie. Entre autres, le système de santé ne bénéficie pas d'un soutien financier suffisant ni de médicaments et d'équipements de protection individuelle (EPI).
Bien que 76 % des personnes interrogées font confiance à l'OMS, celle-ci n'est une source d'informations sur la COVID-19 que pour 26 % d'entre elles. En somme, même si une organisation comme l’OMS peut inspirer de manière générale une certaine confiance, les Soudanais ne se tournent pas systématiquement vers elles lorsqu’ils cherchent à s’informer. Dans un pays où la structure traditionnelle des rapports est encore présente, les populations vont plus vers leurs chefs religieux et communautaires.
Par: Max-Bill
Soumettez-nous une information, les journalistes du CESTI la vérifieront.
Certes, la situation qui a prévalu jusqu’ici en Tunisie, sous les responsabilités des islamistes du mouvement Ennahdha et de leurs alliés, ne pouvait pas durer; c’était une situation inconstitutionnelle et insupportable à plus d’un titre. Elle ne doit pas non plus être un prétexte pour imposer au pays un Etat d’exception qui peut déboucher sur l’instauration d’une dictature à l’instar de ce qui s’est produit en Egypte et partout où l’état d’exception a trop duré.
Par : M. Cherif Ferjani
Les problèmes dans lesquels s’est enlisée la Tunisie depuis des mois, voire des années, avec l’arrogance, le cynisme et l’incompétence des gouvernants et de l’ensemble de la classe politique, et avec l’aggravation des problèmes sanitaires, sociaux et économiques, la multiplication des explosions sociales qui ont culminé hier, dimanche 25 juillet 2021, jour anniversaire de la proclamation de la république, en 1957, et de l’assassinat jusqu’ici impuni du constituant Mohamed Brahmi, en 2013, ont rendu inévitables et prévisibles les décisions annoncées dans la soirée par le président Kaïs Saied : gel des activité et des prérogatives du parlement pour une durée de 30 jours, levée de l’immunité des députés et poursuites judiciaires contre tous ceux qui ont des affaires suspendues en raison de cette immunité, renvoi du chef du gouvernement Hichem Mechichi.
Désormais, le pouvoir exécutif sera assuré par le chef de l’Etat avec l’aide d’un chef de gouvernement qu’il désignera lui-même, le pouvoir judiciaire sera placé sous son autorité pour garantir l’ouverture de tous les dossiers bloqués, et le pouvoir s’exercera sur la base de décrets présidentiels jusqu’à nouvel ordre.
Le président affirme que les décisions annoncées avaient été précédées comme l’exige la Constitution, par la consultation du chef du gouvernement et du président du parlement et qu’il s’engage à ne rien faire en dehors de la légalité constitutionnelle.
De leur côté, Rached Ghannouchi, son parti et ses alliés parlent d’un coup d’Etat et affirment qu’ils vont défendre la légalité et la révolution contre ce coup de force. Ils refusent le gel des activités du parlement qu’ils déclarent en réunion ouverte jusqu’à la fin de l’état d’urgence.
Si les deux parties tiennent à leurs positions, le pays risque de sombrer dans une guerre civile dont l’issue est imprévisible.
Si rien n’empêche Kaïs Saied d’aller jusqu’au bout dans la réalisation de son projet annoncé depuis sa candidature à la présidence, ce sera la fin de la transition démocratique et le risque de voir se reproduire en Tunisie le scénario égyptien. Rappelons que Sissi avait profité du coup d’Etat rampant des Frères musulmans, pour prendre le pouvoir et instaurer une dictature pire que celles que le pays avait connues ; une dictature qui dure depuis 2013 et qui n’épargne aucune opposition politique ou civile.
Certes, la situation qui a prévalu jusqu’ici, sous les responsabilités des islamistes et de leurs alliés, ne pouvait pas durer; c’était une situation inconstitutionnelle et insupportable à plus d’un titre. Elle ne doit pas non plus être un prétexte pour imposer au pays un Etat d’exception qui peut déboucher sur l’instauration d’une dictature à l’instar de ce qui s’est produit en Egypte et partout où l’état d’exception a trop duré.
Si le gel des activités du parlement est prévu pour 30 jours, avec la levée de l’immunité et la poursuite en justice tous ceux qui ont des affaires, aucun délai n’est annoncé pour la situation d’exception qui doit durer jusqu’à la fin des causes qui y avaient conduit, selon les termes du décret présidentiel promulgué dans la foulée du discours du chef de l’Etat. Rien ne garantit que cette situation ne durera pas au-delà de ce qui pourrait la rendre irréversible en considérant que les causes des décisions prises n’ont pas disparu.
Face aux deux risques auxquels le pays est exposé, les forces démocratiques et la société civile doivent se mobiliser et peser de toutes leurs forces pour fermer la porte à ces deux scénarios catastrophiques – la guerre civile et l’instauration d’une dictature – et exiger une feuille de route claire pour la sortie de l’état d’exception et pour l’organisation dans les meilleurs délais d’élections à même de donner aux pays des institutions démocratiques capables de gérer ses affaires et de la sortir de la crise dans laquelle il s’est enlisé depuis des années.
Les forces démocratiques et la société civile doivent également obtenir la tenue immédiate d’un vrai dialogue national dont émergeront des institutions provisoires appelées à superviser les prochaines élections et la refonte du contrat social de façon à sortir le pays d’une crise qui dure depuis au moins 10 ans.
Par : M. Cherif Ferjani président du haut conseil scientifique de Timbuktu Institute, African Center for Peace Studies.
Au Mali, le Premier ministre Choguel Maïga a appelé la population à une «union sacrée» après la tentative d’assassinat contre le Président de la transition, le colonel Assimi Goïta. Minimisé par ce dernier, cet attentat est plutôt synonyme d’un climat politique toujours «tendu» dans le pays selon des observateurs joints par Sputnik.
«Une action isolée», c’est ainsi que le Président de la transition malienne, le colonel Assimi Goïta, a qualifié la tentative d’attaque au couteau contre sa personne le jour de l’Aïd al-Adha, la fête musulmane qui a été célébrée le 20 juillet.
Le colonel Goïta s’était déplacé à la grande mosquée de Bamako ce jour-là pour sa première grande prière de circonstance en tant que Président, quand deux hommes l’ont attaqué, l’un d’eux étant armé d’un couteau. Les deux assaillants ont été arrêtés, mais leur identité de même que le mobile de leur acte ne sont pas encore connus. Une enquête a été ouverte.
L’air rassurant affiché par le Président de la transition malienne a contrasté avec l’attitude du Premier ministre, Choguel Maïga, qui s’est montré plutôt inquiet.
Intervenant le jour même sur la télévision publique malienne au JT de 20h, il a appelé les Maliens à une «union sacrée» autour des autorités de la transition, «pour prendre leurs destins en main».
«Aujourd’hui, plus que jamais, tout ce qui peut nous diviser doit être évité. Aucune considération d’ordre politique, d’ordre religieux, d’ordre régionaliste, d’ordre ethnique ne doit diviser les Maliens», a-t-il affirmé.
Cela pourrait être «l’heure de dépasser toutes les divergences qui existent actuellement entre les différents courants politiques», affirme à Sputnik le docteur Moulaye Hassan, enseignant-chercheur à l’université Abdou-Moumouni de Niamey et chef du programme Lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent au Centre d’études stratégiques et de sécurité du Niger.
D’après cet analyste, les autorités maliennes pourront saisir l’occasion de cette tentative d’assassinat «pour chercher un véritable consensus autour de la transition telle qu’elle est actuellement menée au Mali».
«Le Président actuel est loin de faire l’unanimité, aussi bien à l’intérieur du pays, qu’à l’extérieur. Beaucoup préfèrent le retour du pouvoir aux civils, car ils craignent que l’exemple malien ne soit dupliqué ailleurs en Afrique de l’Ouest», explique-t-il.
Bakary Sambe, directeur du think tank Timbuktu Institute basé à Dakar, reconnaît lui aussi que «le système politique malien est assez divisé et est en forte demande de réconciliation».
À titre d’exemple, il cite «le maintien en résidence surveillée des anciennes autorités de transitions déchues par la junte au pouvoir, c’est-à-dire Bah N’Daw, l’ex-Président de la transition, et Moctar Ouane, l’ex-Premier ministre».
«IL Y A UN FORT BESOIN QUE LES AUTORITÉS DE TRANSITION RASSURENT DAVANTAGE SUR L’ISSUE FAVORABLE DE LA TRANSITION», PLAIDE BAKARY SAMBE.
Cela pourrait passer par une «recomposition de l’équipe gouvernementale actuelle dominée par des militaires qui sont aux postes-clés». Une «prédominance» qu’il assimile à «un véritable problème».
Auteur de deux putschs en moins d’un an, le colonel Assimi Goïta est au pouvoir au Mali depuis sa prestation de serment devant la cour suprême le 7 juin dernier. Son premier coup d’État, qui remonte au mois d’août 2020, a eu raison du pouvoir d’Ibrahim Boubacar Keïta. Le deuxième putsch a été perpétré en mai 2021 contre les autorités de la (première) transition mise en place après la chute d’IBK, et ce nonobstant l’opposition de la communauté internationale. Il est attendu que le pouvoir soit rendu aux civils aux termes d’élections prévues le 27 février 2022.
Au Soudan, compter sur le respect de la distanciation sociale dans la lutte contre la COVID-19 se révèle une entreprise difficile. En effet, la sociologie soudanaise montre un fort ancrage communautaire des habitants, selon une enquête de Timbuktu Institute et Sayara International. L’objectif de cette enquête a été d’analyser les perceptions des populations du Sahel des informations circulant sur la COVID-19.
Cette enquête a été réalisée en décembre 2020 dans huit pays du Sahel : Sénégal, Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Cameroun, Niger, Tchad, et Soudan. Avec un échantillon hautement représentatif de plus de 4000 répondants à un questionnaire quantitatif et plus de 30 entretiens qualitatifs, elle a été menée par 80 enquêteurs et 7 superviseurs locaux. L’échantillonnage probabiliste et aléatoire a donné à chaque individu de la population cible la chance d’être interrogé. Quatre strates homogènes (l’âge, le sexe, le niveau d’éducation, et le milieu de résidence [rural/urbain]) ont permis de catégoriser cette cible. Évaluer les pratiques des populations sahéliennes envers la COVID-19 a été l’un des objectifs de cette étude.
A défaut de pouvoir faire appliquer la distanciation sociale, prioriser le lavage des mains et le port du masque
Au Soudan, la distanciation physique ne devrait pas être mise en avant dans les campagnes de prévention. En effet, il est impossible pour la majorité des Soudanais de la mettre en œuvre. Ainsi, seulement 20% des répondants soudanais respectent toujours et souvent la distance d’au moins un mètre avec des personnes qui ne font pas partie de leur ménage. 44% respectent parfois et rarement cette distance. Enfin, ils sont 33% ne la respectant jamais. Cela pourrait s'expliquer par le fait que la majorité des Soudanais vivent dans des maisons familiales, où les membres de la famille nucléaire et élargie cohabitent. De plus, il existe au Soudan une grande proportion de très petites maisons dans les zones les plus pauvres (à l'intérieur des villes, dans les périurbains et dans les zones rurales).
Le succès de la lutte contre la COVID-19 au Soudan doit donc aussi passer par la consolidation des autres pratiques de prévention, comme le lavage des mains. 43% des Soudanais disent se laver fréquemment les mains pour contrer le virus, 62% des personnes interrogées savent que se laver les mains avec du savon aide à prévenir la propagation de la maladie, et 63% se sont lavé les mains régulièrement au cours de la semaine précédant cette enquête.
Le port du masque est aussi l’un des moyens de lutte contre la propagation de la COVID-19 qui doit être invoqué au Soudan. 72% des Soudanais interrogés approuvent cette mesure. Cependant, seuls 17% de Soudanais ont couvert leurs bouches lorsqu'ils ont toussé ou éternué au cours de la dernière semaine du déroulé de l’enquête.
La vaccination, une mesure plébiscitée
Les Soudanais sont plus favorables à la vaccination que dans les autres pays du Sahel. En effet, 75% sont favorables contre seulement 18% qui ne veulent pas du tout se faire vacciner.
Par: Max-Bill
Soumettez-nous une information, les journalistes du CESTI la vérifieront.
Ce nouvel ouvrage de l'Inspecteur principal des Douanes, Amadou Tidiane Cissé, vient en son heure pour partager aussi bien ses interrogations que ses pistes de réflexions prospectives sur la transnationalité du phénomène terroriste au Sahel. Son intitulé complet "Terrorisme: La fin des frontières ? Nouveaux enjeux de la coopération douanière en matière de sécurité au Sahel" (Editions Harmattan, Juillet 2021) nous plonge au coeur des récentes dynamiques sécuritaires dans la région où tous les pays peuvent devenir soient terrain d'opération ou zones de repli stratégique pour des groupes terroristes qui, au même titre que la globalisation des échanges économiques, ont, eux-aussi, depuis longtemps, aboli les frontières. Sans nul doute que le soldat de l'économie a aussi répondu au devoir patriotique d'instruire et de partage d'expériences pour consolider le rôle de la douane dans cette guerre asymétrique.
Par souci de pédagogie, au fil de cet ouvrage de 242 pages, sur un sujet éminemment complexe et sensible, Amadou Tidiane Cissé nous invite, progressivement, à revisiter les dernières évolutions régionales dans un style accessible alliant, en enquêteur chevronné, souci de précision et rigueur dans le croisement des sources. En parcourant, cet ouvrage qui vient à son heure, les spécialistes ou experts pourraient avoir l’impression d’un effort de description de situations et de mécanismes auxquels ils seraient familiers (groupes terroristes, acteurs et réseaux), mais le véritable apport de Amadou Tidiane Cissé est, surtout, d’avoir jeté un regard nouveau, parfois surprenant, sur un phénomène lisible sous plusieurs angles.
Le regard méticuleux du douanier pouvant aller au-delà des horizons et des frontières que nous fixent l’habitude et la fausse impression de maîtrise d’une réalité aussi changeante, complexe qu’évolutive a permis à l’auteur de nous guider dans l’univers sahélien des menaces asymétriques auxquelles seule une approche transdisciplinaire permettrait de faire dûment face.
Traitant de la question « djihadiste » au Sahel en passant en revue les différents acteurs (nébuleuses, groupes d’autodéfense), Amadou Tidiane Cissé a pu revenir sur les sources internes comme externes de financement du terrorisme avec le regard de l’enquêteur qui élargit les perspectives. L’analyse qu’il fait de l’origine des armes en retraçant les circuits renseigne sur l’étendue d’une culture douanière ouverte sur les dimensions sécuritaires au point de brosser une analyse exhaustive des modes opératoires faisant de cet ouvrage, un outil précieux aussi bien pour les chercheurs que les praticiens.
La maîtrise incontestée des instruments juridiques régionaux et internationaux décelée à travers leur approche comparative et complémentaire a certainement permis à l’auteur de faire constamment le lien entre les principes généraux, la palette des outils existants et les diverses contraintes du terrain et des réalités avec lesquelles l’administration douanière est amenée à composer.
En plus d’avoir sciemment permis le croisement des méthodologies d’analyses invitant à une désormais inévitable interdisciplinarité dans l’approche du fait terrorisme dans le Sahel, l’ouvrage de Amadou Tidiane Cissé est une courageuse invite à une certaine mitigation des paradigmes du tout-sécuritaire face à la mesure nécessaire entre gestion des urgences sécuritaires et enjeux de la prévention et de la prospective.
En parcourant cet ouvrage, même s’il ne faudrait pas totalement donner raison à un certain Frédéric Dard qui soutenait dans Les aventures du commissaire San Antonio qu’ « il n’y a que les douaniers qui sachent formuler des questions », il ne serait pas étonnant que certains lecteurs en arrivent à accorder, in fine, à Amadou Tidiane Cissé, la prouesse de nous instruire tout en nous questionnant.
Il est clair qu’au-delà des questionnements légitimes sur la viabilité de nos systèmes de sécurité face aux menaces émergentes et du rôle constructif de la douane dans la prévention et la lutte contre le terrorisme, de sérieuses pistes sont déjà dessinées quant à la pertinence d’une meilleure coopération entre les Etats de la région et les administrations douanières.
Par ailleurs, en refermant cet ouvrage, il devient évident pour les acteurs et observateurs que les défis posés par le terrorisme et l’ensemble des menaces sécuritaires requièrent, plus que jamais, une sérieuse mutualisation des efforts et des compétences au sein des Etats et entre eux de même qu’ils rendent, désormais, caduques toute forme d’exclusivité disciplinaire ou de cloisonnement des spécialités.
Par ce livre, Amadou Tidiane Cissé offre aux novices une pure délectation intellectuelle en termes de vulgarisation, une boîte à outils opérationnels pour les professionnels de la sécurité mais aussi une source d'inspiration pour les pouvoirs publics de la région confrontés à la gestion des urgences sécuritaires et la montée des périls dans une région en pleine mutation.
Par Bakary Sambe
Directeur du Timbuktu Institute
Timbuktu Institute « African Center for Peace Studies » a organisé le mercredi, 30 juin 2021 en collaboration avec le Programme pour la promotion de l’Etat de droit en Afrique subsaharienne de la Fondation Konrad Adenauer, un colloque régional sur « la judiciarisation de la lutte contre le terrorisme au Sahel : défis et limites » premier du genre dans la sous-région.
La cérémonie d’ouverture était placée sous la présidence de Mamoudou Kassogué, ministre de la Justice et des Droits de L’homme, Garde des Sceaux. Il avait ses côtés Dr. Bakary Sambe, Directeur de Timbuktu Institute, M. Ingo Badoreck, Directeur de la Fondation Konrad Adenauer en présence des experts venus du Niger, du Sénégal, de la Mauritanie, du Burkina Faso et du Mali.
Pour le Directeur du Timbuktu Institute dont le Bureau Mali & Sahel a été inauguré en mars dernier à Bamako, « l’objectif de ce colloque régional est de créer un cadre d’échanges pour exposer et comprendre les véritables défis et limites qui freinent les efforts de judiciarisation de la lutte contre le terrorisme dans la perspective d’une meilleure harmonisation des cadres légaux et des stratégies prenant en compte aussi bien les impératifs sécuritaires que le respect des droits humains ».
Pour le Directeur de la Fondation Konrad Adenauer, la lutte contre le terrorisme est généralement axée sur la répression presque partout à travers le monde au détriment de la prévention et du jugement des auteurs auprès des cours et tribunaux.
Selon le rapport sur la problématique du respect des normes internationales des droits de l’homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme au Mali de l’Institut d’études et de sécurité « il y’a une prévalence de l’approche militaire dans le contexte de lutte contre le terrorisme ». Les organisations de défense des droits de l’Homme comme Amnesty International ont également dénoncé « d’atteintes aux droits humains, des exactions perpétrées par des groupes armés et des groupes djihadistes » dans le nord du pays, que l’État burkinabé s’est engagé à élucider, explique M. Ingo Badoreck.
Dans le discours d’ouverture des travaux, le ministre Kassogué a fait savoir que la thématique qui est abordée par ce colloque est d’une importance et d’une pertinence que nul ne saurait mettre en doute, pour diverses raisons. ‘’Malgré les conséquences dramatiques et particulièrement douloureuses du terrorisme pour les populations, les Etats ne sauraient méconnaitre les règles élémentaires de respect des droits de l’Homme et de droits humanitaires dans le cadre des réponses militaires qui s’avèrent indispensables’’, a ajouté le ministre de la Justice et des Droits de L’homme, Garde des Sceaux.
Par ailleurs, il a fait un plaidoyer, sans détours, sur l’un des points essentiels pour la judiciarisation de la lutte contre le terrorisme. Il s’agit de la coopération judiciaire internationale. Si la lutte contre le phénomène, à l’échelle d’un Etat, a des limites, poursuit M. Kassogué, en termes de moyens d’actions et de barrières frontalières, celle pouvant être engagée à l’échelle de deux ou plusieurs Etats nécessite une coopération dont les formes de manifestation évoluent au gré des intérêts, souvent en violation des règles découlant de conventions internationales.
Bréhima DIALLO
Source: Maliweb
Les observateurs constatent que l’intervention militaire a été, jusqu’ici, privilégiée par nombre d’États avec des approches strictement militaires négligent la dimension préventive dans le cadre d’une approche holistique. Dans le cadre de son action en faveur de « solutions alternatives pour la stabilisation et la réconciliation au Mali et au Sahel », Timbuktu Institute en partenariat avec le Bureau Etat de droit de la Fondation Konrad Adenauer a choisi Bamako pour la tenue du premier colloque régional sur les enjeux de la judiciarisation de la lutte contre le terrorisme.
Pour le Directeur du Timbuktu Institute dont le Bureau Mali & Sahel a été inauguré en mars dernier à Bamako, « l’objectif de ce colloque régional qui se tiendra à l’Hôtel Azalaï Salam, est de créer un cadre d’échanges pour exposer et comprendre les véritables défis et limites qui freinent les efforts de judiciarisation de la lutte contre le terrorisme dans la perspective d’une meilleure harmonisation des cadres légaux et des stratégies prenant en compte aussi bien les impératifs sécuritaires que le respect des droits humains ».
D’après le comité d’organisation, ce premier Colloque régional vient en son heure, avec « l’urgence de judiciarisation de la lutte antiterroriste qui a plongé́ les praticiens du droit dans une situation de réadaptation continue alors que, pour beaucoup de pays, les dispositions encadrant la lutte contre le terrorisme sont loin d’être fixées.
Selon Bakary Sambe, « dans l’un ou l’autre des cas, la justice qui a un rôle incontournable à jouer dans cette lutte, se trouve quelques fois confrontée à des difficultés d’ordre conceptuel, de compréhension des enjeux mais surtout d’interaction entre la chaîne pénale et d’autres acteurs dont, principalement, les défenseurs des droits humains »
Le colloque verra la participation d’experts, de praticiens du droit et de divers acteurs de la chaîne pénale de même que des organisations de défense des droits humains venus du Burkina Faso, du Niger, de la Mauritanie et du Sénégal entre autres.
Synthèse Par Léonor Weyerstahl (Stagiaire)
(Télécharger le rapport intégral en bas de l’article)
Le Sénégal s’est illustré comme modèle de résilience aux problèmes de sécurité dans le Sahel. Cela n’est pourtant pas généralisable à l’ensemble de ses régions, pour certaines excentrées de leurs capitales. C’est notamment le cas des régions frontalières comme Kédougou, située au Sud-Est du Sénégal et voisine de la République de Guinée et du Mali. Les défis auxquels est soumise cette région riche en culture Bassari et en minéraux sont particuliers à la transnationalité des acteurs en jeu. En proie à d’importants flux migratoires générés par la recherche de l’or, la frontière entre ces pays pose des défis socio-sécuritaires entre activités illégales (prostitution, exploitation infantile) et menace terroriste. En effet, depuis l’appel transnational au djihad lancé par le chef de la Katiba Macina aux peuls du Sahel qui a pour but de rallier les pays côtiers, le nombre d’arrestations en zone militaire 4 a augmenté. Cela s’accompagne d’une intensification des contrôles de police indiquant une prise de conscience politique de la réalité des menaces ainsi qu’une volonté de préparation.
Grâce à une approche trilogique mixte quantitative-qualitative-participative réalisée avec des questionnaires, des entretiens et la création des focus groups, l’équipe de recherche a pu évaluer les capacités de résilience de la zone frontalière de Kédougou et d’en déduire des recommandations stratégiques de prévention des conflits.
Selon les analyses alarmistes sur la région de Kédougou, cette dernière est propice aux tensions de par sa frontalité avec un pays en crise sécuritaire et politique, le Mali. La porosité des frontières laissant facilitant la circulation des chercheurs d’or, représente un danger potentiel pour les kédovins. Cependant, ces derniers ne voient pas la situation d’un même œil : ils identifient leurs relations avec ces étrangers orpailleurs comme bonnes malgré le différend que peut créer la religion. En effet, la recherche de l’or est qualifiée de diabolique et non conforme par les chefs religieux de l’islam puisque l’or est la propriété du démon.
Le vivre-ensemble est un idéal kédovin, un peuple dont la majorité se targue d’un esprit de solidarité. Cela peut être expliqué par les initiatives mises en place pour le maintien d’un climat social calme telle que la pratique de la Tripartite qui est une forme d’intégration régionale. Cette initiative des années 1970 se traduit en une semaine d’activités culturelles dans les régions voisines de Guinée, du Mali et du Sénégal dans l’objectif de créer un dialogue et de gérer d’éventuelles tensions. L’ambiance sociale régnante est également aidée par certaines pratiques sociales (des codes de langage et les mariages mixtes) qui assurent un respect de l’autre. Finalement, l’histoire commune entre ces populations qui, auparavant, appartenaient toutes à l’Empire du Mali et plus tard à la Fédération du Mali renforce leur solidarité.
D’après les réponses au questionnaire, trois quarts des kédovins voient la frontière comme un avantage, notamment pour le commerce et la satisfaction de leurs besoins. On observe ici une inversion du paradigme de la frontalité comme synonyme de frustration. Cela s’exprime dans les initiatives gouvernementales cherchant à améliorer les conditions de vie des citoyens. Pour ce qui est du quart restant d’insatisfaits, ils expliquent leur sentiment par leur lien à la capitale, le banditisme répandu et les tensions entre autochtones et étrangers. Une certaine méfiance subsiste à cause de la peur d’appropriation culturelle et d’imposition de culture étrangère en retour. On peut cependant en déduire que les kédovins ressentent en général un sentiment de sécurité au vu de la satisfaction de leurs besoins, d’autant plus qu’ils apprécient aussi le travail des forces de défense et de sécurité contribuant à la surveillance de la frontière.
Les principales sources d’insécurité de la région pointées du doigt par les populations sont les trafics majoritairement d’origine étrangère, les vols à main armée et l’orpaillage d’étrangers. Alors que seuls 15% des répondants identifient un sentiment de menace général les trafics illicites explosent au point d’engager la société civile, les autorités sénégalaises et la communauté internationale. Un hiatus se forme entre la réalité d’insécurité et l’absence de prise de conscience de la population voire une banalisation de la situation de crise sécuritaire. De plus, les relations avec les sociétés minières ne sont pas constamment paisibles avec la multiplication des différends. La population de Kédougou est donc peu au fait des enjeux sécuritaires auxquels elle est soumise. Il est évident qu’une menace terroriste importante les entoure au vu de leur proximité avec le Mali. Néanmoins, environ 96% d’entre eux n’a aucune connaissance de groupes terroristes avoisinants et nombreux sont ceux qui en déclinent l’éventualité. Ainsi, il est nécessaire d’engager une campagne de sensibilisation sur le sujet notamment auprès des jeunes qui risquent l’endoctrinement basé sur leur ignorance.
La principale cause de radicalisation des jeunes est la frustration socioéconomique à laquelle les habitants de la zone frontalière de Kédougou ne font pas exception. L’enquête a permis de déterminer les potentielles causes de précarité et les déficits d’infrastructure et de formation professionnelle entraînant la région dans une dynamique de marginalisation.
La population kédovine estime majoritairement que sa région est riche (67% des répondant ayant répondu par l’affirmative à la question). En effet, Kédougou se distingue du reste du Sénégal de par sa richesse minière notamment en or, un secteur important de l’économie d’exportation sénégalaise ; mais aussi par sa pluviométrie d’exception. Malgré cela, elle reste l’une des régions les plus touchées par le chômage dans le pays. Cela permet de comprendre la frustration de certains, qui ne manquent pas de noter l’absence d’infrastructures. Il y existe véritablement deux causes de la précarité des habitants identifiées lors des entretiens qualitatifs : le manque de main d’œuvre qualifiée comparée à la demande et les défis de gouvernance. Il est vrai que les structures de formations sont nombreuses, entre le lycée technique industriel et minier, le programme de formation école entreprise et les multiples initiatives des partenaires internationaux. Mais les préoccupations survivent à cause du décrochage scolaire. De ce fait, les répondants considèrent que la couche sociale la plus impactée par les difficultés économiques est celle des jeunes, très vite confrontés à la pauvreté, au chômage et parfois même à l’exclusion. Ainsi, il est nécessaire de rediriger cette jeunesse vers des structures efficientes de formation et de prise en charge dont elle ignore encore l’existence. Pour cela, les kédovins interpellent l’État et les autorités locales qu’ils identifient comme responsables du lien entre richesse des sols et situation économique.
Comme nous l’avons exprimé plus tôt, la région de Kédougou connaît une pluviométrie importante avec une période hivernale de six mois ce qui représente un avantage considérable pour l’agriculture. Malheureusement, le relief accidenté mène à un délaissement de ce secteur qui pourtant, pourrait pallier le chômage des jeunes. Alors que la majorité des habitants détiennent des terrains, seule la moitié d’entre eux en font un usage agricole. D’après un rapport de l’ANSD, les jeunes délaissent l’agriculture au profit de l’orpaillage malgré les projets publics et privés cherchant à les stimuler. Ce délaissement malgré l’importance de l’agriculture pour la sécurité alimentaire, peut s’expliquer par le besoin de modernisation industrielle exprimé dans les entretiens et en tenant compte des défis environnementaux (déforestation, pollution, présence de produits chimiques venant des mines).
L’une des problématiques majeures que connaît le Sénégal et d’autres pays en développement est l’accès difficile aux Services Sociaux de Base (SSB) tels qu’ils ont été reconnus comme cause structurelle de la lutte contre la pauvreté par les Nations Unies. Malgré les efforts éducatifs d’augmentation du nombre d’écoles et les stratégies mises en place contre le décrochage scolaire, la question de la formation professionnelle dans la zone minière reste inchangée. La carence de structures efficaces pour prendre en charge ce défi passe sous le nez des habitants, qui ont besoin d’une sensibilisation avancée et de plus d’information. En conséquence, si on ajoute à cela des facteurs tels que les frustrations socio-économiques des jeunes, le rejet des politiques et l’adhésion à l’idéologie djihadiste, il existe un risque grandissant d’engagement dans un groupe violent pour ces derniers (même si des agences comme l’ARD restent positives quant à l’efficacité des actions de l’État).
III. Vivre en zone frontalière : avantage ou inconvénients ?
Les zones frontalières sont de potentiels foyers de tensions et de conflits. La porosité des frontières facilite un échange culturel mais aussi les trafics illicites menaçant la sécurité des habitants. De ce fait, les avis sont partagés sur l’avantage que représente la transfrontalité de Kédougou, qui est à la fois une richesse et un danger (de terrorisme, de conflits et de la COVID).
La région de Kédougou partageant sa frontière avec le Mali, des migrations quotidiennes ont lieu entre ce pays et le Sénégal. Les populations de nationalité différente mais voisines sont appelées à vivre ensemble mais grâce à leur histoire commune d’appartenance à la fédération du Mali (ce qui se symbolise dans leurs devises nationales similaires), il est normal qu’elles jugent leurs relations comme bonnes.
Alors que la crise sécuritaire au Mali inquiète la communauté internationale et les États du Sahel, la majorité des répondants à l’enquête ne se sentent pas concernés par cette menace. C’est un taux inquiétant vu le rôle de pivot que tient Kédougou sur la situation. Sa proximité géographique avec le Mali explique la mise en place de système sécurisants (des postes frontaliers et la présence de l’armée) ainsi que la crainte de ceux qui se sentent concernés. Ce sont surtout les femmes qui appartiennent à cette dernière catégorie, qui citent comme causes la proximité, les migrations et l’insécurité grandissante de la région. Malgré ce sentiment, il semble que beaucoup hésitent à s’inquiéter réellement du contexte au Mali.
Au moment où l’ONU déclare que la situation d’insécurité au Sahel est une menace pour tous les pays, près de la moitié des habitants de Kédougou disent ne pas savoir si le Mali représente un danger pour le Sénégal. Pourtant, la frontière représente la cause première de menace puisqu’un débordement peut aisément déstabiliser les communautés voisines.
L’insécurité et la menace pressante du Mali peut aboutir à de fortes crises par effet domino (selon le Dr. Bakary Sambe). Malgré ce contexte dont les sénégalais devraient s’inquiéter, près de la moitié des jeunes kédovins disent ne même pas savoir de quoi cette crise s’agit. Rappelons aussi qu’ils ne semblaient pas être au courant d’éventuelles actions de groupes terroristes et criminels. Cette population jeune qui apparaît comme inconsciente du contexte géopolitique du Sahel tarde à comprendre et donc à adhérer à la crainte de la communauté internationale d’une reproduction de la situation malienne au Sénégal.
Un rapport de l’ANSD en 2018 montre une part égale de sénégalais et de maliens dans les mines d’or de Kédougou, illustrant la diversité de la région. Mais cette cohabitation souffre de tensions entre étrangers et population locale mais aussi entre étrangers eux-mêmes. De ce fait, les habitants sont mitigés quant à l’accueil d’orpailleurs étrangers sur leur territoire.
Malgré les obstacles qui ont été cités, Kédougou conserve une image de zone résiliente aux crises de la zone Mali – Guinée - Sénégal. Cela s’explique par l’association de divers acteurs, à la fois administratifs et représentants culturels en passant par les femmes et les jeunes trop souvent exclus de ces dynamiques. Les kédovins sont un bel exemple de cohésion sociale malgré les tensions dues à l’orpaillage et à la proximité au Mali.
D’après les réponses au questionnaire, trois quarts des kédovins estiment que la culture et la tradition ont un rôle à jouer dans la cohésion sociale de la région. Il est vrai que la tradition participe activement à la cohésion et au raffermissement des liens sociaux entre les populations voisines. C’est notamment l’objectif de deux évènements que sont le Festival des minorités ethniques et l’organisation de la Tripartite, permettant le mélange et la démonstration culturelle de chaque communauté pour les autres. Il est donc naturel d’en déduire que variété de cultures n’est pas antonyme de solidarité et paix.
Les deux classes sociales des jeunes et des femmes sont considérées comme particulièrement vulnérables. Pourtant, les sociétés Bassari sont souvent matriarcales. Cela se retrouve dans les réponses des kédovins dont 84% accordent une forte confiance aux femmes quant à la consolidation de la paix. Elles sont donc désignées comme actrices de la paix et de la cohésion sociale. Il est dommage qu’elles ne se fassent pas autant confiance au regard du nombre important de femmes dubitatives quant au rôle important qu’elles peuvent jouer dans la consolidation de la paix, mais cela permet d’exposer les multiples obstacles auxquels elles font face. Parmi ceux-ci on compte surtout les défis culturels et religieux (souvent alliés du sexisme plaçant les femmes comme incapables). En opposition, les jeunes pourtant aussi acteurs de la paix font face à des défis culturels mais aussi socio-économiques et politiques (comme la gérontocratie).
Selon l’enquête menée à Kédougou, il semblerait que la responsabilité du maintien de la paix soit accordée à l’administration sénégalaise, incarnée par les chefs de village, la gendarmerie et la police. Cela ne veut pas pour autant dire que les chefs religieux et coutumiers en sont exclus, mais plutôt que ces divers acteurs s’associent. Ce sont effectivement ces derniers qui conservent une autorité morale sur la population. Ils sont également indiqués comme préservateurs de la paix sociale, bien plus que les acteurs politiques sujets à la critique (notamment des jeunes insatisfaits).
CONCLUSION
La région de Kédougou regorge de richesses, qu’elles soient culturelles ou minières. Toutefois, elle fait l’objet d’inquiétudes de la part des autorités et de la société civile à cause de sa proximité avec le Mali, épicentre de l’insécurité au Sahel. Face aux menaces terroristes et aux trafics illicites, l’administration s’allie efficacement à la culture pour assurer la sécurité des kédovins. Néanmoins, l’accueil d’étrangers dans les mines d’or de la région est un obstacle à la sécurisation de la zone, d’où la nécessité de renforcer la formation professionnelle des jeunes afin de disposer d’une main d’œuvre qualifiée. Les autorités sénégalaises se doivent donc de mettre en place des politiques permettant de réduire les frustrations socioéconomiques poussant à la radicalisation des jeunes mais également de faire barrière à d’éventuels liens avec les groupes terroristes sur la frontière sénégalo-malienne.
Le samedi 26 juin 2021 se tiendra une conférence-débat organisée par le Timbuktu Institute dans le cadre du Programme Different Leaders soutenu par l’Ambassade de France au Mali et en partenariat avec Polaris Asso. Ces différents partenaires s’associent à cette initiative de promotion du débat citoyen et au renforcement des capacités des jeunes leaders maliens sur les grandes questions contemporaines.
A cette occasion, Dr. Bakary Sambe Directeur du Timbuktu Institute, introduira le thème du jour par une revue des « sources du conflit de perception sur la présence de barkhane au sahel » Il y aura des interventions de Dr. Aly Tounkara, le Directeur du Centre des Études Sécuritaires et Stratégiques au Sahel (CE3S), et de Attaye Ag Mohamed, analyste de la Paix et la Sécurité au Sahel.
Ces experts, en interaction avec les jeunes bénéficiaires du Programme Different Leaders Fellowship échangeront autour de l’émergence de nouveaux défis, dans le contexte de l’après-Barkhane. Les risques et les opportunités de refondation de la coopération seront également abordés.