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Source : Le Soleil
03/11/2022
Avec le 31e Sommet de la Ligue des Etats arabes qui s'est tenu les 1er et 2 novembre à Alger, Dr Bakary Sambe, Directeur du Timbuktu Institute, expert des réseaux transnationaux et spécialiste et observateur averti des relations arabo-africaines, est revenu sur cette organisation. Pour lui, avec l'invitation du Président Macky Sall par la Ligue arabe, on est en train d'assister à un simple retour de l'histoire du Sénégal à sa place et à son leadership historique.
Alger a accueilli, les 1er et 2 novembre, le 31eSommet de la Ligue des États arabes. Le Chef de l'Etat Macky Sall, Président en exercice de l'Union africaine, a été invité à cette rencontre par son homologue algérien, Abdelmadjid Tebboune. Interrogé par “Le Soleil” sur la signification de cette invitation, Dr. Bakary Sambe, Directeur du Timbuktu Institute, expert des réseaux transnationaux et spécialiste et observateur averti des relations arabo-africaines, explique qu'avec la participation sénégalaise à cette rencontre, « on est en train d'assister à un simple retour de l'histoire et du Sénégal à sa place et à son leadership historique ».
Avec ce retour du Sénégal et de l'UA au sommet de la Ligue arabe, Bakary Sambe est d'avis que les choses reviennent à la normale parce qu'en plein cycle de sécheresse au Sahel, alors que les partenaires européens classiques étaient frappés par le choc pétrolier, les pays arabes avaient décidé, au cours du sixième sommet des Chefs d'Etats arabes tenu à Alger (26 au 28 novembre 1973), d'apporter une aide à l'Afrique subsaharienne. Il a mentionné aussi la création de la Badea, du Fonds arabe spécial d'aide à l'Afrique (Fasaa) sans oublier le fait que le conseil de la Ligue arabe de Tunis avait approuvé le principe de la création d'un Fonds arabe d'assistance technique à l'Afrique (Fataa).
Bakary Sambe qui a consacré sa thèse de doctorat et quelques ouvrages dont «Islam et diplomatie» (2011), « Contestations islamisées : Le Sénégal entre diplomatie d'influence et islam politique» (2018), aux relations diplomatiques entre le Sénégal et le monde arabe a soutenu que «ce sommet d'Alger a rendu au Sénégal la place qui, historiquement et symboliquement, lui revenait». Il y voit même un symbole parce que suite aux sommets d'Alger et de Tunis, pour la première fois, une conférence ministérielle conjointe arabo-africaine s'était tenue à Dakar du 15 au 22 avril 1976, en vue d'examiner le projet de coopération afro-arabe, son contenu, ses modalités et ses moyens d'action.
Retombées de la conférence afro-arabe de 1976 à Dakar
Dr Sambe précise que la tenue de cette conférence ministérielle afro-arabe de 1976 à Dakar fut, à l'époque, la résultante, de négociations entre le Sénégal et des pays arabes comme l'Égypte, l'Arabie Saoudite et le Koweït qui reçurent une visite historique du Président Senghor dans ce sillage. "Il ne faut pas oublier qu'à la suite de cette conférence de Dakar de 1976, il y aura le premier Sommet historique afro-arabe de mars 1977. À l'issue de ce sommet, d'importantes décisions furent prises pour augmenter l'aide publique arabe aux pays africains. Et des efforts ont été consentis par les pays arabes exportateurs de pétrole pour assister les pays africains », indique-t-il. Les surplus financiers ont contribué, à l'époque, à la réalisation de projets dans plusieurs pays africains et, notamment, au Sénégal avec la réalisation des barrages de Diama et de Manantali ainsi que le projet des industries chimiques du Sénégal (Ics).
Le Sénégal, « trait d'union entre l'Afrique et le monde arabe »
Quant au présent sommet, le spécialiste estime qu'il permettra aussi de booster la coopération entre l'Afrique et le monde arabe qui sont « anciennes ». « Les relations entre l'Afrique et le monde arabe sont historiquement et géographiquement ancrées. N'oublions pas qu'un arabe sur trois est africain et trois quarts de la superficie du monde arabe se trouve sur le continent africain. La réalité géopolitique avec les réseaux transnationaux et les enjeux sécuritaires et de migration continuent de nous rappeler que le Sahara n'a jamais été une barrière infranchissable, mais une véritable mer intérieure qui a toujours invité à passer d'un rivage à un autre », a expliqué Dr Sambe.
Le professeur Sambe renchérit qu'au moment où l'on annonce la zone de libre-échange continentale et qu'aussi bien l'Afrique que le monde arabe sont dans une dynamique inédite et irréversible de diversification de leurs partenariats, une nouvelle chance s'offre pour les deux ensembles géopolitiques complémentaires à tout point de vue.
"L'entrée en jeu d'un Sénégal présidant l'UA et en tant que trait d'union, continuum socio-historique et géographique entretenant les meilleures relations avec ses pairs africains et ses partenaires arabes, pourrait être un avantage considérable pour propulser ces rapports à leur meilleur niveau jamais atteint”, considère le Directeur du Timbuktu Institute.
Le sommet se tient autour de l'enjeu de la réunification du monde arabe et le Sénégal en tant que pays entretenant de bonnes relations avec toutes les parties peut avoir un rôle important à y jouer. « Le monde arabe, comme tous nos pays, est traversé par des contradictions et des différends qui opposent les membres de la Ligue arabe. Je fais partie de ceux qui croient que le Sénégal, entre autres leviers, premier pays ayant accueilli un sommet de l'Organisation de la conférence islamique (Oci) en Afrique sub-saharienne, pourrait avoir un rôle déterminant dans le raffermissement de ces relations. Notre pays est l'un des rares du monde musulman à pouvoir parler à tous les autres ; c'est d'ailleurs cette posture qui a facilité la présence du Sénégal unanimement acceptée à ce sommet », dit l'observateur du monde arabe.
Retour du non-alignement ?
Dr Bakary Sambe voit dans la redynamisation de la coopération entre l'Afrique et le monde arabe la relance du non-alignement dans un monde où la division est exacerbée par le conflit entre la Russie et l'Ukraine. « C'est comme si l'ancien concept de non-alignement était en train d'être revitalisé et correspond parfaitement à l'esprit du tiers-mondisme des années 1950, suite à la fameuse conférence de Bandoeng à l'époque des leaders charismatiques du monde arabe et de l'Afrique comme Nasser et Nkrumah.
Aujourd'hui, c'est une Afrique nouvelle qui rencontre un monde arabe qui s'interroge au moment où la présidence sénégalaise sous l'égide de Macky Sall est en train de réussir le positionnement de l'UA, comme une réalité géopolitique affirmée priorisant les intérêts stratégiques du continent et la diversification des partenariats comme réaffirmé lors du récent Forum de Dakar sur la paix et la sécurité », a souligné Dr Bakary Sambe.
Oumar KANDE
With the 31st summit of the League of Arab States held on November 1 and 2 in Algiers, Dr. Bakary Sambe, Director of the Timbuktu Institute, expert in transnational networks and a specialist and informed observer of Arab-African relations, returned to this organization. For him, with the invitation of President Macky Sall by the Arab League, we are witnessing a simple return of the history of Senegal to its place and its historical leadership.
Algiers hosted the 31st Summit of the League of Arab States on November 1 and 2. The Head of State Macky Sall, current Chairman of the African Union, was invited to this meeting by his Algerian counterpart, Abdelmadjid Tebboune. When asked by "Le Soleil" about the significance of this invitation, Dr. Bakary Sambe, Director of the Timbuktu Institute, an expert on transnational networks and an informed observer of Arab-African relations, explained that with Senegal's participation in this meeting, "we are witnessing a simple return of history and Senegal to its place and its historical leadership.
With the return of Senegal and the AU to the Arab League summit, Bakary Sambe believes that things are returning to normal because in the midst of the drought cycle in the Sahel, while the traditional European partners were hit by the oil crisis, the Arab countries had decided, during the sixth summit of Arab Heads of State held in Algiers (26 to 28 November 1973), to provide assistance to sub-Saharan Africa. He also mentioned the creation of Badea, the Special Arab Fund for Aid to Africa (Fasaa) without forgetting the fact that the Council of the Arab League in Tunis had approved the principle of creating an Arab Fund for Technical Assistance to Africa (Fataa).
Bakary Sambe, who devoted his doctoral thesis and several books including "Islam and diplomacy" (2011), "Contestations islamisées : Le Sénégal entre diplomatie d'influence et islam politique" (2018), to diplomatic relations between Senegal and the Arab world argued that "this Algiers summit has returned to Senegal the place that historically and symbolically belonged to him." He even sees a symbol because following the summits of Algiers and Tunis, for the first time, a joint Arab-African ministerial conference was held in Dakar from 15 to 22 April 1976, to examine the project of Afro-Arab cooperation, its content, its modalities and its means of action.
Impact of the 1976 Afro-Arab Conference in Dakar
Dr. Sambe explains that the holding of this 1976 Afro-Arab ministerial conference in Dakar was, at the time, the result of negotiations between Senegal and Arab countries such as Egypt, Saudi Arabia and Kuwait, which received a historic visit from President Senghor in its wake. "We must not forget that following this Dakar conference of 1976, there will be the first historic Afro-Arab Summit of March 1977. At the end of this summit, important decisions were taken to increase Arab public aid to African countries. And efforts were made by Arab oil-exporting countries to assist African countries," he says. The financial surpluses contributed, at the time, to the realization of projects in several African countries and, in particular, in Senegal with the realization of the dams of Diama and Manantali as well as the project of chemical industries of Senegal (Ics).
Senegal, a “link between Africa and the Arab world”
As for this summit, the specialist believes that it will also boost cooperation between Africa and the Arab world which are "old". "The relations between Africa and the Arab world are historically and geographically rooted. Let us not forget that one in three Arabs is African and three quarters of the surface area of the Arab world is on the African continent. The geopolitical reality with transnational networks and security and migration issues continue to remind us that the Sahara has never been an impassable barrier, but a real inland sea that has always invited people to move from one shore to another," explained Dr. Sambe.
Professor Sambe added that at a time when the continental free trade area is announced and that both Africa and the Arab world are in an unprecedented and irreversible diversification of their partnerships, a new opportunity is available for the two geopolitical sets complementary in every respect.
"The entry into play of a Senegal presiding over the AU and as a hyphen, socio-historical and geographical continuum maintaining the best relations with its African peers and its Arab partners, could be a considerable advantage to propel these relations to their best level ever," considers the Director of the Timbuktu Institute.
The summit is being held around the issue of reunification of the Arab world and Senegal as a country with good relations with all parties can have an important role to play. "The Arab world, like all our countries, is riddled with contradictions and differences among the members of the Arab League. I am among those who believe that Senegal, among other levers, the first country to host a summit of the Organization of the Islamic Conference (OIC) in sub-Saharan Africa, could have a decisive role in strengthening these relations. Our country is one of the few in the Muslim world to be able to talk to all the others; it is this position that facilitated the presence of Senegal unanimously accepted at this summit," says the observer of the Arab world.
Return of non-alignment?
Dr. Bakary Sambe sees in the revitalization of cooperation between Africa and the Arab world the revival of non-alignment in a world where division is exacerbated by the conflict between Russia and Ukraine. "It is as if the old concept of non-alignment is being revitalized and corresponds perfectly to the spirit of Third Worldism of the 1950s, following the famous Bandoeng conference at the time of charismatic leaders of the Arab world and Africa like Nasser and Nkrumah.
Today, it is a new Africa that meets an Arab world that is questioning itself at a time when the Senegalese presidency under the aegis of Macky Sall is succeeding in positioning the AU as a geopolitical reality that prioritizes the strategic interests of the continent and the diversification of partnerships as reaffirmed at the recent Dakar Forum on Peace and Security," said Dr. Bakary Sambe.
Oumar KANDE (Translated from French)
source : Le Soleil
By Bakary Sambe
Timbuktu Institute - November 2022
Since 2016, the self-proclaimed Islamic State (IS) has been conducting a propaganda offensive targeting Southeast Asian Muslims as they recruit Indonesians, Malaysians and Filipinos to join the “war effort” in Iraq and Syria, or to carry out armed jihad in their own region. Subsequently, a joint war against IS was waged by the Coalition to Defeat ISIS (Global Coalition to Defeat IS). Despite the colossal work that remains to be done in the Middle East to demolish all the cells of the IS and Al-Qaeda. However, attention is turning to the second front in the fight against global terrorism [1] which is South-East Asia.
One of the frontiers of the next round is likely to be Southeast Asia, where Middle Eastern terrorist groups (ISIS al-Qaeda, etc.) have found common cause with separatist movements and Muslim extremist groups in the Philippines, Indonesia, Singapore and Malaysia. Certainly, terrorism in South-East Asia is not new. In 1995, Bin Laden cells in Manila plotted the assassination of President Clinton and the Pope and planned to blow up American planes on East Asian routes.
Foreign Terrorist Fighters (FTFs) within Al Qaeda and the Islamic state have been one of the major threats to peace and security in South and Southeast Asia. Indeed, before the Islamic state, Al-Qaeda had created allies around the world, particularly in Southeast Asian countries (Indonesia, Singapore, Philippines, etc.) through foreign terrorist fighters, who returned to their home countries, when the Islamic state suffered devastating military defeats, losing control of virtually all the territory it once controlled in Iraq and Syria. It is almost certain that such cells will continue to exist in another territory, carrying out the same terrorist acts and activities and violent extremism[2].
In Indonesia,
Cells affiliated with the Jamaah Ansharut Daulah (JAD) and isolated Islamic state-inspired actors continue to target police and other government targets. Although Indonesia is not a member of the Global Coalition to Defeat ISIS (Coalition to Defeat ISIS), the Indonesian government and Muslim civil society leaders have strongly and repeatedly denounced the IS and have actively promoted the importance of the CVE's efforts to complement CT's law enforcement efforts. While Indonesia's efforts to combat violent extremism have had some success, part of its Islamist community remains committed to militant jihadism. The return from abroad of hundreds of militants linked to the Islamic state means that there is now a greater need than ever for interventions to prevent radicalization - and for programmes to reintegrate militants into society.
As part of institutional cooperation in Southeast Asia, Indonesia is an active member of the Global Counter Terrorism Forum (GCTF) and co-chairs the CVE working group with Australia. The Indonesian, Malaysian and Philippine Armed Forces continued their coordinated patrols in the Sulu and Sulawesi Seas to deter and prevent kidnapping and terrorist transit in their adjacent Exclusive Economic Zones.
In the Philippines,
Terrorists continued to target civilians and security forces with booby traps and small arms, and the emergence of suicide bombings posed new challenges to Philippine security forces. Indeed, there are terrorist groups active in Indonesia and at the same time in the Philippines. EI-Philippines affiliated groups continue their efforts to recover from battlefield casualties, recruit and train new members, and organize suicide attacks and attacks. EI affiliates in the Philippines include elements of the Abu Sayyaf Group (ASG), Bangsamoro Islamic Freedom Fighters (BIFF), Ansar al-Khalifa Philippines (AKP) and the Maute Group. The Philippines remained a destination for FTFs from Indonesia, the Gulf countries, etc. The Philippines remained a destination for FTFs from Indonesia, the Gulf countries, etc.
China and the Philippines
The two countries share broad common interests in non-traditional security issues, and both countries have great potential for cooperation in counter-terrorism. As a major responsible country, when the Philippines suffers terrorist attacks, China has an obligation to provide assistance.
In 2017 and 2018, China has donated three batches of weapons to the Philippines to help the country fight terrorism. According to Rodrigo Duterte, on improving his country's security, cooperation with China and the suppression of terrorism. "Only China can help us".
As for Singapore, the fight against terrorism still remains a major political priority. Singapore's national counter-terrorism apparatus and its ability to detect, deter and disrupt threats have remained effective. Singapore has been a member of the Coalition to Defeat ISIS (Coalition to Defeat ISIS) since 2014 and extended its support in 2016 beyond military means to include medical teams in Iraq. It has developed a comprehensive counter-terrorism strategy based on global and regional trends. This strategy includes vigilant security measures, regional cooperation (with countries in the South-East Asian region) in law enforcement, efforts to counter radicalization and strategies to prepare the population for possible attacks.
The very productive levels of counter-terrorism cooperation (among the countries of the region) that have developed in recent years are still continuing, as is the increased sharing of information.
South-South cooperation against terrorism
The ASEAN-CT initiative aims to enhance cooperation among law enforcement and other relevant authorities of ASEAN member States to combat, prevent and suppress terrorism, terrorist organizations and their associations, disrupt their support networks and hinder their planning of terrorist acts and bring them to justice[3]. One of the most important activities of the ASEAN-ETC programme has been the border security actions, called "Operation Sunbird", carried out in 2015 and 2016, which allowed the screening of passengers and travel documents at airports and border crossings. As a result of the enhanced border presence during Operation Sunbird II in 2016, five separate drug seizures were made at the port of Batam, Indonesia, resulting in the arrest of five people. In line with the counter-terrorism objective of the programme, the operations increased intelligence sharing among member countries in the region and beyond. One specific result was the arrest and deportation from South Korea of two Indonesian nationals suspected of having terrorist links[4].
In the context of preventing radicalization, recruitment and recidivism, ASEAN had an advantage in this fight, as almost all of its member States had considerable expertise in the area of rehabilitation and counter-propaganda. Two examples of such innovative approaches should be mentioned in particular. First, the Singapore Religious Rehabilitation Group (RRG), which actively combats the misperceptions and instrumentalization of Islam by radicals through a grassroots approach. This includes a counselling centre, a smartphone application, publications by religious scholars, conferences and community outreach events[5].
The second initiative is RDC3, the regional digital counter-messaging communication centre recently launched by Malaysia. The centre opposes IS's propaganda and particularly its misuse of the Muslim religion in cyberspace by disseminating content developed in collaboration with the Department of Islamic Development of Malaysia (JAKIM))[6]
For China, terrorism is not a new phenomenon. But it did not receive much attention before the September 11 terrorist attacks in New York, but it showed that no country, no matter how powerful, was immune to terrorism[7]. Certainly, China has a wealth of experience in the fight against terrorism as well as in advanced technologies and military equipment.
Certainly, to address these threats, the governments of Southeast Asian countries have adapted military and security, law enforcement and counter-radicalization efforts. Countries continue to cooperate with other countries in the South, such as China. At the meeting in Beijing on 7 April 2016, China and the countries of South-East Asia agreed to improve their security and counter-terrorism cooperation. In particular, by strengthening multilateral and bilateral cooperation, increasing information exchange, broadening areas of cooperation and building capacity for cooperation in the fight against terrorism, in order to establish a platform for multilateral cooperation in the field of counter-terrorism with regional characteristics to protect individuals in the region and help maintain regional security and stability. The authorities of the South-East Asian countries agreed with the Chinese authorities to commit to further strengthen information exchange and take pragmatic measures in the field of counter-terrorism with China[8]. For the ASEAN countries and China, the fight against terrorism has been and will continue to be one of the most difficult tasks in preserving their respective national security strategies.
South-East Asia faces a grim counter-terrorism situation. In recent years, there have been frequent terrorist attacks in Indonesia, Myanmar, Thailand and the Philippines, and China can cooperate more closely with the whole of ASEAN. In 2018, six ASEAN member countries launched the "Our Eyes" intelligence initiative. They have developed a common database of violent extremists. But since most ASEAN countries still lack the capacity to deal independently with terrorist attacks, China can help them by forging cooperation. China also needs the help of Southeast Asian countries, as some extremists from Xinjiang tend to migrate illegally to the Middle East via Thailand, Malaysia and Vietnam[9].
The experience of South-East Asia shows that South-South cooperation can build on the initiatives of individual countries, but above all on the opportunities to share experiences and good practices
The fact that the terrorist phenomenon is tackled by taking into account both the preventive and the counter-terrorism dimension tells us about the effectiveness of the mixed approach that has long been neglected in the Sahel.
The mutual trust that has facilitated intelligence sharing and established cooperative relations despite the many vested interests between these countries should inspire the Sahel countries. Moreover, the existence of regional and sub-regional frameworks should further promote and facilitate such a strategy.
Taking into account the regional dimension in the elaboration of strategies as well as the definition of community action frameworks seems to be an interesting avenue for West African countries at a time when foreign interventions have shown their limits. This is the price to pay for the re-credibilisation of the fight against terrorism and the adoption of alternative strategies to the all-security approach.
[1] Marguerite Borelli, "Counter Terrorist Trends and Analyses", Vol. 9, No. 9 (September 2017), pp. 14-20, in International Centre for Political Violence and Terrorism Research, available at: https://www.jstor.org/stable/10.2307/26351552
[2]Country Reports on Terrorism 2018, BUREAU OF COUNTERTERRORISM, P. 43. available at: https://www.state.gov/wp-content/uploads/2019/11/Country-Reports-on-Terrorism-2018-FINAL.pdf last visit: 23-06-2020
[3] ASEAN comprehensive plan of action on counter terrorism, Endorsed by 7th AMMTC on 17November 2009.
[5] Religious Rehabilitation Group (RRG). “About RRG.” [date unknown]. available at: https://www.rrg.sg/about-rrg/
[6]Bernama. “Malaysia’s Counter-Messaging Centre combating terrorism, radical activities, says DPM.” New Straits Times. November 8, 2016. Available at: https://www.nst.com.my/news/2016/11/186976/malaysias-counter-messaging-centre-combating-terrorism-radical-activities-says . Last visit: 02-07-2020
[7]https://www.peacepalacelibrary.nl/ebooks/files/304787639.pdf
Dakar, Senegal – The German Foundation for Africa and partners recently held a conference on strengthening democracy in Africa and the G7 Countries.
The two-day event held on September 26-27 at Germany’s Federal Foreign Office in Berlin was characterized with lively debates on the theme how to deal with the increasing systemic competition and external influence in Africa and what conclusions to draw for German foreign policy. The conference was jointly organized by German Institute for International and Security Affairs.
Representing Timbuktu Institute of Dakar at the conference, Mrs Adji Awa Samb, Timbuktu’s senior officer responsible for Cooperation and Regional projects had her take during the debate which revolved around questions like - which opportunities and risks does the increasing global systemic competition entails for Africa-Europe relations.
Responding to the question above, Mrs Adji remarked:
First of all, we must take into account a new fact: Today, the situation has changed and Africa will no longer have only a passive role. For at least three reasons: First, we are in a divided world in which the alignments are both multiple and diffuse.
Second, we are in a world where the distribution of power is very fragmented with the combined effect of classic powers that are declining, emerging powers that are rising, and a multitude of states that are claiming middle power status.
Therefore, she continued,
we can no longer see this competition as a simple competition between powers. We must take into account this situation which also gives Africa the opportunity to choose and diversify its partners.
According to her, the strong presence of China, the return of Russia, the Gulf States and also Turkey should not be overlooked.
Turning her attention to the other question: how should Germany adjust its communication policy in Africa when it comes to the activities of other external powers?, Mrs Adji highlighted some points.
The situation has really changed, we are in the configuration that allows us to talk about off-shore balancing. This is the mechanism by which the great classical powers ensure that the strategic shift of the African continent has an impact on the balance of power at the international level,
she observed.
In Africa, Germany, especially in the last Merkel years, has freed itself from European tutelage and has asserted itself as a power with its own African policy, particularly in the Sahel. It has played a major role on two levels: militarily alongside Europe, but especially in development. Germany does not suffer from the image of a colonial power in the Sahel. It can continue to emphasize partnership instead of domination,
Mrs. Adji reiterated.
Meanwhile, she went on to look at other question like - What are the implications of the changing global order for Germany's existing instruments and partnerships with African countries and regional organisations?.
In the framework of the Timbuktu Institute's weekly column in partnership with Medi1TV, Dr. Bakary Sambe spoke at length about the place of Africa in this new Geopolitics that is taking shape, but above all about the debate on democracy as a principle brandished against autocracies in a context of new confrontation between the Western world, Russia and China. Below is the text of the full interview, where the director of the Timbuktu Institute also addresses the need to endogenize democracy as an African reality by taking into account the historical and political trajectories of African countries with examples drawn from the experiences claimed on the continent (video)
Dr. Bakary Sambe, you have just taken part in the 5th Lisbon Conference in Portugal on the theme "Towards a New World Order" and you argued that in the wake of the war in Ukraine and international rivalries, the Western bloc seems to be returning to the classics by brandishing the democratic ideal in the face of the rise of new powers. What makes you say this, and is this something new?
It's like déjà vu with the End of History theory. But this time, the reconstituted Western bloc, in its confrontation with Russia and the rising powers described as autocrats, wants to return to its classics such as democracy and the rule of law after decades full of contradictions in international practices where pragmatism around strategic interests had largely prevailed over universal principles. In the past, there was the Baule conference convened by the former French President Mitterrand, followed by the series of national conferences in the 1990s and the introduction of a multi-party system on the continent with the outcome that we know. Since then, the emergence of economic development models that have taken place in non-democratic contexts has not failed to call into question the democratic project that has long been presented, rightly or wrongly, as a panacea, especially after the harmful effects of structural adjustment policies imposed by the Bretton Woods institutions.
At the beginning of October, the Democracy Innovation Foundation was launched in Johannesburg, South Africa, for which the Timbuktu Institute conducted a survey as a continental consultation of African youth. Is this also part of this rethinking of the ideal of democracy that you often talk about?
You know, the change in the international context, with the rise of China, Iran, Turkey and other powers, has changed the agenda of Western countries, which have entered into a process of economic and strategic balancing with Beijing, and so the leverage that supported the democratisation processes has lost its strength. So this resurgence of the theme of democracy is not insignificant. After the Democracy Summit organised by the United States, the announcement of a 2.5 billion dollars fund for the promotion of democracy by Blinken, the recent launch in South Africa at the beginning of October of the Innovation for Democracy Foundation, supported by France, as well as the last meeting of young African leaders in Berlin organised by Germany in the framework of its presidency of the G7 are obviously part of this framework.
But Dr. Bakary Sambe, with political instability, coups d'état and the emergence of populism and nationalism on all sides, do you think it will be easy to succeed in meeting this challenge of democratic re-enchantment in the current context?
The main challenge of the West for the discourse on democracy is that of re-credibilisation in the eyes of African public opinion. The democratic project also needs to be endogenized so that it is perceived, not as a Western idea, but as an African reality and it will be necessary to take into account the historical and political trajectories of African countries with examples drawn from pre-colonial Africa. But to conclude, I think that the most complex and difficult challenge to take up, and which seems fundamental, remains that of recreating a healthy link by assuming a healthy, critical and continuous debate on the new South-North relations to be rethought and reconstructed.
Source : Medi1TV
« Les Africains n’ont pas de problème avec le principe démocratique, mais c’est au niveau de sa déclinaison et de son endogénéisation que se situe le débat et s’expriment des attentes, en plus des inconséquences qui l’ont desservi à un moment où le modèle est challengé par d’autres offres dans un contexte lourd de tensions et de compétitions au plan international »
A ainsi entamé Bakary Sambe lors de la Conférence de Lisbonne 2022.
Le Directeur Régional du Timbuktu Institute a été invité à prendre part à la Conférence de Lisbonne 2022. Son intervention a ouvert le panel sur la “hiérarchie des guerres” qu’il devait partager avec d’éminentes personnalités du monde académique comme les Professeurs Paul Collier de l’Université d’Oxford, Raquel Vaz Pinto du Portuguese Institute of International Relations (IPRI) à Nova Lisbon University, Lisbon, Stella Ghervaz de Newcastle University, et Teresa Cravo de l’Université de Coimbra (Portugal). Cette conférence qui se déroule dans le contexte de la guerre en Ukraine et des interrogations sur le devenir du système international, a été fortement marquée par le débat sur les reconfigurations en cours au plan international.
Dr. Bakary Sambe est largement revenu sur la place de l’Afrique dans cette nouvelle géopolitique qui se dessine mais surtout le débat sur la démocratie en tant que principe brandi contre les autocraties dans un contexte de nouvel affrontement entre le monde occidental, la Russie et la Chine. Mais pour Bakary Sambe,
« on ne pourrait repenser la place de la démocratie, notamment en Afrique, sans regarder en face les différentes contradictions des démocraties elles-mêmes, ces dernières décennies ».
Il rappelle, à ce propos, que
« la troisième vague de la démocratie a fini de toucher le continent africain, au début des années 1990, portée à la fois par des dynamiques internes et externes ».
Il souligne que
« sur le plan interne, les difficultés économiques des années 80, les politiques d’ajustement structurel et, dans certains cas, les mobilisations citoyennes, ont contribué au problème de légitimité des régimes autoritaires et, en même temps, à une libéralisation et à des transitions avec des résultats variés ».
De ce fait, selon Sambe,
« sur le plan externe, les liens avec l’Occident et l’effet de levier que les puissances occidentales ont utilisé pour promouvoir les démocratisations, ont été un élément central du processus ».
Cependant, Bakary Sambe a tenu à rappeler que la résurgence de la thématique de la démocratie, comme principe remis à l’ordre du jour, n’est pas anodine. Après le Sommet sur la démocratie, organisé par les Etats-Unis, l’annonce d’un important fonds pour la démocratie par le Secrétaire d'Etat américain, Blinken, le récent lancement, en Afrique du Sud, début octobre, de la Fondation de l’Innovation pour la démocratie appuyé par la France, la récente réunion de jeunes leaders africains à Berlin organisée par l’Allemagne dans le cadre de sa présidence du G7, font dire à Bakary Sambe qu’
« on a l’impression que l’Occident, dans son affrontement avec la Russie et les puissances montantes qu’il qualifie d’autocrates, veut revenir à ses classiques comme la démocratie et l’Etat de droit après des décennies pleines de contradictions dans les pratiques internationales où le pragmatisme autour des intérêts stratégiques l’avait largement emporté sur les principes universels ».
De ce fait, pour le Directeur du Timbuktu Institute
« il semblerait que le changement dans le contexte international, avec la montée de la Chine, de l’Iran, de la Turquie et d’autres puissances, a changé l’agenda des pays occidentaux qui sont entrés dans un processus d’équilibrage économique et stratégique face à Pékin et, ainsi, l’effet de levier qui appuyait les processus de démocratisation a fini par perdre de sa force ».
Sur un autre plan, Bakary Sambe soutient que « la diversification des partenariats économiques a dilué l’importance du « linkage » avec l’Occident, à travers des rapports dénués de toute conditionnalité démocratique comme avec la Chine, ou reposant même sur des transferts des outils et des pratiques autoritaires dans le cas de la Turquie ».
Pour Bakary Sambe,
« il y a un énorme défi à relever, aujourd’hui pour re-booster le principe démocratique et surtout asseoir son acceptabilité universelle auprès des pays africains. Car, rappelle-t-il, depuis les efforts de démocratisation dans les années 90, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts »
Et, poursuit-il
« l’émergence de modèles de développement économique qui se sont opérés dans des contextes non démocratiques, n’a pas manqué de remettre en question le projet démocratique qui a longtemps été présenté à tort ou à raison comme la panacée ».
En quelque sorte, pour Sambe,
« ces modèles ont d’autant plus de succès qu’ils ont semblé inspirer un certain nombre de pays qui apparaissent comme des «success stories», avec notamment le Rwanda et, dans une moindre mesure, l’Éthiopie. C’est dire que le projet démocratique a grandement besoin d’un renouveau pour le mettre hors de portée des « vents défavorables » (Diamond 2019) qui n’épargnent aucune région du monde »
A ce contexte déjà complexe, vient s’ajouter la guerre en Ukraine qui rend moins sereine la réflexion sur la démocratie en tant que principe universel. Pour Sambe, l’analyse de ce conflit a fortement pesé sur le débat. D’après lui,
« ceux qui analysent le conflit sous l’angle de la personnalité de Poutine ne prennent pas en compte la complexité du problème. Il s’agit ici d’analyser les stratégies des États dans leur volonté d’assurer leur survie. L’Occident veut jouer sur l’image d’un Poutine autocrate, alors que si les dirigeants occidentaux sont sans doute moins dominateurs envers leur peuple que Poutine, ils n’en sont pas moins aussi froids et calculateurs face à leurs intérêts ».
Cet ensemble de considérations a amené Dr. Bakary Sambe à conclure que
« le principal défi de l’Occident pour le discours sur la démocratie est celui de la re-crédibilisation aux yeux des opinions publiques africaines ».
Selon lui,
« le projet démocratique a aussi besoin d’une endogénéisation pour qu’il soit perçu, non pas comme une idée occidentale, mais comme une réalité africaine et il faudra prendre en compte les trajectoires historiques et politiques des pays africains avec des exemples tirés de l’Afrique précoloniale ».
Pour ce faire,
« il faudrait redonner la dignité d’expérience historique valorisée aux processus comme celui du royaume Ashanti, l’ancrage socioculturel de la démocratie dans les cultures et le passé africains comme l’exemple et la Révolution Torodo du royaume du Fouta Toro en 1776 avant la Révolution Française de 1789 ».
Cependant, conclura Sambe, « le défi le plus complexe et difficile à relever, et qui semble fondamental, reste celui de recréer du lien sain en assumant un débat sain, critique et continu sur les nouveaux rapports Sud-Nord à repenser et à reconstruire »
Malgré la modernisation, l’Afrique et particulièrement le Burkina Faso reste une société à dominance rurale ancrée sur des valeurs traditionnelles et religieuses. Ces valeurs sociales mettent l’accent sur les valeurs communautaires où le groupe prime sur l’individu. Quant à la religion, au Burkina Faso, les différentes communautés religieuses ne vivent pas simplement côte à côte mais vivent ensemble. Les leaders de ces différentes communautés religieuses sont bien imprégnés de ce qui se passe au sein de la société car étant en contact permanent avec la population. S’intéresser aux comportements des religieux dans la crise à Covid 19 revête un intérêt particulier. En effet, eu égard à leur rôle stratégique au sein de la société, ils constituent des partenaires clés pour les autorités dans la mise en œuvre des politiques publiques surtout celles sanitaires. Cette étude a analysé la contribution et l’implication des acteurs religieux à la prévention de la covid 19 au Burkina Faso. Cette analyse s’est fondée sur des entretiens directs avec des personnes clés, la recherche documentaire et elle a permis de tirer des conclusions et formulé des recommandations.
Effectuée dans le cadre d'un partenariat entre OSIWA et le Timbuktu Institute-African Center for Peace Studies-, l’étude exploratoire sur les acteurs religieux face à la pandémie de COVID-19 en Afrique de l’Ouest vise à identifier les ressorts de la collaboration entre l’État et la religion dans la gestion des crises sanitaires de grande ampleur. Au Sénégal, l'étude, par le biais de la crise sanitaire, met en lumière la nature oscillante des rapports entre acteurs religieux et politiques. Le jeu habituel dans le cadre de rapports basés sur les logiques d’intérêt ou d’instrumentalisation mutuelle, s’est montré plus complexe lorsque s’y ajoutent des dimensions liées à la gestion du culte, entre impératifs sanitaires et questions religieuses voire existentielles.
Télécharger la note d'analyse : Acteurs religieux et politiques au Sénégal, vers quelles tendances post-Covid19 ?
Quelles conséquences de la guerre russo-ukrainienne pour le continent africain ? Comment L’Afrique se repositionne sur le nouvel échiquier mondial ? Continuera-t-elle à jouer le rôle de variable d’ajustement ou l’Afrique profitera de cette nouvelle conjoncture pour mieux tirer son épingle du grand jeu qui se déroule dans un contexte différent de celui de la guerre froide ? Cette situation inédite assimilable à une « paix chaude » est-elle simplement le fait d’une crise ou ouvre-t-elle de nouvelles perspectives pour un meilleur positionnement africain ?
Dans la chronique hebdomadaire du Timbuktu Institute en partenariat avec Medi1TV, Dr. Bakary Sambe appelle à une lecture africaine réaliste de ce conflit qui selon lui révèle que « la fragilité de la paix mondiale appelle à un changement de paradigme et impose un nouveau regard sur la notion de sécurité collective ».
Dr. Sambe, depuis le déclenchement de ce conflit russo-ukrainien, vous appelez constamment à une lecture africaine réaliste de la nouvelle géopolitique qui se dessine afin que, je vous cite, « le continent ne subisse pas ce nouveau grand jeu mais en devient un acteur à part entière ». Quelle est, en réalité, cette lecture africaine que vous préconisez ?
Vous savez, ceux qui analysent le conflit sous l’angle de la personnalité de Poutine dans son rapport avec l’Occident et les démocraties libérales, font fausse route. Il s’agit d’analyser tout simplement les stratégies des États dans leur volonté d’assurer leur survie. Ceux qui l’analysent sous le prisme du droit international sont aussi soit naïfs soit de mauvaise foi. Il est triste de le constater mais le droit international ne s’applique pas aux grandes puissances, c’est là d’ailleurs la principale raison du droit de veto. C’est d’offrir à certains États la possibilité de s’extraire du caractère impératif du droit international. L’OTAN est intervenue en Yougoslavie sans mandat de l’ONU et a poussé l’organisation à sortir une résolution pour légitimer a posteriori l’intervention. Ce qui se passe actuellement est ce qu’on appelle en théorie des Relations Internationales un dilemme de sécurité. Parce que l’inclusion de l’Ukraine dans l’Otan signifie pour la Russie une vulnérabilité, notamment en réduisant son accès à la Mer noire. C’est pour cette même raison que Poutine avait d’ailleurs annexé la Crimée. Les deux blocs vont multiplier les terrains d’affrontement. Et cette nouvelle situation doit alerter l’Afrique.
Donc, Bakary Sambe, si je vous comprends bien l’Afrique pourrait devenir un de ces terrains d’affrontement. Quels sont les éléments qui vous poussent vers cette analyse ?
Cet affrontement par pays interposés a beaucoup marqué l’ordre international ces dernières années et nous a installé dans ce que je pourrais appeler une « paix chaude » c’est à dire une paix sous laquelle bouillonne des antagonismes que l’on essaie de régler par des conflits par procuration. La Syrie est l’exemple parfait, et même le Mali se dirigerait vers ce sens-là. c’est donc dire que pour avoir la paix, celui qui a le moindre coût à payer doit faire le plus de concession. Il ne faut pas l’oublier, les deux camps que nous avons en face , se sont affrontés indirectement en essayant de dérouler une stratégie de « regime change » c’est-à-dire en appuyant leurs alliés locaux pour qu’ils aient le pouvoir. Aujourd’hui, nous sommes en plein dans la configuration qui nous permet de convoquer la notion de off-shore balancing qui est le mécanisme par lequel les grandes puissances classiques s’assurent que le basculement stratégique du continent, qui, aujourd’hui, peut changer la configuration des puissances sur la scène internationale, ne se fera pas à leur dépens ou même mieux se fera à leur avantage. Nous l’avons, récemment, vu avec le discours tenu par le Président Macky Sall devant Vladimir Poutine expliquant que le continent ne votait plus sur injonction ou par simple alignement. Cet acte posé montre que la voix de l’Afrique pourrait être désormais plus audible
Est-ce donc la fin du paradigme de la domination ou le début de l’ère d’une renégociation des rapports de force dans un nouveau contexte international que vous semblez décrire comme pouvant ouvrir de nouvelles perspectives pour notre continent ?
Oui, absolument, Aujourd’hui, la situation a changé et l’Afrique, si seulement son leadership politique en devenait conscient, devrait mieux tirer son épingle de ce nouveau grand jeu. Pour trois raisons au moins : D’abord, nous sommes dans un monde divisé dans lequel les alignements sont à la fois multiples et diffus. Ensuite, nous sommes dans un monde ou la distribution de la puissance est très fragmentée avec l’effet combiné de puissances classiques qui déclinent, de puissances émergentes qui montent, et d’une multitude d’Etats qui réclament le statut de middle power. Enfin, et c’est cela le déclic, nous sommes dans le contexte d’une Afrique qui par le double effet d’une élite de plus en plus décomplexée et d’une population plus exigeante, cherche à mieux tirer son épingle dans le jeu des relations internationales. Dans ce contexte qui, pour une fois, peut nous être très profitable, l’Afrique passe, du moins dans les perceptions, d’une zone acquise, de simple variable d’ajustement, à une zone plus confortable et avantageuse dans laquelle son influence et son poids pourraient décider de la balance du pouvoir à l’échelle internationale.
Pr. Mohamed Cherif FERJANI[1]
Président du Haut-Conseil, Timbuktu Institute
Les Africains sont partagés par rapport à l’intervention russe en Ukraine. D’une part, ils souffrent des conséquences de cette guerre et plus particulièrement de la pénurie des produits de première nécessité que leurs pays importaient de l’Ukraine et de la Russie. D’autre part, ils ne comprennent pas pourquoi les pays de l’OTAN, et plus particulièrement les Etats-Unis et les pays européens, dont la Grande Bretagne et la France qui ont longtemps dominé leurs pays, se mobilisent tant contre l’intervention russe dans ce pays alors qu’ils ont fermé et ferment les yeux sur d’autres interventions dans d’autres pays : celles des Etats Unis eux-mêmes en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Syrie et dans bien d’autres pays, celles de la France en Libye, au Mali, et dans d’autres pays, celles de la Turquie au Nord de la Syrie, celle de l’Arabie et des Emirats, soutenus par l’Egypte, les Etats-Unis et la France, au Yémen ; sans parler de l’impunité assurée à Israël malgré ses agressions permanentes contre les Palestiniens et ses pays voisins. la Russie elle-même était intervenue en Géorgie (1991-1993), en Ossétie (en 1992 et en 2008), au Tadjikistan (1992-1997, en Tchétchénie (1999-2009), dans le Caucase (1992-1997), en Crimée et dans le Donbass depuis 2014, en Syrie, en Libye et dans plusieurs pays africains, directement ou par le
biais du Groupe Wagner depuis sa création par un ancien officier de l’armée rouge en 2013, etc.
Les Africains, comme d’autres peuples, ne supportent plus cette logique de deux poids deux mesures. Ils ne peuvent pas s’empêcher de voir dans l’attitude des pays de l’OTAN une solidarité inhérente aux liens culturels et religieux entre l’Ukraine et les pays européens et à l’Amérique du Nord. Ils ne sont pas les seuls à penser que c’est une confirmation de la volonté de l’OTAN d’étendre ses bases dans des pays appartenant auparavant au Pacte de Varsovie. Ils ne sont pas loin de partager, sur cette question, le point de vue de la Russie qui se dit menacée par l’OTAN accusé de ne pas avoir tenu ses promesses à Gorbatchev, en 1989, concernant la non intégration des anciens pays du Pacte de Varsovie à l’OTAN, alliance qui a perdu sa raison d’être avec la fin de son rival, le Pacte de Varsovie. Par ailleurs, la sympathie de beaucoup d’Africains à l’égard de la Russie, mais aussi à l’égard de la Chine, se nourrit des déceptions à l’égard des Etats-Unis, de la France, de l’Europe, dont les politiques actuelles en Afrique sont perçues comme le prolongement de leur passé colonial et esclavagiste. Ils ne leur pardonnent ni leur soutien aux dictatures en place dans beaucoup de pays africains, ni les catastrophes consécutives à leurs interventions sous couvert de lutte contre le terrorisme, d’aide au développement et de promotion de la démocratie et des droits humains.
Les Africains n’ont pas tort de voir la main des Etats-Unis et de l’Europe derrière les politiques néolibérales imposées à leurs pays par le FMI, la Banque Mondiale, les institutions financières internationales et l’OMC, au nom du nécessaire réajustement structurel, de la vérité des prix, de l’ouverture sur le marché international, de la libre circulation des capitaux et des marchandises, du désengagement économique et social de l’Etat. Ces politiques ont aggravé partout les inégalités entre le Nord et le Sud et dans chaque pays ; elles ont condamné à la faim et à la misère des millions d’Africains, fermé la porte devant l’intégration des jeunes et des moins jeunes qui se voient condamnés à tenter l’émigration vers les pays riches du Nord ou, à défaut, à rejoindre les groupes armés, les mouvements jihadistes comme Boko Haram, l’Etat islamique du Grand Sahara ou d’autres groupes jouant sur la mobilisation des solidarités religieuses, ethniques, tribales, territoriales, groupes qui se livrent sans scrupules aux trafics de toute sorte.
Déchantant des promesses de développement, de démocratie, de liberté et des promesses de progrès social, jeunes et moins jeunes deviennent des candidats à la mort sur le chemin de l’exil à travers le Sahara et dans les eaux de la Méditerranée devenue le pls grand cimetière africain, ou dans les rangs des groupes armées du Jihad, des guerres ethnico-tribales et des réseaux de trafic de tout genre (contrebande, drogue, vente d’êtres humains renouant avec les forme les plus rétrogrades de l’esclavage, etc.). La Russie de Poutine, la Chine, voire la Turquie ou l’Iran, sont à leurs yeux les « alliés de leur revanche sur le colonialisme, et sur les nouveaux visages de l’exploitation et de l’oppression incarnés par les multinationales et les armées de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Europe, des Etats-Unis et de leurs alliés. C’est pourquoi, sans chercher à comprendre les raisons qui ont poussé la Russie à intervenir en Ukraine, ils lui donnent raison rien que parce que l’Europe et les Etats-Unis ont volé au secours de l’Ukraine, sans se soucier du droit du peuple ukrainien à se défendre contre l’agression de son puissant voisin. Beaucoup de ceux qui applaudissent l’intervention de l’armée de Poutine en Ukraine étaient, à raison, choqués et indignés par les interventions russes en Afghanistan, dans le Caucase, en Tchétchénie, ou par le politique de la Chine à l’égard des Ouïgours.
Ils ne cherchent pas à faire le lien entre l’intervention russe en Ukraine et d’autres interventions dans d’autres pays ou régions du monde qu’ils dénoncent à raison, sans problème. On reproduit ainsi le réflexe de « l’ennemi de mon ennemi est mon ami » ; on applaudit les coups d’Etats des juntes qui font appel au soutien du Groupe Wagner et de la Russie, de la Chine ou d’autres pays prêts à prendre la place de leurs rivaux ... Ils persisteront dans cette attitude jusqu’au jour où les nouvelles juntes au pouvoir et leurs soutiens étrangers se trouveront confrontés à de nouvelles émeutes de la faim, de nouvelles explosion de désespoir ; ou jusqu’au jour où les nouveaux maîtres se trouvent nez-à-nez avec les groupes jihadistes et groupes armés de toute sorte qui surfent sur la colère des populations à nouveau oubliées, comme on commence à le voir au Mali, où l’Etat Islamique au Grand Sahara a profité du vide laissé par le départ des derniers soldats français engagés dans l’opération Berkane pour prendre pied dans la région de Gao et Ménaka, près de la frontière avec le Niger.
C’est pourquoi les peuples africains ont intérêt à se montrer solidaires avec tous les peuples victimes d’agressions, quels que soient les agresseurs et quelles que soient leurs victimes. Ils doivent tirer les leçons de l’histoire montrant qu’il ne faut pas faire confiance à des puissances qui n’ont aucun scrupule à dominer d’autres pays et qui ne cherchent qu’à supplanter leurs rivaux pour conquérir des marchés, piller des richesses, s’assurer des positions stratégiques, sans se soucier du sort des populations des pays qu’elles dominent.
*cet article est une tribune libre et ne reflète pas forcément une position de l’institut
Dr. Bakary Sambe est directeur régional de Timbuktu Institute- African Center for Peace Studies (Dakar, Niamey, Bamako), un think tank régional leader dans le domaine de la réflexion stratégique et la prévention des conflits. Fondateur de l'Observatoire des Radicalismes et des Conflits Religieux en Afrique, Sambe est enseignant-chercheur à l'Université Gaston Berger de Saint-Louis (Sénégal). Ses travaux actuels portent sur les stratégies endogènes en matière de prévention et de résolution des conflits, les dynamiques transfrontalières et l'expérimentation d'approches agiles dans les zones de crise.
Source : seneweb.com
Dans cet entretien accordé à Seneweb, il analyse la visite de Macky Sall en terre malienne pour la première fois depuis l’arrivée du Colonel Assimi Goïta au pouvoir. Le chercheur pose, également, son regard sur la guerre d’influence que se livrent les puissances étrangères sur le sol africain.
Le Président Macky Sall s’est rendu au Mali en visite officielle. Pour beaucoup, l’objet principal de la visite reste l’affaire des 49 militaires ivoiriens. Pensez-vous la même chose ?
Je ne peux croire que ce soit la seule raison. Le président Sall est allé au Mali à un double titre : en tant que chef d’Etat d’un pays voisin mais aussi avec la casquette de Président en exercice de l’Union Africaine. Il y a, d’abord, la question centrale de la conduite à terme de la transition qui a été la pomme de discorde entre la junte et la CEDEAO. Ensuite, l’insécurité grandissante dans ce pays qui, malgré tous les discours contre toute réalité sur une montée en puissance des FAMA (Forces Armées Maliennes), est en train d’inquiéter tout le monde. Il ne faut pas non plus négliger les préoccupations liées exactions au Centre du pays depuis les évènements de Moura et de Hombori qui risquent d’avoir comme contrecoup une exacerbation des velléités ethnico-communautaires dont les effets seraient dévastateurs pour la stabilité du Mali et de toute l’Afrique de l’Ouest. La réalité à intégrer est que la situation malienne est préoccupante et mériterait une implication plus prononcée de la CEDEAO et de l’Union africaine si on ne veut pas assister, encore de manière passive, au débordement de l’épicentre de la violence sur toute la région.
“Les récentes attaques qui ont pu atteindre Kati, le cœur stratégique et centre névralgique du pouvoir, sont les signes d’une totale défaillance du système de sécurité”
Est-ce que cette visite pourrait faire changer la dynamique empruntée par le Mali en ce moment ?
Je ne sais pas ce qui s’est dit en coulisse, mais derrière les rideaux diplomatiques, il faudra nécessairement aborder la question du calendrier de la transition, la place des partenaires internationaux et l’avenir de la Minusma. Je suis de ceux qui pensent que ce pays voisin n’a pas pris la meilleure trajectoire pour le moment. Les récentes attaques qui ont pu atteindre Kati, le cœur stratégique et centre névralgique du pouvoir, sont les signes d’une totale défaillance du système de sécurité. Avant cela, il y a eu d’abord Douentza qui n’avait pas subi d’attaques importantes depuis 2017, puis la position stratégique de Ségou, un point-clé ouvrant sur tout l’axe menant du Mali à la Côte d’Ivoire. Ensuite, c’est autour de Kolokani dans la région de Koulikoro, la porte de Bamako permettant d’avancer sans entraves vers l’Ouest. C’est après qu’il y a eu ce qu’on pourrait appeler le revers de Kati, le cœur stratégique et symbole de la sécurisation de Bamako, abritant le siège politique de la Transition, domicile de l’homme fort du régime, le Colonel Assimi GoÏta et du puissant ministre de la défense, Sadio Camara. Malgré cette réalité frappante, la quête de légitimité du pouvoir en place continue d’être bâtie sur des discours populistes, la recherche effrénée d’ennemis du Mali partout et l’instrumentalisation du sentiment nationaliste dans lequel, malheureusement, même des intellectuels et analystes africains sont tombés. Ceci au point de nier la réalité dérangeante de l’échec politico-militaire qui marque le contexte malien. Dans un tel contexte, il faudrait des initiatives urgentes et j’espère que la visite du Président Macky Sall n’a pas été un one shot ou un coup d’éclat diplomatique. La situation du Mali mérite une mobilisation urgente.
“La position sénégalaise à l’ONU lors du vote des sanctions contre la Russie lui a finalement permis d’être entendu par Poutine”
Macky Sall est allé à Bamako après s'être rendu en Russie récemment. Est-ce le signe d'un rapprochement sénégalo-russe ?
Vous savez, les principes généraux de la diplomatie sénégalaise n’ont pas beaucoup changé. D’abord, une diplomatie de bon voisinage initiée par Senghor, perpétuée par ses successeurs et caractérisée par des principes directeurs comme la retenue, le partage, la jonction des intérêts, la concertation permanente, la solidarité africaine et la complémentarité sous régionale. Donc, une visite au Mali dans ce contexte n’a pas forcément besoin de soubassements internationaux. Si vous faites allusion à la visite du Président Sall en Russie, on a vu qu’il l’avait bien mise sous le parapluie de l’UA ; ce qui explique le déplacement à Moscou avec le président de la commission de l’Union africaine, Faki Mahamat. La position sénégalaise à l’ONU lors du vote des sanctions contre la Russie lui a finalement permis d’être entendu par Poutine sur un sujet qui n’a pas non plus fâché ses alliés occidentaux. Cela s’appelle sauver le chou et la chèvre bien que l’équilibrisme ait ses limites dans le temps. Malgré tout, c’est cette retenue qui a fait que notre pays puisse demeurer dans le jeu surtout dans cette excellente position de pouvoir parler à tous sans fâcher grand monde. Mais sur le Mali, le Sénégal doit prendre conscience qu’il a une responsabilité particulière au regard non seulement du continuum socioculturel et historique mais aussi sur le plan sécuritaire.
“L’Afrique est en train de jouer encore une fois le rôle de variable d’ajustement pour certaines puissances”
Tour à tour, le ministre Russe des Affaires Étrangères, le Président Français, Emmanuel Macron et Antony Blinken, le Secrétaire d’Etat américain ont fait des tournées en Afrique. Est-ce la confirmation de la perte de vitesse de l’Occident sur le continent ?
L’Afrique est en train de jouer encore une fois le rôle de variable d’ajustement pour certaines puissances. Nous sommes comme dans un air d’ancien nouveau temps : une véritable guerre, pas si froide que ça. Le nouveau grand jeu qui se déploie sous nos yeux rappelle que les deux camps qui s’affrontent aujourd’hui l’avaient déjà fait indirectement en essayant de dérouler une stratégie de « regime change » c'est-à-dire en s’appuyant sur leurs alliés locaux pour qu’ils aient le pouvoir. Cet affrontement par pays interposés, comme vous le savez, a beaucoup marqué l’ordre international ces dernières années et nous a installé dans ce qu’on pourrait appeler une « paix chaude » c’est à dire une paix sous laquelle bouillonne des antagonismes que l’on essaie de régler par des conflits par procuration. La Syrie est l’exemple parfait, et même le Mali se dirigerait dans le même sens et peut-être pas que le Mali. Aujourd’hui face à la Chine dont l’influence par les infrastructures a pu faire oublier les idéaux de démocratie et de droits humains, on dirait qu’il resurgit un bloc occidental qui retourne à ses classiques autour d’idéaux à universaliser. Après le sommet pour la démocratie organisé par les USA, le Nouveau Sommet Afrique-France de Montpellier en 2021, les Etats-Unis et la France se rejoignent, en Afrique, sur la promotion de telles valeurs malgré la différence de styles. Une autre cause commune va davantage les rapprocher : contrer l’influence grandissante de la Russie, combat qui se mènera sous le signe de la lutte contre l’autocratie et la promotion de la démocratie.
“Sur le plan diplomatique, Macky Sall a moins secoué le cocotier que le Président Wade bien qu’il ait profité des ouvertures entreprises sous son magistère”
Récemment Macron a pointé l'hypocrisie de certains dirigeants africains qui mettent dos à dos la Russie et l'Ukraine. Certains ont estimé qu'il visait Macky Sall. La position sénégalaise fâche-t-elle ses alliés traditionnels ?
Aujourd’hui, nous sommes en plein dans la configuration qui nous permet de convoquer la notion d’« off-shore balancing » qui caractérise la nouvelle bataille qui se déploie sur le continent. Il devient le mécanisme par lequel les grandes puissances classiques s’assurent que le basculement stratégique du continent qui peut changer la configuration des puissances sur la scène internationale, ne se fera pas à leur dépens. Lorsque Antony Blinken dit clairement, sans complexe, que l’avenir du monde se jouera en grande partie sur le continent africain, c’est que les Américains, contrairement à d’autres restés sur de vieux schémas, ont réellement compris qu’il était temps de changer de paradigme. Dans ses relations avec les autres pôles du monde, les grands principes de la diplomatie sénégalaise ont toujours reposé sur le non-alignement, le règlement pacifique des conflits, le dialogue, la recherche constante de la paix, la non-ingérence dans les affaires des Etats et l'ouverture au monde. Mais, à l’heure du soft power, ces principes ont fait leur temps. Il est vrai que, sur le plan diplomatique, Macky Sall a moins secoué le cocotier que le Président Wade bien qu’il ait profité des ouvertures entreprises sous son magistère.
“La leçon à tirer de l’insécurité grandissante au Mali est que malgré la présence de la Russie, l’armée n’a pas pu déjouer une attaque dont les signes annonciateurs étaient nettement perceptibles depuis l’avancée à partir du Centre du pays”
Est-ce que la présence de la Russie est à craindre ? Face à cette guerre de positionnement entre l’occident et la Russie, quelle posture devrait adopter l’Afrique ?
Nul ne peut nier l’importance stratégique de l’Afrique qui, à mon avis, va continuer à s’accroître pour, au moins, trois raisons. On est en face d’un monde divisé dans lequel les alignements sont à la fois multiples et diffus. Il y a aussi le fait que, dans le monde actuel, la distribution de la puissance est très fragmentée. Enfin, il y a l’effet combiné de puissances classiques qui déclinent, de puissances émergentes qui montent, et d’une multitude d’Etats qui réclament le statut de middle power. Logiquement incomprise et continuant d’interroger, la posture du Sénégal lors du vote des sanctions contre la Russie reste floue et était, quelque part, révélatrice d’une frilosité face à la montée du discours populiste nationaliste chez nous aussi. Mais au final et en apparence, le discours du Président Macky Sall devant Poutine paraissait comme pour expliquer que le continent ne votait plus sur injonction ou par simple alignement. Je crois personnellement qu’on est en présence d’une Afrique qui, par le double effet d’une élite plus décomplexée et d’une population plus exigeante, cherche à mieux tirer son épingle dans le jeu des relations internationales. Cependant, Macky Sall semble aussi bien avoir en tête la nécessité du soutien international, aujourd’hui, à la tête du Sénégal ou demain s’il était tenté par d’autres horizons.
Vous travaillez beaucoup sur le terrorisme djihadiste. L'hydre se répand au Togo, en Rdc et s'est installée durablement au Mali, au Niger et au Burkina. Comment le Sénégal fait face à cette menace tentaculaire ?
Il y a eu une erreur d’appréciation dès le début de la crise sahélienne en extrayant le Sahel central du reste de l’Afrique de l’Ouest en ignorant complètement, ce que j’appelle souvent, le débordement progressif des épicentres. Je vais être franc avec vous. La leçon à tirer de l’insécurité grandissante au Mali est que malgré la présence de la Russie, l’armée n’a pas pu déjouer une attaque dont les signes annonciateurs étaient nettement perceptibles depuis l’avancée à partir du Centre du pays. La réalité est que le Mali a plus que jamais besoin du soutien de ses voisins comme de la communauté internationale. La lutte contre le terrorisme dans ce pays et la circonscription de la menace sont d’un enjeu vital pour la sécurité régionale. Comme je le répète, aussi, souvent, l’insécurité au Mali n’est plus seulement un problème malien, mais une préoccupation régionale prioritaire qui mériterait un plus grand engagement. Mais on connaît le dilemme dans les relations avec ce pays où on vient à peine de sortir du bras fer des sanctions de la CEDEAO en espérant une issue politique. Comment, dans ce contexte tendu, préconiser un engagement en faveur d’un pays en transition difficile et où la légitimité des actuels gouvernants se construit sur le rejet et la méfiance vis-à-vis des voisins ?
(Par Hervé BRIAND - Sahel Senior Analyst)
La nouvelle stratégie ou plutôt les ambitions de la France en Afrique de l'Ouest, et plus particulièrement au Sahel sur les plans sécuritaire et militaire,
semblent aujourd'hui plus pragmatiques, mais aussi plus discrètes, via une communication plus harmonieuse vis à vis des populations locales,
et ce aux fins d'une efficacité escomptée accrue.
Si les militaires français de la force Barkhane se mettent donc aujourd'hui davantage en appui des pays sahélo-sahariens demandeurs, de plus façon discrète,
sur les plans logistique et technique (Renseignement...), ils se mettent également à la disposition opérationnelle et tactique des armées locales, mais désormais,
uniquement sous le pouvoir décisionnel et à la demande expresse de ces États africains concernés.
C'est ce changement de paradigme qui fait toute la différence auprès des États-Majors militaires locaux, mais surtout vis à vis des Africains eux-mêmes.
Il y a lieu de croire que cette nouvelle méthode sécuritaire française, plus empreinte d'humilité, de complémentarité, de confiance et de respect réciproque
sera davantage comprise et davantage "acceptée" par les populations locales. À cet égard, un changement de nom de l'opération « Barkhane »
serait d'ailleurs plus approprié à la nouvelle approche et aux nouvelles missions de la force française d'appui militaire.
La communication militaire française devrait ainsi être davantage axée sur le respect des souverainetés des pays sahélo-sahariens et sa "mise à la disposition"
(y compris sporadiquement, voire au cas par cas...) des États concernés qui en font expressément et clairement (publiquement et/ou médiatiquement) :
Niger, Burkina Faso, Tchad, Bénin, Togo, mais aussi Mali, Libye... C'est cet "appui militaire à la demande" et de fait, ce "soutien manifeste au maintien de la
sécurité et de la paix", qui seront mieux admis et intégrés par les populations africaines les plus sceptiques dans ces zones de conflits multidimensionnels.
Suite au retrait militaire de la France au Mali, c'est au Niger, dans la région de Tillabéri, dans le cadre de l'opération militaire "ALMAHOU", que les postes aux frontières
bénéficient déjà de cette nouvelle stratégie/approche militaire française et se trouvent ainsi désormais renforcés discrètement au sein de cette zone poreuse dite
"des trois frontières" (Niger, Mali, Burkina Faso), avec une rapidité d'intervention sur zone aujourd'hui très largement accrue.
Toutefois, il paraît essentiel d'accentuer encore davantage le "Renseignement Nomade", notamment au cœur des communautés Peules et Touarègues,
mais également de développer plus intensément les réseaux tribaux locaux et régionaux, au travers des associations "femmes et enfants" en particulier...
Par ailleurs, dans le même temps, si les États africains, sous les pressions populaires, font face à une exigence accrue de souveraineté, ils doivent aussi prendre ou reprendre leur destin en main et affronter, à l'instar des autres pays du monde, des impératifs ou des souhaits d'indépendance ou de diversification d'ordre militaire, économique, mais aussi et surtout alimentaire et énergétique. C'est en ce sens que le pluralisme, d'abord économique, mais aussi énergétique, alimentaire et/ou sécuritaire, s'est donc installé progressivement en Afrique de l'Ouest et au Sahel en particulier, ces dernières années, probablement au détriment de la France...
Ainsi, bien qu'il n'y ait pas de développement possible sans paix durable, il semble que la France pâtisse de ce que j'appellerais un "effet Tunnel Barkhane", finalement plutôt antagoniste avec l'idée de développement économique, ce, dans l'esprit d'une partie des populations et certains investisseurs locaux, qui se sont tournés au fil du temps vers le pluralisme et d'autres partenaires économiques européens (Allemagne, Belgique, Luxembourg, Italie...), asiatiques (Chine, Inde, Japon...), moyen-orientaux, turcs ou russes...
Le fait que les autorités françaises aient misé depuis une dizaine d'années (et notamment depuis l'opération salvatrice "Serval"), probablement à tort, pour la majeure partie de leur stratégie et de leur politique ouest-africaine, sur une présence massive et relativement médiatique des forces armées françaises au Sahel, via l'opération de libération "Serval" au Mali, puis surtout avec l'opération de longue durée "Barkhane", a renvoyé l'image de la France comme une présence et une puissance exclusivement militaires, plutôt qu'un investisseur et un partenaire financier potentiel de premier plan.
Dans l'esprit d'une partie des populations sahélo-sahariennes la France renvoie, ainsi, depuis plusieurs années, l'image quasi-exclusive de "Barkhane" et d'une force armée étrangère jugée parfois injustement au fil du temps par certains comme une "force d'occupation" sur leur territoire...
Ainsi, "l'effet Tunnel Barkhane" semble avoir étouffé en partie aux yeux de certains, en tout cas médiatiquement ces dernières années, l'aspect primordial du développement économique, mais aussi culturel, dans les zones sahélo-sahariennes en corollaire des missions régulières de la force armée Barkhane, et ce, probablement au détriment des intérêts de la France elle-même...
Or, la France ne peut pas et ne doit surtout pas se réduire à "Barkhane" !
Essentiellement focalisée sur le domaine sécuritaire et la lutte contre le terrorisme, certes essentiels, les autorités françaises n'ont donc, probablement, pas assez accentué leur communication sur les aspects économiques, sociaux et culturels et les aides financières et techniques pourtant apportés à des projets de développement au Sahel.
Aussi, certains ressortissants ouest-africains, notamment au sein des diverses communautés sahariennes, n'ont sans doute pas la conscience et la connaissance des autres dimensions économique et culturelle de la présence et politique globale française au Sahel. La France remplit pourtant inlassablement au Sahel, et plus généralement partout en Afrique, ses actions et ses devoirs dans les domaines humanitaire, économique, social et culturel, j'en suis le témoin le témoin privilégié...
Mais si la communication à cet égard a sans doute été plutôt défaillante, force est de constater que pendant les "années Barkhane" les autres puissances concurrentes mondiales ont considérablement accéléré leurs implantations et élargi leurs influences diplomatiques, sécuritaires mais surtout économiques, en Afrique, parfois il est vrai au détriment de la France : Allemagne, Italie, Russie, Japon, Chine...
Dans le même temps, il est vrai que les pays africains jouent de cette concurrence et de ce pluralisme économique bienvenus qui s'offrent à eux... Il faut donc l'accepter !
C'est donc, aujourd'hui, davantage, sur le volet du développement économique, social, alimentaire et culturel qu'il conviendrait d'axer prioritairement et avec acharnement la communication des autorités françaises vis à vis de l'ensemble de la zone d'Afrique de l'Ouest (des zones sahélo-sahariennes, des pays du golfe de Guinée jusqu'au Sénégal...).
Enfin, le sentiment "anti-français" que l'on observe plus généralement aujourd'hui en Afrique de l'Ouest, via les officines étrangères (mais aussi intérieures) de propagande "anti-France", et qu'il faut combattre de manière plus appropriée, via notamment les réseaux sociaux et la promotion du développement économique, trouve probablement également son origine dans la posture jugée souvent trop oppressante, voire parfois ressentie par certains locaux comme arrogante, d'une France semblant imposer ses discours, ses choix politiques et ses décisions, notamment militaires, aux États africains concernés...
À cet égard, le discours préventif et bienveillant d'un ancien pays colonialiste sur l'hégémonie impérialiste russe, s'il est bien entendu parfaitement recevable auprès des autorités locales, peut toutefois ne pas paraître totalement "audible" ou "crédible" par une partie de la "rue africaine" qui tend désormais à ne surtout plus vouloir et accepter que des États étrangers (ex-colonialistes ou hégémoniques) lui "donne des leçons d'indépendance"... Certains discours occidentaux peuvent paraître parfois "contre-productifs" et susceptibles d'alimenter encore davantage un certain rejet de l'Occident et des "dictats" politiques, économiques, culturels ou sécuritaires.
À cet égard et à titre d'exemple, il en va de même concernant l'idée de création éventuelle d'une force "anti-putsch" au sein de la CEDEAO (Communauté Économiques des États de l'Ouest Africain) : si elle paraît légitime, ses éventuelles interventions (même au cas par cas) devraient, là encore, être très probablement engagées sous couvert d'un assentiment tacite "fort" des populations concernées, à défaut de s'exposer à un rejet ou à un procès en illégitimité du "contre-putsch" de la part d'une population locale fortement ancrée contre le pouvoir alors renversé... Il convient en effet de rappeler que les juntes militaires dites "pouvoirs de transition" notamment au Mali ou en Guinée Conakry (voire au Burkina Faso) sont toutes issues, certes de manière très opportuniste et "anti-démocratique", du fort mécontentement et du soulèvement populaire des populations locales, révoltées et lassées ces dernières années par les "mal-gouvernances" et la corruption endémique des anciens régimes et parfois de leurs dirigeants, pourtant élus "démocratiquement" et à ce titre soutenus alors par les Occidentaux...
Loin de légitimer les putschs en Afrique, c'est bien sûr le processus démocratique qu'il faut soutenir avec acharnement, en privilégiant les alternances politiques et en exerçant surtout une "pression légitime" de l'Occident en faveur des "bonnes gouvernances"...
Mais, soutenir, même tacitement, les "mal-gouvernances" est toujours une arme destructrice avec effet "boomerang" pour les Occidentaux !
Ce sont donc, de manière générale, toutes ces postures parfois "improductives", de moins en moins audibles et acceptées par les populations africaines, et surtout sa jeunesse, qu'il conviendrait aujourd'hui de "lisser" publiquement ou de réserver aux seuls dirigeants en place sous le sceau des discussions diplomatiques...
Médiatiquement, c'est un discours français plus proche et plus en phase avec les attentes concrètes et pragmatiques des populations locales (ouest-africaines et sahélo-sahariennes) en termes de développement économique et énergétique, de la jeunesse, d'une écologie durable, qu'il conviendrait de privilégier, plutôt qu'un certain suivisme ou attentisme des pouvoirs africains en place...
Enfin, la diplomatie française a, elle aussi, un rôle de premier plan à jouer dans la "restauration" de l'image de la France en Afrique : elle doit sans doute transformer son statut de "vieille diplomatie à la française" (avec ses atouts indéniables et souvent cruciaux au cours de l'Histoire...) en "INDUSTRIE DE LOBBYING POUR LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE" décomplexée au service aujourd'hui des partenariats commerciaux, financiers, des contrats et des projets de développements économiques, alimentaires, énergétiques et culturels en tous genres, entre les acteurs français et africains, et ce, avec une couverture médiatique appropriée : presse, télévision, radio et réseaux sociaux... !!
Si l'on n'écoute pas aujourd'hui la "rue africaine" (Niamey, Bamako, Ouagadougou...), les diverses communautés sahélo-sahariennes (Touaregs, Peuhls, Toubous...), mais aussi côtières (Sénégal, Côte d'Ivoire, Guinée...), et qu'on ne répond pas à leurs aspirations concrètes et légitimes en termes de développement économique et alimentaire, d'indépendance énergétique et sécuritaire, alors toute l’Europe et la France en subiront les diverses conséquences sécuritaires et même migratoires.
[1] NB : les idées et positions soutenues dans cet article de contribution n’engagent pas Timbuktu Institute et reflète strictement l’opinion de l’auteur