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Au Mali, depuis la prise du pouvoir par les militaires et les brouilles qui se sont succédées et aggravées avec la communauté internationale, la transition semble être sur une ligne dure. Cette ligne dure est caractérisée par la prise de décisions unilatérales dont la dernière en date remonte à mai 2022, lorsque la junte au pouvoir annonce son retrait du G5 Sahel. Ce qui entraîne par ricochet son retrait de toutes les instances du G5, la force militaire anti-djihadistes y compris. Pour justifier sa décision, le Mali affirme que le G5 n’a pas réussi sa mission de lutte contre le terrorisme. Or, certains observateurs font remarquer que la grogne du gouvernement malien de transition provient de l’opposition d’un certain nombre de pays, notamment un “État extra régional”, à voir le Mali assurer la présidence tournante. Convient-il de reconnaître qu’avant ce retrait, le G5 Sahel n’était pas dans une position avantageuse. En effet, d’un point de vue opérationnel, trois membres sur cinq, que sont le Burkina Faso, le Mali et le Tchad sont dans une situation de transition politique; ce qui pose le problème de la légitimité même des autorités actuelles dans ces pays en même temps qu’il soulève des questionnements sur la stabilité régionale. A cela, s’ajoute le fait que, depuis sa création, le G5 Sahel aux objectifs ambitieux n’a pas pu résoudre l’équation sécuritaire que pose la persistance du risque terroriste. Ensuite, d’un point de vue même de la durabilité de l’Organisation, le G5 fait régulièrement face à des problèmes de financements dépendant principalement d’une générosité internationale qui, finalement, ne s’est pas manifestée comme attendue. Il convient alors de se demander si le G5 Sahel peut subsister et accomplir sa mission sans le Mali, épicentre même de la menace terroriste? . D’où la floraison de réactions pleines d'inquiétudes malgré l’optimisme du ministre tchadien de la communication Abderaman Koulamallah qui “espère, pouvoir convaincre le Mali de revenir sur sa décision”, au moment où, le Président du Niger Mohamed Bazoum, lui, assimile ce retrait du Mali à « la mort » du G5 Sahel.
Si l'opinion publique malienne a été jusque-là unanimement favorable à la junte au pouvoir, quelques voix discordantes contre le régime ont néanmoins été relevées ces derniers temps. C’est le cas l’Imam Mahmoud Dicko qui, lors du dernier Forum de Bamako sur la Paix, s’est encore illustré en critiquant ouvertement les autorités de la transition d’avoir “pris en otage” le peuple malien sans ménager la entre une communauté internationale qu’il qualifie d’« orgueilleuse ». et des dirigeants « arrogants » selon l’imam Mahmoud Dicko. La suite des propos de l’Imam est révélatrice des risques qu’encourent les tenants d’un discours qui s’opposerait à celui de la junte et à ses orientations plutôt isolationnistes. Car, lui-même affirme en tenant ces propos, l’imam précise qu’il a « conscience des risques qu’il prend”, d’autant plus que de tels propos critiques à l’encontre de la junte deviennent de plus en plus rares.
Ainsi, le Mali s’isole, d’une part du Sahel, mais aussi davantage de l’Union européenne, pour se rapprocher de la Russie devenu son partenaire international surtout dans le domaine sécuritaire. En effet, les Etats membres de l’Union européenne ont retiré une partie des effectifs déployés dans le pays en raison de la cessation de la formation des unités des forces armées et de la garde nationale malienne. De plus, début mai, le Mali a dénoncé les accords de défense passés avec la France depuis 2013, en réponse aux violations de l’espace aérien malien et de la souveraineté étatique par l’Etat français dont le Mali serait victime. Pendant ce temps, la junte militaire se rapproche alors de la Russie et du groupe militaire privé Wagner. Ainsi, le ministre des affaires étrangères malien, Abdoulaye Diop, et le chef de la diplomatie Russe ont, tous les deux, dénoncé des agissements “coloniaux” français au cours d’une rencontre à Moscou. En dépit de ce rapprochement, il faut reconnaître que le Mali connaît des difficultés d’ordre financier en raison des sanctions économiques que la CEDEAO a prononcées contre lui et peinerait à obtenir les fonds nécessaires pour financer le groupe Wagner. A ce sujet, en avril, la banque mondiale énonçait le risque de récession dans lequel pourrait plonger le pays à la suite de ces sanctions.
Le dernier Sommet de la CEDEAO qui semble donner une chance supplémentaire au régime de Bamako de sortir de son isolement de même que les efforts promis sur l’agenda de la transition avec la nouvelle Constitution et la loi électorale semble augurer d’un dégel dépendant encore de nombreux paramètres. Même encore timide, la levée de bouclier d’une partie de la classe politique malienne avec la possible candidature du Colonel Goïta présage d’un contexte politique malien mouvementé alors que le pays se préoccupe plus qu’auparavant d’un retour progressif dans les instances régionales malgré les nombreux obstacles.
Source : Météo Sahel et Afrique de l'Ouest - Timbuktu Institute - Juillet 2022
Le général Mouhamad Hamdan Daqlou, vice-président de Conseil souverain, a rencontré le 4 juin dernier, au Soudan, l'expert indépendant de l'ONU pour les droits humains et ancien Secrétaire général Adjoint des Nations Unies, M. Adama a Dieng.
Après avoir souhaité la bienvenue à l'expert indépendant qui effectue sa deuxième visite en cette qualité, au Soudan, le Général a formulé des vœux pour la réussite de cette « importante mission ». De manière exhaustive, le conseil a fait part à l'expert indépendant les efforts que l’état est en train de consentir en ce domaine, en référence aux améliorations que l’on constate parfois dans tout le pays.
Le général Daqlou a réaffirmé l’engagement du conseil à améliorer la situation des droits humains dans le pays, travaillant en synergie avec les agences des Nations Unies ainsi que le Conseil des droits de l’homme. A l’issue de cet entretien fortement relayé par la presse soudanaise, il a été rappelé avec insistance que « la collaboration avec le Soudan est importante, mais renforce aussi les efforts nationaux contribuant aux conditions de la stabilité dans tous les secteurs ». Ils ont également signalé la préoccupation partagée « à continuer à la mise en œuvre de toutes les recommandations exhortant à l’amélioration de la situation des droits de l’homme dans le pays ».
De son côté, l’expert indépendant pour les Droits de l’homme dans le Soudan, en l’occurrence M. Adama Dieng, a accueilli à bras ouverts les résolutions du gouvernement pour mettre fin à l’état d’urgence et la libération de détenus, en qualifiant ces décisions de tendances rassurantes et louables qui pourraient être propices à un dialogue inclusif dans le pays. Il a, par ailleurs, appelé toutes les parties à s’activer résolument pour mettre un terme à la situation actuelle qui, selon lui, influe négativement sur le secteur économique de même que sur le respect des Droits humains.
L’expert indépendant des Nations Unies a ensuite assuré avoir exhorté la communauté internationale, à travers les ambassadeurs accrédités au Soudan, à apporter une aide impérative et soutien affirmé au Soudan. Il a affirmé que le Soudan, « riche de toutes ses potentialités », figure parmi les pays les pays-clés de la région. Et de ce fait, rappelle Adama Dieng, « forts de de tous ces atouts, les Soudanais, dans leurs différentes composantes peuvent ouvrir, ensemble, une nouvelle page de leur grande histoire »
Dans le cadre d'un partenariat sur la thématique de la prévention de la violence politique, Timbuktu Institute et la Fondation Konrad Adenauer ont organisé, ce 31 mai 2022, à Tambacounda, un atelier. Il s'agit, pour ces deux structures, de voir, entre autres thématiques, comment trouver un équilibre entre l'information utile et la responsabilité de contribuer à la cohésion sociale à travers le levier médiatique. Voir comment trouver un équilibre entre l'information utile et la responsabilité de contribuer à la cohésion sociale à travers le levier médiatique. C'est le but de la rencontre organisée, avant-hier à Tambacounda, par Timbuktu Institute et son partenaire, la Fondation Konrad Adenauer. Pour les organisateurs, le Sénégal, qui est habituellement présenté comme une exception dans cet environnement sahélien agité, doit préserver son image et servir d'exemple au reste du Sahel.
Selon la Représentante-résidente de la Fondation Konrad Adenauer, Caroline Hauptmann, cette rencontre est un dialogue multi-acteurs impliquant les femmes et les jeunes des partis politiques, la société civile, les forces de sécurité et les leaders religieux. « Avec ce séminaire, nos deux structures ont fait montre d'une anticipation sur les thématiques susceptibles de compromettre la cohésion sociale mais aussi d'interpeller nos États qui se trouvent confrontés à ce défi de traiter d'un fléau relativement nouveau qui gangrène leur sécurité et leur stabilité » souligne-t-elle.
La paix sociale, estime Dr Bakary Sambe, Directeur de Timbuktu Institute, « se construit quotidiennement et de manière inclusive ». Tout en soutenant qu'il faut prêter attention aux signaux, il pense que c'est le lieu de lancer un appel solennel pour l'union de toutes les forces vives contre les violences politiques dont on aperçoit déjà les germes dans des discours de plus en plus passionnés.
Pour lui, toutes les forces vives doivent se mobiliser pour préserver la stabilité et les acquis démocratiques du pays surtout pour ces périodes à venir marquées par les compétitions électorales et des risques sur lesquels il nous faudra anticiper. « Nous ne devons pas perdre de vue l'enjeu énorme de la stabilité du Sénégal qui reste la seule constante, même après les échéances électorales et quel que soit le vainqueur », souligne Dr Sambe, selon qui la consolidation de notre résilience est une responsabilité partagée.
La crise malienne, soutient-il, est loin d'être réglée et « la région de Tambacounda ne doit pas être regardée comme une périphérie, mais comme le dernier verrou face aux risques de débordement de l'épicentre du djihadisme à partir d'un pays voisin qui ne contrôle plus ses frontières. Dans un tel contexte, poursuit le Directeur Régional de Timbuktu Institute, nul ne peut avoir le droit à l'escalade verbale, à la violence symbolique à travers les réseaux sociaux ou physique par la casse ou la répression arbitraire ».
Source : Le Soleil
Pape Demba SIDIBE
(Correspondant)
Par Hervé Briand
Expert-Associé au Timbuktu Institute
Suite aux crises successives de la covid 19 et de la guerre russo-ukrainienne, force est de constater que la "globalisation" et la mondialisation à outrance sont
des concepts aujourd'hui fortement critiqués, dénoncés, écologiquement non durables, et finalement dépassés...
En matière sécuritaire, il en va de même : des stratégies militaires globalisantes, conceptuelles souvent "hors-sol", ont montré leurs insuffisances et leurs limites,
notamment au Proche et Moyen-Orient, mais aussi et surtout en Afrique, particulièrement en Afrique de l'Ouest et plus précisément au Sahel...
En effet, si les conflits en Afghanistan, en Syrie, voire au Yémen sont de nature et de causes très différentes, et leurs acteurs ethniques totalement distincts, il en est de même pour les divers conflits africains, qui sont de causes très diverses : le conflit en Somalie avec les AL SHEBABS n'est pas de même nature que le conflit armé régionaliste au nord de l'Ethiopie, et encore moins que le conflit "larvé" et de nature plus "clanique" actuellement sous-jacent en Libye. De même, en Afrique de l'Ouest, les problématiques politiques générés par le FRONT POLISSARIO au Sahara Occidental et au Maghreb, ne sont pas de même nature que les conflits terroristes (EIGS, JNIM -AQMI/FLM/ANSAR DINE) présents au Mali, au Burkina Faso ou au Niger, qui eux-mêmes n'ont pas la même genèse que le conflit sectaro-terroriste au Nigeria perpétré par les combatants de BOKO HARAM (EIAO/ISWAP). Précisons toutefois que si les rébellions politiques tchadiennes sont de nature très différentes, le Niger pâtit, quant à lui, essentiellement d'incursions et de conflits terroristes frontaliers ("zone des trois frontières") avec le Mali (région de Tilabéry) et le Burkina Faso (secteur de Torodi), mais aussi avec le Nigéria (département de Diffa).
Par ailleurs, les conflits armés "internes" dans le monde, notamment en Afrique et plus particulièrement au sein des trois pays "frères", à savoir le Mali, le Burkina Faso et le Niger, ne sont pas tous d'ordre terroriste ou jihadiste. En effet, ces pays tribaux sont confrontés depuis toujours à d'autres types de conflits intérieurs, tels que :
Des conflits ethniques locaux, des disputes inter-tribales, des conflits pastoraux souvent très meurtriers, mais aussi des "guérillas" incessantes de narco-trafics, dont des guerres de territoires avec droits de passage exorbitants, avec malheureusement aussi des représailles et autres règlements de compte vis à vis des populations locales, et bien sûr des conflits migratoires et leurs criminalités associées, des délits, des crimes et des violences de droit commun.
De temps à autres, des mouvements sociaux, des soulèvements populaires, mais aussi des rébellions politiques historiques (touarègues...), éclatent sporadiquement et se confrontent avec violence aux gouvernances locales...
Mais, ce qui retient surtout l'attention médiatique internationale, ce sont les luttes jihadistes fratricides, claniques et les attaques terroristes parfois savamment orchestrées, très médiatisées, visant par surprise des villageois locaux ou des cibles et des intérêts occidentaux...
Or, tous ces conflits ne devraient pas se traiter de la même façon selon leur origine, leur nature (cf. supra), l'environnement où ils se déroulent (pays, région, zones sahélo-sahariennes arides ou non...), mais aussi et surtout, selon les clans et les ethnies des acteurs et instigateurs de ces conflits aux origines très diverses.
Cependant, certaines stratégies militaires ou sécuritaires trop globales et trop conceptuelles peuvent parfois laisser à penser (à tort) qu'elles pourraient régler, à elles seules, tous ces divers types de conflits sahélo-sahariens, quelles que soient leurs natures, le profil de leurs acteurs et l'environnement où ils se déroulent... Leurs résultats plutôt décevants sur le long terme devrait pourtant inciter à reconsidérer l'efficience de certaines formations sécuritaires, voire le fonctionnement et les réels objectifs de certaines structures internationales sécuritaires (mais aussi certaines ONG ou autres structures diplomatiques...), jugées par certains comme des "mastodontes occidentaux essoufflés", de type "usines à gaz" aujourd'hui inadaptées aux réalités actuelles du terrain africain, au pragmatisme et à l'urgence des populations locales, voire inconsidérées par une partie d'entre elles...
Il est souvent perçu par certains locaux que des conceptions européennes (UE) parfois figées, mal adaptées aux réalités locales et souvent déjà trop complexifiées au sein de l'Europe et pour les Européens eux-mêmes, l'étaient bien évidemment encore davantage en terrain difficile qu'est la zone sahélo-saharienne et surtout auprès de ses populations et ses acteurs sécuritaires aux besoins plus immédiats et pragmatiques.
Parallèlement, des convois militaires de tous ordres (MINUSMA, BARKHANE..) ont pu également, au fil du temps (souvent ingrat), apparaître injustement aux yeux d'une minorité grandissante (manipulée ou non par les nombreuses officines de propagande...), comme des troupes d'occupation ou des forces impérialistes manoeuvrant parfois en plein désert, tels des contingents de "Fort Saganne"...
Dans un discours de vérité, il est parfois fait état du "malaise", de l'incompréhension ou de la frustration de certains Touaregs admettant plus difficilement aujourd'hui qu'un Américain ou qu'un Européen puisse encore occuper leur espace saharien, ce après plusieurs années de présence occidentale sur leur sol qu'ils jugent malheureusement infructueuse. Certains "nomades" locaux ajoutent sur le ton de la boutade, que face à des "Nordiques" européens, "descendants des Vikings leur expliquant la paix dans LEUR désert" (selon leurs termes - sic), ils ne verraient pas "des Touaregs discuter de la fonte des glaces au Pôle Nord dans un comité de pilotage européen" ! Si ces "piques" locales acerbes et très exagérées prêtent évidemment à sourire, sachant que les forces armées occidentales en question remplissent avant tout une tâche (ingrate) de sécurisation et de protection des populations locales et ce, à la demande initiale des États concernés, il n'en reste pas moins que ces réflexions sont symptomatiques d'une population ouest-africaine qui se veut aujourd'hui plus indépendante que jamais...
Mais, les incompréhensions ou des "frustrations" de certains Sahélo-sahariens ne sont pas toutes exclusivement formulées vis-à-vis de l'Occident (UE, USA, France...). Des interrogations s'élèvent également à l'encontre des États africains, de la "mal-gouvernance", de la corruption parfois endémique, et des structures de défense intra-africaines, jugées encore trop "lourdes", complexes et peu réactives, à l'instar du "G5 Sahel" :
Sur les cinq pays constituant l'actuel G5, seuls les trois "pays frères", que sont le Mali et le Niger (de "construction" similaire), mais aussi le Burkina Faso, ont réellement de nombreux points communs en terme de culture, d'ethnies et modes de vie, tandis que la Mauritanie et plus encore le Tchad font face à des problématiques (politiques, ou rébellions...) de natures très différentes de leurs pays voisins : alors que la Mauritanie semble, quant à elle, sortie de la spirale terroriste, le Tchad est davantage en proie aux "sous-rébellions politiques" et au conflit secto-terroriste de BOKO HARAM (EIAO/ISWAP), là encore d'une autre nature terroriste que celle du JNIM/GSIM et de l'EIGS
Aussi, bien avant le putsh militaire au Burkina Faso, puis la sortie récente du Mali du "G5 Sahel", cette "globalisation sécuritaire occidentalo-africaine" semblait déjà marquer le pas...
Les pays côtiers, tels le Bénin, le Togo ou le Ghana (connaissant il est vrai de rares infiltrations djihadistes sporadiques), ni même le Sénégal ou la Côte d'Ivoire, n'auraient pour l'heure, à mon sens, aucun intérêt à rejoindre une force éponyme de type "G7 ou G10 Sahel", qui serait alors surdimensionnée, moins efficiente, face à des groupuscules jihadistes ultra-mobiles et principalement centrés sur la zone dite des "trois frontières" (Mali, Niger et Burkina). Ce serait pour ces États, prendre le risque "d'importer" sur leurs sols la question terroriste et les problèmes qui y sont liés, alors qu'ils n'ont aujourd'hui aucune réelle implantation jihadiste durable sur leurs territoires, ni même d'idéologie radicale directement menaçante...
C'est donc, je pense, une approche moins globale, mais beaucoup plus pragmatique et locale des conflits qu'il conviendrait de privilégier aujourd'hui, à savoir une pragmatique mutation de l'actuel G5 en un "G3 SAHEL", concentrant sur un même espace seulement les trois pays "frères" : Mali, Niger et Burkina, tous en proie aux mêmes menaces ou difficultés et conflits de même nature (JNIM/GSIM, EIGS).
Bien entendu, ce "G3 SAHEL", recentré sur un espace plus réduit aux fins d'un pragmatisme et d'une efficacité optimale, devrait être soutenu par un partenariat plus "discret", sans doute moins coûteux, et finalement plus efficient de l'Occident.
En effet, afin d'être plus efficace, mieux admise et "intégrée" par les populations locales, la puissance des forces armées occidentales, notamment françaises, au Sahel pourrait se muer aujourd'hui en un strict appui discret d'ordres stratégique, technique (formation, renseignement - drones - sources techniques et humaines...), logistique et financier, mais sans les aspects strictement opérationnels, c'est à dire sans aucune présence physique régulière au sol de troupes (patrouilles) militaires occidentales.
À ce changement de statut et de mission, un changement de nom de "feu Barkhane" s'imposerait alors...
Avec cette éventuelle "mutation" de l'actuel dispositif sécuritaire sahélo-saharien, appuyé alors exclusivement "techniquement" par l'Occident, les forces armées locales de ce "G3 SAHEL" auraient la vocation d'assurer dorénavant elles-mêmes les opérations de terrain en se dotant principalement "d'unités spéciales" très mobiles, composées à la fois de combattants militaires "nomades" locaux aguerris (dont Peulhs et Touaregs...) et de commandos militaires régionaux. Commandés par des cadres militaires nationaux exclusivement issus du G3, et parfaitement "reconnus" et légitimés par les populations locales concernées, ces "unités nomades G3" pourraient également s'appuyer sur le "Renseignement Nomade" qu'il conviendrait de développer encore davantage...
Ce nouveau partenariat militaire et sécuritaire plus efficient "G3 SAHEL/OCCIDENT", à la fois discret, "technique" et financier, représenterait un soutien considérable, essentiel, et je l'espère, mieux intégré par les populations locales, ce, en faveur d'une Afrique plus souveraine et de la promotion d'une paix durable au Sahel !
Hervé BRIAND
Dans son allocution lors du Forum de Bamako, cette semaine l’Imam Dicko est allé droit au but avec un langage dépouillé des convenances : « Je vais parler du Mali aujourd’hui. Pendant que les Maliens sont pris en otage par un gouvernement arrogant (je dis bien arrogant !!), la communauté internationale pense que le peuple malien doit rester dans cette situation, mourir à petit feu, assailli par la famine, par l’insécurité et le djihadisme qu’on arrive pas à contrôler »
Pour le guide religieux qui a été très engagé dans les manifestations qui ont eu raison du président IBK, il y a, aujourd’hui, un statu quo incompréhensible dans cette crise malienne « On ne cherche pas de solutions, la communauté internationale est dans son orgueil, nous nous sommes (Mali) dans notre arrogance et le peuple est en train de mourir et vous, vous venez parler de paix, de sécurité… «
« De quelle paix s’agit- il? » se demande le guide religieux en poursuivant sur le même ton et en précisant : « je parlerai avec mon cœur. Je ne comprends pas l’attitude de la communauté internationale dans son orgueil, pour dire que nous avons dit ceci, il faut des élections ». A cette « incompréhension, il ajoute des « interrogations » sur la portée des valeurs pour lesquelles la communauté internationale « justifierait » les sanctions sur son pays : « Mais le caractère fondamental des droits de l’homme c’est le droit à l'existence pourtant le peuple malien est menacé dans son existence et on est là à faire de la surenchère sur les délais pour l’organisation des élections (18 mois, 20 mois, 30 mois…) ».
« C’est la raison pour laquelle je parle de l’arrogance de nos dirigeants, je le dis ici. Je peux sortir et ils peuvent m’interpeller mais je leur dirai leur arrogance et l'orgueil de la communauté internationale, c’est le peuple malien qui est en train de payer cela! », se désole-t-il en concluant sur la situation actuelle du Mali :
« C’est extrêmement grave, une classe politique moribonde, qui ne bouge pas, qui n’existe plus! Une société civile qui a cessé d’exister, il faut le dire! Le peuple est trimballé entre des gens qui veulent une transition indéfinie et des gens qui ont des principes alors que ces principes doivent être pour l’épanouissement du peuple. Est-ce que, au nom de ces principes le peuple malien, l’Afrique entière doit assister à sa destruction du Mali, à son effondrement sans lever le petit doigt? Je crois que l’histoire retiendra cela!! »
Rapport intégral à télécharger infra
Les sociétés sahéliennes sont traversées par de nouvelles dynamiques socioreligieuses dans le contexte d’une région en pleine mutation. L’étude de Timbuktu Institute, en partenariat avec la Fondation Konrad Adenauer, se penche sur la région de la Moyenne vallée du fleuve du Sénégal qui a longtemps été étudié sous le prisme de la transnationalité, l’impact de la diversité sociolinguistique sur les interactions religieuses et le rapport aux confréries. Le lien a été rarement fait avec la crise multidimensionnelle qui secoue les pays sahéliens voisins. Par ailleurs, l’évolution des dynamiques socioreligieuses relatives à la montée de courants religieux notamment non confrériques que ce rapport analyse qui jusqu’ici n’a pas été beaucoup étudiée a fait l’objet d’examen par le présent rapport intitulé « Crise sahélienne et nouvelles dynamiques socioreligieuses dans la moyenne vallée du fleuve Sénégal ». Un autre objectif a été d’étudier les dynamiques socio-économiques et religieuses relatives à la crise politico sécuritaire au Sahel. Il s'agit aussi d’observer les réponses des forces de défenses et de sécurité étatiques dans le cadre de la prévention de l’extrémisme et de la lutte antiterroriste, ainsi que le positionnement des populations face aux diverses menaces dans cette région frontalière.
L’étude a été réalisée selon une approche mixte. Autrement dit, une approche quantitative, qualitative et participative autour de six thèmes ; Les canaux d’informations, les dynamiques socioéconomiques, les dynamiques religieuses, le contexte sécuritaire, les forces de défense et de sécurité face à la menace terroriste et les attitudes par rapport aux menaces et la lutte contre le terrorisme
La région de la moyenne vallée du fleuve du Sénégal est un objet d’étude pertinent en la matière par son histoire et sa proximité des pays voisins. En effet, d’une part, les premiers leaders religieux du Sénégal sont issus de cette région et s’y trouve les premières confréries du pays comme Qadiriyya et Tijaniyya, il est alors intéressant d’étudier la montée de courants non confrériques comme le salafisme et le wahhabisme. D’autre part, la région est un réel carrefour culturel en raison de sa proximité avec la Mauritanie et le Mali ainsi que l’espace précolonial Wolof. Plus précisément, l’enquête se concentre sur les régions de Matam et Tambacounda, étant connectées à deux wilâyas mauritaniennes de Gorgol et de Guidimakha mais aussi à Kayes au Mali.
Dynamiques socioéconomiques : entre pastoralisme et vulnérabilités
L’étude portant sur les dynamiques socio-économiques entre autres, il convient de se pencher sur le potentiel et les difficultés de la région en tant que zone agrosylvopastorale. En effet, si celle-ci représente un potentiel remarquable en terres arables ainsi qu’en eau et que l’agriculture et l’élevage intensif s’y pratique, les populations doivent faire face aux obstacles tels que la qualité des sols, la disponibilité des forages, la vulnérabilité des écosystème sahéliens, la pauvreté, l’érosion, la disponibilité des ressources naturelles à la merci des conditions climatiques, ou encore les difficultés d’accès à l’alimentation du bétail en saison sèche. De plus un manque considérable d’infrastructure dans les zones reculées du pays est constaté même si, concernant ce dernier point, l'État tente d’y remédier en mettant en œuvre le programme Promovilles destiné à renforcer, voire créer des infrastructures sociales dans les zones frontalières et atténuer les inégalités entre zones rurales et urbaines
Ces multiples facteurs expliquent que les régions de Matam et Tambacounda, pourtant naturellement riches, comptent parmi les plus pauvres du pays où l'insécurité alimentaire représente un fléau. A Matam pour exemple, le taux de chômage s’élève à 54,2% et en moyenne 55% des personnes interrogées dans la zone d’étude estiment qu’ils ne disposent pas d’opportunité économiques suffisantes
Cependant il est apparu que selon 82% des habitants de Matam et 64% des habitants de Tambacounda l’existence de vulnérabilités socioéconomiques n’expose pas les citoyens ou ne cause pas de conflits, pourtant il est constaté que le déficit d’accès à la terre, à l’eau ou encore à la santé entraîne des conflits et des vols de bétails.
Alors, si la région dispose d’un fort potentiel, les habitants n’en profitent guère. Cette problématique commence à être prise en charge et des solutions tentent d'être mises en place, notamment l’idée d'accroître les échanges commerciaux et les opportunités économiques entre les pays, idée portée par le forum d’échanges sur les opportunités économiques du bassin du fleuve Sénégal
La problématique du foncier entre conflictualités et lacunes dans la gouvernance
Les difficultés socio-économiques des populations locales résident aussi en la problématique de l’accès et l’utilisation des terres. Dès la crise frontalière avec la Mauritanie en 1989-1990 le système productif a subi des répercussions et nombre d’habitants ont perdu leurs terres. Aujourd’hui si la majorité de la population interrogée estime ne pas rencontrer de difficulté lorsqu’il s’agit d’accès aux terres, il reste 46% des habitants à Matam et 30% à Tambacounda qui éprouvent des difficultés dans ce domaine, ce qui représente alors une part non négligeable de la population. D’autant plus qu’il ne s’agit pas uniquement d’y avoir accès mais aussi et surtout de disposer de moyens techniques et financiers pour pouvoir l’exploiter, ce qui n’est pas le cas.
D’après Ousmane Bâ, point focal du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP) à Matam, "Si on ne fait pas attention, le problème du foncier risque d’être une source de conflits. Actuellement, les habitants de la 11e région du pays rencontrent des problèmes pour trouver où cultiver ou bien où habiter"
Dans le cadre des problèmes fonciers, les populations font, notamment, face à des contraintes d’ordre publique, spatial, de cherté et d’accès à l’eau, ainsi que d’inégalités dans la répartition des terres. En effet à Tambacounda 43% de la population estime que la distribution des terres n’est pas équitable et 66% à Matam partage cet avis.
Ces difficultés foncières peuvent avoir pour effet d'accroître les flux entre les pays frontaliers. A Tambacounda 59% des personnes interrogées affirment exercer une activité dans un pays voisin, activité pouvant être génératrice de revenus. Le risque est que ces échanges peuvent entraîner l’augmentation des trafics illicites au vu de la porosité des frontières. Alors, la région étudiée présente des risques conflictuels relatifs au pastoralisme, au foncier ainsi qu’aux ressources.
Cet éloignement se confirme lorsqu’est constaté une intention des populations d’émigrer de 40% à Matam et 40% à Tambacounda mais aussi lorsque 53% personnes interrogées à Matam et 42% à Tambacounda estiment que les autorités administratives et politiques ne sont pas suffisamment accessibles. Ce sentiment entre, alors, en contradiction avec les initiatives menées par les autorités sénégalaises qui mettent en place différents programmes ayant pour objectif de venir en aide à ces zones défavorisées, comme le Programme d’Urgence de Développement Communautaire (PUDC), dont l’objectif est de favoriser l’accès aux infrastructures et aux moyens de productions dans les zones rurales ou encore le Programme d’Urgence de Modernisation des Axes et Territoires frontaliers (PUMA) visant le désenclavement, le développement durable et la sécurité frontalière. Le problème réside en ce qu’une majorité écrasante des populations visées par ces programmes les ignorent (92% en moyenne).
L’existence de ces programmes est, certes, une avancée importante. Mais, si les populations ne sont pas informées à ce sujet et que les problématiques persistent, il convient de se demander si ces programmes répondent aux besoins réels des habitants de la région, à cette question une grande majorité répondent par la positive, tout en relevant le long chemin qu’il reste à parcourir pour surmonter les défis structurels de la région.
Alors que l’existence de flux est constatée de manière évidente dans la région frontalière, il paraît nécessaire, pour se pencher sur les risques de conflits, d’observer les relations entre les trois pays, relations historiques par la fédération du Mali mais aussi conflictuelles par le terme de celle-ci et le conflit de 1989 en Mauritanie. Dans l’ensemble, mise à part quelques conflits ponctuels entre certaines populations, les relations entre les communautés semblent bonnes et une écrasante majorité de personnes interrogées, 84% à Tambacounda et 91% à Matam, sont du même avis.
In fine, il est constaté que la Moyenne Vallée du fleuve fait face à des difficultés d’ordre socio-économique expliquées par de multiples facteurs ; problèmes fonciers, vols, qualité des sols, accès à l’eau entre autres. Si l’Etat met en place des programmes afin de remédier à ces problématiques, ceux-ci doivent etre largement encouragés et poursuivis. En la matière, le rapport en vient à la conclusion qu’il est recommandé à l’Etat de lutter contre le chômage des jeunes, faciliter et rationaliser l’accès à la terre et au financement des projets agricoles.
Dynamiques socioreligieuses et mutations régionales
Si le contexte régional concernant la dynamique socioreligieuse est en mutation et que cela pourrait alors se répercuter sur les enseignements et pratiques religieux, 57% des habitants de Matam et 59% à Tambacounda ne l’ont pas remarqué concernant l’enseignement et concernant les pratiques religieuses 60% des personnes interrogées à Matam et 67% à Tambacounda ne notent pas de changement. Ainsi, même si les évolutions relatives à la diversification de l’offre religieuse musulmane liée à l’arrivée de courants réformistes impactent la région, l’impact est moindre que dans le centre du pays.
Les résultats de l’enquête amènent, en effet, à penser que la région se trouve relativement éloignée des conflits religieux qui peuvent avoir lieu dans le pays, ce qui s’explique notamment par le fait qu’il s’agit de conflits entre courants confrériques et acteurs réformistes, tandis que l’est du Sénégal a une faible appartenance confrérique. C’est ainsi que 67% des personnes interrogées à Matam et 69% à Tambacounda estiment qu’il n’y a pas de tensions intra-religieuses dans la région.
Si de manière générale, le Sénégal semble, au contraire de ces voisins le Mali et la Mauritanie, être épargné de l’action de groupes radicaux ou extrémistes, et si selon 62% des personnes interrogées à Matam et 57% à Tambacounda ce types de groupes ne sont pas implantés dans la région et que la majorité écrasante estime qu’il n’existe pas de prédicateurs actifs dans cette région (97% à Matam et 89% à Tambacounda). Les autorités agissant en prévention, mettent en place un dispositif militaire de riposte et un gouvernement d’action rapide de surveillance. En effet, quelques évènements pour le moment mineurs dans la région peuvent amener les autorités à agir, selon les entretiens qualitatifs menée lors de l’enquête à Matam. Mais aussi au regard de l’émergence de contestations concernant la marginalisation de l’enseignement religieux islamique face à l’école publique laïque, ces contestations étant aussi celles des mouvements islamiques, cela pourrait représenter un facteur de rapprochement à ne pas négliger.
Ainsi, du point de vue des dynamiques religieuses, un vivre ensemble harmonieux semble régner sur la région actuellement, cependant quelques évènements entravant ce vivre ensemble poussent l’Etat à surveiller la zone afin que ceux-ci ne deviennent pas courants. Alors, le rapport recommande aux populations locales de signaler systématiquement tout acte suspect aux forces de sécurité et de défense afin d’instaurer une collaboration efficace dans la lutte contre la menace.
Regards croisés sur les défis sécuritaires en zone frontalière
- Le contexte sécuritaire
Les zones frontalières, en raison, notamment, de la porosité des frontières et du manque de moyens logistiques constituent des zones à risques en ce qu’elles sont un lieu de transit pour le trafic illicite. Cependant à Matam, seulement 16% des personnes interrogées remarquent fréquemment ces trafics et 44% les remarquent rarement. A Tambacounda, 38% voient fréquemment ces trafics et 39% les observent rarement. Ainsi il existe des risques intrinsèquement liés aux zones frontalières mais ces risques-là sont accrues par le contexte actuel de crise sécuritaire au Sahel et cela se remarquent dans le recueil des perceptions de la population, 79% de la population à Tambacounda et 58% à Matam est inquiète de l’évolution de la situation politico sécuritaire de la région. L’écart des données entre les deux régions peut s’expliquer par la proximité de Tambacounda avec le Mali, épicentre du terrorisme au Sahel. Ces risques liés à la crise sahélienne et à son évolution se manifeste au Sénégal notamment par la présence de jeunes sénégalais dans des groupes de Boko Haram en 2015
« Le Sénégal doit faire face à un défi majeur : empêcher les groupes terroristes de trouver des couveuses locales. Le plus gros risque serait qu’ils réussissent à créer un terreau en exploitant les frustrations et le sentiment de marginalisation de certaines populations » Bakary Sambe, Directeur régional du Timbuktu Institute.
De plus, d’un point de vue économique, ces évolutions sont aussi inquiétantes en matière de commerce, le Sénégal exportant 21% de marchandises au Mali en 2020 et une grande partie des marchandises en partance pour le Mali transitant par le port autonome de Dakar.
Les autorités sénégalaises doivent alors se préoccuper de l’évolution de la crise au Mali et plus généralement au Sahel. Cette préoccupation est davantage effective depuis les évènements de Grand Bassam et en Côte d’Ivoire, l’Etat réalisant qu’aucun pays n’est réellement épargné.
Cette prise de conscience se concrétise notamment par l’envoie de force au sein de la MINUSMA au Mali, par le Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique ou encore la réception de nouveaux camps militaires tel que celui de Goudiry.
Alors, si l’harmonie religieuse est constatée dans la région, la proximité de celle-ci avec l’épicentre du terrorisme que représente le Mali, combinée avec l’importance des flux entre les deux pays, représente un risque sécuritaire pour la région. De ce fait, le rapport recommande aux populations de cultiver ce vivre ensemble harmonieux et de le renforcer davantage.
Les forces de défense et de sécurité face à la menace
Même si l’évolution de la crise inquiète les populations, aujourd’hui seuls 9 à 10% ne se sentent pas en sécurité, et 54% et 39% se sentent moyennement en sécurité. Les autorités sécuritaires mettent alors en œuvre des services opérationnels aux frontières, notamment avec la Direction de la Police de l’Air et des Frontières (DPAF) qui dispose dans ses rangs de membres du Groupement Mobile d’intervention (GMI) Par ailleurs plus du tiers des habitants de la région remarquent la présence accrue des Force de Défense et de Sécurité (FDS) dans la région. Cependant, même avec la présence de la gendarmerie, la police, l’armée et la douane, seulement 43% des personnes interrogées à Matam et 35% à Tambacounda estiment que les frontières sont protégées, 50% se sentant plus ou moins en sécurité par rapport aux frontières. Ce sentiment de crainte peut s’expliquer par une majorité des habitants de Matam (64%) qui ignorent l’existence de mesures prises par les FDS pour lutter contre la menace, cependant il est pertinent qu’à Tambacounda 56% des personnes interrogées ont remarqué ces mesures. Alors, si les habitants remarquent la présence des autorités mais ne sentent pas encore pleinement protégés cela devrait encourager le gouvernement à renforcer la sécurité dans cette zone.
Par ailleurs, le sentiment de sécurité des populations locales semble pouvoir s'accroître avec la coopération européenne au travers des opérations telles que Serval, Barkhane ou encore Takuba qui, sur le terrain, sont inégalement appréciée mais considérées comme étant un facteur de sécurité par la population de la zone étudiée (87% à Matam et 81% à Tambacounda).
Concernant la connaissance du GARSI au Sahel 92% des habitants de Matam ignorent son existence, à contrario 77% des habitants de Tambacounda en ont entendu parler.
In fine, la région frontalière est une des régions les plus exposées à la menace terroriste, si des forces sont déployées dans la zone étudiée le rapport recommande de sécuriser davantage en renforçant les forces de défenses et de sécurité. De surcroît, il recommande d’appuyer la douane qui apparaît comme un acteur majeur dans la lutte antiterroriste, ayant pour objectif de régulariser les flux, surveiller les produits passant la frontière pouvant être détourné par les groupes armés.
Attitudes par rapport à la menace terroriste et lutte contre le terrorisme
Si en raison de sa position géographique, la région étudiée est en proie à la menace terroriste et notamment au danger du recrutement des jeunes, en sachant que la marginalisation, le chômage et la pauvreté sont des facteurs propices à la radicalisation et qu’il a été remarqué dans ce rapport que les trois facteurs sont relevant dans la région, la zone étudiée est alors d’autant plus en proie à la menace et l’apport de soutien à des groupes terroristes peut être à craindre. A ce sujet, seulement 55% des habitants de Tambacounda et 65% de Matam affirment clairement qu’ils ne connaissent pas d’individus susceptibles de soutenir des terroristes et plus du tiers disent ne pas savoir. Ensuite, la population soutient que les problèmes socio-économiques auxquels font face les habitants, notamment les jeunes habitants de la région, sont des facteurs de risques.
« Si les terroristes venaient ici ils n’auraient pas le soutien de tout Bakel, mais ils recruteront beaucoup de monde avec l’argent. L’islam est la religion de Dieu mais celui qui peut délaisser sa confrérie à cause de l’argent, il peut aussi devenir un terroriste pour la même raison. » Jeune conducteur de moto « Jakarta » à Bakel
Dans le cadre de la lutte antiterroriste, le gouvernement a lancé le Cadre d’intervention et de coordination interministériel des opérations de lutte anti-terroriste (CICO) en 2016, cadre qui se réunit régulièrement afin de discuter de la situation sécuritaire nationale et dans les régions en rapport à la menace terroriste. En la matière la population considère que l’Etat est l’acteur le plus efficace pour lutter contre le terrorisme à 88%, se plaçant devant les partenaires internationaux et le G5 Sahel, désormais G4 Sahel. L’Etat constitue aussi l’entité de confiance concernant la prise en charge de la prévention de la radicalisation auprès des jeunes (67%), suivi des chefs religieux, des autorités locales et chefs traditionnels. Cependant, l’Etat fait face à de vive contestation de l’opposition en la matière notamment lorsqu’une loi a été votée à l’Assemblée nationale ayant pour objectif de mieux lutter contre le terrorisme.
Ainsi, la menace terroriste étant active dans la région et l’Etat apparaissant comme l’entité la plus apte à agir d’après la population, le rapport recommande à celui-ci de mener des actions de sensibilisation contre l’extrémisme violent ainsi que contre le terrorisme et de créer une collaboration plus étroite entre les populations et les forces de sécurité et de défense en matière de renseignement.
La chronique hebdomadaire du Timbuktu Institute en partenariat avec Medi1TV (#HebdoAfricain) est consacrée cette semaine à la thématique du panafricanisme. Dans cet entretien, Dr. Bakary Sambe, revient sur le processus de la construction de l’unité africaine malgré ses péripéties et les obstacles encore réels. Il insiste surtout sur le décalage qu’il y a entre les lenteurs des processus politiques et le désir d’unité chez les peuples qui évolue selon différentes trajectoires. Sambe insiste, beaucoup, sur l’arrivée sur la scène continentale de nouvelles générations faisant de l’idée de panafricanisme un instrument de libération paradigmatique et un moyen d’accélérer la souveraineté du continent. Selon le directeur du Timbuktu Institute, la montée en puissance d’une « pensée critique africaine et alternative » chez les intellectuels et universitaires de même que des mouvements des jeunes boostés par la « conquête des réseaux sociaux » introduit une véritable rupture et une « tendance irréversible » que les partenaires internationaux de l’Afrique, gagneraient à prendre en considération.
En cette journée du 25 mai ou on célèbre les 59 ans de l'organisation de l'unité africaine, la thématique du panafricanisme semble encore en plein cœur du débat socio-politique voire géopolitique. Mais aujourd'hui peut-on dire que l'idéal de l'unité africaine a fait un certain pas depuis les pères fondateurs?
Rappelons que le terme « panafricain » est apparu, pour la première fois, à la fin du xixe siècle lors de la préparation de la Première Conférence panafricaine de 1900. Mais dès les luttes pour l’indépendance et juste après l’accession des premiers pays à la souveraineté internationale, les leaders du continents l’ont adopté. Les pères fondateurs de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) s’étaient divisés sur l’orientation de cette organisation entre le groupe dit de Casablanca dès 1961 et un autre dit de Monrovia. Mais il y avait un idéal d’unité, de construction de l’unité continentale ayant abouti à la création de l’OUA en 1963 avec une Charte historique. Il y a eu certes des péripéties mais des avancées mais aussi des évolutions importantes ayant permis par exemple le retour du Maroc dans sa famille africaine naturelle et l’impulsion d’un nouveau souffle. Les pères fondateurs ont donc posé un jalon important. Mais le rêve caressé d’une unité africaine au sens d’une parfaite intégration a encore du chemin à faire pour se réaliser.
Justement, devenue Union africaine depuis 2002, l'organisation panafricaine a-t-elle réussi à impulser une nouvelle dynamique pour prendre en compte ce désir d'intégration au moment où les peuples en font une véritable demande? En quelque sorte les États et le leadership politique ont-ils répondu à cette préoccupation des peuples?
Oui, il y a eu la déclaration historique de Syrte de septembre 1999, lors d'une session extraordinaire de l’OUA en Libye sous l’impulsion de Khadhafi pour que l’OUA devienne l’Union africaine au Sommet de juillet 2002, à Durban en Afrique du Sud. Le désir d’intégration des peuples a quand même poussé le leadership politique à déployer de efforts importants. Aujourd’hui, l’idée de la ZLECAF dont le processus de négociation a été lancé à Johannesburg depuis 2015 et qui a suscité un immense espoir de voir enfin les organisations économiques sous-régionales regroupés au sein d’une Zone de libre échange pour les 55 États-membres. Le 1er janvier 2021, la ZLECA est mise en place pour les pays ayant ratifié l'accord. Mais je dis souvent que les peuples africains semblent en avance sur le leadership politique dans cette prise de conscience d’une unité continentale, principe parfaitement intégré mais qui butte encore sur d’innombrables obstacles.
On a vu récemment une autre thématique celle de la souveraineté surtout par rapport à l'Europe s'imposer au niveau d'une jeunesse et des activistes au Mali au Burkina Faso et dans toute la région qui développent un autre panafricanisme accentué par les réseaux sociaux. Est-ce une simple révolte juvénile ou une nouvelle conscience panafricaine ?
C’est dans l’air du temps. La jeunesse africaine aspire désormais à une libération d’abord paradigmatique du continent avec la montée en puissance d’une réflexion critique alternative incarnée par des personnalités universitaires d’envergure comme Felwine Sarr, Achille Mbembé, Mehdi Allioua et tant d’autres ainsi que des mouvements de pensée, et des approches critiques sur le présent et l’avenir du continent qui ont abouti, par exemple, à la mise en place du Rapport Alternatif Sur l’Afrique (RASA), du Timbuktu Institute entre autres cadres de réflexion et de recherche. Les jeunes boostés par la conquête des réseaux sociaux et la démocratisation de l’accès au savoir et à l’information ont franchi une étape importante dans la quête de souveraineté sur tous les fronts. Il y a une nouvelle dynamique qui a même poussé les partenaires occidentaux de l’Afrique à reconsidérer leurs politiques. Cette tendance ne changera pas et des mouvements de jeunes comme les Africtivistes, pèsent aujourd’hui sur l’avancée des conquêtes démocratiques et de la souveraineté. Le ton est donné d’un renouveau africain avec une parfaite conscience d’une unité africaine mentalement acquise et d’une souveraineté qui ira grandissante. Certes, il faudra encore de la volonté politique et surtout une prise de conscience de la communauté internationale que la rupture est désormais amorcée qui sera, certainement, difficile. Mais, je pense qu’aujourd’hui, l’élan de la construction de l’unité africaine, d’une souveraineté grandissante et d’une jeunesse affranchie du poids de l’histoire et de la domination est désormais irréversible.
Pour contribuer à la promotion d’un débat multi-acteurs, ouvert et inclusif sur cette problématique, Timbuktu Institute – African Center for Peace Studies et le Bureau de la Représentante Spéciale de l’Union européenne au Sahel, Mme Emanuela Del Re, organisent ce webinaire régional est organisé sous le thème : « Pastoralisme et consolidation de la paix au Sahel : défis et perspectives ».
Plusieurs groupes socioculturels ou ethniques du Sahel sont décrits comme "pastoraux", dans le sens où le pastoralisme est une pratique de subsistance principale parmi ces groupes et joue un rôle important dans leur identité culturelle et leurs rapports avec les Etats centraux de la région. Dans leur diversité, ces populations sont largement impactées par le changement climatique, la gouvernance des espaces sylvopastoraux, la montée de l’insécurité dans les zones frontalières.
Au regard de son lien intrinsèque avec la gestion et la distribution des ressources dans des zones de plus en plus arides, cette question divise souvent les décideurs politiques et les experts.
Les déficits de la gouvernance des ressources naturelles, aggravés par les effets du changement climatique, créent des tensions dues aux difficultés d’un arbitrage serein et durable entre production alimentaire et mouvements transfrontaliers. Dans un contexte de l’expansion de l’extrémisme violent, ces conflits sont instrumentalisés à des fins de recrutement surfant sur les vulnérabilités socio-économiques, les griefs politiques et les frustrations accumulées.
Des conflits latents peuvent à tout moment dégénérer en violences et affrontements intercommunautaires et, ainsi, accentuer les fragilités pour miner, davantage, la stabilité régionale. Il s’y ajoute que les impacts du changement climatique, de la croissance démographique aggravent ces conflits en rapport avec le pastoralisme. Ces effets perturbent les équilibres sociaux et déstructurent le vivre-ensemble tout en causant des conflits transfrontaliers avec leur lot de déplacements forcés avec une certaine incidence sur la sécurité alimentaire et la stabilité économique et politique.
Cette situation critique liée à la problématique complexe du pastoralisme porteuse de germes de conflits intercommunautaires et d’instabilité pour les pays de la région, est souvent traitée de manière partielle sous l’angle de l’opposition traditionnelle entre éleveurs et agriculteurs. Pourtant, au regard de sa complexité et de son caractère multidimensionnel, la question du pastoralisme mériterait une réflexion au-delà des effets immédiats d’une telle opposition.
« Jeunes et Médias : entre engagement et responsabilité citoyenne », tel est le thème central de cette première série des « Conversations citoyennes » concept interactif pour la promotion du débat public avec les jeunes sur diverses problématiques ayant trait à la vie citoyenne dans ses différents aspects et implications. La séance inaugurale aura lieu le 30 mai prochain à Tambacounda.
En effet, les jeunes sont, de plus en plus, informés et intéressés par le débat public sans, parfois, y trouver réellement leur véritable place du fait de contraintes ou d’autres obstacles limitant leur prise de parole sur des sujets les concernent au premier chef. En même temps que le développement fulgurant des réseaux sociaux fait des jeunes les cibles privilégiées de contenus sur divers sujets, il se développe un phénomène d’auto-isolement qui enferme cette catégorie majoritaire de la population loin de l’expression publique des idées et des opinions. Il se creuse ainsi un important fossé entre ce public jeune, hyper-connecté et friand d’informations et le discours institutionnel ou politique qui ne prend pas en compte ses spécificités et aspirations.
Ainsi l’apparente démocratisation de l’accès au savoir et à l’information à profusion n’a pas forcément un environnement favorable au débat public et à l’échange en dehors des plateformes et réseaux sociaux qui exposent aux risques liés à la désinformation, entre autres. Il y a aussi, la circulation de diverses théories et idées reçues allant à l’encontre de l’esprit citoyen et fragilisant davantage les acquis, le débat démocratique et les valeurs fondant le vivre-ensemble.
Ces cadres d’échanges constructifs sont d’autant plus nécessaires qu’en leur absence, on risque une cristallisation des conflictualités construites et entretenues et amplifiées par les réseaux sociaux au détriment de la consolidation de l’engagement et du débat citoyen, ouvert, inclusif, contradictoire et respectueux des différences et de la diversité des opinions. Ainsi la tenue des « conversations citoyennes » participe de la promotion du débat citoyen dans un cadre participatif et inclusif mettant en avant l’accès à de véritables savoirs et informations tout en développant l’esprit critique et le sens de la responsabilité des jeunes.
La première série de « Conversations citoyennes » qui sera lancée ce 30 mai à Tambacounda porte sur le thème : « Jeunes et Médias : entre engagement et responsabilité citoyenne » et se poursuivra à Rosso-Sénégal, Fogny (Gambie), Matam, Guédiawaye et Mbour.
Dans le contexte actuel marqué par l’émergence de problématiques complexes sur lesquelles circulent les informations et idéologies des plus contradictoires, les « conversations citoyennes » cherchent à offrir des cadres sereins de débats introduits par des chercheurs, des praticiens, professionnels, des acteurs de la société civile, des jeunes porteurs d’expériences à partager etc. Ce sont des sessions interactives de conférences-débats publics qui se tiennent, régulièrement, en mettant les jeunes au centre du débat d’idées.
Dans le format retenu par le Timbuktu Institute, « les jeunes sont les véritables acteurs du débat citoyen sur des sujets variés, soit imposés par l’actualité ou suite à une expression de besoins sur des thématiques diverses : engagement citoyen, questions socioéconomiques, géopolitique, liberté de la presse et enjeux de la désinformation, religion, rapports Sud-Nord, échanges internationaux etc », souligne Dr. Bakary Sambe, concepteur et directeur scientifique des « Conversations citoyennes ».
Timbuktu Institute
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« Conversations communautaires pour l’engagement positif des jeunes dans la prévention de l’extrémisme violent au Togo » est une expérience de partenariat stratégique entre le Conseil national de la jeunesse du Togo et Timbuktu Institute, leader régional dans ce domaine, soutenu par le Programme régional d’Appui aux pays côtiers de l’USAID (Agence des États-Unis pour le développement international). Suite à cette tournée lancée à Lomé et qui s’est déployée, par la suite, dans la région des Savanes (Nord du Togo), la chaîne panafricaine Medi1TV, basée au Maroc s’est entretenu avec Régis Batchassi, président du CNJ – Togo dans le but de mieux comprendre cette initiative. Selon M. Batchassi, « elle doit faire l’objet d’une valorisation en tant que bonne pratique dans les pays voisins au regard de l’enjeu de la transfrontalité du phénomène de l’extrémisme violent » et la « nécessité de faire des jeunes de véritables acteurs de prévention et de renforcement de la résilience ».
Medi1TV : Au moment où les dernières attaques au Bénin et au Togo rappellent les sérieuses menaces sur les pays côtiers, vous venez de boucler, dans le cadre d’un partenariat avec Timbuktu Institute, soutenue par le Programme Régional d’Appui aux Pays côtiers de l’USAID (Agence des États-Unis pour le développement international), l’initiative « conversations communautaires pour l’engagement positif des jeunes dans la prévention de l’extrémisme violent ». Pourquoi un tel projet dans le contexte actuel ?
Cette tournée de plus deux semaines avec une série de « conversations communautaires » dans 4 préfectures de la région des Savanes, après le lancement officiel à Lomé, avait pour objectif de mobiliser les jeunes et de les sensibiliser. Vous savez, très souvent, on présente cette frange importante de notre population comme de simples cibles d’intervention, en insistant sur leurs vulnérabilités. Le conseil national de la jeunesse, grâce à ce partenariat avec le Timbuktu Institute, soutenu par le Programme Régional d’Appui aux pays côtiers, a voulu faire des organisations de la jeunesse, un véritable levier de résilience en renforçant leurs capacités pour en faire des acteurs de la prévention en appui aux efforts de l’Etat. La jeunesse ne doit pas être vue comme un problème qui pèse, mais une source de propositions et de solutions constructives.
Medi1TV : On sait que votre pays le Togo a mis en place un comité interministériel de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent (le CIPLEV) et même développé une stratégie nationale. Dans quel cadre d’intervention se situe alors cette initiative du Conseil National de la Jeunesse ?
Le programme Régional d’Appui aux pays côtiers de l’USAID (Agence des Etats Unis pour le développement international) dans la région des Savanes, a été très vite convaincu de l’importance de notre action qui est complémentaire avec les efforts de l’Etat et l’a soutenue parce qu’elle se situe dans une démarche holistique. La lutte contre le terrorisme par des moyens militarisés et la mobilisation des forces de sécurité et de défense est, certes, importante. Mais, il faut la distinguer de la prévention de l’extrémisme violent qui vise à traiter les causes profondes et structurelles surtout que l’engagement communautaire de la jeunesse se fixe aussi l’objectif de l’appropriation des politiques étatiques par les populations locales. Au regard de l’effet de la transfrontalité avec des pays largement atteints par un phénomène djihadiste massif, nous comptons poursuivre ces initiatives surtout pour empêcher qu’il se constitue ce que Dr. Bakary Sambe appelle des « couveuses locales » et un ancrage de ces mouvements dans le territoire togolais qu’ils ciblent actuellement avec des attaques sporadiques. Cette tournée dans les Savanes nous a réconfortés sur le fait que les jeunes veulent jouer pleinement leur rôle dans le domaine de la prévention. La seule approche sécuritaire est, certes, utile, mais ne suffit plus face à la complexité du phénomène. Il faut, vraiment, un engagement des jeunes pour une résilience communautaire, et nous continuerons à y travailler. Les jeunes l'ont suggéré à l'Ambassadrice des États-Unis au Togo lors de sa visite lors des « conversations communautaires » pour venir les encourager.
Medi1TV : Après le succès de ces « conversations communautaires » largement saluées par les autorités et qui a suscité un grand engouement des organisations de jeunes dans ces zones exposées aux risques, quelle suite souhaitez-vous donner à cette initiative ?
Nous pouvons d’ores et déjà considérer cette initiative comme une bonne pratique à pérenniser en amplifiant l’impact. Les jeunes de la région des Savanes vont encore bénéficier de formations pour restituer ce qu’ils ont acquis. On peut dire qu’une communauté juvénile de la prévention est née suite à cette action et nos partenaires doivent nous soutenir encore pour maintenir cette flamme de l’engagement et cette dynamique encourageante malgré les attaques. Les jeunes pensent même à mettre en place un Observatoire du vivre ensemble axé sur la prévention de l’extrémisme violent. Mais, comme le Programme Régional d’Appui aux pays côtiers de l’USAID concerne, aussi, des pays comme le Bénin voisin, nous envisageons aussi un partage d’expériences avec d’autres jeunes des pays du Golfe de Guinée qui partagent les mêmes vulnérabilités. Vous savez, vu la transnationalité du phénomène terroriste et des menaces, la dimension transfrontalière doit être prise en compte, une fois que nous arriverons à consolider et élargir davantage les acquis de cette initiative au Togo.
Source : Medi1TV Afrique – Timbuktu Institute
La menace terroriste gagne du terrain en Afrique de l’ouest. A partir du Sahel, l’insécurité descends de plus en plus vers le golfe de Guinée, poussant les dirigeants de la région ouest africaine à multiplier les initiatives de mutualisation des efforts pour en venir à bout. Dans cet entretien, Dr. Bakary Sambe, Directeur de Timbuktu Institute livre son regard sur cette situation et se prononce sur la création éventuelle d’une force conjointe Cedeao.
Les chefs d’États-majors de la Cedeao viennent de consacrer, les 5 et 6 mai à Accra, une réunion extraordinaire à la lutte contre le terrorisme dans la région. Quel est votre regard sur ces réunions qui se multiplient sur la question du terrorisme sur le plan sous-régional.
Dans le principe, c’est une initiative à saluer au regard de la montée des périls dans la sous-région et plus particulièrement au Sahel dont les pays les plus touchés se trouvent dans l’espace communautaire. Il y a urgence dans une région où on note une augmentation de 1000% (mille pour cent) du nombre de morts depuis 2007 alors que le Sahel concentre 43% du nombre total de victimes du terrorisme en Afrique subsaharienne. Selon les organisateurs, cette réunion des 5 et 6 mai 2012 à Accra visait surtout à réfléchir sur comment travailler au renforcement de la coopération entre États afin de lutter contre l’insécurité grandissante en Afrique de l’Ouest au moment où l’Afrique est effectivement devenu le nouveau point chaud du terrorisme international selon les dernières données du Global Terrorism Index qui consacre malheureusement l’Afrique subsaharienne comme le foyer de repli du terrorisme mondial après la déroute de Daech (EI) en Orient et sa perte de vitesse même en Europe où il n’arrive même plus à mobiliser des « loups solitaires ». Il était donc temps que la CEDEAO impulse une nouvelle dynamique à son action anti-terroriste surtout que l’organisation sous-régionale semble avoir été dépossédée de cette question sécuritaire, ces dernières années, au profit du G5 Sahel, partenaire favori des partenaires internationaux.
Selon vous, pourquoi malgré l’existence depuis 2017 de l’initiative d’Accra qui a permis de mettre l’opération « Koundalgou » renforcée plus tard et élargie au Mali, au Niger et à la Côte d’Ivoire, la menace terroriste semble tout de même gagner du terrain dans la région ?
Malheureusement, on ne compte plus les initiatives dans notre région devenue l’espace de redéploiement des groupes et favorable à une nouvelle vie au terrorisme global auquel elle offre une nouvelle opportunité d’expansion. Il est vrai que les États du Golfe de Guinée ont plusieurs fois répondu par des opérations militaires, soit conjointement, soit individuellement. Par exemple en novembre dernier, une opération militaire conjointe entre plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest a pu mobiliser environ 6 000 soldats et aurait même permis l’arrestation de 300 terroristes présumés. Le déploiement militaire, baptisé Opération Koundalgou, s’inscrivait dans le cadre de l’Initiative d’Accra, un concordat signé en 2017 entre le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Togo pour lutter contre la menace croissante dans la région. Et il faut dire que ce n’est pas le premier cas d’opérations militaires bilatérales contre les groupes déjà actifs dans la région : En 2018, une opération conjointe entre les forces armées du Mali et du Burkina Faso avait permis de démanteler une cellule terroriste présumée à Ouagadougou. Mais à vrai dire, ce ne sont pas les initiatives militaires qui manquent mais une approche globale du phénomène multiforme du terrorisme. L’approche jusqu’ici adoptée n’a pas empêché que l’Afrique subsaharienne concentre la moitié des décès dus au terrorisme en 2021. D’ailleurs, le Général Lassiné Doumbia de la Côte d’Ivoire n’a pas manqué de souligner cette faille en soutenant ouvertement, lors de cette rencontre d’Accra, qu’« indépendamment de l’action militaire, plusieurs autres actions doivent être menées dans ces zones de vulnérabilité, … que ces groupes jihadistes peuvent exploiter pour enrôler les populations locales ». Depuis des années, dans le cadre des travaux et recommandations du Timbuktu Institute, nous appelons une approche différenciée et complémentaire : lutter efficacement contre le terrorisme en gérant les urgences sécuritaires mais ne pas oublier la prévention de l’extrémise violent en s’attaquant aux causes structurelles, souvent instrumentalisées par les groupes terroriste à la recherche d’ancrage sociopolitique et surtout de ce que j’appelle les « couveuses locales ». Hélas, on semble persister dans une approche traitant les symptômes en négligeant les racines du mal déjà profondes.
Au-delà des opérations militaires conjointes entre ces pays de la Cedeao et de la mutualisation des renseignements, la création d’une force conjointe des pays de la Cedeao serait-elle plus efficace ?
La mise en place d’une telle force qui devrait être la plus inclusive possible n’a jamais été aussi opportune au moment où la problématique de la lutte contre le terrorisme dans la région semble de plus en plus parasitée par les passes d’arme politico-diplomatiques. La Cedeao a pourtant eu, avec le leadership du Nigeria, des expériences à faire valoir comme ECOMOG et ses « casques blancs » mais aussi d’autres formes de synergie et de mécanismes qu’il suffit de réactiver comme c’est déjà le cas pour le renseignement et l’alerte précoce. Toutefois, il faudrait qu’au niveau communautaire, la volonté politique soit non seulement réelle mais accompagnée des efforts financiers nécessaires. Surtout que l’organisation sous-régionale devient de plus en plus sollicitée pour divers partenariats dont la Cedeao aura bien besoin au regard de l’ampleur des interventions nécessaires. Malheureusement la brouille actuelle entre Bamako et Paris, est en train de nuire à l’esprit de sécurité collective. Aujourd’hui, malgré cette situation qu’il faudra vite dépasser, – les deux pays étant deux maillons essentiels de la chaîne de solidarité Sud-Nord- la coopération sécuritaire, même si elle doit être repensée et élargie à tous les acteurs conventionnels, reste une priorité stratégique. La volonté d’européanisation de Takuba, qui était une nécessité, marquait un changement de paradigme. Il faut prendre conscience du fait que l’Afrique, le Sahel en particulier, et l’Europe, qui partagent la même vulnérabilité et font face à des menaces communes, restent intimement liées par la contrainte de la sécurité collective, malgré toutes les conjonctures diplomatiques.
L’échec relatif du G5 Sahel constitue-t-il un frein à la mise en place éventuelle de cette nouvelle force conjointe ?
Il serait excessif de parler d’un échec du G5 Sahel bien qu’il faille reconnaître tous les écueils de cette organisation qui, auparavant, n’a jamais eu les moyens de son ambition alors qu’aujourd’hui elle est rudement affectée par la situation de crise politique que traverse la majorité de ses Etats-membres. Mais, il faudrait faire de cette crise, une nouvelle opportunité de la redresser et de restaurer l’équilibre qui lui faisait défaut dans une complémentarité logique avec la Cedeao vu le partage de priorités stratégiques : 3 de ses cinq membres sont dans la Cedeao qui depuis la conférence de Lomé en juillet 2018 discutait déjà avec la Ceeac dont fait partie le Tchad, de l’impératif d’une coopération interrégionale pour lutter contre le terrorisme qui secoue ces deux régions. On connaît aussi toute la place de la Mauritanie dans ce schéma depuis le processus de Nouakchott. L’heure est aux partenariats qui ne peuvent plus exclure ni le Sénégal et encore moins les pays du Golfe de Guinée partageant les mêmes préoccupations sécuritaires. Vous conviendrez avec moi que la force conjointe initialement pensée devrait s’élargir. Dans ce contexte où s’imposent les synergies, la Cedeao qui doit renforcer sa présence au Mali, peut jouer le rôle de catalyseur qui lui renvient tout en prenant la pleine mesure, avec un nouveau départ, de la nécessité d’urgentes réformes et d’un inéluctable changement de paradigme. L’idéal serait, toutefois, que la Cedeao puisse disposer d’une force d’imposition de la paix aux regards des multiples défis politico-sécuritaires dans la région.
Propos recueillis par Mohamed Kenouvi
Cet entretien de Dr. Bakary Sambe, avec Medi1TV (Hebdo Africain) se focalise sur la nécessité d’accélérer les efforts conjoints pour soutenir l’Afrique qui fait face à une montée de la violence extrémiste sur le continent au moment où, paradoxalement, elle recule en Europe et dans d’autres régions du monde. Le Maroc a accueilli en mai 2022, la réunion ministérielle de la Coalition anti-Etat islamique (EI) au moment les experts africains et observateurs se posent un certain nombre de questions sur l’engagement de la communauté internationale en Afrique même si parmi les objectifs de ce cadre, figure en bonne place celui de «coordonner et poursuivre l'engagement international» contre la menace croissante de l'organisation djihadiste en Afrique et sa résurgence au Moyen-Orient. Pour Dr. Bakary Sambe, «l’Africa Focus Group est, certes, une initiative à saluer vu la montée des périls en Afrique et plus particulièrement au Sahel » même s’il exhorte la communauté internationale à mettre l’accent sur un soutien plus affirmé « de la même ampleur que les efforts conjoints déployés pour combattre conjointement l’EI au Moyen-Orient ». Toutefois, le Directeur du Timbuktu Institute reste convaincu que « la coopération sécuritaire n’a pas jusqu’ici permis de lutter efficacement contre le terrorisme en gérant les urgences sécuritaires sans négliger la prévention de l’extrémise violent » en s’attaquant aux causes structurelles, souvent instrumentalisées par les groupes terroriste à la recherche d’ancrage sociopolitique et surtout de ce qu’il appelle les « couveuses locales ».
Dr. Bakary Sambe, vous dirigez le Timbuktu Institute, une des institution africaines leader dans le domaine des études stratégiques et de sécurité avec vos travaux novateurs sur la menace terroriste. Vous considérez la première réunion ministérielle de la coalition mondiale contre Daech en Afrique qui se tient ce matin à Marrakech comme une opportunité pour le Maroc de porter la voix de l'Afrique sur cette question. Depuis le Maroc que doit dire l'Afrique à la communauté internationale ?
Le choix du Maroc pour co-présider ce nouveau groupe confirme son rôle important dans la lutte contre le terrorisme. En tant que signal important pour l’Afrique de manière générale, cette idée d’Africa Focus Group est une initiative à saluer vu la montée des périls dans la région et plus particulièrement au Sahel. Il y a urgence dans une région où on note une augmentation de 1000% (mille pour cent) du nombre de morts depuis 2007 alors que le Sahel concentre aujourd’hui 43% des victimes du terrorisme en Afrique subsaharienne. A Marrakech, l’Afrique ne doit pas rater l'occasion de dire à la communauté internationale qu’on n’a pas encore vu sur le continent une mobilisation de la même ampleur que celle opérée lors de la lutte contre Daech au Moyen-Orient. L’Afrique semble à bien des égards abandonnée à elle-même alors qu’au même moment où un note un recul de la nébuleuse Daech au Moyen-Orient et en Europe notre continent est devenu, le nouveau point chaud et foyer de redéploiement du terrorisme international. Il y a un paradoxe assez parlant relevé par un ancien ministre burkinabé : après d’innombrables conférences, la communauté internationale dit chercher en vain 423 millions d’euros pour le G5 Sahel depuis des années alors que pour l’Ukraine 6 milliards d’euros ont été mobilisés en urgence et en une seule conférence.
On le sait vous êtes assez critique sur l'approche jusqu'ici adoptée dans la lutte contre le terrorisme. Pourquoi pensez-vous que cette lutte n'a pas produit les résultats escomptés ?
Contrairement aux idées reçues, les pays de la région qui, malheureusement, offrent aujourd’hui une nouvelle opportunité d’expansion à Daech n’ont jamais été inactifs face au terrorisme. Les États du Golfe de Guinée ont plusieurs fois mené des opérations militaires, soit conjointement, soit individuellement. Par exemple, en novembre dernier, une opération militaire conjointe entre plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest a pu mobiliser environ 6 000 soldats avec l'arrestation de 300 terroristes présumés. Il y a aussi l’Opération Goundalgou, dans le cadre de l'Initiative d'Accra, lancée en 2017 par le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Ghana et le Togo. Déjà en 2018, une opération conjointe entre les forces armées du Mali et du Burkina Faso avait permis de démanteler une cellule terroriste présumée à Ouagadougou. En fait, à vrai dire, ce ne sont pas les initiatives militaires qui manquent mais une approche globale du phénomène multiforme du terrorisme. Il faut se l’avouer, l’approche jusqu’ici adoptée n’a pas empêché que l’Afrique subsaharienne concentre la moitié des décès dus au terrorisme en 2021 avec au moins 43% des victimes africaines au Sahel.
Alors qu'est-ce que l'Afrique et ses partenaires ont donc raté jusqu'ici et qu'attendre du Maroc plus spécifiquement? Peut-on s'attendre à une nouvelle dynamique avec le focus Africa après Marrakech?
La communauté internationale doit avoir à l’esprit que la réunion de Marrakech se déroule à un moment à la fois décisif et critique avec la prolifération des mouvements affiliés à Daech où notre continent se transforme en un havre d’épanouissement de l’Etat islamique. Rien qu’au Niger les décès dus au terrorisme ont doublé. La coopération sécuritaire n’a pas jusqu’ici permis de lutter efficacement contre le terrorisme en gérant les urgences sécuritaires sans négliger la prévention de l’extrémise violent en s’attaquant aux causes structurelles, souvent instrumentalisées par les groupes terroriste à la recherche d’ancrage sociopolitique et surtout de ce que j’appelle les « couveuses locales ». Hélas, on semble persister dans une approche traitant les symptômes en négligeant les racines du mal déjà profondes. Et, aujourd’hui avec la brouille entre Bamako et Paris qui a parasité l’esprit de sécurité collective, Vous conviendrez avec moi que la force conjointe initialement pensée doit s’élargir. La question est de savoir comment le Maroc, en dehors de la formation des imams et autres initiatives, pourrait impulser une nouvelle dynamique en s’appuyant sur ses excellentes relations avec les pays de la région pour porter le plaidoyer afin que la CEDEAO puisse disposer, enfin, d’une force d’imposition de la paix aux regard des multiples défis politico-sécuritaires dans la région tout en encourageant l’activation et le soutien international de la force africaine en attente… depuis maintenant, trop longtemps.
Pourquoi un webinaire régional sur « Jeunes et transitions politiques au Sahel et en Afrique de l’Ouest » au moment où les différentes expériences en cours commencent à interroger les observateurs comme les citoyens des pays respectifs qui traversent cette période décisive et cruciale pour l’avenir de leurs institutions et de manière générale, leur stabilité pour les années à venir ? Comment expliquer l’engouement des jeunes lors des différents coups d'État qui ont réussi dans la région et qui ont débouché sur de « nouvelles pathologies de la démocratie » – qu'elles prennent la forme d'interventions militaires contre le pouvoir civil ou de violations de la Constitution visant à permettre aux dirigeants sortants d'effectuer un mandat supplémentaire ?
Ces phénomènes récurrents méritent d’être analysés en prenant en compte les perceptions des jeunes qui, à l’origine, étaient aux avant-postes des luttes pour la démocratie et qu’on retrouve, aujourd’hui, en première ligne pour acclamer l’arrivée des militaires au pouvoir.
Deux questions centrales se posent avec acuité qui méritent une profonde et sérieuse réflexion : Que s’est-il réellement passé pour que s’impose cette nouvelle dynamique que l’on note aussi bien au Mali, au Burkina Faso, en Guinée et dans une moindre mesure au Tchad ? En est-on arrivé à une panne du modèle démocratique qui n’aurait tenu ni la promesse du développement ni celle de la sécurité et encore moins celle d’un plein épanouissement d’une jeunesse en pleine « quête de sens et de chance » ?
Les jeunes en sont-ils à une approche « alternative » de la question démocratique parce que le multipartisme qui devait couronner le processus démocratique a, tout au plus, réveillé le spectre de l'ethnicisme et du régionalisme dans les différents pays de la région ? Comment en est-on arrivé à cette situation complexe où à un pluralisme démocratique sain et paisible tant rêvé s’est substitué l’esprit de « népotisme de clans », allumant le feu des crises et conflits intercommunautaires qui font toujours rage sur le continent sur fonds d’une insécurité devenue endémique ?
Aujourd'hui, ces conflits latents ou qui couvent dans nombre de nos pays sont ravivés par les effets du terrorisme et du radicalisme religieux au Sahel et en Afrique de l’Ouest alors que des régimes militaires sont venus sonner le glas de la réelle dynamique de démocratisation des dernières décennies malgré leurs insuffisances. Depuis quelques mois, des transitions politiques sont entamées dans un contexte de vives contestations, d’un vent inédit de « populisme » pour certains et même de surenchères nationalistes voire diplomatiques.
Pourtant, le rôle des jeunes dans cette période reste flou oscillant au gré des instrumentalisations politiques et des revendications souverainistes brandies par les gouvernements de transition comme une nouvelle demande sociale qui serait au cœur des priorités et dont ils seraient les nouveaux chantres légitimes voire incontournables.
Depuis le lancement, en octobre 2021, de l’initiative participative « la Parole aux Maliens » et l’étude de perception menée par Timbuktu Institute dans 10 régions du Mali, il manque une véritable mise à jour sur l’appréciation propre aux jeunes de la conduite des transitions politiques.
Mais, ces transitions ont-elles réussi à répondre, concrètement, aux attentes des jeunes ? Les gouvernements de transition respectifs ont-ils, comme promis à leur arrivée, suffisamment impliqué les jeunes dans la gestion des affaires publiques ? Les gouvernements respectifs et les nouvelles autorités ont-ils effectué un travail d’écoute et de recueil des attentes de cette frange qui constitue l’écrasante majorité de la population des différents pays en situation de transition politique ? Enfin, au-delà des manifestations et des diverses mobilisations politiques des jeunes, quelle est l’appréciation de cette catégorie d’acteurs de la conduite même des transitions en termes d’atteinte des objectifs, d’orientations et de prise en compte de la nécessaire consolidation de la démocratie et de l’Etat de droit ?
C’est dans cette perspective que le bureau Mali du Timbuktu Institute qui conduit une veille sur ces différents pays à travers ses chercheurs et grâce aux outils technologiques de son Observatoire des réseaux sociaux, organise ce webinaire participatif à dimension régionale. Cet évènement animé par des chercheurs et acteurs de la société civile du Burkina Faso, de la Guinée, du Mali, du Sénégal et du Tchad entre dans le cadre du concept « Conversations citoyennes » développé par l’Institut et qui couvrira divers sujets de préoccupation dans les pays de la région avec un focus particulier sur les jeunes et leurs perceptions et visions de la démocratie, de l’Etat de droit, des avancées dans la conduite des transitions politiques mais aussi des rapports entre l’Afrique et le reste du monde.
Ce webinaire régional destiné, surtout, à faire entendre la voix de jeunes engagés, aux divers profils ainsi que leur appréciation de la situation verra la participation de : Maix Somé du Burkina Faso, économiste et analyste politique, Nathalie Sidibé du Mali, directrice de Data Tic Consulting, Open Data Activist, Joslain Djeria du Tchad, analyste politique spécialiste des questions de stabilisation, Sally Bilaly Sow de la Guinée, Coordonnateur de l’Association Villageois 2.0 et consultant en CivicTech et de Fanta Diallo du Sénégal, Activiste-féministe et bloggeuse engagée sur les questions de citoyenneté et de participation politique.
S’inscrire sur ce lien : https://us02web.zoom.us/webinar/register/WN_Y1bb5WInTW6E4MIkHNrz0A
Les élections électorales sont souvent un prétexte, pour la classe politique, de verser dans la violence. Des comportements qui n’honorent pas la démocratie sénégalaise. Pour mettre fin à ces pratiques, Timbuktu institute, en partenariat avec la fondation Konrad Adenauer, a procédé hier, à Mbour, au lancement national de la première session de dialogue sur l’engagement citoyen et la prévention de la violence politique. Après Mbour, ce projet compte aller dans d’autres régions du pays.
Par Alioune Badara CISS (Correspondant) – Les élections politiques sont, depuis un certain temps, considérées comme des moments d’anxiété à cause de la violence qui les émaille. Ainsi, en prélude aux élections législatives du 31 juillet 2022, Timbuktu institute, en partenariat avec la fondation allemande Konrad Adenauer, sensibilise les jeunes issus de différents partis politiques, de la Société civile et de la presse pour diagnostiquer la violence politique et l’engagement citoyen à la veille des élections législatives.
Selon Dr Bakary Samb, Directeur régional de Timbuktu institute, cette anticipation se fait par la mobilisation de divers acteurs. «Nous avons convié surtout les jeunes représentants des partis politiques présents au Sénégal, les leaders religieux, les acteurs de la presse, la Société civile et les Forces de sécurité et de défense, pour que nous voyions comment dans notre pays, nous pourrions faire des élections des moments apaisés», a déclaré Dr Samb.
Il souhaite que le Sénégal arrive à avoir cette maturité d’être une démocratie apaisée, en organisant des élections sans violence et transparentes. Mais pour en arriver à ce résultat, il rappelle les préalables : «Il faut deux types de responsabilités, d’abord celle des autorités publiques, de l’Etat, des partis au pouvoir, qui doivent assurer des élections inclusives et transparentes, démocratiques et crédibles. Mais aussi celle de l’opposition, qui doit jouer son rôle de veille, mais également assumer toute sa responsabilité de composante qui doit contribuer à la démocratie, mais aussi à la consolidation de nos acquis», a énuméré le Directeur régional de Timbuktu institute.
Malgré ces pistes pour sortir de cette spirale de violence notée depuis un certain temps dans l’espace politique, Dr Bakary Samb reconnaît que la nature de la violence politique a changé : «Cette violence continue à être une réalité. Nous avons vu maintenant des modes d’engagement politique et des modes d’engagement citoyen qui ne reflètent pas l’esprit démocratique, dans le sens où, traditionnellement, les partis politiques donnaient une certaine importance à la formation dans les écoles de partis, à la culture de l’esprit citoyen et celle du débat démocratique. Mais aujourd’hui, avec la démocratisation de l’accès à l’outil numérique, on assiste à la manifestation d’un nouveau type de violence, qui peut détruire des familles et des réputations. Cela n’honore pas notre démocratie.»
Il a donc invité tous les acteurs à matérialiser cette démocratie par la participation active de tous dans leur rôle de régulation.
Interpellé sur le pouvoir qui ne respecterait pas les règles du jeu démocratique en voulant instaurer le parrainage malgré l’arrêté de la Cedeao, le spécialiste des questions politiques pense que les ressorts de cette violence politique sont à chercher dans «l’absence de transparence dans le processus électoral, l’absence d’exclusivité par des mesures qui peuvent être des obstacles à la pleine participation, et une participation inclusive de toutes les sensibilités. Il y a également l’attitude sélective que nous avons par rapport aux décisions de la Cedeao, lorsque ces dispositifs arrangent et lorsqu’elles dérangent. La crédibilité d’un système démocratique voudrait qu’on ait la même attitude sur le respect de la loi, sur la transparence, sur les principes démocratiques, y compris tous les instruments nationaux comme régionaux, tel que l’arrêté de la Cedeao».
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