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Une quarantaine de pays africains parmi les plus pauvres au monde vont bénéficier d’une suspension de leur dette pendant 12 mois, une mesure d’urgence décidée par le G20 pour aider des économies déjà vulnérables pétrifiées par le ralentissement mondial lié au coronavirus.

 

D’où vient la dette africaine?

A leur indépendance, dans les années 1960, plusieurs pays africains ont hérité de dettes issues de la colonisation et se sont également endettés auprès de la communauté internationale pour bâtir leurs nouveaux Etats.

 

« C’était très abordable car les taux d’intérêt étaient proches de zéro. Mais le drame c’est que les Etats africains se sont endettés à des taux d’intérêt variables », explique l’économiste togolais Kako Nubukpo.

Or, à la fin des années 1970, après les chocs pétroliers, les taux montent en flèche.

« Les pays africains se sont retrouvés à rembourser à des taux très élevés une dette qu’ils avaient contractée à des taux très faibles. Le côté insoutenable de la dette africaine est né à ce moment-là », décrypte Nubukpo.

C’est à cette période que les politiques d’ajustement structurel voient le jour avec des prêts de la Banque mondiale ou du Fonds monétaire international en échange de réformes pour libéraliser l’économie.

Un troisième vague d’endettement intervient dans les années 2000 avec l’arrivée de la Chine, qui devient rapidement le premier créancier du continent.

« C’est un cycle où nous sommes sortis du colonialisme pour tout de suite entrer sous le joug de l’endettement », déplore pour l’AFP le philosophe camerounais Achille Mbembe.

Suspension, annulation: vraiment possible?

Mercredi, plusieurs créanciers publics, ont accepté la suspension pour douze mois de la dette des pays les plus pauvres, dont font partie 40 Etats africains.

Un report, à défaut d’une annulation, qui ne devrait représenter qu’une petite partie de l’endettement total du continent estimé à 365 milliards de dollars, dont environ un tiers est dû à la seule Chine.

« Contrairement à ce que l’on a connu dans les années 80 où ce n’était que de l’endettement auprès d’Etats souverains, la dette africaine est aussi détenue désormais par des investisseurs privés, comme des fonds d’investissement », pointe Nubukpo.

Car outre les prêts accordés, souvent à des taux très bas, par certains Etats ou organisations internationales, les pays africains ont émis de la dette sur les marchés financiers internationaux.

« Le fait d’annoncer un moratoire sur la dette et a fortiori une annulation de la dette ne semble pas aussi simple qu’il y a 20 ou 30 ans », craint à ce titre Kako Nubukpo.

La dette africaine, mythe de Sisyphe?

Plusieurs pays africains ont connu des allègements de dette ces dernières années, au titre de l’initiative de la Banque mondiale et du FMI en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE).

Mais le cercle vertueux escompté ne s’est pas enclenché: le Congo-Brazzaville par exemple, dont la dette a été divisée par trois en 2005, est à nouveau endetté à plus de 100% de son PIB.

« Il ne faut pas perdre de vue la question de la malgouvernance et de la corruption qui gangrènent certains régimes sur le continent. On parle d’un cycle infernal de l’endettement pour le financement d’un développement qui n’est toujours pas là », explique Bakary Sambé, directeur du Timbuktu Institute basé à Dakar.

Un avis partagé par Kako Nubukpo qui rappelle également que « beaucoup d’économies africaines exportent des matières premières sans les transformer et se privent donc des possibilités de création de valeurs, d’emplois, de revenus et d’impôts », poursuit-il.

Achille Mbembe pointe, lui, « le système de la dette ».

« On vous enlève une petite partie de la dette et en échange on vous rajoute un autre prêt. Cela créé un cercle infernal », critique t-il.

« La Chine a mis en place une économie de captation avec des dettes pratiquement irremboursables pour, en échange, mettre la main sur un ensemble de ressources naturelles rares », explique Mbembe.

L’occasion de bâtir une nouvelle relation avec l’Occident?

« Nous devons instaurer un moratoire immédiat sur le paiement de toutes les dettes bilatérales et multilatérales (…). Nous demandons aussi à tous les partenaires du développement de l’Afrique d’allouer leurs budgets », ont demandé des chefs d’Etat et de gouvernement africains mais aussi européens comme Emmanuel Macron ou Angela Merkel dans une tribune au Financial Times.

Suspendre des dettes et continuer l’aide au développement: la recette habituelle de la relation Occident-Afrique peut-elle durer?

« Il faut annuler une bonne fois pour toutes le paiement des intérêts sur la dette dont les montants dépassent souvent de loin l’emprunt originel », plaide Achille Mbembe.

Le philosophe préconise aussi des conditions draconiennes aux nouveaux emprunts, en les soumettant aux « délibérations démocratiques » directement des populations concernées.

« Il est criminel que les générations d’aujourd’hui, au lieu de laisser un patrimoine aux générations futures, leur laissent des dettes irremboursables », conclut-il.

 

Source: https://www.h24info.ma/

En plaidant pour une annulation de sa dette, Emmanuel Macron veut « aider » l’Afrique à affronter la crise du coronavirus et se place ainsi en champion de la coopération internationale face à l’isolationnisme des Etats-Unis et à l’opération de charme lancée par la Chine sur le continent.

« Nous devons absolument aider l’Afrique à renforcer ses capacités à répondre au choc sanitaire et a fortiori l’aider sur le plan économique », a expliqué le chef de l’Etat dans un entretien à RFI diffusé mercredi.

Lundi soir, il avait surpris en appelant, lors de son allocution aux Français, à annuler « massivement » la dette des pays africains pour qu’ils puissent lutter « plus efficacement » contre la crise sanitaire.

La pandémie semble jusqu’à présent moins toucher l’Afrique que le reste du monde, avec un total de quelque 16.200 cas officiellement recensés pour près de 900 morts, selon un décompte de l’AFP. Mais Emmanuel Macron a appelé à la prudence, en disant ne vouloir être « ni catastrophiste, ni naïf » car ce virus « touche tout le monde ».

Pour Paris, la crainte existe que l’Afrique soit touchée de plein fouet au moment où l’Europe en sortirait, avec le risque d’une possible recontamination.

A l’Elysée, on insiste cependant sur « la bonne réaction » de nombreux pays africains. « J’ai beaucoup parlé avec mes partenaires africains pour qu’ils décident au maximum des confinements et qu’ils retardent l’épidémie: plus ils la retardent, plus les Européens sont en situation de leur apporter de l’aide, parce qu’on n’aura pas le pic épidémique au même moment », a expliqué Emmanuel Macron.

Le président français a notamment échangé avec son homologue sud-africain Cyril Ramaphosa, dont le pays préside l’Union africaine, et trois autres chefs d’Etat avec lesquels il a noué des « relations privilégiées » selon l’Elysée: l’Ethiopien Abiy Ahmed, le Rwandais Paul Kagamé et le Sénégalais Macky Sall. Ce dernier a d’ailleurs salué comme une « marque de solidarité internationale » le soutien d’Emmanuel Macron à la « stratégie d’annulation de la dette des pays africains » qu’il avait présentée la semaine dernière.

– « Suspension de la dette » –

Après s’être accordé, le 3 avril, avec dix dirigeants africains sur la nécessité d’un effort commun face au virus, le président français a cherché à y associer des pays européens et la Commission. Et ce sont 18 chefs d’Etat, de gouvernement et d’institutions internationales des deux continents qui ont lancé un appel commun à des « mesures d’exception » en faveur de l’Afrique, dans une tribune publiée mercredi dans le Financial Times et Jeune Afrique.

Mercredi, les ministres des Finances et les banquiers centraux du groupe G20 ont donné leur aval mercredi à une suspension immédiate et pour une durée d’un an de la dette des pays les plus pauvres, dont une quarantaine de pays africains.

Une « avancée historique », selon Paris, qui reste cependant très en-deçà de l’objectif fixé par Emmanuel Macron et défendu par nombre d’ONG – même si le ministre français de l’Economie Bruno Le Maire assurait dès mardi qu’un moratoire était « une étape majeure et un succès important pour la France ».

« Si Emmanuel Macron ne prenait pas ce leadership sur l’Afrique, personne ne le ferait en Europe », souligne l’un de ses conseillers. Car « il est le seul, parmi les Européens, à avoir une relation directe avec une dizaine de chefs d’Etat africains ».

’expert Bakary Sambé, directeur du Timbuktu Institute à Dakar, voit dans la démarche d’Emmanuel Macron « une nette volonté de faire avancer les choses dans un moment difficile où certains pourraient voir les priorités ailleurs », notamment sur le seul plan national.

Mais l’appel des 18 dirigeants à s’appuyer sur les institutions internationales face à la pandémie se heurte de plein fouet à la suspension, annoncée mardi par Donald Trump, de la contribution des Etats-Unis à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Une décision aussitôt dénoncée par l’ONU et de nombreuses capitales.

Depuis le début du quinquennat, le président français cherche à relancer les relations franco-africaines, traditionnellement complexes, sur de nouvelles bases. Après avoir acté en décembre la fin prochaine du franc CFA, il devait en tirer un bilan lors du sommet France-Afrique prévu en juin à Bordeaux mais reporté en raison de la crise sanitaire.

La France peine à garder son influence en Afrique face aux offensives d’autres puissances comme la Russie et surtout la Chine, particulièrement active depuis le début de la crise avec des envois de matériel et d’équipes médicales. Alger a ainsi récemment exprimé sa « gratitude » envers Pékin, qualifié d' »amie véritable de l’Algérie ».

L’Elysée affirme que l’initiative lancée cette semaine n’est pas « une réponse à l’offensive chinoise en Afrique », tout en appelant à « éviter que chacun fasse de la surenchère à la visibilité dans l’aide à l’Afrique ».​

Source: https://afrique.lalibre.be/

Par Fatima Lahnait – Senior Associate

Fellow Timbuktu Institute

Cet article de Fatima Lahnait, Senior Associate Fellow du Timbuktu Institute, est au cœur de la problématique du linkage et de l’interdépendance des économies autour d’un destin collectif devant amener à mieux penser les formes et le sens de la coopération. Elle revient dans ce papier sur l’analyse d’une situation géopolitique et économique inédite due à la pandémie affectant en même temps l’Europe et l’Afrique. Dans une démarche alliant le souci du factuel et profondeur des interrogations socioéconomiques liées à une conjoncture internationale aggravant les difficultés internes, Fatima Lahnait ouvre une voie pour une recherche plus ciblée sur cette problématique d’un grand intérêt aussi bien pour les dirigeants africains et leurs partenaires internationaux.

 

Surnommée par certains la ‘maladie des riches’, car ‘importée’ par des étrangers et/oupar les ressortissants qui ont voyagé ou qui vivent dans des zones dites ‘à risque’ (Europe ou Asie), le Covid-19 est la première crise sanitaire véritablement mondiale. Elle affecte le continent africain depuis février 2020.

 

I –Faire face à une situation inédite

La pandémie se propage dans un contexte économique mondial bouleversé par l’effondrement des cours du pétrole, la perturbation des échanges commerciaux et des flux financiers.

Elle va avoir des répercussions importantes sur les économies du continent en raison de son impact sur le commerce mondial. Selon les estimations de la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED), la croissance du produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique en 2020 pourrait passer de 3,2% à 1,8%, voire moins si la situation s’aggravait davantage[1].

 

Les faibles moyens de dépistage et de protection dont disposent les pays africains, à l’instar il faut bien le dire, des pays occidentaux, ne permettent pas d’avoir des estimations probantes du nombre de personnes infectées, mais le nombre de cas confirmés augmente.

 

Les Etats africains se sont adaptés en fonction des contextes locaux. Ils ont progressivement pris des mesures plus ou moins drastiques pour freinerla propagation du virus, n’hésitant pas suspendre les vols internationaux, malgré l’importance du tourisme pour les économies locales, et à restreindre la circulation. Il est cependant difficile de fermer de manière étanche les frontières terrestres.

La fermeture des écoles et des commerces non essentiels et l’interdiction des événements sportifs, religieux (alors même que de nombreux croyants s’en remettent ‘à la grâce de Dieu’ pour être protégés), politiques, mariages, funérailles ont progressivement été instaurées.

 

Qu’il soit volontaire ou imposé, partiel ou total le confinement fait dorénavant partie du quotidien sur le continent. Il est pourtant difficile de généraliser des confinements, notamment dans les quartiers populaires densément peuplés, au risque de provoquer la panique des populations qui craignent pour leur subsistance au quotidien. Le Covid19 exacerbe en effet les disparités économiques et paralyse le secteur vital de l’économie informelle, parfois seule activité génératrice de revenus dans les foyers.

Selon les chiffres publiés par l’Organisation Internationale du Travail, en 2018, le taux d’emploi informel s’élève, sur le continent, à près de 85,80%[2]. Comment dès lors atténuer les conséquences économiques et sociales de la pandémie auprès des plus vulnérables ?Quelles ressources mobiliser pour soutenir les travailleurs du secteur informel ? Si l’intervention des Etats est indispensable, la coopération et la solidarité internationale s’impose également.

 

II - L’Afrique peut compter sur ses diasporas.

Les diasporas sont des acteurs majeurs du développement économique de leurs pays d’accueil et d’origine et des soutiens sans faille à leurs familles et communautés. Les transferts de fonds effectués par la diaspora vers leurs pays d’origine entretiennent la perception de ‘réussite’ de ses membres aux yeux de ceux qui sont restés dans leurs pays d’origine et alimentent les mouvements migratoires.

 Malgré un contexte difficile et une certaine morosité dans les pays d’accueil, les membres des diasporas ne dérogent pas aux règles de générosité et de partage qui prévalent sur le continent. La solidarité avec les pays d’origine est de rigueur.

[1]https://news.un.org/fr/story/2020/03/1065072

[2]https://www.ilo.org/global/about-the-ilo/newsroom/news/WCMS_627201/lang--fr/index.htm

 

Les transferts monétaires sont affectés au soutien familial, pour compléter des revenus faibles et/ou irréguliers, à des investissements personnels et des opportunités de placement, et servent aussi souvent à pallier les carences de l’investissement public dans les pays d’origine (domaines de l’eau, de l’électricité, de l’éducation, la santé). La concurrence dans le secteur a fait légèrement baisser le coût des transferts, mais ceux-ci restent élevés, aggravés encore par les taux de change appliqués.

En moyenne, le coût d’un transfert représente environ 6% de la somme envoyée, soit près du double de l’objectif de développement durable (ODD 10.c) de 3 %, fixé par les Nations Unies, à atteindre d’ici 2030.

 

III - Les transferts d’argent : pierre angulaire de l’économie de nombreux pays

Ces transferts, en hausse, contribuent au développement économique et social du continent. Ils se révèlent cruciaux en cette période de crise sanitaire, tout en étant cependant peu organisés et sous-productifs.

 

Les transferts vers l’Afrique sub-saharienne étaient estimés à environ 49 milliards de dollars pour 2019, avec une prévision de 51 milliards de dollars pour 2020. La zone Moyen Orient Afrique du Nord cumulant 59 milliards de dollars pour 2019, avec une prévision de 61 milliards pour 2020, cela sans inclure les transferts informels.

En 2018, l’Egypte, avec 28,9 milliards de dollars, et le Nigéria avec 24,3 milliards de dollars, ont été les pays du continent ayant reçu le plus de transferts.

 

Ces transferts constituent une manne financière indispensable pour de nombreux pays et représentent souvent la 1ère source de devises étrangères. D’autant plus importante qu’actuellement les investissements directs étrangers et les activités touristiques sont quasiment interrompus. Ce qui implique de s’interroger sur leur continuité.

 

Certes, pendant le confinement, les revenus d’une partie de ces diasporas continuent d’être assurés, soit parce qu’ils travaillent dans des secteurs dont la poursuite de l’activité est indispensable, soit parce les pays où elles se trouvent ont pris des mesures garantissant leurs revenus (chômage partiel, aides financières aux indépendants…). Ce qui leur permet de poursuivre leur soutien financier vers leurs pays d’origine.

Mais cela concerne essentiellement les revenus salariaux. Or nombre des membres des diasporas travaillent sans statut officiel et/ou légal, soit pour compléter leurs revenus, soit parce qu’ils se trouvent en situation irrégulière, soit encore parce qu’ils vivent dans des pays sans protection sociale spécifique à cette crise sanitaire.

Il est donc à craindre que dans ce contexte, le montant ou la régularité des transferts d’argent ne viennent à chuter, ce qui ne pourra qu’ajouter une pression supplémentaire sur les fragiles économies des Etats africains.

 

                                                                                                                                                                 

A l’heure de la co-construction, les partenaires internationaux de l’Afrique doivent éviter d’être éternellement induits en erreur par des projections et autres études imprégnées de doctrine, comme figées dans un moule idéologique.

Si les choix stratégiques ou les lignes diplomatiques doivent se dessiner dans des « centres ou cellules de crise” alimentés par des « Groupes de crise », c’est que la méthodologie est clairement orientée et plus sûrement biaisée.
Il y a, ces dernières semaines, une profusion de titres et de tendances à “surveiller”, qui rythme le quotidien des prospectivistes engagés sur les trajectoires africaines.

Un « effet pangolin» serait donc à prévoir à partir de « tendances à surveiller »

Et l’on résume ainsi froidement le destin de tout un continent ou d’une région aux réalités complexes.

Il ne faut pas être simplement foucaldien pour comprendre que «surveiller» c’est aussi «punir», condamner, dirait-on, toute une région à un destin préétabli avec une approche conjoncturelle qui se mue en surdéterminant indéterminé – comme aime dire M. Chérif Ferjani -.

Même si tout n’est pas noir ou négatif, accordons le bénéfice de la bonne intention ; on peut «sur-veiller» un bien précieux qu’on croit entièrement posséder, mais le préfixe induit, déjà, l’idée de se mettre au-dessus et de regarder d’en ou de haut. Mais s’il ne sied plus de punir, on se plaît à condamner une région, voire tout un continent à une éternelle répétition de l’Histoire, si seulement il réussissait la prouesse d’y entrer. Continuer à appréhender les réalités africaines sous le seul paradigme d’un continent qui sert de variable d’ajustement après périodes de crises, de repositionnement stratégique ou de transition de puissance, serait une fatale erreur d’appréciation qui risque d’exacerber les malentendus cumulés ou refoulés.

Toutes les tendances que nous annoncent les « centres » et les « groupes crise », se résument en une seule : l’Afrique revivra forcément et éternellement les catastrophes du passé et ses fragiles structures politiques et économiques voleront en éclat de sorte qu’elle aura besoin de l’assistance internationale comme seule issue possible.

Cette perception repose sur deux principaux postulats qui ont marqué le regard sur le continent et ses réalités depuis la nuit des temps : un déterminisme structurel et systémique qui perd de vue ou ignore le rôle des acteurs, une dépendance automatisée qui ignore la vitesse d’adaptation du continent dans la mondialisation.

Dans un esprit constructif loin des présupposés et des doctrines, il serait hautement plus salutaire d’aller au-delà de la seule « surveillance » de tendances qui induit une attitude passive et pessimiste et créer de manière collaborative les conditions d’une résilience.

 

Face au déterminisme structurel, valoriser les dynamiques créatrices nouvelles

Le déterminisme structurel avec son concept de « causalité historique » ne prend que peu en compte la capacité des êtres humains à déjouer les lois et effets structurels qui naissent de certains phénomènes sociaux, dès qu’ils en prennent conscience. Beaucoup de prospectivistes sont tombés dans ce travers au prix de « mauvaises surprises » par rapport à des sociétés qu’ils avaient figées et cernées dans leurs analyses.

Les révolutions du Printemps arabe ont eu cet effet, sans qu’un seul des cadres des « centres de crise » n’ait pu voir arriver une seule hirondelle,
déceler le moindre mouvement social, jamais capté par des méthodes sophistiquées, souvent basées sur des normalités devenues faussement « structurelles ».

Les notes et autres études qui ont largement circulé ces derniers temps prophétisant les effets «dévastateurs» du Covid-19 sur le continent ont, toutes, une même tendance : le continent est fait d’Etats fragiles ne pouvant développer suffisamment de résilience face à un tsunami de problèmes et de catastrophes comme cela s’est toujours déroulé lors des précédentes crises.

Quid de la prise en compte des contextes qui ont changé et des dynamiques en mouvement ?

 

Contre les projections déterministes : les mêmes causes ne produisent pas forcément les mêmes effets :

Les notes qui ont émané d’officines diplomatiques présentent des fragilités théoriques à partir de postulats simplistes reposant sur le lien causal entre les structures et les résultats ultérieurs, en ignorant totalement la question de la temporalité.

En s’appuyant sur les évènements passés pour juger de l’avenir, on est dans la méthodologie de la facilité voulant que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets.

Ainsi faisant, ces experts semblent ignorer que les événements déclencheurs, relèvent parfois de simples épiphénomènes, tout comme l’effet cumulatif des causes, tant il est évident que la structure prédétermine un certain résultat qui se produira tôt ou tard.

C’est dans ce genre de déterminisme structurel que Pierson range les travaux de Barrington Moore sur les origines de la dictature et de la démocratie, dans la mesure où il se base sur des variables macrosociales qui prédisposent les pays à tel ou tel résultat.

Appréhender ainsi l’avenir de l’Afrique face à cette pandémie serait injuste si l’on retient que, dans l’Histoire de l’Europe, par exemple, les conjonctures critiques comme la Peste noire, ont placé les Etats sur des trajectoires qui ont transformé de petites différences institutionnelles initiales en grandes disparités.

Cette pandémie, justement, n’avait pas abouti à l’éclatement des sociétés en crise mais bien à la fin de la féodalité en Europe de l’Ouest alors qu’à l’Est de l’Europe, elle a renforcé cette même féodalité avec le second servage. A partir de ce rappel d’une cause historique ayant produit des effets complètement différents, on peut bien apprendre qu’aucune projection sérieuse ne peut conclure de manière catégorique que l’Afrique réagira forcément de la même manière que lors des crises précédentes.

 

L’Afrique réagira différemment à la montée des nationalismes post-Covid-19 : une leçon africaine à méditer face aux crises identitaires ?

Il est vrai que l’après-covid-19 s’annonce comme l’ère du retour paradoxal au nationalisme où même l’élite mondiale, celle de la génération de la Fin de l’Histoire, qui, pendant plusieurs décennies nous avait théorisé le libéralisme et la mondialisation prône, désormais, l’économie nationaliste, après celle du « container », dans un contexte où l’Union européenne, en son essence, vole en éclats.

C’est, peut-être, pour cela que certaines conclusions sont vite allées dans le sens d’un éclatement probable des systèmes politiques africains au lieu de mettre l’accent sur les très possibles recompositions au sein du continent.

S’il n’est point aventurier de penser que l’après-coronavirus sera marqué par un fort retour ou un renforcement des nationalismes et des réflexes identitaires, il est sûr que ces relents identitaires ne se manifesteront pas de la même manière en Europe qu’en Afrique.

Fidèle à l’esprit westphalien, les nationalismes et populismes européens vont exacerber le repli car construit autour de l’Etat et des frontières, tel qu’on en a vu les prémisses dans la gestion barricadière de la crise sanitaire. L’Europe qui redécouvre en même temps que le monde entier sa vulnérabilité a rompu d’avec les principes mêmes des idéaux mondialistes et libéraux et a retrouvé les réflexes de la fermeture sur soi.

L’Afrique est l’une des zones du monde où nationalisme rime avec régionalisme, au sens panafricain du terme, et où le sentiment national n’a jamais nuit au projet régional.

La montée du nationalisme signifie, aussi en Afrique, ce retour au panafricanisme puisque l’idée d’Etat-nation n’y est pas complètement tropicalisée depuis sa migration à partir de l’Occident européen où il y a effectivement une superposition de l’Etat et de la Nation du moins dans leur construction historique et sociale.

Pour ce qui est de la gestion de la pandémie à proprement parler, le Covid-19 aura des effets différents sur les régions selon qu’on se situe au début ou à la fin du cycle. Le strict contrôle de l’information dans les régions asiatiques d’où la crise est partie a fait que l’alerte n’est pas arrivée très tôt dans les pays occidentaux qui ont été moins préventifs, sûrs des capacités de leurs systèmes sanitaires qui ont finalement lâché face à des maladies qu’ils croyaient tellement bénignes. L’Afrique a eu le temps d’apprendre de l’expérience des autres et de sa victoire sur Ebola, tout en étant consciente de sa principale vulnérabilité dans cette pandémie :

Le déficit de moyens de traitement a ipso facto entraîné une concentration dans la prévention, seule phase où l’Afrique peut espérer des victoires contre l’effondrement prédit par les analystes de crise.

D’ailleurs, la manie de qualifier de « miracles » toutes les autres réussites qui échappaient à ses prévisions est le signe qu’a sonné, depuis belle lurette, l’heure du renouveau paradigmatique pour la tradition universitaire européenne qui devrait plus faire preuve d’humilité et de prudence.

 

Cette crise est une rare opportunité d’intégration : mitiger les thèses d’une désintégration annoncée ?

Comme l’a si bien analysé Pr Alioune Sall, directeur de l’Institut des futurs Africains, la prudence s’impose et que ...

« le sensationnalisme de ceux qui annoncent des ravages doit être combattu au même titre que les postures incantatoires des magiciens du verbe ou des marchands d’empathie »

Les réactions à travers les réseaux sociaux et les médias de masse commencent à montrer comment le sentiment d’une hostilité ou d’un rejet provenant de l’extérieur renforce les cohésions internes panafricaines de manière inespérée. Cette tendance se manifeste à deux niveaux : politique décisionnelle et mobilisation d’une société civile continentale qui, en réalité, a toujours mieux incarné l’esprit intégrationniste que le leadership politique.

Il a été rarement constaté que les leaders africains parlent le même langage face à l’émergence des crises. Ces derniers jours, nombreux sont parmi eux qui appellent soit à l’annulation de la dette ou l’allègement des conditions imposées par les institutions financières internationales.

Sur le plan des initiatives, le centre africain de prévention et de lutte contre les maladies impulse une dynamique de synergie en rassemblant l’ensemble des pays membres deux fois par semaine afin d’élaborer des stratégies communes.

Bien que critique face au leadership et à l’aboutissement des initiatives entamées, on peut être frappé par l’élan de solidarité panafricaine incarnée par les leaders d’opinion dont la voix porte au plan mondial.

Même si ces porteurs de voix ne sont pas forcément issus des universités et du monde de la pensée pour l’heure timide, ces acteurs de la société civile panafricaine, sportifs et artistes de renom, amorcent la dynamique de « sortie de bibliothèque » au profit de « l’intervention et de l’action ».

Ces dynamiques silencieuses ne sont pas captées par l’approche statique d’un continent en mouvement où l’apport phénoménal des réseaux sociaux et de la société de l’information a introduit toute une autre donne. Il a dû faire défaut à ces experts des « crises africaines », le réflexe de porter l’attention due aux signaux faibles, mouvement lents mais ancrés ainsi qu’aux mutations échappant à l’observation des faits nus sans efforts d’une netnographie analytique.

Aujourd’hui ce nationalisme d’ordre civil et populaire trouve dans les réseaux sociaux le puissant relai médiatique qui lui manquait au siècle dernier.

 

L’agilité contre les fragilités ou comment développer des stratégies alternatives en co-construction ?

Aujourd’hui, afin de saisir pleinement ces dynamiques, il importe de rompre d’avec le syndrome de l’expert assis confortablement dans des tours pour une réelle entreprise de netnographie pour au moins deux raisons : la démocratisation de l’accès à l’information structurante et formatrice des opinions africaines à toutes les échelles hors des murs de la censure mais aussi malheureusement du contrôle éthique et de la répartie à l’heure des fake news .

Même si les opinions exprimées à travers les réseaux sociaux, et qui déterminent désormais le rapport à l’Europe et à ses actions sur le continent, ne sont pas des indices totalement fiables, elles donnent le signal qui appelle à une prise de conscience des mutations des rapports politiques et internationaux.

Sans outrecuidance ou un excès de confiance en la capacité de pays africains à surmonter cette crise, le continent a tellement fait face à des catastrophes ou épidémies qu’il est capable de tirer des leçons utiles (tool kits) de ces expériences passées ; alors que le plus gros problème que l’épidémie a pu poser aux pays dits développés provient du fait que les maladies infectieuses appartenaient au passé au point qu’ils ont surtout investi dans la médecine du futur. Il est sûr que les politiques publiques ne sont pas juste des causes mais des effets comme nous le démontrent les travaux de Pierson.

Cette situation est donc propice à l’échange de bonnes pratiques et de leçons apprises au sens d’une véritable co-opération, en tant que nouvel espace du donner et du recevoir loin des paradigmes de domination, de servitude obligée ou encore de paternalisme corrupteur de l’esprit de solidarité internationale.

Le gap qu’il y a eu entre l’approche internationale de la crise sahélienne et les perceptions locales et qui a fortement nuit à l’esprit même de la coopération est justement dû à cette

 

torpeur méthodologique que provoquent les certitudes instituées au sujet d’un continent et d’une région en mouvement et en mutation.

Des partenaires internationaux du Sahel continuent à en payer le prix avec l’amère impression d’un non retour sur un investissement lourd en vies humaines, en moyens financiers, qui n’ont finalement eu que des effets indésirables pour leur image et même leurs intérêts stratégiques.

La situation d’auto-remise en question créée par cette pandémie devrait être favorable à une nouvelle conception des échanges mais surtout de la notion de résilience. Les expériences développées dans le cadre de l’épisode douloureux de l’extrémisme violent et du terrorisme montrent que les communautés sont capables d’adaptation et d’inventivité face aux crises multidimensionnelles qui les affectent.

Tout en mettant à nu les failles des politiques sécuritaires, les crises ont souvent permis aux populations locales de réinventer des notions comme la « confiance », « la cohabitation pacifique», « la cohésion sociale », le « dialogue », la « concertation » dans des contextes que l’on présente très souvent comme conflictuels et baignant dans l’insécurité quotidienne (communautés de Sikiré, Arbinda, Yirgou-Foulbé etc).

Ces formes de résilience ignorées des analystes de crise trouvent leur efficacité dans la capacitédes populations victimes d’attaques terroristes à réinventer le «vivre-ensemble» et surpasser les périodes de crises intercommunautaires.

Ces actions sont rarement prises en compte par les analystes auxquelles elles échappent et s’inscrivent en complémentarité avec les politiques publiques étatiques. Elles comportent une réelle valeur ajoutée en termes de proximité et peuvent être expérimentées selon une méthodologie ‘Agile Policies’

Ecouter les communautés, identifier les leviers de résilience qu’elles inventent, tester rapidement des solutions publiques modestes, symboliques et viables, créer des halos de confiance, retester des solutions en co-construction,... itérations successives bien documentées dans l’Agilité appliquée au logiciel et au management.

 

Un renversement méthodologique qui privilégie les interactions entre personnes plutôt que les processus (manifeste Agile) et se nourrit de pratiques ayant une signification sociale dans le référentiel culturel des populations destinataires.

Hélas, l’exclusion des approches valorisant les ressources de l’anthropologie et d’une sociologie compréhensive partant des référentiels endogènes aboutit très souvent à un hiatus entre la réalité décrite et celle effectivement vécue.

C’est peut-être là, l’une des explications de l’inefficacité des politiques de coopération in vitro ne pouvant prendre en compte les réalités du terrain qu’il faudrait écouter plus souvent au lieu de lui imposer d’emblée des pré-pensées aux objectifs décalés des besoins réels. C’est aussi ici que se trouvent nichés les germes du conflit de perception qui fausse l’esprit des coopérations aussi bien sécuritaires qu’humanitaires ?

 

Vers la nécessaire transformation ontologique pour une réinvention des représentations symboliques

Une nouvelle chance se présente pour redonner du sens à la coopération Sud-Nord si nous savons saisir l’opportunité de la présente crise pour faire l’expérience de la valorisation des ressources et stratégies endogènes.

Sans tomber dans une naïve idéalisation d’un nouveau partenaire se présentant sous ses beaux atours mais qui a aussi ses travers, il semble évident que c’est en échappant aux « lumières » éblouissantes de la vision hegelo-hugolienne d’une Afrique qui devrait forcément appartenir à un autre continent que la Chine, par exemple, a pu réaliser qu’elle pouvait miser avec ce continent sur un deal commercial de 300 milliards de dollars.

Si elle a réussi cette opération de déconstruction, c’est que la Chine a pu établir le narratif selon lequel l’Afrique n’est point un défi mais une opportunité là où d’autres ont perdu leur avantage de départ sur cet aspect.

Les puissances qu’elle bouscule aujourd’hui sont restées confinées dans la seule approche quantitative qui réduisit la place de l’Afrique dans le système commercial mondial à un simple indicateur statique : moins de 2% des échanges globaux. La Chine a pu tester un modèle de coopération dont le terrain d’expérimentation fut l’Afrique avec ses succès comme ses travers.

Il va falloir construire un nouveau multilatéralisme comme à chaque fois que l’humanité passe un choc. Après 1945, le système onusien était l’illustration d’un nouveau cap malgré ses insuffisances.

Le plus grand risque auquel nous faisons face est que le monde post-coronavirus coïncide aussi avec celui du «post-shame»...

où on ne se gêne plus d’étaler l’adhésion à des thèses qui heurtent l’esprit du vivre-ensemble international et même la conscience d’une communauté de destin, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité collective.

Quelle que soit la profondeur des malentendus, il ne faudrait jamais perdre de vue que les barricades d’aujourd’hui qu’imposent les épidémiologistes, vont tôt ou tard céder par la force des impératifs de la nécessaire coopération pour la sécurité collective... et les vulnérabilités en partage referont jour avec encore plus d’acuité.

Et nous devrons co-construire les stratégies pour y faire face, ensemble.

 

Dr Bakary Sambe - Directeur du Timbuktu-Institute.

 

PARIS - In the West African country of Burkina Faso, rising insecurity has shuttered dozens of health clinics and left just three capable of carrying out coronavirus testing.  
 
In nearby Chad, a COVID-19-triggered drop in crude prices could translate into problems paying the Sahel region’s most powerful army fighting an Islamist insurgency.  
 
And in nations ranging from Mali to the Democratic Republic of Congo to South Sudan, years of unrest have weakened governments, deepened hunger and malnutrition, and left crowded camps of displaced people with scant access to health care and hygiene services.  
 
If experts fear the coronavirus may deal Africa an outsized blow, the continent’s conflict-torn regions are particularly vulnerable, analysts and humanitarians say.  
 
“They are now facing two wars,” said Laurent Bossard, director of the Sahel and West Africa Club for the Paris-based Organization for Economic Cooperation and Development. “And these two wars will be interlinked in many ways.”  
 
So far, the continent has reported just a few thousand coronavirus cases, and no major outbreaks yet of the kind being endured in China, Italy and the United States.  
 
But experts fear the cases could multiply rapidly, even as the continent risks potentially shrinking peacekeeping operations and humanitarian support from donor countries fighting their own battles against COVID-19.  
 
Calling for urgent action, the International Committee of the Red Cross warned this week that Africa’s conflict areas would bear the brunt of a potentially “devastating” impact of COVID-19 on the continent.  
 
“We’re particularly worried about Africa, because it’s a continent marked by conflict and violence that haven’t stopped” with the coronavirus, said the ICRC’s Dakar-based spokeswoman, Halimatou Amadou.

 Yet another humanitarian crisis?  
 
Spreading unrest, much of its generated by Islamist militants, has led to the closure of more than 100 health facilities this year alone in Burkina Faso, according to the ICRC, while 20 percent of those centers have been partially or completely destroyed in neighboring Mali.  
 
To the east, decades of war in South Sudan have left just one physician for every 65,000 people, according to the World Health Organization.  
 
In the Horn of Africa, health experts fear a coronavirus outbreak in conflict-ravaged Somalia, with 2.6 million displaced people, could be one of the world’s worst, according to humanitarian group Refugees International.  
 
The ICRC, for one, is working with local partners in Africa’s conflict zones to spread community awareness about the disease through media spots, flyers and small focus groups. But the challenges are tremendous, Amadou said, including the many areas rendered no-go zones through insecurity.  
 
“We’re trying to think of ‘out of the box’ solutions to reach these populations,” she added.  
 
Some conflict areas have a few advantages. In the Sahel, for example, unrest has limited circulation and cut off affected communities from capitals that could potentially be hard-hit by the pandemic.  
 
The DRC also emerged from a devastating Ebola outbreak last month that may have better prepared health workers to deal with this latest health crisis.  
 
“One of the forces of Africa is it’s a continent that has unfortunately been hit by different epidemics, and where the medical structure is used to working with very little means,” said the ICRC’s Amadou. “We have medical staff who are very inventive, who find solutions adapted to the local context.”

Military setbacks  
 
Although United Nations Secretary-General Antonio Guterres has called for a “global cease-fire” while fighting the pandemic, few armed groups in Africa appear to be listening.  
 
Late last month, Boko Haram militants killed almost 100 Chadian troops in an ambush on a Lake Chad island, dealing N’Djamena’s military its deadliest blow yet. Boko Haram also killed nearly 50 Nigerian forces the same day.  
 
With 1,000 troops committed to the French-supported, five-nation G5 Sahel campaign fighting the Islamist insurgency, Chad is facing another serious threat: an economic crunch from tumbling oil prices, which is also hitting Nigeria hard.  
 
“Will the Chadian government be able to pay its forces in the future?” asked the OECD’s Bossard.  
 
“From a security perspective, it really is a significant liability,” said Pierre Englebert, international relations professor at Pomona College in California and senior fellow at the Atlantic Council research group. “The Chadians are pretty much the only local military that’s really capable in the region, so it would leave the French with no serious partner there.”  
 
For their part, it’s unclear whether many rebel and insurgent groups will feel economic pain from the coronavirus. In the Sahel, for example, a number survive through activities such as smuggling, kidnapping, and facilitating migration movements, Englebert said. He doubts they will be hard hit.  
 
In DRC, the myriad rebel groups depend on small-scale activities like artisan mining. They, too, would be marginally affected by a coronavirus-driven global recession, he added.  

Foreign impact  
 
France recently announced it would pull some of its forces from Iraq due to coronavirus concerns but has said nothing about withdrawing its 5,100-person counter-insurgency operation in the Sahel.  
 
Last week, France and several other European countries announced the creation of a new special forces initiative in the Sahel, due to be fully operational next year.  
 
But the coronavirus may prompt other international forces to scale back, even temporarily, analysts say. That includes the United States, which is already mulling troop cuts.  
 
While the coronavirus may not directly impact Washington's decision, “I can only imagine it could precipitate it, could accelerate the rhythm of disengagement,” analyst Englebert said.    

For its part, the U.N. has also asked nine troop-contributing countries affected by the coronavirus to delay their rotations to peacekeeping missions, many of which are in Africa. In South Sudan, U.N. peacekeepers are also taking steps to limit their potential exposure to the virus, including cutting travel to the field, according to Refugees International.   
 
The U.N.'s peacekeeping headquarters in New York did not respond to a request for comment.  
 
Experts also fear richer nations fighting the coronavirus and its fallout at home will fail to step up with the humanitarian assistance desperately needed for Africa to confront the pandemic, especially in conflict-affected regions.  
 
Referring to the Sahel region, Bakary Sambe, of the Dakar-based research group Timbuktu Institute, warned the European Union of the dangers of being solely fixated on the bloc’s economic survival.  
 
“The day the sanitary barricades are lifted, we’ll be confronted by the scale of the disaster,” Sambe told the Mondafrique investigative website.  
 
“And we’ll realize, once again, that the Sahel’s vulnerabilities also concern Europe,” he added, “if only on the question of collective security, migration, and the fight against terrorism.”

 

Source: Voici of America

Source AFP

La tentation est forte d'anticiper une recomposition des grands équilibres dans une économie mondiale questionnée dans son fonctionnement

Le puits d'interrogations semble sans fond. Alors que les gouvernements sont confrontés au déferlement du covid-19, les perspectives de sortie de crise s'accompagnent d'un amoncellement de questions vertigineuses sur l'état du monde post-coronavirus.
Comment redémarrer des pays aux économies littéralement figées, leurs emplois sans doute détruits dans des proportions possiblement inégalées ? Dans quel état retrouvera-t-on les marchés financiers, les démocraties, les Nations, les libertés publiques, les accords multilatéraux ?
"Est-ce un gros titre ou une tendance ? Assistons-nous à un évènement qui va remodeler les relations internationales et les relations entre Etats ?", s'interrogeait la semaine dernière Aaron Miller, de la fondation Carnegie Endowment for International Peace, lors d'un séminaire sur internet.
Et d'ajouter, en pointant la fragilité des Etats-Unis de Donald Trump: "Est-ce que cette position dominante, ou absence de position dominante, va ouvrir des opportunités ou des vulnérabilités pour différents pays dans le monde ?". Une allusion évidente à la Chine, concurrente affichée des Etats-Unis pour la suprématie mondiale des décennies à venir.
De fait, la tentation est forte d'anticiper une recomposition des grands équilibres dans une économie mondiale questionnée dans son fonctionnement.
Plusieurs experts consultés par l'AFP dans le monde évoquent le spectre de déflagrations sociales. Si certaines puissances ont mis en place des outils d'indemnisation des entreprises, d'aide aux chômeurs et d'assistance aux plus démunis, d'autres n'en auront pas les moyens financiers.
"Le potentiel de troubles sociaux, dans des pays qui n'ont pas de filet de sécurité pour ceux qui ont perdu leur emploi, me semble très réel avec de possibles répercussions sur la gouvernance et au-delà", résume Joshua Geltzer, professeur de droit à l'université Georgetown de Washington.
Et selon l'ampleur de ces troubles, des régimes pourraient vaciller, insistent plusieurs sources. Quitte à ce que certaines puissances, dont la Russie, soufflent sur les braises à leur profit.
Outre ces imprévisibles destins nationaux, une série de grands principes pourraient être remis en cause. La mondialisation des échanges a dominé les débats depuis l'après-guerre. Mais douze ans après la crise financière asiatique de 2008, qui avait déjà sérieusement ébranlé le système, la façon de faire du commerce risque de changer.
"On assiste à un déclic phénoménal", a assuré à l'AFP Bakary Sambé, directeur du Timbuktu Institute basé à Dakar, en évoquant une faiblesse des stratégies sanitaires européennes et américaines. "Voilà toute une élite mondiale qui nous a théorisé pendant très longtemps le libéralisme et la mondialisation et qui a été la première à fermer ses frontières".
Qu'il s'agisse de masques, de pétrole ou de nourriture, l'épidémie crée des manques, initie des dépendances, suscite des aides plus ou moins instrumentalisées qui feront date.
"La dé-globalisation peut potentiellement s'accélérer dans le sillage de la crise. Il y aura certainement plus de conflits liés aux systèmes commerciaux et au besoin de sécuriser les chaînes d'approvisionnement", estime Pratap Bhanu Mehta, chercheur en sciences politiques à l'Ashoka University près de New Delhi, dans une chronique publiée sur le site The Indian Express.
Donald Trump, le Chinois Xi Jinping ou l'Indien Narendra Modi ne mettront pas de côté leurs objectifs, assure-t-il. Alors que la pandémie monopolise la bande passante, "les différents partis et idéologies politiques, de Trump à Xi en passant par Modi, ne cesseront pas d'utiliser la crise pour servir leurs objectifs".
Les lignes de fracture historiques pourraient donc bouger. Mais la tectonique est incertaine. L'Afrique, pour ne citer qu'elle, pourrait repenser des décennies de relations avec les Européens.
"Le facteur psychologique et symbolique de la redécouverte de l'Europe vulnérable, impuissante même pour elle même, incapable de coordination, pèsera beaucoup sur les nouveaux rapports avec l'Afrique", prévoit ainsi Bakary Sambé, pronostiquant une Chine plus présente encore sur le continent.
Et au-delà des logiques régionales, c'est une certaine idée du monde qui est menacée. Car si la coordination internationale, déjà affaiblie par l'unilatéralisme de Donald Trump, est jugée essentielle pour juguler la maladie, elle ne s'est pas imposée aux décisions nationales.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS), en théorie autorité globale sur le sujet, "semble de plus en plus effacée", s'inquiète à cet égard Barthélémy Courmont, chercheur à l'Institut de recherches internationales et stratégiques (IRIS) à Paris.
"On ne cherche pas tant à éradiquer le virus qu'à ne pas y être trop exposé", constate-t-il dans une interview en ligne. "Quelle légitimité accorderons-nous aux institutions internationales si celles-ci n'ont pas autorité pour gérer des crises ? (...). C'est le système-monde dans lequel nous vivons qui sort un peu plus fragilisé de cette crise".

Avec plus de 526 000 personnes contaminées et plus de 23 700 décès dans 175 pays (le Mali entre dans la liste avec quatre cas), le Covid-19, parti en décembre de la province de Hubei (Chine), est la preuve que nous sommes bien dans un monde globalisé où les frontières sont imaginaires.

 

Outre les urgences sanitaires qu’il a causées en quelques semaines, qui ont poussé dans un premier temps à « l’égoïsme des États » en Europe, la crise sanitaire prépare un bouleversement géopolitique dans le monde. Au moment où la Chine enregistre une baisse de contagion locale, le nombre des contaminés double chaque trois jours aux États-Unis et dans plusieurs pays dans le monde. Le Covid-19 a changé de foyer, faisant dorénavant de l’Europe l’épicentre.

Ce changement brusque a eu un impact significatif sur les relations entre les États européens en particulier et sur l’économie mondiale en général. De fait, les réponses varient de la fermeture des frontières à la limitation des échanges touristiques, au blocus de la production manufacturière en Chine avec la baisse des bourses en Asie, en Europe et aux États-Unis.

Tensions au sein de l’Union européenne

Alors que le nombre de morts et de personnes testées positives augmentaient d’une manière vertigineuse depuis le début du mois de mars en Italie, les gouvernements français et allemand ont interdit l’exportation des matériels médicaux. L’Italie, qui était dépassée par les événements au cœur de son poumon économique, la Lombardie, se voit abandonner par ses partenaires européens avec des restrictions aux frontières.

Ces fermetures de frontières, illégales, enterreraient implicitement le traité de Schengen. Bruxelles, pour éviter un tel scénario, a pris le devant pour demander la fermeture des frontières extérieures de l’Union européenne et le retour provisoire des contrôles aux frontières entre les pays membres. Il faut toutefois souligner que le contrôle aux frontières a été instauré une centaine de fois à cause des multiples crises migratoires, mais ne limitait aucunement le déplacement des citoyens de la communauté.

L’allié Chinois mieux que le partenaire européen en cas de crise ?

A peine la maladie a commencé à se propager en Italie, les premières réactions des pays européens ont été de se retrancher dans le protectionnisme en oubliant toutes les notions de solidarité voire en violant des traités. Malgré que l’Italie ait été parmi les premiers pays à suspendre tout vol avec elle pour limiter sa contagion, la Chine s’est empressée de lui apporter son aide en envoyant neufs médecins expérimentés pour partager l’expérience Chinoise, des tonnes de médicaments, un millier d’appareils respiratoires, 50.000 tampons pour effectuer des diagnostics et 20.000 combinaisons de protection.

Il est intéressant de rappeler que, depuis la signature de presqu’une trentaine de contrats en mars 2019, l’Italie est devenue pour la Chine la porte d’entrée en Europe. Alors même qu’elle savait qu’elle fâcherait ses alliés historiques, américains et européens, la péninsule a adhéré au projet millénaire de Xi Jinping : « One belt, one road », communément appelé la « Nouvelle route de la soie ».

Après l’annonce de l’aide chinoise, le ministre italien des Affaires étrangères, Luigi Di Maio, ne s’est pas empêché de faire un tacle à ses partenaires : « Nous nous souviendrons de tous les pays qui nous ont été proches pendant cette période, de tous ces pays qui ont été avec nous en cette période de difficultés. » Un message que le couple franco-allemand a vite compris en appelant l’Union européenne à apporter toute l’aide nécessaire à l’Italie.

L’administration Trump avait tenté une manœuvre égocentrique en proposant de racheter à un milliard de dollars une entreprise allemande, CureVac, leaders dans la recherche de vaccin du Covid-19 dans le monde afin qu’elle puisse produire ce vaccin « exclusivement pour les États-Unis ». Par contre, Pékin voit cette crise à la fois comme un défi mais aussi une opportunité pour améliorer son image aux yeux des européens réticents à son projet « Nouvelle route de la soie ». La Chine entend aussi marquer sa différence avec la puissance outre-Atlantique, qui s’isole depuis 2017 après l’investiture de Donald J. Trump, et peu fiable ces dernières années.

La Chine en sauveur de l’humanité

La décision protectionniste prise par la Commission de l’Union européenne de soumettre au préalable aux gouvernements des États européens l’autorisation ou non de l’exportation des matériels médicaux pour la protection a été mal accueillie par le « potentiel 28e membre de l’union », la Serbie. Pour le Président de cette République balkanique de l’ex-Yougoslavie et candidat à l’Union européenne, Aleksandar Vucic « (…) la grande solidarité internationale n’existe pas. La solidarité européenne n’existe pas. C’est un conte de fées sur papier (…) Nous avons les plus grands espoirs dans la seule qui peut nous aider, à savoir la Chine ». Il est clair que cette crise a créé une tension entre les différents partenaires. Mais comme toute crise, quelqu’un sort gagnant.

Le Covid-19 a donné l’occasion à Pékin de jouer de sa diplomatie de soft power pour apporter son aide à la France, à l’Allemagne, à l’Espagne mais aussi à presqu’une centaine d’autres pays. Les grandes entreprises chinoises comme Alibaba de Jack Ma, ou Huawei, Tencent et d’autres contribuent aussi à cette diplomatie en apportant leur aide partout dans le monde. Et l’Afrique n’est pas en reste avec les premiers lots en Éthiopie le 22 mars.

https://twitter.com/AbiyAhmedAli/status/1241659980580827142?s=20

Bien que rien ne soit sûr avec cette crise du Covid-19, nous pouvons facilement imaginer quand on aurait tourné cette page que le monde connaitra un changement et un bouleversement géopolitique.

Alpha Alhadi Koïna: chercheur associé à Timbuktu Institute

 

Au Sénégal, le débat sur la fermeture des lieux de culte pour endiguer la propagation de l’épidémie de coronavirus interroge sur l’autorité de l’État laïque face au pouvoir religieux.

Fermeture des mosquées bravée à Dakar, maintien de la prière à Touba, en présence du secrétaire général de la présidence, Mahammed Boun Abdallah Dionne, malgré l’interdiction des rassemblements sur l’ensemble du territoire, désaccords entre les associations d’imams… Au Sénégal, la fermeture des mosquées pour endiguer l’épidémie de coronavirus suscite un vif débat.

Du moins jusqu’au 24 mars, date à laquelle le khalife général des mourides, l’une des plus influentes confréries du pays, a appelé ses nombreux fidèles à prier chez eux. Si la décision de fermer les mosquées a été prise moins de 24 heures après la proclamation de « l’état d’urgence » par le président Macky Sall, cette indépendance interroge sur l’autorité des États laïques face au pouvoir religieux en période de crise.

Pour Jeune Afrique, Bakary Sambe, enseignant-chercheur au Centre d’études des religions de l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis et spécialiste des questions religieuses, décrypte les mécanismes de cette double autorité.

Jeune Afrique : Si l’État sénégalais a très tôt appelé les chefs religieux à l’accompagner dans la lutte contre le coronavirus, il n’a pas explicitement ordonné la fermeture des mosquées, laissant cette décision aux confréries. N’est-ce pas une façon, pour l’État, de fuir ses responsabilités face au pouvoir religieux ?

Bakary Sambe : Je parlerais plutôt d’un refuge dans l’implicite de la part du chef de l’État. En interdisant les rassemblements mais en ne fermant pas les mosquées, il a laissé une marge de manœuvre à l’administration territoriale, qui a pris des décisions au cas par cas, comme ce fut le cas lorsque le préfet de Dakar a ordonné la fermeture des mosquées [le 19 mars, ndlr].

Dans ses discours, Macky Sall a joué sur les nuances d’une langue, le français, que la majorité de la population ne comprend pas. Et il a été encore plus nuancé dans leur version en wolof. C’est une manière d’éviter une prise de position trop exposée de l’autorité centrale, et donc d’amoindrir les risques.

À quels risques faites-vous référence ? 

Au Sénégal, il n’y a pas d’autorité de régulation communément acceptée par toutes les communautés. C’est le paradoxe que rencontrent les États laïques lorsque la gestion du religieux devient un enjeu sécuritaire. C’est une grande difficulté pour ces États, d’autant que dans des moments de crise, une part importante de la population se reconnaît surtout dans l’argumentaire religieux.

Dans le cas du coronavirus, le politique a complètement esquivé le débat en l’abandonnant aux théologiens qui, à mon sens, ne sont pas à jour sur certaines approches et interprétations quant à l’évolution du discours religieux au plan international.

Je parlerais plutôt d’une spécificité subsaharienne. Le musulman africain a tendance à sacraliser tous les écrits en arabe, qui font pourtant ailleurs l’objet d’interprétations et d’évolutions. Le Mali et le Niger ont fait comme le Sénégal : ils ont fermé les bars et d’autres lieux publics mais ont mis en négociation la fermeture des lieux de culte. Ce débat dévoile clairement les faiblesses des pouvoirs centraux face à la pression du religieux.

La fermeture des mosquées n’a pas provoqué de débat dans les pays du Maghreb et du Moyen-Orient touchés par l’épidémie. Au Maroc, le roi est le commandeur des croyants, sa parole n’a donc pas été contestée. En Tunisie, l’autorité de l’État n’a pas été discutable non plus.

À Dakar, l’arrestation d’un imam ayant bravé la fermeture des mosquées a déclenché un mouvement de protestation dans la communauté layène. Faut-il en déduire qu’une partie de la population s’attachera davantage aux ndiguëls (consignes) de son chef religieux qu’à l’autorité administrative ?

Cela dit en effet quelque chose de la dispersion des pôles de légitimité au Sénégal, et révèle une forme de suspicion constante des masses religieuses vis-à-vis de l’État, considéré comme une continuité de l’État colonial.

Le Sénégal a cette caractéristique de vouloir conserver un consensus mou, parfois décrit comme une illustration du contrat social sénégalais entre politique et religieux.

Comment expliquer le décalage entre les mesures prises par chaque confrérie ? Entre les tidjanes, par exemple, qui ont rapidement appelé les fidèles à rester chez eux, et les mourides, qui ont pris plus de temps pour cela ?

Il semble en effet que les tidjanes aient pris les devants pour empêcher les grands rassemblements, avant même que le débat soit soulevé. À l’instar de la Hadratoul Djuma (l’oraison du vendredi), qui est pourtant un des trois piliers de la confrérie. Cette décision rappelle celle de Cheikh El Hadj Malick Sy [le principal propagateur de la confrérie, ndlr] qui, au plus fort de l’épidémie de peste à Dakar, vers 1914, avait pris des mesures d’hygiène quasi similaires.

Si les mourides y sont venus un peu plus tard, il ne faut pas non plus perdre de vue le geste de leur khalife général, qui a dégagé une enveloppe de 200 millions de francs CFA. C’est un état de fait : il y a une forme d’extraterritorialité attachée au statut de Touba [la ville sainte des mourides, ndlr]. Si on considère certaines élections locales, par exemple, la parité intégrale était appliquée à toutes les listes sauf à Touba, où le Conseil constitutionnel a entériné la décision du khalife, considéré comme l’autorité sur place.

Mais dans le cadre du coronavirus, le porte-parole du khalife général des mourides a très vite dit deux choses importantes. D’abord, qu’il fallait se conformer aux instructions sanitaires de l’État. Ensuite, il a appelé les talibés à rester à l’écoute de l’autorité centrale, ce qui, selon moi, ouvrait une voie au politique.

Si les fidèles ont été appelés à prier chez eux, certaines traditions semblent difficilement compatibles avec l’état d’urgence dans lequel se trouve le Sénégal : isolement, limitation des déplacements, fermetures des écoles…  On pense notamment aux daaras, les écoles coraniques, où vivent toujours des milliers d’enfants, dont bon nombre sont contraints de sortir mendier…

Le cas des daaras risque de mettre à nu les inconséquences de la politique éducative d’un pays où coexistent deux systèmes parallèles. Et ce, malgré les efforts de l’État pour institutionnaliser et moderniser l’enseignement coranique. Sur cette question, le khalife des Tidjanes, Serigne Babacar Sy Mansour, a décidé assez tôt de confiner la daara de Cheikh El hadj Malick Sy et de subvenir aux besoins des talibés pendant la crise sanitaire.

Comme dans tant d’autres domaines de la vie des Sénégalais, on verra émerger, çà et là, des gestions au cas par cas, faute d’anticipation, d’organisation et, surtout, de systématisation de l’autorité centrale de l’État.

 

Source :Jeune Afrique 

L'enlèvement du chef de l'opposition malienne, Soumaïla Cissé et de sa délégation vient de remettre à l'ordre du jour la manière dont les groupes terroristes saisissent l'opportunité des crises pour se repositionner su l'échiquier politique.

Dans le cadre d’une série d’entretiens exclusifs sur l’impact des crises notamment sanitaires due au Coronavirus sur la stabilité et l’évolution de la situation sécuritaire au Sahel, Dr. Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute basé à (Niamey -Dakar), revient dans cette première partie sur les derniers développements au Mali et au Sahel en général.

Dr. Sambe estime qu’en ce temps d’une crise sanitaire qui « absorbe le gros des efforts de la communauté internationale, la stratégie d’Iyad et des autres groupes terroristes aura tout le temps de s’appuyer, en plus des alliances, sur l’instrumentalisation du sentiment anti-français grandissant au Mali afin de saper davantage les fondements de l’Etat et d’affaiblir le leadership politique en proie à ses divisions ».

Pour lui, « Cette situation qui sera fortement aggravée par l’incidence d’éventuelles mesures d’hygiène restrictives sur les rassemblements et lieux de culte serait très favorable à la montée en puissance de leaders religieux comme l’Imam Mahmoud Dicko, farouche défenseur de la négociation avec Bamako auquel il fait miroiter une hypothétique trêve ».

De plus, la publication d’un communiqué du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) début mars suivi d’une vidéo mise en ligne entre le 16 et le 17 du même mois, participerait, selon Sambe, d’un « positionnement stratégique de plus qui cherche avant tout à mettre encore plus à mal l’Etat malien avec son principal allié, la France, mais aussi la communauté internationale de manière générale ». La même vidéo a servi, au passage « à revendiquer implicitement les récentes attaques contre l’armée malienne à Sokolo de même que celle de Dioungani, localité située à une cinquantaine de kilomètres de Koro en région de Mopti», souligne Bakary Sambe.

Dans cette vidéo élaborée avec les techniques de communication politique les plus sophistiquées, commente Sambe, « on aperçoit le chef de guerre Abu Mus’ab Abdul Wadoud plus connu sous le nom d’Abdel Malik Droukdel confiné en Algérie depuis 2012 mais opérant par un commandement à distance mais toujours très suivi par les différentes katibas », rappelle-t-il.

« En posant comme préalables à l’avancée des négociations voulues par Bamako, le départ de la force française Barkhane ainsi que de la MINUSMA, Iyad Ag Aly veut rassurer toutes composantes de la nébuleuse GSIM composée d’AQMI, d’Ansardine, de la Katiba Macina et d’Ansarul Islam opérant au Burkina Faso, sur l’orthodoxie de la ligne idéologique classique qui impose avant tout « de chasse les infidèles de la terre de l’Islam» analyse Bakary Sambe.         

Pour ce spécialiste des réseaux transnationaux et des risques d’instabilité au Sahel, « la présente période est surtout saisie comme une opportunité au sein des nébuleuses terroristes pour le renforcement des positionnements et la redistribution des cartes ».

Bakary Sambe pense qu’après avoir été positionné comme « l’interlocuteur incontournable » au Mali, « Iyad Ag Aly profite bien de cette période propice à la récupération des frustrations pour harcèlement de la classe politique malienne, fortement divisée au sujet de la négociation, en jouant sur la fibre et le sentiment anti-français, pour s’aménager des espaces plus confortables et une réelle marge de manœuvre et se présenter comme le véritable allié des populations »

De même, dans son analyse de la communication d’Al-Qaida, le directeur du Timbuktu Institute estime que « la mobilisation, à titre posthume d’un vieux discours du Cheikh du groupe des combattants libyens, Atiyyatoullah Al-Lîbî (tué en même temps qu’Abul Hammam en mars 2019), fait partie d’une stratégie de rappel de la nécessité d’un recentrage sur les fondamentaux comme l’amélioration de la culture religieuse »…. le temps que la crise passe pour lancer de nouvelles grandes offensives.

Lenlèvement de Soumaïla Cissé est un" signal de la part des groupes armés pour justement dire au leadership politique qu'ils font bien partie du jeu. A la veille d'une élection qu'on essaie de tenir malgré la crise, il fallait bien qu'ils montrent qu'ils sont là et qu'ils gardent leurs capacités de nuire", conclu Bakary Sambe

Réalisé par Babacar Cissé

Une crise est une occasion de se remettre en cause et de remettre de l’ordre dans les choses.

C’est ce que nous ont appris nos maîtres dans le soufisme en s’appuyant sur la religion, sur leur observation de la dynamique de la vie en société et dans la nature.

Dans la tendance actuelle des choses avec la propagation fulgurante du nouveau corona virus le Covid 19, le Sénégal a eu jusqu’ici une approche positive et efficace. Nous prions pour que cela se poursuive et se consolide surtout avec l’apparition de nouveaux cas qui font de notre pays, au regard des informations que nous détenons, le pays africain au sud du Sahara le plus touché. Cette fois-ci nous ne pouvons pas dire que ça ne nous arrivera pas. Ça nous est bien arrivé et c’est à nous de faire face avec sérénité et responsabilité, sans psychose ni négligence.

Les autorités de l’Etat au plus haut niveau en ont pris la juste mesure. Ils ont adopté les bonnes dispositions et délivré les messages qu’il fallait aux autorités de la société dont les guides religieux, les chefs coutumiers, les leaders d’opinion de tous secteurs, afin que nul n’en ignore. Afin que chacun et chacune, au niveau qui est sien, puisse prendre la pleine mesure de ses responsabilités.

Pour que la chaîne de solidarité soit solide et que les risques soient réduits et maîtrisés, toutes les sphères et en particulier les cercles religieux musulmans et chrétiens sont comptables. Dans ces conditions me reviennent les mots de Serigne Abdoul Aziz Sy al-Amine qui indiquait que « le Sénégal est au-dessus de nous tous. C’est une vérité au relent des préceptes apostoliques. Il s’agit de la Patrie, ici et maintenant, de ses fils et filles, de ses générations jeunes et moins jeunes. C’est de la préservation de la santé publique et de la vie que Dieu a rendue sacrée [an-nafs allatî harrama Allah], qu’il s’agit.

Et c‘est sérieux!

Dans le but de contribuer à contenir les risques de contamination et de propagation, nous devons nous rééduquer dans nos pratiques sociales et dans l’expression de notre religiosité et de notre sociabilité. Il est vrai que c’est Dieu Qui est Le Maître de la vie et de la mort, mais c’est Lui qui a interdit de s’exposer sciemment à la mort. Et comme pour établir le cadre pratique, le Prophète Psl a indiqué la conduite à tenir dans les conditions d’épidémie ou de menace de ce genre.

Nos guides religieux en ont relayé le sens et ont traduit tout cela dans leurs enseignements théoriques et pratiques. Serigne Babacar Sy considère le fait de ne pas user des moyens idoines pour obtenir les résultats désirés, est un manque de respect et de déférence à l’égard de Dieu. Par conséquent, il faut s’engager dans la voie qui mène aux objectifs en sachant que ce ne sont pas les actes qui sont les seuls facteurs déterminants. « Sabablu leen te buleen sukkandi Koo yëngu ya ». Il y a là une forte dose d’équilibre entre la responsabilité humaine et la détermination divine. Ce qui est aussi corroboré par les enseignements de Cheikh al-Khadîm quand il invoquait Dieu à nous préserver des épidémies et à nous doter d’une nourriture saine et d’une eau pure : « wanfil-wabâ wal-balâyâ kullahâ ‘anhâ/ wa Tayyib shurbahâ wa aklahâ ».
Dans ce contexte où, de l’Amérique à l’Europe, de l’Asie à l’Afrique, les États se barricadent, les lieux de rassemblement pour le savoir comme pour l’avoir se cloisonnent, devons-nous attendre qu’il y ait des ravages chez nous pour commencer à nous accuser les uns les autres de négligence, d’insouciance ou de je ne sais quoi encore? Non, à mon humble avis et compte tenu des leçons de l’histoire il nous faut agir en combinant la raison (xel) et l’émotion (xol).
En son temps, conscient de sa responsabilité en qualité d’autorité religieuse et du fait que la parole des experts est l’expression du divin dans ces cas, El H. Malick Sy s’était lui-même rendu au service d’hygiène de « Get Ndar » pour se faire vacciner. Ce geste simple et lourd de signification a pu sauver des milliers de personnes de la peste, avec l’aide de Dieu.

Cette exemplarité est encore sollicitée aujourd’hui car si la vaccination a été la mesure préventive entre autres, de nos jours, avec l’absence de vaccin, seules les bonnes pratiques peuvent sauver. Les experts médicaux les ont déclinées, le Chef de l’Etat les a rappelées dans le dit et le geste. Il reste aux leaders d’opinion d’être les relais et aux acteurs religieux de transmettre le message dans le discours et la pratique comme ils en ont eu l’habitude.

Au demeurant, les autorités religieuses et politiques de l’Arabie Saoudite ont pris ce chemin en adoptant des mesures restrictives par rapport à la Umrah alors qu’il n’y avait encore aucun cas sur leur territoire. Aujourd’hui, en demandant de surseoir à toute transaction relative au hajj de cette année, ils ont fait montre d’un sens aigu de responsabilité devant une si grave menace.
Ces mesures fortes de l’Arabie Saoudite sont à la dimension du défi du Covid 19 sur la vie des fidèles et la stabilité de la société. Car quelle que soit la sacralité d’un rituel sur l’échelle des piliers de l’islam, la survie de l’humain est encore plus sacrée. Cheikh El. H. Omar Fûti le confirme dans Tadhkirat al-Ghâfilîn quand il dit qu’auprès d’Allah, le caractère sacré de la vie du croyant est au-dessus de celui de la Ka’ba: « Fa hurmatul Mu’min a’lâ wa ajall / min hurmatil ka’bati ‘andal-Lâhi Jalla ». S’il en ainsi pour la Ka’ba vers laquelle affluent des millions de croyants répondant à l’appel d’Allah, qu’en serait-il de toute autre activité établie, au nom de la religion, par un serviteur?

Abdoul Azize KEBE
Délégué général au Pèlerinage aux Lieux saints de l’Islam.
 

 

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Vendredi 13 Mars 2020