(Niamey et les 2 jours) - Pour Dr. Bakary Sambe, directeur de Timbuktu Institute basé à Dakar et à Niamey, l’une des grandes inquiétudes est que la décision de la Turquie d’intervenir « ouvertement sur le plan militaire en Libye » soit prise au moment où « la base avancée de Madama au Niger est mise en sommeil par les forces françaises de Barkhane qui se sont redéployées vers Gossi dans le Nord du Mali ». L’expert des réseaux transnationaux dans le Sahel confie à la rédaction de Niamey Et Les 2 jours qu’« une éventuelle situation chaotique et un enlisement militaire en Libye auront de fâcheuses conséquences au Sahel dont les différents pays sont déjà touchés par la recrudescence des attaques terroristes, aussi bien au Niger qu'au Burkina Faso en plus du Mali, épicentre du djihadisme dans la région».

Pour le chercheur, par ailleurs, fondateur de l'Observatoire africain du Maghreb et du Moyen-Orient, « ce qui se passe en Libye est le fait d’une compétition ouverte autour d'intérêts stratégiques de la part de puissances étrangères avec diverses convoitises ne mettant pas toujours en avant l’impératif de paix et la stabilisation du pays ». 

Bakary Sambe explique qu’«en Libye s’affrontent actuellement, deux principaux camps celui sous l'égide du Maréchal Haftar contrôlant l’Est de la Libye (Cyrénaïque) avec une mainmise sur le trafic de migrants, la contrebande pétrolière, et l’exportation de ferraille. Ce camp dit de l’Armée nationale Libyenne est soutenu par l'Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et l'Egypte ». Pour le chercheur, ces pays qui soutiennent le Maréchal Haftar « partagent la préoccupation de limiter l’influence des Frères musulmans dans le monde arabe ».

De l'autre côté, poursuit, Sambe, « il y a le camp dit du Gouvernement d’Union nationale conduit par Faïez Al Sarraj qui a pris le contrôle de la Tripolitaine et est reconnu par les Nations Unies. Il bénéficie d’un soutien ouvert du Qatar et de la Turquie en plus d’un appui plus discret de l’Iran qui saisit l’opportunité de contrer l’influence saoudienne, entre autres »

Cependant, « en plus des raisons idéologiques mises en avant dans beaucoup d’analyses, il y des visées économiques et géostratégiques qui motivent l'engagement de la Turquie ». Pour le directeur de Timbuktu Institute, « ce pays est en train de jouer son avenir énergétique en Méditerranée ».

« Rappelons que la Turquie a précipitamment pris la décision de déployer ses soldats en Libye juste après la signature d’un accord pour la projet "EastMed" entre la Grèce, Chypre et Israël portant sur un Gazoduc de 2000 Km auquel l'Union européenne a, aussi, apporté son soutien financier conséquent », révèle Dr. Bakary Sambe. Il rappelle  que « cet accord porte essentiellement sur les énormes réserves offshore au large de Chypre et d’Israël vers la Grèce, puis vers le reste de l’Union européenne et que des pays d’Europe du Sud comme l’Italie seraient très intéressés à rejoindre cette initiative que la Turquie considère comme une menace sérieuse sur son approvisionnement énergétique »

Ainsi, selon Dr. Bakary Sambe, « la Turquie cherche surtout à assurer ses arrières pour son approvisionnement en gaz dans des eaux territoriales libyennes renfermant d’énormes gisements non loin de ses côtes et à bonne portée » et se positionne également « sur les marchés juteux de la reconstruction du pays avec ses géants du bâtiment assez présents dans la région », conclut le directeur de Timbuktu Institute.

Dakar 13 déc – Le directeur du Timbuktu Institute, Bakary Sambe, a prévenu vendredi contre les risques d’une approche purement militaire dans la lutte contre l’extrémisme violent, qui nécessite d’abord une ‘’stratégie nationale de prévention’’.
  
‘’Il ne faut jamais entrer dans un cycle d’intervention militaire sans régler au préalable la question d’une stratégie nationale de prévention de l’extrémisme violent, qui permet de faire adhérer les populations aux politiques publiques’’, a déclaré M. Sambe. 
 
Il intervenait à un atelier de restitution de l’étude ‘’Facteurs de radicalisation et perception du terrorisme chez les jeunes des zones frontalières du Sénégal et de la Guinée’’, menée par le Timbuktu Institute, un centre africain de recherches et d’études sur la paix.
 
Bakary Sambe avertit que ‘’ce serait une grosse erreur de la part des pouvoirs publics de plonger le Sénégal dans une approche purement militaire et sécuritaire (…) sans le préalable d’une stratégie nationale de prévention de l’extrémisme violent‘’.
 
Si les populations n’adhèrent pas à cette stratégie par le biais de la sensibilisation ou de séances d’explication, affirme-t-il, ‘’les autorités risquent d’avoir les mêmes problèmes que les pays de la région où les gouvernants sont contestés dans leur politique sécuritaire’’.
 
M. Sambe rappelle que la Guinée dispose d’une stratégie nationale de prévention, mais le Sénégal n’en a pas encore élaboré.
 
‘’Il faut que le Sénégal accepte de développer une stratégie nationale de prévention de l’extrémisme violent. Il y a des stratégies de sécurité nationale, mais c’est différent de la stratégie de prévention, qui est une stratégie holistique basée sur la sensibilisation, avec l’implication du monde religieux, du système éducatif et de la société civile’’, a-t-il précisé.
 
Le Sénégal et la Guinée, souligne Bakary Sambe, ont la particularité d’appartenir à la typologie 3 définie par l’étude. Celle-ci concerne les pays qui ‘’peuvent encore développer des stratégies nationales de prévention de l’extrémisme violent’’, selon le directeur du Timbuktu Institute. 
 
S’ils sont ‘’encore un peu éloignés de l’épicentre et des ventres mous où se déploie ce terrorisme’’, ils ‘’doivent prendre leur garde’’ toutefois, en raison de leur situation de pays côtiers.
 
‘’Les pays qui peuvent développer des approches préventives et prospectives ne le font généralement pas, de peur d’être classés comme zones menacées ou incertaines, ce qui aurait des impacts sur les investissements ou encore le tourisme’’, a analysé Bakary Sambe.
 
Il relève une confusion que beaucoup d’Etats font entre une stratégie de prévention de l’extrémisme et une stratégie de lutte contre le terrorisme.
 
‘’La lutte contre le terrorisme s’attaque à l’élimination des cibles, mais ce n’est ni efficace ni durable‘’, a-t-il expliqué.
 
L’étude comparative a été menée dans les régions de Labé (Guinée) et Vélingara (Sénégal) pour mieux appréhender les facteurs de vulnérabilité des jeunes (18-35 ans) dans les zones frontalières sénégalo-guinéennes et récolter des informations générales et spécifiques autour de la radicalisation et de l’extrémisme violent.
 
Les principaux facteurs de radicalisation relevés grâce à cette étude sont le chômage, la pauvreté et l’exclusion sociale des jeunes

 

 

 

 Sahel : Les tragiques conséquences des attaques des groupes armés terroristes doivent pousser les Etats à repenser les politiques sécuritaires

 

  • Mali, Niger et Burkina Faso : Le basculement sécuritaire a créé un cocktail de violence
  • Des milliers de civils paient un lourd tribut
  • Des millions d’élèves privés d’écoles

Les attaques récurrentes des groupes armés terroristes contre certains Etats du Sahel ont des conséquences tragiques inestimables sur les plans humain, social, politique, économique et culturel, a déclaré le Think Thank Afrikajom Center aujourd’hui.

Afrikajom Center interpelle la communauté africaine et internationale à prendre conscience que la déflagration qui s’abat sur le Sahel et qui ébranle les assises les plus solides des institutions sécuritaires du Mali, du Niger et du Burkina Faso. Ces redoutables défis sécuritaires ne s’adressent pas uniquement aux seuls pays du G5 Sahel, mais constituent une véritable menace pour la sécurité régionale et internationale qui doit être traitée de façon plus appropriée avec la stratégie et les moyens idoines.

Les groupes armés terroristes qui fonctionnent en coalition dont les plus importants sont : le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM) et l’Etat Islamique au grand Sahara(EIGS), ils sont de mieux en mieux armés, de mieux en mieux organisés et de plus en plus téméraires avec un agenda qui leur assure toujours une avance sur les Etats ciblés, souvent pris de cours et surpris par les effets catastrophiques des attaques.

Jamais ces Etats n’ont été aussi menacés dans leur survie, aussi vulnérables dans leur histoire politique depuis les indépendances. D’autant plus que la communauté internationale et africaine n’a jamais semblé si impuissante en dépit de l’impressionnant dispositif sur le terrain avec les troupes de la MINUSMA, de Barkhane, du G5 Sahel et de l’appui de l’Union Européenne, des budgets et de toute la logistique investie. Le basculement sécuritaire et la situation en Libye qui s’est opéré au Sahel a créé un véritable cocktail de violence et l’irruption d’acteurs de toutes sortes avec les milices armées, la criminalité transnationale, sans compter les acteurs hybrides.

Il faut désormais prendre acte que les deux mécanismes de régulation de la paix au Sahel n’ont pas encore donné les résultats escomptés, à savoir : celui fondé sur une approche mettant trop l’accent sur les moyens militaires dans la lutte contre le terrorisme et la construction de la paix et de la réconciliation nationale, fondée sur l’existence d’un accord de paix, comme c’est le cas avec le Mali qui est doté de l’accord de paix d’Alger de 2015 soutenu par des tentatives de dialogue, de réconciliation nationale ou de déradicalisation (Niger).

« Nous exprimons notre profonde préoccupation, notre vive indignation et condamnons avec la dernière énergie ces attaques et appelons les Etats à repenser de façon globale et holistique les stratégies sécuritaires nationales qui toutes, ont montré leurs limites », a déclaré Alioune Tine, Fondateur d’Afrikajom.

« Il faut sérieusement examiner au Sahel la mise en place d’une stratégie régionale fondée sur une approche basée sur la sécurité humaine ».

Un regard rapide sur la récurrence des attaques au Sahel permet de relever les faits suivants :

  • Au Niger : la dégradation de la situation sécuritaire est continue, au regard des évènements qui se sont déroulés depuis quelque temps. Avec le bilan suivant :
  • plus de 250 personnes civiles tuées et plus de 250 enlèvements. Le bilan 2019 de la crise sécuritaire sur les frontières a atteint des chiffres très préoccupants. Les récentes attaques des groupes armés terroristes dans le camp militaire d’Inates à l’ouest de la frontière malienne ont fait un total de 71 morts et de plusieurs personnes disparues. C’est l’attaque la plus meurtrière depuis le début de l’insurrection en 2015, l’attaque contre ce même camp (Inates) en Juillet 2019 avait fait 18 morts. A cela s’ajoutent les conséquences humanitaires tragiques de la dégradation de la sécurité dans les régions de Diffa, Tahoua et Tillabéri qui sont dramatiques : environ 80 000 personnes ont été déplacées depuis le début de l’année et on note également un flux de 40 000 réfugiés nigérians venant des Etats de Sokoto, Zamfara et Katsina basés dans la région de Maradi. A cela s’ajoute la fermeture des écoles dans pratiquement toutes les zones affectées par le conflit.
  • Le Mali : c’est l’épicentre de la crise sécuritaire au Sahel qui présente le bilan le plus lourd avec :
  • 208 victimes suite aux attaques djihadistes dans 9 localités différentes en 2018. De Janvier à Novembre 2019, 472 morts en 17 attaques dans 17 localités ont été enregistrées. Elles ont toutes été revendiquées par les groupes armés terroristes dans 9 localités différentes situées dans les régions du Nord et tout particulièrement dans la région de Mopti au centre du Mali. Les régions du Nord, Tombouctou, Kidal, Gao et Mopti sont celles qui subissent le plus grand nombre d’attaques. On compte un total de 720 morts en 2019. Concernant la situation de l’éducation pour la première fois plus de 1200 écoles ont été fermées ce qui représente 13% des écoles de ces régions, près de 3 000 000 d’élèves sont aujourd’hui non scolarisés ; cela représente une véritable bombe sociale pour l’avenir.
  • Concernant les Personnes Déplacées Internes (PDI), 52% sont des femmes et 48% sont des hommes.
  • Au Burkina, L’année 2018 est caractérisée par une dégradation croissante de la situation sécuritaire précisément entre Mars et Décembre 2018, 10 attaques djihadistes ont été répertoriées et feraient 45 morts et 92 blessés. L’année 2019 a été la plus meurtrière avec un total de 39 attaques faisant 594 morts et 85 blessés, entre Janvier et Novembre 2019. Les régions du Nord et du Nord-Ouest sont les plus touchées. Du début de l’année 2015 à nos jours, les attaques des groupes armés terroristes ont fait près de 635 morts et près de 500 000 déplacés internes et réfugiés selon l’ONU. En ce qui concerne la situation humanitaire, selon le HCR, 267 000 personnes ont fui les attaques djihadistes dans le Nord et l’Est du Burkina en 3 mois portant le nombre de déplacés et de réfugiés à 486 000. Les provinces de Sanmatinga et Soum ont accueilli 329 000 d’entre eux et 16 000 autres sont réfugiés dans les pays voisins. les violences liées au terrorisme ont fait près de 300 000 déplacés internes, 500 000 autres auraient été privés de soins en raison des attaques djihadistes. Dans le secteur de l’éducation, plus de 2000 écoles ont été fermées depuis le début des violences djihadistes selon l’UNICEF.

AFRIKAJOM Center estime que le temps est venu :

  • De repenser les politiques sécuritaires en fonction du contexte, de la nature des Etats souvent faibles, non préparés à faire face aux conflits asymétriques, peu présents sur toute l’étendue d’immense territoire ou simplement totalement absents. Cette absence d’Etat a créé des espaces de non droit qui constituent des sanctuaires pour des acteurs criminels de toutes sortes et a souvent permis aux groupes armés de se substituer aux Etats, de s’installer et d’offrir certains services sociaux de base, la justice et même la sécurité aux populations locales. De plus en plus ces groupes armés exploitent les ressources du pays, lèvent l’impôt et les taxes auprès des populations locales.
  • De créer dans les meilleures délais une troupe formée de militaires de tous les pays de la CEDEAO spécialisée dans le combat contre le terrorisme, chargée de soutenir les pays du Sahel.
  • D’explorer toutes les possibilités offertes par la réconciliation, par le dialogue politique, surtout avec les citoyens entrés en rébellion contre leurs Etats. Ces rebellions permettent de constater les fractures profondes dans le développement entre les zones urbaines et les zones rurales.
  • De passer en revue les pathologies de l’Etat post colonial, la déliquescence des outils de la régulation de la démocratie, de la gouvernance, de la sécurité et de l’environnement. La question de la corruption qui gangrène l’Etat, les institutions et la société de même que la question de l’impunité et des violations des droits humains sont de nature à créer de profondes inégalités et des fossés entre les élites urbaines et le monde rurale. On met rarement l’accent dans ces conflits sur les effets du changement climatique qui crée des pressions et des compétitions à l’accès à certaines ressources notamment à l’eau et à la terre.
  • Le macrocéphalisme des Etats ou toutes les institutions, les ressources, les infrastructures, les services sont concentrés dans la capitale.
  • Dans l’immédiat, trouver les mécanismes appropriés pour anticiper sur les attaques armées terroristes en renforçant l’efficacité des mécanismes d’alertes précoces et des réponses rapides de la CEDEAO de manière à prévenir les attaques des groupes armés terroristes.
  • D’Associer les organisations de la société civile et les collectivités locales dans la collecte d’informations et la mise en œuvre des politiques de réconciliation.

AFRIKAJOM center lance un appel à l’UA et à la CEDEAO avec l’aide de la communauté internationale d’organiser une revue des politiques sécuritaires nationales au Sahel, pour constater leur inefficacité afin d’élaborer une réponse sécuritaire régionale holistique fondée sur une approche de la sécurité humaine.

« Nous recommandons aux Etats de mettre en place des groupes de réflexion sur les vulnérabilités, les fragilités, les menaces et les pathologies des Etats post coloniaux afin de leur trouver les soins les plus appropriés », a déclaré Mamadou Sawadogo, représentant de Afrikajom au Burkina Faso.

« Nous mettons également en garde contre les effets totalement négatifs de l’échec continu des politiques de sécurité inadaptées sur le mental des populations gagnées par le ressentiment, les frustrations et la colère ».

Pour plus d’informations ou pour solliciter une interview, veuillez appeler le :

  • +221783046363/Alioune TINE Fondateur Afrikajom Center, Dakar
  • +22670158652/ Mamadou SAWADOGO Afrikajom Center au Burkina Faso, Ouagadougou
  • +22790977780/ Djamila FERDIANI Afrikajom Center Niger, Niamey

                                                                            Alioune TINE

Fondateur Afrikajom Center

In a study conducted by the Timbuktu Institute in Niger (Zinder Region) it has become apparent that young people often perceive the state as a repressive body. From this point of view, there is an ambiguous relationship between young people and the different branches of the state, including the security forces and the local administration, according to a survey in collaboration with International Organization for Migrations (IOM).

In fact many of the young people surveyed (42.1%) consider the State as a repressive body, and 21.1 per cent are indifferent to it; that is, they do not even know the role of the State. This culture of renunciation of the political order allows incivility in all its forms and encourages the proliferation of illegal and subversive practices. The State and political order distrust can be seen as a form of rejection exposing these young people, sometimes because of defiant motives, to extremist movements or those rejecting this type of order. Furthermore, the survey highlighted the fact that young people have relative knowledge and sometimes a positive view of terrorist organizations. This vision is all the more important if the state of mind of young people is considered in a perpetual search for role models and “heroes” who can reinforce their distrust of the political order.

Young people’s awareness of terrorist organizations operating in the Sahel is sometimes linked to the geographic proximity or to the available information through the media. The most popular extremist organizations are Boko Haram, considering the proximity to the area of intervention of this movement, the Movement for Unity and Jihad in West Africa (MUJAO), AQIM and Ansar Dine.20 Of the respondents, 260 (that is 87% of young people) declare having a good knowledge of Boko Haram and its political and religious agenda, while 17 per cent claim to know the MUJAO. The 12 per cent say the same for AQIM, while 2.3 per cent of respondents say they have a good knowledge of Ansar Dine.

Of course, it would be interesting to verify if this declared knowledge is in line with the reality of these movements and their modus operandi or rather a perception through the acts relayed by the media. The high rate of respondents claiming to know Boko Haram is naturally explained by the proximity of this group’s operations, and also by the widely broadcast regional news. Boko Haram is active in the Lake Chad Basin and neighbouring Nigeria, while the second MUJAO operates mainly in northern Tillabéri.

According to the understanding of the young people interviewed, these movements are often presented as defending a religious order or seeking to repair social injustices. Faced with the violent extremism phenomenon, these groups of young people often have fairly strong convictions, ranging from rejection to support the challenging of a system perceived as unfair. They therefore mistake the commitment to an extremist or violent movement with the defence of principles of “general interest”. The term general interest is to be understood, in this sense, as the real aspiration of the people, which would be different from what the policy of the State viewed as inadequate.

As a result, these movements arose from the contestation of the State and political authority, which were considered “unfair” to the point they had to replace it with other forms of organization that met their expectations and aspirations. Organized in formal structures, the young people met in Zinder do not have the same perceptions and attitudes about the many issues linked to violent extremism. This divergence of ideas and opinions offers the possibility of a better understanding of expectations and also of the perceptions from which actors build their reasoning and whether or not they can accept frameworks for dialogue or exchange.

Download Full report here : https://timbuktu-institute.org/images/youth_violence_extremism_zinder_niger.pdf

Zone contenant les pièces jointes

Enquête menée en décembre 2016 dans la ville de Zinder sous la Direction scientifique du Dr. Bakary Sambe, Directeur de Timbuktu Institute et coordonnateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique, ce rapport  de 86 pages sur la violence des jeunes et les enjeux de l’extrémisme à Zinder (Niger) offre  des outils et des clefs pour mieux appréhender le phénomène du radicalisme religieux dans cette zone frontalière avec le Nord du Nigeria d’où sévit le groupe djihadiste Boko Haram. L’étude a été effectuée en collaboration avec l’Organisation internationale des Migrations (OIM) dans le cadre d’un projet appuyé par l’USAID ;

MAMADOU YAYA BALDE

Dans la ville de Zinder, nous révèle cette étude, les jeunes organisés en groupes informels  appelés « fadas » ou « palais », sont identifiés comme des acteurs de la violence urbaine à Zinder. Parfois, ces groupes fonctionnent comme de véritables gangs  et sont souvent liés à la délinquance, aux manifestations violentes, au trafic et à la consommation de la drogue.

La proximité de Zinder avec le Nord du Nigeria, les liens linguistiques, familiaux et ethniques ainsi que les importants flux commerciaux et de personnes existant entre les deux régions, posent la question de l’influence potentielle du groupe extrémiste Boko Haram sur la jeunesse de Zinder. Cette question est d’autant plus prégnante que des jeunes rapportent que des recruteurs du groupe Boko Haram ont approché les jeunes ‘’Fadas’’ et palais depuis 2012.

Finalement, les jeunes enquêtés pensent que les facteurs de l’extrémisme violent sont la pauvreté, l’exclusion sociale et l’injustice, mais affirment également que les leaders politiques et  religieux jouent un rôle important dans l’endoctrinement et la manipulation les jeunes, notamment à travers des intéressements financiers.

S’agissant des recommandations pertinentes issues de cette étude, nous y reviendrons dans nos prochaines publications.

Le Rapport complet est disponible sur ce lien (Full report available here)

Français : https://timbuktu-institute.org/images/Youth-Violence-FR.PDF

English : https://timbuktu-institute.org/images/youth_violence_extremism_zinder_niger.pdf

 

Depuis le 13 février 2019, l’Algérie connait une effervescence sociale et politique sans précédent, et ce au moins depuis la fin des années 1980 et les émeutes d’Alger d’octobre 1988 qui s’étaient soldées par des victimes et une réforme constitutionnelle en 1989 concédée par le président Chadli Benjedid (1979-1992).

Il y a maintenant près de dix ans, alors qu’un parfum de « printemps » embaumait l’atmosphère et le paysage d’une infime partie du monde arabe à la fin de l’année 2010 courant 2011, l’Algérie, elle, restait, en apparence, plus « stoïque » face aux mobilisations populaires des voisins maghrébins. Non pas que sa population était complètement  insensible ou indifférente à ce qui se passait d’extraordinaire au Maroc et surtout en Tunisie ; elle semblait comme plus dubitative, incrédule, tant elle en avait éprouvé les espérances déçues et le goût amer, quelque vingt ans auparavant, prise entre le marteau de la répression féroce de l’armée, des services de sécurité algériens, décidés à refermer au plus vite la courte parenthèse démocratique (1989-1991), et l’enclume des exactions terroristes de groupes islamistes radicaux qui fleurirent partout dans le pays à partir de ce moment-là.

En effet, le traumatisme de ce qui a été baptisée a posteriori « la décennie noire », à compter de l’interruption unilatérale du processus législatif de décembre 1991 qui préludait d’une écrasante victoire du Front Islamique du Salut (FIS), a été éminemment coûteux au plan politique, social, économique et humanitaire, avec près de 250 000 morts (sans compter les disparus et les blessés graves), ainsi que l’émergence d’une multiplicité de groupuscules et autres mouvements radicaux, tels que les Groupes Islamiques Armés (GIA), puis, plus tard, du GSPC (Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat), et, enfin, AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique). Ces événements constituèrent un véritable séisme moral et politique au sein de la société algérienne, avant que, difficilement, les plaies de la guerre civile se refermassent progressivement, mais non entièrement, suite à l’initiative de réconciliation nationale du président nouvellement élu, Abdelaziz Bouteflika, à partir de 1999. Ce fut alors l’adoption subséquente d’une loi dite « de concorde civile », le 08 juillet de l’année en question.

 La fracture et la déchirure profondes liées aux conséquences tragiques de « la sale guerre » des années 1990, et à la mémoire traumatique qui en fut le résultat, ont indubitablement nourri et entretenu des réflexes pavloviens à l’égard de tout changement, fût-il désirable ou souhaité. En effet, la population algérienne pouvait être perçue, à tort ou à raison, comme résignée sur son sort, préférant le statu quo autoritariste aux mouvements protestataires à l’issue incertaine. C’était, a posteriori, clairement une erreur d’analyse, probablement inhérente aux approches par trop macrosociologiques.

Lénine (1870-1924) a parfaitement défini « la période révolutionnaire » ou la crise révolutionnaire qu’explicite un lecteur attentif, le philosophe Daniel Bensaïd, en la déclinant en trois points principaux[1] :

1/ « « Impossibilité pour les classes dominantes de maintenir leur domination sous une forme inchangée ; crise du sommet, crise de la politique de la classe dominante ; […] que la base ne veuille plus vivre comme auparavant et que le sommet ne le puisse plus »

2/ « Aggravation, plus qu’à l’ordinaire, de la misère et de la détresse des classes opprimées »

3/« Accentuation de l’activité des masses. »

Sans aller jusqu’à dire que l’Algérie réunit l’ensemble de tels ingrédients révolutionnaires, il est cependant possible d’affirmer que le pays, depuis cinq mois, traverseindubitablement une période révolutionnaire. Celle-ci s’est cristallisée, originellement, sur de vives protestations contre la candidature du futur-ex président A. Bouteflika à un cinquième mandat présidentiel. Âgé de 81 ans, à la présidence depuis 1999, physiquement et intellectuellement diminué, il symbolisait dans sa chair l’impudence d’un régime en déshérence (mais tout de même résilient), d’un système politique à bout de souffle, et d’une classe politique totalement déconnectée de l’image négative, sinon de mépris, renvoyée à sa population. D’ailleurs, l’impotence d’Abdelaziz Bouteflika permettait, comme le rappelle à juste titre le chercheur Mohammed Hachemaoui, de (se) poser la question de savoir « qui gouverne (réellement) l’Algérie[2] ? », pour permettre une telle représentation présidentielle, profondément humiliante pour les Algériens d’Algérie et de l’étranger.

Le slogan, entonné pour la première fois à Bordj Bou Areridj (entre Sétif et Alger, soit au centre-nord du pays) par les manifestants opposés au cinquième mandat de Bouteflika, fut : « Pas de cinquième mandat ! » ou « Hors de question un cinquième mandat[3] ! ». S’ensuivirent plusieurs rendez-vous populaires, dépassant les clivages sociaux, ethniques et religieux, ce qui fait au demeurant la force du hirak (soulèvement). Le 16 février, une marche importante fut ainsi organisée à Kherrata (Béjaia), en Petite Kabylie,  contre « le mandat de la honte ». Première différence remarquable avec les soulèvements populaires de 1988, la police ne tirera pas sur la foule et n’engagera pas de rapport de force avec les manifestants, craignant un bain de sang, et la circulation potentiellement préjudiciable pour l’Etat d’images de morts et de blessés en dehors des frontières nationales. Les manifestations vont par conséquent aller crescendo et à chaque fois un peu plus loin dans les revendications, sans doute aussi en raison de l’absence de réaction violente de la part de la police et des militaires.

 Il n’y a toutefois pas « d’immaculée contestation », car nous aurions tort, en effet, de croire à un mouvement spontané, sans racines plus profondes, non pas pour invoquer on ne sait quelles fallacieuses manipulations[4] secrètes, mais pour énoncer le fait que, en contexte autoritaire notamment, une situation de crise liée apparemment à un événement particulier, purement conjoncturel,traduit en fait un malaise plus profond, plus ancien, plus structurel, in fine à la jonction du socio-économique et du politique.

En effet, le vendredi 22 février (les mobilisations le vendredi ne sont pas le fruit du hasard en contexte majoritairement musulman, car il s’agit, fût-ce pour des esprits laïques ou sécularistes, d’un jour particulier, voire un jour « saint » où beaucoup ne travaillent pas ; il est donc plus aisé de mobiliser à cette occasion). Ce sont « des dizaine de milliers d’Algériens qui manifestent dans une vingtaine de villes en réponse à un appel anonyme lancé sur Facebook contre le régime de Bouteflika et de sa famille[5] », notamment son frère, l’éminence grise de la présidence, Saïd Bouteflika. On voit combien les réseaux sociaux, sans être évidemment la cause suffisante des manifestations et de leur poursuite, restent néanmoins un instrument décisif dans la transmission d’informations, de la publication d’images et de témoignages, et, au fond, dans l’entretien d’un imaginaire contestataire.

Au fur et à mesure des semaines, l’exemplarité des personnes et groupes mobilisés issus majoritairement de la société civile, de par leurs modes d’action éminemment pacifiques, a permis un de nouveaux ralliements, un approfondissement et une précision constants de la nature des demandes, au premier chef « l’Etat de droit ». Ce qui suppose, au moins de façon tacite, de repenser à nouveaux frais les mécanismes d’allocation du pouvoir politique et par conséquent de toucher au cœur de réacteur du régime prétorien en place depuis 1965.

Sous la pression de ce qu’il est convenu d’appeler quelquefois avec condescendance la rue, plusieurs faits et changements sont intervenus, apparemment anecdotiques/cosmétiques ou non : premier événement saillant, après que différentes strates de la société eurent rallié le mouvement général de contestation, à l’image des avocats, des juges, des lycéens, des syndicalistes, etc. : le lundi 11 mars, Ahmed Ouyahia, un des autres hommes forts du régime,  présente sa démission en tant que Premier ministre, alors qu’il soutenait jusqu’au dernier moment la candidature d’A. Bouteflika ; le 26 mai 2019, il est renvoyé devant la cour suprême algérienne pour des soupçons de corruption ; le 12 juin suivant, il est à ce titre placé en détention provisoire et, depuis lors, incarcéré à la prison d’El-Harrach. Le mardi 26 mars, le chef d’état-major de l’Assemblée Nationale Populaire (ANP), le général de corps d’armée, Ahmed Gaïd Salah (lui-même visé par les manifestants), en vertu de l’application de l’article 102 de la Constitution (en référence à « un état d’empêchement » du président), contraignait A. Bouteflika à quitter son poste, lequel en prit acte, en annonçant le 02 avril sa démission. L’armée, de concert avec la justice, en vue de faire redescendre le niveau et l’intensité des protestations, fait à dessein emprisonner des figures liées de près ou de loin au régime et à son fonctionnement clientéliste, en particulier des hommes d’affaires très riches ou des généraux impliqués dans la corruption. Cependant, comme le souligne le chercher Saïd Belguidoum, la corruption est tellement généralisée et structurelle, qu’elle impliquerait des jugements et emprisonnements encore plus importants et sans doute davantage retentissants si le processus devait être mené jusqu’à son terme[6].

Malgré la persistance des manifestations en Algérie et la demande de plus en plus aiguë d’un changement effectif de régime (c’est-à-dire des modes de distribution et d’affectation d’un pouvoir qui serait institué en des termes clairs et transparents), la hiérarchie militaire- qui reste à ce jour l’épine dorsale du régime malgré les rapports de force en son sein et le fait qu’elle vacille comme n’importe quel autre corps social, tient tête ; elle se contente jusqu’à présent de lâcher du lest, par petites doses, pour que, au fond, la contestation n’atteigne jamais les ressorts  et rouages fondamentaux de l’édifice du « pouvoir réel », selon l’expression du politiste Lahouari Addi. Au fond, il s’agit de transformer à la marge, afin que rien (de fondamental) ne change…On pourrait filer la métaphore suivante pour décrire la situation du pouvoir en Algérie : les chefs de chantier ( soit la hiérarchie militaire et les élites politiques cooptées ou ralliées) s’adonnent à une espèce de ravalement de façade de l’édifice politique, formellement donc, sans que les intérieurs ne soient pour autant structurellement revus et corrigés; tout au plus, seuls quelques étages sont réfectionnés, en mettant aux arrêts telle ou telle personnalité économique ou politique, en vue de calmer les manifestants et la gronde croissante de plus en plus de segments de la société algérienne.

Enfin, on s’interroge souvent, et à juste titre, sur le rôle et l’attitude des islamistes (ou acteurs de l’islam politique) en périodes troublées, agitées, révolutionnaires. En parfaits conservateurs et défenseurs de l’ordre établi, surtout s’ils sont en situation de transactions collusives avec l’Etat et ses plus hauts représentants, ils se montrent par conséquent peu enclins à rejoindre la rue au risque de perdre le capital acquis par des années d’institutionnalisation, de compromis, voire de compromission avec les élites autoritaires. En Algérie, cette donne s’est amplement confirmée, le MSP (Mouvement pour la Société et la Paix), le principal pari islamiste légaliste ayant participé au gouvernement d’A. Bouteflika, restant dubitatif et en retrait tactique. De manière opportune, sinon opportuniste, des représentants du mouvement islamiste en question, à l’instar Abderrazak Makri, sont apparus dans des cortèges de manifestants, le 08 mars notamment ; ils furent conspués par la foule[7].

Même si le régime militaire tient bon, il ne faudrait pas céder à l’illusion ou le fantasme d’un deus ex machina, c’est-à-dire d’une hiérarchie toute puissante et exclusivement manipulatrice ; cette dernière reste elle-même soumise à des craquements ou conflits internes, à la manière de lire ou de répondre à l’effervescence populaire.

Il semblerait que la tenue des élections présidentielles ne soit possible, aux yeux des personnes et mouvements mobilisés, qu’à la condition qu’une refonte du système politique, des règles du jeu et un engagement réel et fondé des élites gouvernantes, civiles ou militaires, soit clairement envisagée. A ce jour, c’est la principale inconnue de l’équation algérienne.

 

Par Haoues Seniguer

Maître de conférences à Sciences Po Lyon

Chercheur au Laboratoire Triangle CNRS UMR 5206- Lyon