Arabie Saoudite, la guerre d’influence toujours ouverte en Afrique ? L’ouvrage de Dr. Bakary Sambe intitulé « Contestations islamisées : le Sénégal, entre diplomatie d’influence et islam politique » (Editions Afrikana, Montréal, Oct 2018) soulève encore un débat que l’on croyait clos mais sous d’autres aspects, parfois, les moins attendus. 
  
En son temps, la controverse politico-mdiatique sur l’envoi de 2100 soldats sénégalais pour combattre les « rebelles » chiites houthis au Yémen, en appui à la coalition pro-saoudienne, avait défrayé la chronique avec, d’une part une levée de bouclier de la société civile et de l’autre, des personnalités du courant wahhabite qui occupaient les médias pour soutenir une initiative finalement « avortée ».
  
Après avoir « froidement » analysé ces évènements « avec le recul du temps », l’ouvrage de Bakary Sambe révèle d’autres pans entiers de la « guerre secrète » entre l’Iran et l’Arabie Saoudite en Afrique dont le Sénégal semble être une « pièce maîtresse ». 
  
Des bourses d’études à de jeunes sénégalais pour se spécialiser sur la lutte contre « l’influence iranienne en Afrique » à l’Université du Roi Khaled, des séminaires de formation pour « contrecarrer les alliances entre confréries et chiites », une Université chiite au cœur de Dakar donnant la possibilité d’aller paracherver ses études à Qom en Iran. Rien que ça ? 
  
Pour Bakary Sambe, il est évident que « l’observation ordinaire de la vie diplomatique et l’approche juridico-institutionnelle dominante, négligeant les jeux d’influence, ne pourraient jamais détecter le grand jeu des deux puissances du Golfe sous nos tropiques ». 
  
Dans son nouvel ouvrage, l’enseignant chercheur au Centre d’étude des religions de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis lève un bon coin du voile sur une forme d’affrontement «idéologique » par « alliés » interposés. Dans ces « bonnes feuilles » que nous vous livrons, l’auteur révèle des faits assez peu connus sur ce qui se joue derrière le financement des mouvements islamiques et la manière dont les puissances du Golfe usent de leur influence pour peser sur la diplomatie d’un pays « souverain ». 
  
Le contexte historique en est bien campé par Bakary Sambe dans le chapitre où il explique : « l’Arabie Saoudite qui s’était, à peine, débarrassée du concurrent « laïque » égyptien, avec la disparition de Nasser de la scène politique arabe, devait, maintenant, éviter d’être devancée, dans la « conquête » idéologique de l’Afrique, par le nouveau venu qu’était l’Iran ». En plus des « réseaux Hezbollah de la communauté libanaise », assez influents dans l’économie et l’immobilier dans la capitale sénégalaise, « d’autres relais, avec des nationaux sénégalais, servaient la politique iranienne », révèle l’auteur. 
  
Comme si l’Arabie Saoudite, dans les années 80, savait exactement par où « attaquer » dans cette guerre d’influence : « pour contrecarrer cette fascination grandissante du modèle révolutionnaire iranien au sein de l’élite musulmane, il fallait déployer des moyens financiers colossaux et investir les terrains les plus « névralgiques » dans les pays africains à dominante musulmane : l’éducation et le social », rappelle l’auteur  des Contestations islamisées. 
  
Pour Bakary Sambe, « il était, surtout, nécessaire (pour l’Arabie Saoudite NDLR) d’encadrer cette politique par des structures imposantes capables de gagner la bataille de la communication ». Il est vrai que Ryad dispose de leviers importants tels que l’OCI et d’autres organisations connexes mais aussi la Ligue islamique mondiale qui « recrute » même au-delà des acteurs wahhabites et, précise Sambe, « mobilise au besoin les personnalités confrériques par pur pragmatisme». 
  
Au-delà de cette confrontation idéologico-politique, l’ouvrage de Bakary Sambe éclaire sur les mutations plus générales d’un contexte international où l’islam, en plus d’un levier diplomatique, devint un « catalyseur » et un moyen de donner du sens à « le semblant de sécularisation et l’absurde règle des intérêts nationaux » au cœur des « révoltes et des luttes ». Comme le soutient ironiquement Sambe, « de nos jours, suite à la disparition des idéologies gauchisantes, l’islam était comme devenu le nouveau syndicat unitaire des nouveaux « damnés de la terre ». 
  
Sur une approche encore plus factuelle, le directeur de Timbuktu Institute parle, dans son nouveau livre, d’une véritable stratégie par alliés interposés : « aujourd’hui, dans le contexte de la lutte d’influence au Moyen-Orient et face aux craintes saoudiennes partagées par le Maroc d’une expansion chiite en Afrique, il y a une véritable politique de sensibilisation face au « danger iranien ». 
  
Et à travers les pages de ce livre qui n’a pas fini de faire des révélations surprenantes, on voit comment différents acteurs sénégalais entrent dans le jeu des puissances du monde musulman et s’adonnent à une véritable « guerre » de communication. 
De temps à autres, de récents événements et décisions politiques sous Macky Sall trouvent une meilleure explication à la lumière de l’analyse de ce spécialiste qui, de l’avis d’un collègue universitaire, a « osé affronter son sujet, sans gants ni langue de bois ». 
Tenez vous bien ! le livre nous replonge sur l’affaire de l’envoi des soldats au Yémen et montre comment le débat opposait partisans de l’Arabie Saoudite et de l’Iran :  « la décision finalement abandonnée d’envoyer des soldats sénégalais à la rescousse de Ryad dans son aventure yéménite avait ravivé la tension entre partisans de Téhéran et de l’Arabie Saoudite comme Dr. Ahmad Lô dans un contexte d’émergence d’une communauté chiite sénégalaise endogène avec Chérif Mballo et Amadou Badiane comme figures emblématiques ». 
  
La révolution, dit-on souvent, se mène d’abord, dans les périphéries ! Le livre de Bakary Sambe, à travers une explicitation de la stratégie iranienne, semble aller dans le même sens, lorsque l’auteur soutient : « En fait, l’Iran a très tôt compris la difficulté d’exporter sa « révolution » au Sénégal et s’est déployé dans les régions périphériques Sud où l’islam confrérique a moins d’influence ». 
  
L’enjeu de la Casamance ? D’autres révélations avec des détails étonnants sont faites, dans ce livre qui défraye la chronique sur les stratégies d’implantation et de lutte d’influence entre ces deux « ennemis du Golfe » dans la région Sud du pays…. 

L'Islam a toujours été un levier diplomatique dans le sens où il a été constamment présent sur la scène internationale comme facteur important dont les Etats et autres acteurs se sont servis de différentes manières. Les confréries comme les mouvements islamiques  ont été au coeur des interactions entre les pays africains et le monde arabe par exemple. C'est le cas de la Tijaniyya dans les rapports avec le Maroc mais aussi d'autres confréries. Le mouridisme par son expansion à travers la diaspora sénégalaise en Europe et aux Etats-Unis en est même arrivé à une "institutionnalisation" progressive d'une diplomatie religieuse. Serigne Mourtada Mbacké qui sillonnait le monde afin de vulgariser les enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba était même considéré comme "l'Ambassadeur du mouridisme". Des mouvements comme Hizbut Tarqiyyah sous l'égide de Serigne Atou Diagne ont une influence telle que les diplomates étrangers visitant Touba font de la visite de leur "daara" une étape incontournable. De même le leader du Dahira Mouqtafina, Serigne Moustapha Sy  fils du défunt Khalife Al-Amine de Tivaouane, descendant de Cheikh El Hadji Malick Sy a été parmi les premiers acteurs religieux a prendre part au programme américain des Visiteurs internationaux (IVLP) mais aussi "Egide" son équivalent français. 
La nouveauté est que les puissances occidentales se sont saisi de cet outil ou levier diplomatique qu'est l'islam pour en user pleinement dans un contexte sahélien plein d'incertitudes, tel que je le développe dans mon nouvel ouvrage : Contestations islamisées: le Sénégal, entre diplomatie d'influence et islam politique (Octobre 2018)   
Il est vrai que depuis plusieurs années maintenant, au Sahel, les logiques d'influence religieuse sont venues mitiger les logiques de puissance traditionnelle, n'en déplaise à ceux qui pensaient que leur supériorité militaire leur garantirait une hégémonie. 
Ce constat n'est pas véritablement nouveau. Bien avant l’intensification de la crise sahélienne, à partir de 2012, l’implication des monarchies pétrolières dans le financement des ONG islamiques avait déjà alerté sur l’expansion d’un islam radical et sur les risques induits. Depuis, l’influence de l’Arabie Saoudite et du Qatar ne s’est jamais démentie, même au plus fort de la crise malienne. N'a-t-il pas fallu l’intervention du Croissant rouge qatari pour que les convois humanitaires soient autorisés par les djihadistes à accéder à Tombouctou ? 
Aujourd'hui, cette influence saoudienne sur les systèmes éducatifs des pays du Sahel, avec des bourses d’étude et l’implantation des universités de Saï au Niger et du Sahel à Bamako, nuit à la cohésion sociale. Craignant une radicalisation rampante, le Maroc propose son offre de formation des imams maliens, nigériens et tchadiens, promouvant un islam tolérant au Sahel. Alger, qui dispose de plusieurs cartes dans les affaires nord-maliennes, a eu tôt fait de riposter en mettant sur pied une « Ligue des Oulémas du Sahel » recrutant de Dakar à N'Djamena, en passant Nouakchott, Niamey et jusqu’au Nigéria. L'une ou l'autre de ces initiatives a-t-elle permis de contrer l'influence de Riyad ? Difficile à dire. Mais au Sénégal, dans la ville nouvelle de Diamniadio si chère au président Macky Sall, sept hectares de terrain viennent d’être octroyés pour la construction d'une université régionale sous influence saoudienne par l’entremise du mouvement wahhabite, Dârul Istiqâmah. 
Au Sahel désormais, le facteur islamique est devenu un levier de politique étrangère et même les puissances occidentales ont fini par se « convertir » à la diplomatie religieuse. Paris l’a bien compris : en 2017, le président français Emmanuel Macron a « réhabilité » l’Arabie Saoudite sur le terrain sahélien en lui demandant son soutien financier pour le G5 Sahel (Riyad avait alors promis de contribuer à hauteur de 100 millions d'euros). La laïcité en bandoulière, les ambassades de France dans la région organisent désormais des cérémonies de rupture du jeûne du ramadan, pendant que le Quai d’Orsay offre des bourses de théologie aux étudiants accueillies dans les universités françaises. 
L’Allemagne, qui a fini par sortir sa timidité sahélienne en déployant plus de 650 soldats sous la bannière de la Minusma, a fait venir des chefs religieux au Bundestag pour parler de paix et de stabilité dès 2013. A Dakar, la mediasphère commente encore cette photo de l’ambassadeur des Etats-Unis et de son « mouton de l’Aïd » à l’approche de la Tabaski. Quant au programme des Visiteurs internationaux du département d’Etat américain (IVLP), il s’ouvre de plus en plus aux responsables islamiques de la région, toutes tendances confondues. Même Israël, afin de contourner l’islamisation du conflit qui l'oppose à la Palestine et au monde arabe, approche des imams et marabouts de la région, et les invite à Jérusalem pour promouvoir le dialogue interreligeux et la paix. 
Le cadre sahélien est ainsi marqué par les mutations d’un monde où circulent, sans frontières, des offres culturelles et spirituelles prenant leur revanche sur une sécularisation qui n’a pas affecté de la même manière les peuples du Sud et ceux du Nord. Les migrations et la volatilité des intérêts et des enjeux ont réussi à repositionner le religieux au centre des stratégies et des compétitions dans une région en crise où, en pleine angoisse existentielle, une jeunesse sans horizons est en quête de chance et sens. L’Occident est-il en train d’intégrer ce nouveau paradigme pour relativiser une modernité qui n’est pas forcément synonyme de sortie de la religion ? 

Bakary Sambe, Directeur de Timbuktu Institute (Dakar) 
Enseignant-Chercheur au Centre d'étude des religions ,Auteur de : Contestations islamisées: le Sénégal, entre diplomatie d'influence et islam politique (Octobre 2018)  

En mars 2018, Timbuktu Institute a rendu public son rapport sur Les facteurs de radicalisation dans les zones frontalières du Sénégal et de la Mauritanie, Rosso-Sénégal étant le champ d’investigation.
Dans ce rapport, l’équipe de Timbuktu a tenté d’explorer la possible corrélation éventuelle entre le phénomène de l’extrémisme et le déficit d’éducation qui caractérise souvent ces jeunes des régions périphériques.  En ce sens, l’enquête quantitative a constaté que 29% affirment n’avoir pas été scolarisés, et 47,3% le sont dans l’école française dite « occidentale. Enfin, le reste est ventilé entre les écoles coraniques et les autres dites « franco-arabes ».

L’enseignement religieux a un fort ancrage dans cette région, foyer important de la confrérie Tijaniyya et l’une des premières zones de pénétration de l’Islam dans le pays. À la question « Enverrez-vous votre enfant exclusivement à l’école coranique ? », 85% des parents répondent par l’affirmative. 65% y associeront la fréquentation de l’école publique comme c’est le cas, d’ailleurs, pour nombre de familles sénégalaises musulmanes. Ceci peut paraitre paradoxal dans le sens où la perception de l’école publique y reste largement mitigée sachant que seul le tiers des jeunes (33,4%) se dit « très satisfait » de l’enseignement public, et 43,3% d’entre eux se déclarent « moyennement satisfaits ». 

Le Burkina, longtemps préservé, est entré dans un cycle de violence jihadiste qui s'accélère avec des attaques incessantes et des zones d'insécurité de plus en plus grandes.

Le Burkina "est en train de perdre le Nord, dans les deux sens du terme", estimait une source occidentale dès le mois d'août. Elle pourrait désormais ajouter l'Est.

Attaques, enlèvements, explosions... Il ne se passe plus une semaine sans que les jihadistes ne fassent parler la poudre. Mercredi, 8 soldats ont perdu la vie en sautant sur un engin explosif artisanal (IED) dans le nord près de Djibo. Dimanche, trois gendarmes avaient été tués après le rapt d'un Indien, un Sud-Africain et d'un Burkinabè travaillant dans les mines d'or. Une double attaque dans des villages avait fait 9 morts dans l'Est le 15 septembre et la nouvelle explosion d'un IED en coûté la vie à deux soldats le 5.

Le mois d'août avait déjà été sanglant avec 13 personnes tuées par l'explosion de deux IED ainsi que la mort d'un douanier dans une attaque.

L'armée a perdu pied, incapable d'enrayer la spirale malgré des déclarations volontaristes mais sans effet du président Roch Marc Christian Kaboré.

La France, l'ancienne puissance coloniale de ce pays très pauvre, est très inquiète. "Jusqu'à la fin de Blaise Compaoré (président de 1987 à 2014, renversé par la rue) il y avait une garde présidentielle qui était la force armée principale, qui était entièrement dévouée à Compaoré et que Kaboré a sabordé complètement", souligne un haut responsable français.

"Derrière ça, il n'y avait quasiment rien, pas de culture militaire alternative. Il faut qu'ils constituent une armée digne de ce nom et cela prend du temps", ajoute cette source.

En plus de l'armée, Compaoré avait mis en place des réseaux qui étaient en relation avec les groupes jihadistes, ce qui a pu aider à préserver le pays, selon des sources sécuritaires concordantes.

"La situation s’est détériorée lentement. On a fonctionné dans une logique de déni. Comme si cela n’existait pas", estime Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute, qui souligne aussi que "l'instabilité politique" entre 2014-2015 (gouvernement de transition) n'a pas aidé alors que le pays avait à cette époque "largement le temps de développer une politique de prévention de l’extrémisme".

Le chercheur souligne "l’absence d’Etat", très peu actif dans le Nord et l'Est qui ne bénéficient que de peu d'infrastructures et services publics, une situation "toujours profitable aux groupes extrémistes".

- Contagion à d'autres pays -

Les groupes jihadistes l'ont très bien compris. "Faire fuir l’Etat fait partie de la stratégie pour que les populations adhèrent. Les populations n’adhèrent pas forcément au niveau idéologique mais elles ont un besoin de protection. Or, c’est un désert sécuritaire", explique M. Sambe.

Les jihadistes ont attaqué des gendarmeries isolées mais aussi des écoles ou des chefs religieux pour fragiliser l'Etat, tout en prêchant un "islam véritable". A l'image d'Ibrahim Malam Dicko, chef jihadiste burkinabè probablement mort en mai 2017 après une opération française, qui avait su s'attirer des sympathies locales auprès des populations les plus démunies.

Les groupes jihadistes se sont aussi adaptés à la surveillance et aux écoutes: "Il n’y a plus la logique de coordination des groupes, plus de commandement centralisé. Il y a une multiplication des fronts (...). Ils ont pour objectif la création de zones d’instabilité", précise M. Sambé.

L'armée n'occupe plus le terrain et cela facilite d'autant plus la pose d'IED. Rendant encore plus difficile les déplacements de soldats. Un cercle vicieux sans fin.

"Les IED vont se généraliser. Malheureusement ca va continuer et ne s'arrêtera plus. C'est facile à faire avec un peu d’explosif et des connaissances vues sur internet. Et, ils peuvent les poser à volonté!", souligne un ancien militaire français, qui prend l'exemple de l'Irak où les engins ont tué plus de soldats américains que les combats.

"Le Burkina est certainement un sujet de préoccupation. C'est une menace à extension régionale, avec des groupes qui franchissent les frontières et vont vers les régions de moindre pression sécuritaire", estime une source proche du gouvernement français

Pour Bakary Sambé, après le Nord, "si l’Est est pris, il y a le risque de débordement vers des pays qui étaient très éloignés de l’épicentre du jihadisme comme le Ghana ou la Côte d’Ivoire".

"Le Burkina constitue un verrou entre le Sahel et les pays côtiers, dans la lutte contre le terrorisme, s'il saute ces voisins seront atteints" a averti le ministre burkinabè des Affaires étrangères, Alpha Barry.

En partenariat avec le bureau de la Fondation Kondrad Adenauer à Dakar, Timbuktu Institue a mené une enquête de terrain sur les facteurs de radicalisation dans les zones frontalières du Sénégal (Vélingara) et de la Guinée (Labé), pour un rapport inédit qui sera rendu public avant le prochain Forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique.
Sur place, l’équipe de recherche a pu mener des enquêtes quantitatives et des entretiens qualitatifs. Au moment du dépouillement des questionnaires, deux éléments, déjà constatés dans nos précédents rapports dans d’autres zones, sont souvent revenus. Il s’agit d’un chômage de masse et d’un sentiment, partagé par la quasi-totalité des 400 jeunes enquêtés, d’être abandonné par l’État. A ce propos, rappelons que toutes les études que nous avons jusqu’ici menées ont montré que le chômage de masse était l’un des facteurs les plus importants dans la radicalisation des jeunes.

De ce fait les facteurs pauvreté et marginalisation se sont toujours greffés aux dimensions idéologiques du problème qu’il ne faudrait pas non plus négliger dans l’approche du phénomène de la radicalisation.

Rappelons qu’Omar Yaffa et Ibrahima Mballo, tous les deux, aujourd’hui, condamnés pour terrorisme et apologie de terrorisme, dans le procès Imam Ndao, viennent de Vélingara.

Dans le cadre des entretiens avec divers interlocuteurs, d’autres évoquent la question de l’insécurité dans une zone frontalière où le mouvement des hommes est difficilement contrôlable. En ce sens, le marché de Diaobé, un carrefour stratégique facilitant la circulation et la diffusion d’idées de la part de populations venant du Mali, de la Guinée et d’autres pays de la sous-région est un exemple des défis que pose la transfrontalité. Un administrateur de la ville, très préoccupé par cette situation ira même jusqu’à affirmer que cette zone marginalisée pouvait être considéré comme « une bombe à retardement ».

Un autre élément que le rapport permettra de constater est tout aussi inquiétant : c’est le choc des modèles religieux entre les chiites et les salafistes mais aussi, et surtout, entre salafistes et tidjanes qui peuvent parfois donner lieu à des confrontations.

Dans le cadre du dispositif PISCCA et l’initiative de prévention de la violence par l'éducation aux valeurs citoyennes, Timbuktu Institute-African Center for Peace Studies qui développe actuellement des initiatives en direction des jeunes  dans plusieurs villes du Sénégal a reçu la visite d’une délégation Ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères venu, s’enquérir de l’avancement du projet. Cette délégation était composée de M. Emmanuel Puisais-Jauvin, directeur général adjoint de la Mondialisation et de Madame Hélène Ferrer, rédactrice éducation, formation professionnel et jeunesse à la même direction au Quai d'Orsay.

Monsieur Laurent Perez-Vidal, Conseiller de Coopération et d’Action Culturelle) et Mme Coralie Nkuka, Chargée de mission Société civile et Volontariat au Pôle de la Coopération Non Gouvernementale de l’Ambassade de France à Dakar ont également pris part à cette rencontre d’échanges sur les actions de l’Institut au Sénégal et en Afrique, de manière générale mais, aussi, plus spécifiquement, les différents volets du Projet PISCCA. 

Comme l'a rappelé le directeur de l'Institut, l’un des objectifs généraux du PISCCA est d’accompagner, le développement des principes de redevabilité et de transparence dans l’action publique, de promotion des droits humains et de plaidoyer pour le climat. Au Sénégal 15 projets ont été soutenus, par l’Ambassade de France, dans le cadre de ce dispositif qui motive surtout les initiatives innovantes des sociétés civiles et des coalitions d'acteurs.

Lors des échanges avec la délégation française, Timbuktu Institute a présenté la bande dessinée éducative qu'elle a conçue à destination des jeunes pour la prévention de la violence dans le sport et la promotion des valeurs citoyennes par l’implication de la société civile, des médias locaux et l’accompagnement des efforts de l’Etat dans ce sens.

Le lancement officiel de cette bande dessinée se fera à l’occasion de l’ouverture des Sessions de formation, prévues par le PISCCA, sur la promotion de la citoyenneté et de la culture de la paix en présence des autorités sénégalaises. Selon le Directeur de Timbuktu Institute, « ce sera l’occasion de renforcer l’implication des autorités et des acteurs de la société civile pour mieux accompagner les initiatives citoyennes portées par les jeunes eux-mêmes ».

La délégation française s’est félicitée de toutes ces initiatives et a salué les efforts de l’Institut dans le cadre de ce « partenariat constructif » autour d’actions et d’initiatives « innovantes » rendues possibles grâce au PISCCA.

Bakary Sambe a, dans le même sens, appelé à ce que « ces initiatives soient une opportunité d’un renforcement des relations d’échanges entre l’Institut et des acteurs et structures partageant les mêmes objectifs en France notamment dans le domaine de la prévention de la violence des jeunes qui n’épargne, aujourd’hui, aucune société et qui nécessite une coopération de plus en plus décentralisée rappelant que plusieurs membres de l'Institut ont déjà participé à des rencontres à Lyon, Biarritz et Paris pour partager leurs expériences avec des acteurs et organisations français travaillant sur ces mêmes questions