Dans un contexte marqué par une porosité généralisée des frontières et une intense circulation des hommes et des biens, travailler sur la question si sensible et actuelle de la radicalisation en zones frontalières relève d’une utilité hautement scientifique mais aussi politique. C’est ainsi que, en partenariat avec le bureau dakarois de la Fondation Konrad Adenauer, Timbuktu Institute a réalisé une étude, qui sera bientôt rendue public, sur les facteurs de radicalisation et perception du terrorisme chez les jeunes des zones frontalières du Sénégal et de la Guinée. Côté sénégalais, l’enquête a été menée à Vélingara. Pour ce qui est de la république de Guinée, Labé a été choisi.

S’arrêter sur la question des facteurs de radicalisation est fondamental pour mieux comprendre le phénomène. Les organisations internationales, régionales comme sous régionales, de même que les Etats et instituts de recherche l’ont bien comprise et s’intéressent davantage à ces facteurs. Le regard extérieur pourrait trouver comme arguments explicatifs le fanatisme religieux, le manque d’éducation, l’ignorance entre autres sans creuser le questionnement sur le rôle que pourraient jouer les déterminants socioéconomiques. Tel est le cas de ce haut dignitaire religieux vélingarois pour qui « l’ignorant est plus exposé à la radicalisation que les autres », argument réconforté par celui de ce responsable administratif qui fustige l’ignorance comme étant « la cause de la radicalisation et qui en est elle- même l’élément moteur ».

Pourtant, à y regarder de plus près, la radicalisation serait, selon une vision introspective des jeunes, un moyen d’expression des frustrations socioéconomiques. Le mal des centres urbains africains (chômage et pauvreté), comme on a pu le relever lors de l’enquête de la banlieue dakaroise, se fait ressentir dans les zones frontalières très éloignées des centres de décision,peu lotis en termes d’infrastructures et difficile d’accès. C’est du moins ce que les jeunes affirment très souvent lorsqu’on les interpelle sur cette question.

Selon un rapport du Bureau Régional de la Planification et du Développement de Labé publié en novembre 2008, intitulé « Monographie de la Région Administrative de Labé », 65% de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté. Quant au taux de chômage, il est rare d’obtenir des informations fiables renseignant sur cette réalité sociale. Toutefois, le Questionnaire sur les Indicateurs de Base du Bien-être (QUIBB) du même rapport indique que 5,4% de la population sont considérés comme chômeurs.

De l’autre côté de la frontière, à Vélingara, la deuxième enquête de suivi de la pauvreté, place la région de Kolda à laquelle est rattachée le département de Vélingara au sommet des taux de pauvreté les plus élevés du Sénégal (76,6%). Le taux de chômage, lui, est le 2ème le plus élevé (38,8%) après celui de la région de Matam qui est de 54,2%.

Dans les cas spécifiques des deux villes ciblées par cette recherche, la pauvreté et le chômage constituent de véritables difficultés ressenties comme invincibles et exposant les jeunes, au banditisme, à la criminalité, voire au radicalisme. Ainsi, interrogés sur les facteurs motivant la radicalisation chez les jeunes, l’écrasante majorité pointe du doigt le chômage (33,3% à Labéet 34,6% à Vélingara) et la pauvreté (30,4 à Labé et 37,4% à Vélingara). L’exclusion sociale arrive en troisième position avec respectivement 11,2 et 9,8% à Labé et à Vélingara.

Il en était de même d’une série d’études de perception menée par Timbuktu Institute sur cette même problématique où les populations sondées évoquaient quasi systématiquement ces mêmes causes. À l’aune de ces tendances récurrentes « chômage, pauvreté et exclusion sociale », ce trio commence à s’ériger en principe tellement il devient un réflexe chez la frange jeune. Le croisement entre motifs de radicalisation et activité professionnelle exercée, place les étudiants et élèves comme catégories ciblant plus le chômage.

L’endoctrinement, la question de l’interprétation des textes arrivent pratiquement en dernière position puisqu’ils capitalisent 8,5% et 8,6% à Labé et 6,8 et 4,9% à Vélingara. Cette dernière serait, dans le contexte sénégalo-guinéen, marginalement fruit d’un endoctrinement et principalement moyen d’assouvir l’expression des frustrations socioéconomiques auxquelles font face les jeunes.

 

Mercredi, 7 novembre, 2018 à 13:35 Dakar – La main tendue du Maroc à l’Algérie pour sortir de la situation du blocage sur le dossier du Sahara marocain offre une réelle opportunité pour l’Afrique, a assuré le directeur du think tank africain “Timbuktu Institute”, Bakary Sambe. “Voir le Maroc et l’Algérie cheminer ensemble pour sortir de ce blocage est une réelle opportunité pour l’Afrique qui traverse des crises devant mobiliser toutes les énergies”, a-t-il déclaré à la MAP-Dakar, en réaction au discours royal adressé mardi soir à la Nation à l’occasion de la célébration du 43è anniversaire de la Marche Verte. Selon M. Sambe, le mécanisme politique conjoint de dialogue et de concertation que propose le Souverain peut être “une nouvelle chance pour l’unité africaine”, préoccupation constante du Royaume qui y a joué un rôle historique avec le fameux groupe de Casablanca. L’appel de SM le Roi procède d’une réelle volonté de paix des braves et est conforme à l’esprit d’ouverture d’un pays qui incarne un leadership incontesté sur les grands dossiers diplomatiques du continent, a-t-il ajouté. Dans le contexte actuel de la crise au Sahel et dans d’autres régions, a-t-il poursuivi, toute l’Afrique gagnerait dans cette synergie en tirant profit de l’influence de l’Algérie et du leadership et de la vitalité de la diplomatie marocaine sous l’égide de SM le Roi Mohammed VI, assurant que “notre continent a plus besoin de synergie que de divisions qui dispersent les efforts de développement”. “Cet appel s’inscrit dans la continuité et la constance des efforts du Maroc en faveur de la paix et du développement du continent dans un esprit d’un partenariat Sud-Sud renforcé. Il redonne l’espoir d’une renaissance d’un Maghreb désormais tourné vers l’avenir en parfaite conscience de ses liens indéfectibles avec la rive Sud du Sahara”, a-t-il conclu

Des centaines de milliers de pèlerins sont réunis dans la ville sainte de Touba, pour participer au grand Magal. Ce rassemblement annuel de la confrérie mouride, très influente dans le pays, célèbre le départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur du mouridisme. Au-delà des moments de communion au cours desquels les pèlerins assistent à des récitations du coran, Touba devient pendant deux jours, un lieu de rencontres entre politiques et religieux. Bakary Sambe, chercheur, auteur du Sénégal entre diplomatie d’influence et islam politique, répond à Bineta Diagne.

Cliquez ici Pour écouter l'émission : http://www.rfi.fr/emission/20181028-magal-touba-dela-evenement-religieux-est-moment-communion?fbclid=IwAR04rI7l_9a0q5QYg06l_6ZbQcWB3Iz-Bf8Nq3kg7OGwBfC4enthm3BF4ug

Arabie Saoudite, la guerre d’influence toujours ouverte en Afrique ? L’ouvrage de Dr. Bakary Sambe intitulé « Contestations islamisées : le Sénégal, entre diplomatie d’influence et islam politique » (Editions Afrikana, Montréal, Oct 2018) soulève encore un débat que l’on croyait clos mais sous d’autres aspects, parfois, les moins attendus. 
  
En son temps, la controverse politico-mdiatique sur l’envoi de 2100 soldats sénégalais pour combattre les « rebelles » chiites houthis au Yémen, en appui à la coalition pro-saoudienne, avait défrayé la chronique avec, d’une part une levée de bouclier de la société civile et de l’autre, des personnalités du courant wahhabite qui occupaient les médias pour soutenir une initiative finalement « avortée ».
  
Après avoir « froidement » analysé ces évènements « avec le recul du temps », l’ouvrage de Bakary Sambe révèle d’autres pans entiers de la « guerre secrète » entre l’Iran et l’Arabie Saoudite en Afrique dont le Sénégal semble être une « pièce maîtresse ». 
  
Des bourses d’études à de jeunes sénégalais pour se spécialiser sur la lutte contre « l’influence iranienne en Afrique » à l’Université du Roi Khaled, des séminaires de formation pour « contrecarrer les alliances entre confréries et chiites », une Université chiite au cœur de Dakar donnant la possibilité d’aller paracherver ses études à Qom en Iran. Rien que ça ? 
  
Pour Bakary Sambe, il est évident que « l’observation ordinaire de la vie diplomatique et l’approche juridico-institutionnelle dominante, négligeant les jeux d’influence, ne pourraient jamais détecter le grand jeu des deux puissances du Golfe sous nos tropiques ». 
  
Dans son nouvel ouvrage, l’enseignant chercheur au Centre d’étude des religions de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis lève un bon coin du voile sur une forme d’affrontement «idéologique » par « alliés » interposés. Dans ces « bonnes feuilles » que nous vous livrons, l’auteur révèle des faits assez peu connus sur ce qui se joue derrière le financement des mouvements islamiques et la manière dont les puissances du Golfe usent de leur influence pour peser sur la diplomatie d’un pays « souverain ». 
  
Le contexte historique en est bien campé par Bakary Sambe dans le chapitre où il explique : « l’Arabie Saoudite qui s’était, à peine, débarrassée du concurrent « laïque » égyptien, avec la disparition de Nasser de la scène politique arabe, devait, maintenant, éviter d’être devancée, dans la « conquête » idéologique de l’Afrique, par le nouveau venu qu’était l’Iran ». En plus des « réseaux Hezbollah de la communauté libanaise », assez influents dans l’économie et l’immobilier dans la capitale sénégalaise, « d’autres relais, avec des nationaux sénégalais, servaient la politique iranienne », révèle l’auteur. 
  
Comme si l’Arabie Saoudite, dans les années 80, savait exactement par où « attaquer » dans cette guerre d’influence : « pour contrecarrer cette fascination grandissante du modèle révolutionnaire iranien au sein de l’élite musulmane, il fallait déployer des moyens financiers colossaux et investir les terrains les plus « névralgiques » dans les pays africains à dominante musulmane : l’éducation et le social », rappelle l’auteur  des Contestations islamisées. 
  
Pour Bakary Sambe, « il était, surtout, nécessaire (pour l’Arabie Saoudite NDLR) d’encadrer cette politique par des structures imposantes capables de gagner la bataille de la communication ». Il est vrai que Ryad dispose de leviers importants tels que l’OCI et d’autres organisations connexes mais aussi la Ligue islamique mondiale qui « recrute » même au-delà des acteurs wahhabites et, précise Sambe, « mobilise au besoin les personnalités confrériques par pur pragmatisme». 
  
Au-delà de cette confrontation idéologico-politique, l’ouvrage de Bakary Sambe éclaire sur les mutations plus générales d’un contexte international où l’islam, en plus d’un levier diplomatique, devint un « catalyseur » et un moyen de donner du sens à « le semblant de sécularisation et l’absurde règle des intérêts nationaux » au cœur des « révoltes et des luttes ». Comme le soutient ironiquement Sambe, « de nos jours, suite à la disparition des idéologies gauchisantes, l’islam était comme devenu le nouveau syndicat unitaire des nouveaux « damnés de la terre ». 
  
Sur une approche encore plus factuelle, le directeur de Timbuktu Institute parle, dans son nouveau livre, d’une véritable stratégie par alliés interposés : « aujourd’hui, dans le contexte de la lutte d’influence au Moyen-Orient et face aux craintes saoudiennes partagées par le Maroc d’une expansion chiite en Afrique, il y a une véritable politique de sensibilisation face au « danger iranien ». 
  
Et à travers les pages de ce livre qui n’a pas fini de faire des révélations surprenantes, on voit comment différents acteurs sénégalais entrent dans le jeu des puissances du monde musulman et s’adonnent à une véritable « guerre » de communication. 
De temps à autres, de récents événements et décisions politiques sous Macky Sall trouvent une meilleure explication à la lumière de l’analyse de ce spécialiste qui, de l’avis d’un collègue universitaire, a « osé affronter son sujet, sans gants ni langue de bois ». 
Tenez vous bien ! le livre nous replonge sur l’affaire de l’envoi des soldats au Yémen et montre comment le débat opposait partisans de l’Arabie Saoudite et de l’Iran :  « la décision finalement abandonnée d’envoyer des soldats sénégalais à la rescousse de Ryad dans son aventure yéménite avait ravivé la tension entre partisans de Téhéran et de l’Arabie Saoudite comme Dr. Ahmad Lô dans un contexte d’émergence d’une communauté chiite sénégalaise endogène avec Chérif Mballo et Amadou Badiane comme figures emblématiques ». 
  
La révolution, dit-on souvent, se mène d’abord, dans les périphéries ! Le livre de Bakary Sambe, à travers une explicitation de la stratégie iranienne, semble aller dans le même sens, lorsque l’auteur soutient : « En fait, l’Iran a très tôt compris la difficulté d’exporter sa « révolution » au Sénégal et s’est déployé dans les régions périphériques Sud où l’islam confrérique a moins d’influence ». 
  
L’enjeu de la Casamance ? D’autres révélations avec des détails étonnants sont faites, dans ce livre qui défraye la chronique sur les stratégies d’implantation et de lutte d’influence entre ces deux « ennemis du Golfe » dans la région Sud du pays…. 

L'Islam a toujours été un levier diplomatique dans le sens où il a été constamment présent sur la scène internationale comme facteur important dont les Etats et autres acteurs se sont servis de différentes manières. Les confréries comme les mouvements islamiques  ont été au coeur des interactions entre les pays africains et le monde arabe par exemple. C'est le cas de la Tijaniyya dans les rapports avec le Maroc mais aussi d'autres confréries. Le mouridisme par son expansion à travers la diaspora sénégalaise en Europe et aux Etats-Unis en est même arrivé à une "institutionnalisation" progressive d'une diplomatie religieuse. Serigne Mourtada Mbacké qui sillonnait le monde afin de vulgariser les enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba était même considéré comme "l'Ambassadeur du mouridisme". Des mouvements comme Hizbut Tarqiyyah sous l'égide de Serigne Atou Diagne ont une influence telle que les diplomates étrangers visitant Touba font de la visite de leur "daara" une étape incontournable. De même le leader du Dahira Mouqtafina, Serigne Moustapha Sy  fils du défunt Khalife Al-Amine de Tivaouane, descendant de Cheikh El Hadji Malick Sy a été parmi les premiers acteurs religieux a prendre part au programme américain des Visiteurs internationaux (IVLP) mais aussi "Egide" son équivalent français. 
La nouveauté est que les puissances occidentales se sont saisi de cet outil ou levier diplomatique qu'est l'islam pour en user pleinement dans un contexte sahélien plein d'incertitudes, tel que je le développe dans mon nouvel ouvrage : Contestations islamisées: le Sénégal, entre diplomatie d'influence et islam politique (Octobre 2018)   
Il est vrai que depuis plusieurs années maintenant, au Sahel, les logiques d'influence religieuse sont venues mitiger les logiques de puissance traditionnelle, n'en déplaise à ceux qui pensaient que leur supériorité militaire leur garantirait une hégémonie. 
Ce constat n'est pas véritablement nouveau. Bien avant l’intensification de la crise sahélienne, à partir de 2012, l’implication des monarchies pétrolières dans le financement des ONG islamiques avait déjà alerté sur l’expansion d’un islam radical et sur les risques induits. Depuis, l’influence de l’Arabie Saoudite et du Qatar ne s’est jamais démentie, même au plus fort de la crise malienne. N'a-t-il pas fallu l’intervention du Croissant rouge qatari pour que les convois humanitaires soient autorisés par les djihadistes à accéder à Tombouctou ? 
Aujourd'hui, cette influence saoudienne sur les systèmes éducatifs des pays du Sahel, avec des bourses d’étude et l’implantation des universités de Saï au Niger et du Sahel à Bamako, nuit à la cohésion sociale. Craignant une radicalisation rampante, le Maroc propose son offre de formation des imams maliens, nigériens et tchadiens, promouvant un islam tolérant au Sahel. Alger, qui dispose de plusieurs cartes dans les affaires nord-maliennes, a eu tôt fait de riposter en mettant sur pied une « Ligue des Oulémas du Sahel » recrutant de Dakar à N'Djamena, en passant Nouakchott, Niamey et jusqu’au Nigéria. L'une ou l'autre de ces initiatives a-t-elle permis de contrer l'influence de Riyad ? Difficile à dire. Mais au Sénégal, dans la ville nouvelle de Diamniadio si chère au président Macky Sall, sept hectares de terrain viennent d’être octroyés pour la construction d'une université régionale sous influence saoudienne par l’entremise du mouvement wahhabite, Dârul Istiqâmah. 
Au Sahel désormais, le facteur islamique est devenu un levier de politique étrangère et même les puissances occidentales ont fini par se « convertir » à la diplomatie religieuse. Paris l’a bien compris : en 2017, le président français Emmanuel Macron a « réhabilité » l’Arabie Saoudite sur le terrain sahélien en lui demandant son soutien financier pour le G5 Sahel (Riyad avait alors promis de contribuer à hauteur de 100 millions d'euros). La laïcité en bandoulière, les ambassades de France dans la région organisent désormais des cérémonies de rupture du jeûne du ramadan, pendant que le Quai d’Orsay offre des bourses de théologie aux étudiants accueillies dans les universités françaises. 
L’Allemagne, qui a fini par sortir sa timidité sahélienne en déployant plus de 650 soldats sous la bannière de la Minusma, a fait venir des chefs religieux au Bundestag pour parler de paix et de stabilité dès 2013. A Dakar, la mediasphère commente encore cette photo de l’ambassadeur des Etats-Unis et de son « mouton de l’Aïd » à l’approche de la Tabaski. Quant au programme des Visiteurs internationaux du département d’Etat américain (IVLP), il s’ouvre de plus en plus aux responsables islamiques de la région, toutes tendances confondues. Même Israël, afin de contourner l’islamisation du conflit qui l'oppose à la Palestine et au monde arabe, approche des imams et marabouts de la région, et les invite à Jérusalem pour promouvoir le dialogue interreligeux et la paix. 
Le cadre sahélien est ainsi marqué par les mutations d’un monde où circulent, sans frontières, des offres culturelles et spirituelles prenant leur revanche sur une sécularisation qui n’a pas affecté de la même manière les peuples du Sud et ceux du Nord. Les migrations et la volatilité des intérêts et des enjeux ont réussi à repositionner le religieux au centre des stratégies et des compétitions dans une région en crise où, en pleine angoisse existentielle, une jeunesse sans horizons est en quête de chance et sens. L’Occident est-il en train d’intégrer ce nouveau paradigme pour relativiser une modernité qui n’est pas forcément synonyme de sortie de la religion ? 

Bakary Sambe, Directeur de Timbuktu Institute (Dakar) 
Enseignant-Chercheur au Centre d'étude des religions ,Auteur de : Contestations islamisées: le Sénégal, entre diplomatie d'influence et islam politique (Octobre 2018)  

En mars 2018, Timbuktu Institute a rendu public son rapport sur Les facteurs de radicalisation dans les zones frontalières du Sénégal et de la Mauritanie, Rosso-Sénégal étant le champ d’investigation.
Dans ce rapport, l’équipe de Timbuktu a tenté d’explorer la possible corrélation éventuelle entre le phénomène de l’extrémisme et le déficit d’éducation qui caractérise souvent ces jeunes des régions périphériques.  En ce sens, l’enquête quantitative a constaté que 29% affirment n’avoir pas été scolarisés, et 47,3% le sont dans l’école française dite « occidentale. Enfin, le reste est ventilé entre les écoles coraniques et les autres dites « franco-arabes ».

L’enseignement religieux a un fort ancrage dans cette région, foyer important de la confrérie Tijaniyya et l’une des premières zones de pénétration de l’Islam dans le pays. À la question « Enverrez-vous votre enfant exclusivement à l’école coranique ? », 85% des parents répondent par l’affirmative. 65% y associeront la fréquentation de l’école publique comme c’est le cas, d’ailleurs, pour nombre de familles sénégalaises musulmanes. Ceci peut paraitre paradoxal dans le sens où la perception de l’école publique y reste largement mitigée sachant que seul le tiers des jeunes (33,4%) se dit « très satisfait » de l’enseignement public, et 43,3% d’entre eux se déclarent « moyennement satisfaits ».