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 Timbuktu Institute – Janvier 2025

 

Dans la récente étude menée par le Timbuktu Institute sur les perceptions locales des coopérations sécuritaires au Sahel et en Afrique de l’Ouest et qui a couvert la Côte d’Ivoire, le Niger, le Sénégal et le Togo, une place importante a été accordée à la place des réseaux sociaux et de la guerre de l’information dans la « fabrique » des opinion publiques et des perceptions tenaces. Il est vrai que la reconfiguration de l’échiquier géopolitique mondial est désormais palpable. Dans ce contexte d’un nouveau « grand jeu », l’Afrique occupe une place importante. Ses problématiques sociales, politiques, économiques et sécuritaires sont manifestement au cœur d’enjeux globaux, amenant ainsi les grandes puissances à jouer des coudes, pour se positionner. Ainsi, le continent où les réseaux connaissent une percée fulgurante, devient un haut lieu de la guerre informationnelle, en l’occurrence dans le cadre de la coopération sécuritaire. Pour tenter de saisir ce qui s’y joue en ce sens, il est possible d’orienter la réflexion vers deux paramètres principaux. D’une part, par l’analyse des réseaux sociaux comme nouveaux moyens d’informations et d’influence sur la compréhension de l’actualité, puis en examinant les réseaux sociaux entre le marteau des signaux d’une guerre informationnelle et l’enclume d’acteurs favorisant la désinformation, d’autre part.

 

L’Afrique est devenue la cible de manœuvres propagandistes de la part d’individus et/ou de groupes divers qui s’inscrivent dans une quête accrue d’influence et d’intérêts géostratégiques. Les questions politiques et sécuritaires, déjà sensibles et préoccupantes, se trouvent en première ligne des manipulations désinformationnelles. Cette guerre des réseaux sociaux, jadis plus connue comme une tactique des armées, est devenue globale avec l’hyper-connectivité, et déplace le champ de bataille en transposant ainsi les conflits physiques dans l’espace virtuel. De plus, le schéma des confrontations ayant muté, plusieurs territoires se retrouvent au milieu de guerres dont elles ne sont ni la cause principale, ni un grand privilège. En effet, de plus en plus, les guerres classiques où deux antagonistes s’opposent directement, laissent le champ à des conflits à distance ou par « procuration ». Ce qui explique que certains conflits qui ont refait surface, notamment entre la Russie et l’Ukraine, ont eu des contrecoups ailleurs comme en Afrique.

Avec l’avènement des réseaux sociaux, la communication a été libéralisée. La profusion des médias de diffusion et d’influenceurs entraîne une surexposition croissante à l’information, qu’elle soit professionnelle, publicitaire ou liée à l’actualité. Aujourd’hui, cette information s’échange, se relaie de manière informelle, permanente, intangible entre individus selon des flux complexes, sans traçabilité claire, sans émetteur centralisé. Le Sahel, de plus en plus instable sur les plans politique et sécuritaire, est vulnérable à ce phénomène que les frontières terrestres n’arrêtent guère. De nouveaux enjeux géostratégiques favorisés par le changement de régimes dans certains pays de l’Afrique de l’Ouest et leurs désirs de rompre avec d’anciens partenaires internationaux, ont exacerbé les conflits d’intérêts et les luttes d’influences sur les réseaux sociaux et internet par les campagnes dites de désinformation.  Ainsi, peut se poser la question de savoir si les réseaux sociaux ne sont pas devenus une entrave aux actions des partenaires extérieurs.

Informer et fabriquer l’opinion : la place des réseaux sociaux

A la question « Par quels moyens vous informez-vous habituellement ? », 73% des personnes interrogées optent pour les réseaux sociaux (graphique 27). Les canaux classiques d’information (télévision, radio, presse) sont rudement concurrencés, voire supplantés par les réseaux sociaux. D’ailleurs, comme le souligne un ancien président de la Convention des Jeunes Reporters du Sénégal, c’était par les médias traditionnels que nous informions les populations sur les questions sécuritaires. Depuis, tout a changé. Les réseaux sociaux sont désormais considérés comme le moyen d’information alternatif pour « échapper à la propagande d’État et des puissances dominantes » et à la restriction de la liberté d’information et d’opinion. L’ère des technologies de l’information et de la communication consacre non seulement une démocratisation de l’accès à l’information, mais aussi consolide les acquis en matière de liberté d’expression. C’est dans ce sillage que dans tous les pays de la zone à l’étude, les répondants sont majoritaires à affirmer de manière quasi harmonieuse que lesdits réseaux consolident la liberté d’expression  et l’éveil des consciences.

On assiste ainsi à une ère d’hyper-connectivité qui nécessite de gagner la bataille de l’information virtuelle pour pleinement peser dans ce nouveau marché de l’information. D’ailleurs, une écrasante majorité des répondants soutiennent que les réseaux sociaux influencent leur compréhension de l’actualité. Toutefois, il semble se dégager une prise de conscience quant à la prudence que requiert l’information relayée sur les réseaux sociaux en termes d’influence sur cette compréhension de l’actualité, si l’on s’en tient au pourcentage pensant le contraire. (graphique 29).

Aujourd’hui, avec l’avènement des réseaux sociaux, il y a beaucoup de désinformation, voire une guerre de positionnement pour promouvoir telle puissance étrangère ou telle autre. Dans ce sillage, un des membres actifs de la société civile interrogé au Sénégal confirme qu’il est possible « qu’on nous montre des vidéos où des photos disant que les partenaires étrangers sont en train de piller nos ressources, mais après vérification avec le fact-checking, on se rend compte après que c’est une fausse information ». Malgré cette prise de conscience des acteurs, les populations sénégalaises sont les plus enclines à être influencées par les réseaux sociaux par rapport à leur compréhension de l’actualité (41% de oui), comparé au reste de la zone à l’étude. La Côte d’Ivoire semble mieux saisir la nécessité de discernement entre moyen d’information et influence sur la compréhension de l’actualité politique. Curieusement, le Niger arrive en seconde position, derrière la Côte d'Ivoire (graphique 30).

Les populations sénégalaises sont les plus enclines à être influencées par les réseaux sociaux par rapport à leur compréhension de l’actualité (41% de oui), comparé au reste de la zone à l’étude. La Côte d’Ivoire semble mieux saisir la nécessité de discernement entre moyen d’information et influence sur la compréhension de l’actualité politique. Curieusement, le Niger arrive en seconde position, derrière la Côte d'Ivoire (graphique 30).

 

Les réseaux sociaux, hauts lieux de la guerre informationnelle et la désinformation

A la question « Avez-vous ressenti sur les réseaux sociaux les effets ou signaux d’une guerre d'information entre les partenaires étrangers dans votre pays ? », l’écrasante majorité (87%) a répondu par la négative. C’est seulement 13% des personnes interrogées qui ont affirmé avoir fait ce constat dans leurs pays respectifs. Comme le montre le graphique (graphique 31), il y a un énorme besoin de sensibilisation sur les enjeux de la désinformation qui ne semblent pas être saisis par les jeunes dans ces différents pays. Les tendances pays sont quasi identiques en termes de pourcentage qui avoisinent ou arrivent au seuil de 90% de non (graphique 32).

 

Les mêmes réponses sont relevées lors des entretiens individuels. A titre d’exemple, un Directeur exécutif d’un réseau de jeunes de la société civile en Côte d’ivoire affirme dans ce même sillage :  “Entre les puissances étrangères pas forcément (...). Ce que j’ai plutôt remarqué, ce sont des sujets très enflammés entre internautes au sujet de la guerre en Ukraine entre les pro-occidentaux et les pro-russes avec aussi le sujet des relations difficiles entre le Mali et la France par extension entre la Côte d’Ivoire et le Mali au sujet des 49 soldats ivoiriens. Ces sujets ont fait l’objet de ce qu’on pourrait qualifier de « guerre informationnelle » pas entre puissances étrangères mais entre internautes. Pendant ce temps, un acteur religieux, non moins étudiant en fin d’étude, d’attirer l’attention sur l’existence de la bataille informationnelle. Ainsi, soutient-il : « La guerre informationnelle est présente. Avec la présence des mercenaires de Wagner qui menacent la France dans son pré carré, chaque camp essaie de mener sa guerre informationnelle pour contrer l’hégémonie de l'autre. » Pour ce qui est du Togo, les mêmes tendances lourdes se dégagent, certains acteurs confirment l’inexistence de la guerre informationnelle, tout en soulignant l’influence d’autres pays : « Ça  ne  concerne  pas  notre  pays, c'est  surtout le  Mali  et  le  Burkina Faso ».

La guerre de l’information, plus précisément la désinformation, impacte la perception de l’action des partenaires extérieurs en matière de lutte contre le terrorisme. En effet, on note, de plus en plus, la circulation de messages mettant en cause la sincérité de la France dans la lutte contre le terrorisme. Dans l’opinion publique et surtout à travers les réseaux sociaux, il est, ouvertement défendu que la France soutient, par moment, des terroristes pour justifier d’une présence militaire lui donnant la possibilité d’exploiter illégalement les ressources des zones en crise. Ce qui, dans les perceptions, justifierait les résultats mitigés de son action et légitimerait la volonté de certains pays, comme le Mali et le Burkina Faso, de se libérer des accords de défense signés avec ce pays. Des thèses qui restent favorables à l’influence de la Russie de pousser ses pions dans ce qui était jusque-là considéré comme le pré-carré français. De même, une affirmation assez révélatrice d’un climat délétère a été relevée au Niger où un acteur de la société civile s’est fendu d’un commentaire : « Par la désinformation on arrive souvent à accuser les partenaires occidentaux de fournir des armes et de la logistique aux terroristes ». Ces différentes tendances montrent que certaines informations ternissant l’image de partenaires extérieurs classiques tendent à devenir virales et méritent une attention particulière.

Pour toutes ces raisons, la question relative aux acteurs de la désinformation sur les plateformes virtuelles en Afrique de l’Ouest et au Sahel a été prise en charge dans le cadre de l’enquête. Les réponses placent les médias et les « influenceurs » en tête parmi les principaux vecteurs. Les médias en seraient les principaux responsables (47%), suivis de très près des influenceurs (44%) et de loin des activistes (28%). Ici, l'influenceur est perçu comme une personne qui utilise les réseaux sociaux, les blogs, les vidéos et autres moyens de communication sur le web pour diffuser ses opinions auprès des internautes et qui est capable d'influencer ces derniers en modifiant leurs modes de consommation, alors que l’activiste désigne une personne qui s'attache à une cause politique, économique, environnementale ou sociale et qui milite intensément pour la défendre à travers la publication sur les réseaux sociaux des opinions en vue de parvenir au changement économique, politique, environnemental ou social souhaité au sein de la société[1]. Les gouvernements, groupes extrémistes violents et seulement en dernière position les partenaires étrangers, jouent également le rôle d’acteurs dans la désinformation qui monte au crescendo (graphique 33).

Ce résultat montre que la désinformation résulterait d’une chaîne dont chacun des maillons précités joue un rôle. Autrement dit, la responsabilité est partagée entre acteurs locaux non institutionnels, pouvoirs publics et partenaires extérieurs. Toujours par rapport à la même question, chaque pays cite principalement un acteur. Pendant que les Sénégalais pointent du doigt les médias en tant qu’acteurs principaux de la désinformation (48%), au Togo on pense qu’il s’agit plutôt des « influenceurs » (37%), pendant qu’en Côte d’ivoire on indexe plus les « activistes » (36%). Le Niger, se distingue là encore du reste de la zone d’étude où les répondants pointent du doigt les partenaires étrangers (10%)

En somme, l’utilisation des réseaux sociaux n’est pas sans défis. Même si on ne peut nier ses avantages en termes de démocratisation de l’accès aux informations, nombre de risques sont liés aux différents usages des réseaux sociaux qui font d’ailleurs l’objet de politique de régulation. Déjà en 2019, un communiqué de Facebook déclarait avoir supprimé des centaines de comptes, de pages, d’événements et de groupes de son réseau social et d’Instagram pour motif de diffusion de fausses informations politiques. Le Sénégal, la Tunisie, l’Angola, le Niger et le Togo ont été parmi les cibles de cette opération. L’étude s’est déroulée dans un contexte où on parlait d’un sentiment anti-français qui se serait développé, notamment au Mali où des relations diplomatiques ont été rompues et de plus en plus au Niger où des drapeaux tricolores ont été brûlés. Chez l’un, le retrait des forces armées françaises est effectif et chez l’autre, l’exigence de ce retrait était déjà l’une des principales doléances de la société civile.

 

 

Cet article est une version reprise et adaptée de certaines conclusions du rapport intitulé « Sahel - Afrique de l'Ouest : Les coopérations sécuritaires et de développement à l’épreuve des perceptions locales », publié par le Timbuktu Institute, le 16 janvier 2025.

 

 

 

 

Timbuktu Institute - January 2025

 

As Dr. Bakary Sambe, Regional Director of the Timbuktu Institute,often reminds us, “since misinformation is a structural problem, it logically requires equally structural responses that take into account local specificities to avoid cultural bias in the development of solutions”. So, while it's important to combat misinformation in its current manifestations, it's also essential to find solutions to the root causes of the scourge. As part of its efforts to promote local solutions and approaches to combating misinformation, the Timbuktu Institute - African Center for Peace Studies continues to give a voice to local players and civil society organizations, with the aim of encouraging the emergence of local, endogenous initiatives to combat this phenomenon. This week, the Timbuktu Institute - African Center for Peace Studies spoke to journalist and founding member of the Chad Bloggers Association, Emmanuel Deuh'b, who believes that media education must be integrated as a priority from the earliest stages of the school curriculum.

 

What are the main vectors of misinformation in Chad, particularly in the context of the security crisis?

In 2019, around 5% of Chadians were connected to social networks. Today in 2024, this rate has increased significantly because, among other things, the price of the internet connection has dropped considerably. And when the number of Internet users increases, it goes without saying that the abuses associated with Internet use are also likely to increase. In recent years, there's been a lot of information clutter. When we talk about misinformation, we're talking about disinformation proper, i.e. information manipulated to mislead people. There's also misinformation, which has the same purpose, but refers more to when information is based on fact, but is deliberately exaggerated by its disseminator. Then there's misinformation, which this time consists of sharing false information, but without knowing it, i.e. without necessarily intending to deceive. This latter form is the most prevalent in Chad, because most people who share false information do so unknowingly, since the general public is not very familiar with the subject of misinformation. Having said that, there aren't many people who intentionally fabricate false information, because we're still an embryonic country in digital terms. On the other hand, until recently, Chad was the only country in the Sahel with a particularly strong French military presence. Over the past few years, this situation has created an information war between France and Russia, resulting in the circulation of a considerable amount of false information.

What role do local media, community leaders and state authorities play in combating misinformation?

I think they play a lesser role. The reality is that there aren't many players involved in the fight against misinformation in Chad - I may be one of the pioneers. However, organizations like the digital hub Wenaklabs have put strategies in place to combat misinformation. Apart from that, few entities exist in this area. It has to be said that local authorities are not really involved in the fight against misinformation. There's ANCISE (Agence Nationale de Sécurité Informatique et de la Certification Électronique), a kind of digital police force that exists with laws and texts, but their applicability remains unclear, not to mention the fact that it doesn't really invest in campaigns to combat disinformation. That's why I'm personally trying to approach certain officials and authorities, with the aim of convincing them of the need to take action as state regulators in this fight. As it happens, however, they don't have the resources to implement their policies, which makes it difficult to put these ideas into practice. As far as I'm concerned, since there's a real lack of resources, I'm in the process of setting up a structure that will make it easier to understand the issues surrounding disinformation.

How does misinformation impact on security crisis management and social cohesion, particularly in vulnerable areas?

An example from two years ago, during the events of October 20, 2022, when anti-government demonstrations were harshly repressed, is particularly telling. During this period, there was a lot of false information circulating about the fact that in Chad, there is an old feud between the Muslim-majority North and the Christian-majority South, which has its roots in the Chadian civil war (1965-1979). In the process, ill-intentioned people took advantage of the troubled situation to rekindle the flame of war, claiming that people in the South were massacring Muslims, when in fact these were images from the Central African Republic. During this period, with the Chad bloggers' association, we were in the middle of a training session, which was a godsend for quickly re-establishing the truth. Similarly, during the previous presidential election, a lot of fake news circulated, but we tried to mitigate its impact in real time.

What local solutions could be put in place to effectively combat misinformation?

The first step is to focus on media education, starting in primary school. A lot of training is given to young people and students, but we tend to forget about teachers. Teachers are essential, as they are in direct daily contact with pupils. This all-encompassing approach will help raise awareness and combat the problem at grassroots level. In addition, we need to make the authorities aware of the importance of combating misinformation, which is a global phenomenon with harmful consequences for democracy. As the primary actors in democratic health, governments should be taking this fight seriously, but unfortunately they are not. What's needed, therefore, is effective awareness-raising among the relevant authorities, so that they invest, finance and take up the fight against disinformation head-on. Finally, journalists also need media education. In 2024, I trained hundreds of journalists on misinformation, but I don't think that's enough, because they still need effective and appropriate tools.

 

Interview by Kensio Akpo, Media Team, Strategic Watch, Timbuktu Institute

 

Timbuktu Institute – Janvier 2025

 

Comme le rappelle souvent Dr. Bakary Sambe, directeur régional du Timbuktu Institute, « la désinformation étant une problématique structurelle, elle exige en toute logique des réponses tout aussi structurelles prenant en compte les spécificités locales pour éviter des biais culturels dans l’élaboration des solutions ». Ainsi, tout en la combattant dans ses manifestations actuelles, il est essentiel d’y apporter également des solutions aux racines du fléau. Dans le cadre de son action de promotion des solutions et approches locales de lutte contre la désinformation, Timbuktu Institute – African Center for Peace Studies continue de donner la parole aux acteurs locaux et organisations de la société civile dans le but de faire émerger des initiatives locales et endogènes contre ce phénomène. C’est dans ce cadre que le Timbuktu Institute – African Center for Peace Studies s’est entretenu, cette semaine, avec le journaliste et membre fondateur de l'Association des blogueurs du Tchad, Emmanuel Deuh’b, qui estime que l’éducation aux médias doit être intégrée comme une priorité dès les premières étapes du cursus scolaire.

 

Quels sont les principaux vecteurs de désinformation au Tchad, notamment dans le contexte de la crise sécuritaire ?

En 2019, nous étions environ 5% de Tchadiens connectés sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui en 2024, ce taux a augmenté de manière significative parce qu’entre autres, le prix de la connexion internet a considérablement diminué. Et lorsque le nombre d’internautes augmente, il va de soi que les dérives liées à l’utilisation d’internet sont aussi portées connaître une augmentation. Ces dernières années, il y a eu beaucoup de désordre informationnel. Lorsqu’on parle de désinformation, il y a la désinformation proprement dite, c’est-à-dire l’information manipulée dans le but de tromper les gens. Il y aussi la mal-information qui a le même but, mais qui fait plus référence à lorsqu’une information se repose un fait, mais est volontairement exagérée par son diffuseur. Ensuite, la mésinformation qui consiste cette fois-ci à partager de fausses informations, mais sans le savoir c’est-à-dire sans avoir nécessairement l’intention de tromper. Cette dernière forme est la plus présente au Tchad parce que la plupart des gens qui partagent de fausses informations le font sans le savoir parce que les populations n’ont pas de manière générale une connaissance assez poussée de la thématique de la thématique de la désinformation. Cela dit, les personnes qui fabriquent intentionnellement des fausses informations ne sont pas nombreuses car nous sommes par ailleurs, un pays encore embryonnaire sur le plan digital. D’un autre côté, le Tchad, en tout jusqu’à récemment, est resté le seul pays du Sahel où la présence militaire française est restée particulièrement affirmée. Cette situation a créé depuis quelques années, une guerre informationnelle entre la France et la Russie, occasionnant ainsi dans ce cadre, une circulation non-négligeable de nombreuses fausses informations.

Quels rôles jouent les médias locaux, les leaders communautaires et les autorités étatiques dans la lutte contre la désinformation ?

J’estime que ce rôle est moindre. La réalité est qu’il n’existe pas beaucoup d’acteurs engagés dans la lutte contre la désinformation au Tchad, j’en suis peut-être l’un des pionniers. Toutefois, des organisations comme le Hub digital Wenaklabs a mis des stratégies en place pour lutter contre la désinformation. En dehors de cela, peu d’entités existent à ce propos. Il faut dire que les autorités locales ne se sont pas vraiment impliquées dans la lutte contre la désinformation. Il y a l'ANCISE (l'Agence Nationale de Sécurité Informatique et de la Certification Électronique), une sorte de police numérique qui existe avec des lois et textes mais leur applicabilité demeure floue, en plus du fait qu’elle ne s’investit pas réellement dans des campagnes de lutte contre la désinformation. C’est pour cela j’essaie, à titre personnel, de me rapprocher de certains responsables et autorités, dans le but de les convaincre de la nécessité d’initier des actions en tant que régulateurs étatiques dans cette lutte. Seulement, il se trouve qu’ils ne disposent pas de moyens pour leurs politiques, ce qui fait que les velléités à ce sujet ont du mal à être matérialisées. Pour ma part, vu qu’il y a un réel manque, je suis en train de chercher à mettre sur pied une structure qui permettra de vulgariser davantage la thématique et les enjeux de la désinformation.

Comment la désinformation impacte-t-elle la gestion de la crise sécuritaire et la cohésion sociale, en particulier dans les zones vulnérables ?

Un exemple survenu il y a deux ans, pendant les événements du 20 octobre 2022 où des manifestations contre le pouvoir ont été durement réprimées, est particulièrement parlant. En effet, durant cette période, il y avait eu beaucoup de fausses informations qui circulaient sur le fait qu’au Tchad, il existe une vieille querelle entre le Nord à majorité musulmane et le Sud à majorité chrétienne, qui prend ses sources dans la guerre civile tchadienne (1965-1979). Ce faisant, des personnes mal intentionnées ont profité de la situation de trouble pour rallumer cette flamme belliqueuse, prétendant qu’au Sud, des gens massacreraient des musulmans alors que c’était des images provenant de la Centrafrique. Pendant cette période, avec l’association de blogueurs du Tchad, nous étions en pleine session de formation, ce qui a été une aubaine pour rapidement rétablir la vérité. De même, lors de la précédente présidentielle, nombre de fake news ont circulé, mais nous avions essayé d’atténuer en temps réel, leur portée.

Quelles approches de solutions locales pourraient être mises en place pour lutter efficacement contre la désinformation ?

Il faut commencer par mettre l’accent sur l’éducation aux médias, dès les classes de primaires. Beaucoup de formations sont effectuées à l’endroit des jeunes et étudiants, mais l’on a tendance à oublier la catégorie des enseignants. Ces derniers sont essentiels dans la mesure où ils sont au contact direct et quotidien des élèves. Cette approche globale permettra une sensibilisation et une lutte à la base. En outre, il faut faire prendre conscience aux autorités de l’importance de la lutte contre la désinformation parce que celle-ci est un phénomène mondial qui a des conséquences nuisibles sur la démocratie. En tant que premiers acteurs de la santé démocratique, les États qui devraient prendre cette lutte au sérieux, ne le font malheureusement pas. Il faut donc une sensibilisation efficace à l’égard des  autorités compétentes pour qu’elles s’investissent, financent et prennent à bras le corps, la lutte contre la désinformation. Pour finir, les journalistes ont aussi besoin de cette éducation aux médias. En 2024, j’ai formé des centaines de journalistes sur la désinformation mais j’estime que cela n’est pas suffisant parce qu’ils ont encore besoin d’outils efficaces et appropriés.

 

Interview réalisée par Kensio Akpo, Équipe média, Veille stratégique, Timbuktu Institute

 

 

Timbuktu Institute - November 2024

 

The Nigerian army, through its Chief of Staff, General Oluyede, has declared that it is facing a new armed movement called Lukurawa. The movement, which has its roots in the north-west of the country and is described as “highly equipped”, has already carried out incursions into the states of Sokoto and Kebbi, bordering neighboring Niger. In fact, as part of the strategy to combat this group, the Army Chief of Staff this week visited the localities of Illela and Tangaza, border towns with Niger, from which the new group has been operating for some time.

The Lukurawa group is described as a terrorist organization that reported in the local governments of Gudu and Tangaza in Sokoto from across the border in the Republic of Niger around October 2018, with around 200 jihadists. With, for the time being total vagueness over the leadership of the movement, they are believed to be affiliated to Al-Qaeda in the Islamic Maghreb (AQIM) although there is no explicit claim. After much cross-checking, the Lukurawa group's name is probably a Hausa adaptation of the French word for “recruits”, according to some north-westerners.

 Ideological background?

According to the perception of Muslim communities in northern Nigeria, Lukurawa adheres to extremist ideologies akin to the “Khawârij”, expressing the idea of dissidence from the politico-religious order. Ideologically, this perception refers to the revolts and dissidences following the battle of Siffîn (657 AD), when a sort of “third way” emerged, giving rise to a sect that subsequently claimed to be neither mainstream Sunnism nor Shi'ism. Care should be taken with this “Khawârij” label, which is also sometimes subjectively applied to any movement opposing the dominant political order in various countries.

Indeed, six years ago, the inhabitants of certain regions of Sokoto State raised concerns about the suspicious activities of a group of herdsmen from Mali and Niger, who were operating in the surrounding forests. Lakurawa is said to be affiliated with jihadists in the Sahel, with some media reporting a link between the group and the Islamic State (Daesh), and some analysts suggesting, without evidence, ramifications as far afield as Mali.

Recruitment and anchoring strategy

A persistent controversy has arisen over the possibilities of anchoring or even connivance between Lukurawa's elements and local populations, in a context of suspicion over the role of local governments and certain communities in the North-West. Testimonies point to the systematic use of local languages in preaching. In addition, the group is beginning to impose rules and taxes on the communities under their influence, under the pretext of providing protection services to these populations in the fight against other armed or terrorist groups operating in the territory. The first elements of Lakurawa identified by sources numbered less than 50 members.

The group currently numbers between 200 and 300 members, men aged between 18 and 35 from Mali, Chad, Libya, Niger and Burkina Faso. The group has also launched a local recruitment process among young people in the Sokoto region, using financial incentives of up to 1 million Naira to attract them, in addition to ideological influence.

First assaults reported

On November 8, 2024, Lukurawa launched its first assault in Kebbi state, north-west Nigeria, in the Augie government zone, against civilian populations in an attempt to seize their cattle. The population seems to have resisted, leading to clashes in which several people were killed. These clashes between Lukurawa and members of the local community resulted in at least 15 deaths, with casualties among the ranks of the jihadist entity.

Sign of the failure of the fight against terrorist groups?

The emergence and development of this new group highlights the deficits in security management in Nigeria, as well as the responses of government and partners in the fight against violent extremism, particularly in rural and border areas. They also highlight local populations' loss of confidence in the State's ability to protect their lives and property. Among security experts and even within the army, a heated debate is already being raised about the fact that a movement can have been operating for at least six years in this part of Nigeria without its abuses being duly combated or publicized. This debate is taking place at a time when the finger is being pointed at local governments, as well as at the denounced “failings” of the intelligence services.

 

 

From June 11 to 13 in Ziguinchor, the United Nations Development Program (UNDP) in Senegal and the Ministry of Youth, Sports and Culture, organized the Launch of National Consultations on the "Youth Peace and Security" agenda stemming from United Nations Security Council Resolution 2250 (2015). This meeting, which brought together representatives from the 14 regions (from) civil society and associative movements, researchers and various technical and financial partners, aims to promote the inclusion, commitment and active participation of young people in peacebuilding and conflict resolution.

By adopting a National Action Plan by December 2024, Senegal will become the third African country, after Nigeria and the Democratic Republic of Congo, to domesticate the international legal framework represented by Resolution 2250. To achieve this, a roadmap was unanimously adopted by the participants in the Consultations, who also pledged to be ambassadors of this resolution, seeking peace and security, as declared by the Minister of Youth, Sports and Culture, Madame Khady Diene Gaye, who came to preside over the opening ceremony of this activity. For the Minister, "these consultations open up a wide window of opportunity to learn the tools for building peace, preventing violent extremism and protecting young people by encouraging their participation in the peace process".

Taking part in these National Consultations, several researchers stressed the need to prevent conflict by raising awareness and involving young people as key players. With this in mind, Mr. Bocar Guiro, Researcher at the Timbuktu Institute, reviewed some of the Think Tank's initiatives, such as the Program "Building and strengthening resilience in an unstable regional environment, what roles and place for young people and women? "held in Kédougou and Ziguinchor in 2020, a seminar-debate in border areas, "Dakar Peace conversations" in 2021, Citizen Conversations in 2022, a series of discussions on "Young people and the media: entre engagement et responsabilité citoyenne" conducted in the coastal areas of Guédiawaye and Mbour, and the border areas of Rosso-Sénégal, Fogny (Gambia) and Matam, seminar-debates in Tambacounda, Saint-Louis, Sédhiou and Mbour, on "preventing political violence".

Moreover, aware of the importance of research in identifying security challenges and threats, the Timbuktu Institute's groundbreaking report on the factors behind youth radicalization in 2016 helped to raise real awareness of the phenomena of radicalization, violent extremism and terrorism, scourges that continue to undermine the Sahel and the West African region. It is therefore notable that the Timbuktu Institute understood very early on the urgency and necessity of placing young people at the beginning and end of any peace process, as recommended by Resolution 2250. For his part, the UNDP representative, Luc Gnonlonfoun, did not fail to point out that "lasting peace is built in prevention and in the creation of economic opportunities for young people".

One of the highlights of these three days of reflection was the reading of the Declaration of the Youth, Peace and Security agenda in Senegal, by the young people, materializing their firm commitment to work for peace and security throughout the country, and beyond. The Declaration, based on the five pillars of the Resolution - Participation, Protection, Prevention, Partnership, Disengagement and Reintegration - calls on "national and local public authorities, as well as non-state actors, to redouble their efforts to meet Senegal's national and international commitments under the Youth, Peace and Security Agenda".

Following the launch of the National Consultations in Ziguinchor, other meetings are planned to gather the opinions of young people and other sections of society in the localities.

Du 11 au 13 juin à Ziguinchor, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) au Sénégal et le Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Culture, ont organisé le Lancement des Consultations Nationale sur l’agenda « Jeunesse Paix et Sécurité » issu de la Résolution 2250 (2015) du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Cette rencontre qui a réuni des représentants des 14 régions (issus) de la société civile et des mouvements associatifs, des chercheurs et divers partenaires techniques et financiers, vise à promouvoir l’inclusion, l’engagement et la participation active des jeunes dans la consolidation de la paix et la résolution de conflits.

Dès lors, l’adoption d’un Plan d’Action National d’ici décembre 2024, permettra au Sénégal d’être le troisième État africain à domestiquer ce cadre juridique international qu’est la Résolution 2250, après le  Nigeria et la République Démocratique du Congo. Pour ce faire, une feuille de route a été adoptée à l’unanimité par les participants aux Consultations qui se sont aussi engagés à être des ambassadeurs de cette résolution, recherchant la paix et la sécurité, comme déclaré par la Ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture, Madame Khady Diene Gaye, venue présider la cérémonie d’ouverture de cette activité. Pour la Ministre, “ces consultations ouvrent une large période d’apprentissage des outils de construction de la paix, de prévention de l’extrémisme violent et de protection des jeunes en favorisant leur participation au processus de paix”.

Prenant part à ces Consultations Nationales, plusieurs chercheurs ont rappelé la nécessité de la prévention des conflits par la sensibilisation et l’implication des jeunes comme acteurs privilégiés. C’est dans cette logique que Monsieur Bocar Guiro, Chercheur au Timbuktu Institute, est revenu sur quelques initiatives du Think tank, comme le Programme "Construire et renforcer la résilience dans un environnement régional instable, quels rôles et place pour les jeunes et les femmes ?" déroulé à Kédougou et à Ziguinchor en 2020, un séminaire-débat dans les zones frontalières, "Dakar Peace conversations" en 2021, les Conversations citoyennes en 2022, une série de discussions sur "Jeunes et Médias : entre engagement et responsabilité citoyenne" menée dans les zones côtières de Guédiawaye et Mbour, et les zones frontalières de Rosso-Sénégal, Fogny (Gambie) et Matam, des séminaires-débats à Tambacounda, à Saint-Louis, à Sédhiou et à Mbour, sur "la prévention des violences politiques". En outre, conscient de l’importance de la recherche pour l’identification des défis et des menaces sécuritaires, le rapport inédit du Timbuktu Institute sur les facteurs de radicalisation des jeunes, en 2016, a participé à une réelle prise de conscience des phénomènes de radicalisation, de l’extrémisme violent et du terrorisme, des fléaux qui continuent de fragiliser le Sahel et la région ouest africaine. Il est donc notable que le Timbuktu Institute a très tôt compris l’urgence et la nécessité de placer les jeunes au début et à la fin de tout processus de paix, comme le recommande la Résolution 2250. Pour sa part, le représentant du PNUD, Luc Gnonlonfoun, n’a pas manqué de rappeler que “ la paix durable se construit dans la prévention et dans la création d’opportunités économiques pour les jeunes”.

Ces trois jours de réflexion ont été sanctionnés, entre autres, par la lecture de la Déclaration de l’agenda Jeunesse, Paix et Sécurité au Sénégal, par les jeunes, matérialisant leur ferme engagement à œuvrer pour la paix et la sécurité sur l’ensemble du territoire, et au-delà. Cette Déclaration, se fondant sur les cinq piliers de la Résolution que sont la Participation, la Protection, la Prévention, le Partenariat, le Désengagement et la Réintégration, invite “les autorités publiques nationales, locales, les acteurs non étatiques à redoubler d’efforts pour le respect des engagements nationaux et internationaux souscrits par le Sénégal en lien avec l’Agenda Jeunesse Paix et Sécurité”.

A terme du  lancement des Consultations nationales à Ziguinchor, d’autres rendez-vous sont attendus pour recueillir les avis des jeunes et d’autres pans de la société au niveau des localités.

According to the regional director of the Timbuktu Institute, at a seminar on Tuesday on "the consequences of disinformation in the Sahel", Senegal, which is also a victim of this scourge, particularly during election periods, must pay attention and develop mechanisms to eradicate it.

"Our country needs to be vigilant about the development of platforms, but also about the control of information. What's more, it needs to show resilience in the face of misinformation and its consequences for young people, who are more connected than ever. We are consumers of information, but we are also transmitters of information".

he recalls.

Source : www.dakaractu.com

 

In Africa, and more particularly in the Sahel, election periods are times of general tension and tension, and in a context of disinformation, the risks are heightened. This was the theme of a seminar organized by the Timbuktu Institute in partnership with Meta, on February 27 in Dakar, on "The stakes of disinformation and the challenges of social cohesion and democracy in the Sahel". Moderated by CESTI Director Mamadou Ndiaye, the discussions highlighted the threats to stability posed by misinformation, and stressed the need to promote fact-checking and media education. In short, greater responsibility on the part of the media and citizens, who are becoming both consumers and producers of information in the age of social networks.

The sub-region is experiencing a "paradox", says Bakary Sambe, Director of the Timbuktu Institute. Observing that young people in the 90s who fought for democratization are today in the crowds welcoming as heroes the new players who come to power by force, he wonders "whether a democratic disenchantment cannot explain the fact that ex-freedom fighters today give a standing ovation to those who come to power undemocratically." In his book "Ill Winds", American political scientist Larry Diamond offers a diagnosis of what he sees as the unfavorable winds for democracy, including "American recklessness", "Russian anger" and "Chinese ambition". However, for the director of the Timbuktu Institute, a fourth parameter needs to be added: "the inconsistencies of Western powers, but also of local authorities, which have led democracy astray".

Among other things, he regrets that this misuse of democracy "has transformed elections, which were supposed to be moments of celebration and democratic festivity, into moments of anxiety and risk". As a result, in these tense moments marked by a competitive context, "a digital jungle is emerging, where those who master the technicalities can have the upper hand over those who live by the rules of ethics, and the manipulation of information is becoming a crucial issue where digital armies produce disinformation campaigns, even harassment of political figures", he adds. Between 2002 and 2014 in sub-Saharan Africa, he warns, "election periods caused more than 5,000 deaths. In other words, they are just as critical as new border or environmental threats." Faced with an unprecedented flow of information that makes discernment difficult and has led to "infobesity", the new informational cold war in the sub-region is amplifying the conspiracy theories that are now proliferating, all the more so as "it is certain States themselves that sometimes indulge in disinformation, and also, political socialization is also taking place via the Internet, with a leader's political status or popularity becoming a matter of the number of clicks and followers", he points out.

Disinformation and information warfare, the new Pandora's box?

For Abdourahamane Dicko, lecturer and researcher at the University of Zinder (Niger), "we have to start from the principle that the issue of disinformation must be analyzed in its multidimensional character. Insofar as, he believes, "the Nigerien state has failed by creating a collective fear around freedom of expression. Today, not only is political socialization based on ethnolinguistic affiliation, but some communities - in this case the Peul - are labelled as sympathizers of the jihadists". This situation, exacerbated by widespread misinformation," he warns, "is fertile ground for the proliferation of inter-community conflicts in the Sahel. Pointing out that it is important to contextualize the phenomenon of disinformation, the Nigerian, associate researcher at the Timbuktu Institute, proposes the term "coaching politics in a situation where disinformation is knowingly manufactured and disseminated, the state participates in its popularization."

Faced with this disruption of the information field, Beninese investigative journalist Ignace Sossou recommends observing "an ethic of use of social networks", which is both attentive to the opportunities and to the shortcomings of these platforms. According to him, in a context of "liberalization of the media space, with the proliferation of private media and influencers who are antechambers of disinformation, the journalist's duty is to systematically go further in his or her approach." In other words, armed with ethics and deontology, the journalist must be able to separate the wheat from the chaff of the networks, while maintaining a reflex: that of fact-checking. "It should no longer be seen as a tool reserved for the media world, but should be taught to everyone, especially young people, so as to cultivate their critical faculties", recommends the fact-checking trainer.

Given that misinformation is a sprawling challenge, Tidiani Togola, Civic-Tech specialist in Mali, believes that "a strategy built around media education and digital literacy" is needed. This strategy should be part of a "holistic approach that takes into account researchers, governments, civil society and users, with the aim of engaging platforms to better identify local contexts". In his view, given that the Sahel is "plagued by social tensions and the industrialization of disinformation", it would be wise for platforms to "engage in local partnerships, to support initiatives to combat and research disinformation, not only by promoting fact-checking in school curricula, but also through awareness-raising campaigns in local languages". All this could make a lasting contribution to cleaning up the social networking environment in the Sahel.

Media literacy: a compass for greater stability?

"Media and information literacy is both a supply and a demand," says Yacine Diagne, a teacher-researcher at CESTI. Unfortunately, however, "the overcrowded school system doesn't lend itself to it, especially as education in Africa is overwhelmed and teachers can't keep up with the demands placed on them." Because worse than misinformation, she observes an "information disorder insidiously mixing misinformation-malinformation-misinformation where we can't expect public authorities, who repress, to promote media education." To achieve this, the media specialist suggests "African-style education, via local communities, at grassroots level".

Bakary Sambe agrees, reminding us that "education is a weapon for the massive construction of citizenship." He continues: "The democratization of access to and dissemination of information requires a new type of education. Today, everyone is both a sender and a consumer of information. That's why we need to return to more democratic ethics in the use of the media, without forgetting the role of governments, because it's sometimes the absence of democracy that fertilizes the breeding ground for disinformation.

According to Valdez Onanina, editor-in-chief of Africa Check, "fact-checking is actually consubstantial with the work of journalism. The fact is, if there's so much talk about it nowadays, it's because journalistic work is poorly done." To a participant who feels that social networks have become "public dumps", he finds that such an attitude of mind could be counterproductive thinking. "We have to accept the fact that social networks occupy a considerable amount of public space. It would be playing against ourselves to distance ourselves from them, since we're already behind the times when it comes to digitalization. What's more, disinformation now serves both ideological and economic purposes, as we've seen with Story Killers", he explains.

Meta's commitment to combating misinformation in the Sahel

Meta's Public Policy Manager for French-speaking Africa, Olivia Tchamba, reiterated their approach to combating misinformation, insisting on the existence of community standards for the use of platforms at Meta to better demonstrate the authenticity of content. False viral information likely to cause physical or other damage is therefore not authorized by the platform.

So, in a more inclusive approach and with the aim of striking the right balance between the issue of freedom of expression and the ability to give users the freedom to create communities and exchange on what interests them, Meta is partnering with a category of players who have the ability to verify content. These include collaboration with journalists through the "NoFalseNewsZone" fact-checking incubation and mentoring program, running in five countries: Côte d'Ivoire, Cameroon, Mali, Burkina Faso and Niger, which aims to support local media in the fight against misinformation, but also, in a more holistic approach, Digital Literacy to help users understand how to take advantage of all the benefits that digital offers.

In general, Olivia Tchamba recalled that Meta had set up a number of programs in Senegal, Côte d'Ivoire and other Sahelian countries, notably the digital literacy caravan through the "Mon univers digital" program, which aims to help users gain a better understanding of how to search for and critically analyze information, for a more judicious and responsible use of the platform. In addition, Meta has launched "an awareness campaign on social networks and radio, on disinformation and the fight against online hate speech, in the context of the presidential election. The main objective is to show the merits and interest of young people's participation in the electoral process", Olivia Tchamba hopes.

 

Source: Timbuktu Institute - March 2024

Dans un entretien accordé au quotidien national « Le Soleil », Bakary Sambe, directeur régional du Timbuktu Institute- African Center for Peace Studies, soutient que le choix porté sur la Mauritanie pour la première visite officielle du président Bassirou Diomaye Faye est « logique et diplomatiquement pertinent. »

Le Président de la République, Bassirou Diomaye Diakhar Faye a effectué sa première visite à l’internationale en Mauritanie le jeudi 18 avril dernier. Comment expliquez-vous ce choix porté sur ce pays voisin pour sa première visite officielle en tant que Chef de l’Etat ?

Le choix de la Mauritanie pour une première sortie à l’international du Président Bassirou Diomaye Faye peut se passer de toute explication car logique et diplomatiquement pertinent. Vous savez, s’agissant des relations sénégalo-mauritaniennes, certains diplomates parlent souvent d’un même peuple dans deux États frères. Ces relations qui sont, tout d’abord, humaines plongent leurs racines dans l’histoire profonde commune avant même l’existence internationale des deux pays. Il est historiquement établi que le Trarza, mais aussi, le Guidimakha, entre autres, ont constitué un continuum socioculturel et humain à l’origine de brassages et d’infinies interactions expliquant mieux que tout autre facteur, la nature durable des rapports entre le Sénégal et la Mauritanie. Les relations diplomatiques se sont sans cesse renforcées et ont connu un regain d’intensification avec les récentes découvertes d’hydrocarbures qui instaurent de fait une autre communauté de destin en plus des rapports historiques dans un contexte géopolitique complexe et une reconfiguration des relations et des rapports internationaux. L’actuelle présidence mauritanienne de l’Union africaine faisant suite à celle des Comores après celle du Sénégal devra, d’ailleurs, s’inscrire dans cette même lignée d’une meilleure affirmation de la place d’une Afrique changeant de statut dans un contexte inédit où le basculement géopolitique de notre continent vers quelque bloc que ce soit pourrait durablement impacter les rapports de force au niveau international. L’arrivée à la tête du Sénégal d’un Président appartenant à une nouvelle génération consciente de la nécessité d’un meilleur positionnement panafricain coïncidant avec la présidence mauritanienne de l’Union africaine, devrait aider à réaffirmer ce besoin de synergie dans la défense des intérêts économiques et géostratégiques du continent. Le Président Ghazouani qui était d’ailleurs parmi les chefs d’États présents lors de l’investiture de Bassirou Diomaye Faye n’est pas sans une grande conscience de cette nécessité historique d’un shift panafricain n'excluant pas l’ouverture au monde mais profondément enraciné dans la défense des intérêts du continent.

Quels sont les enjeux, sécuritaires, politiques et économiques de cette visite ?

Il est clair qu’on ne peut occulter le caractère stratégique d’une telle visite dans un contexte sahélien et ouest-africain en profonde mutation et faisant face aux plus grands défis sécuritaires avec la menace terroriste qui ne connaît plus de frontières. Il y a, aussi, la reconfiguration des alliances au niveau sous-régionale et le nouveau rôle qui se dessine pour le Sénégal de renforcer tout en consolidant et, au besoin, faisant évoluer l’intégration sous-régionale et africaine. La coopération sécuritaire entre les deux pays qui s’est même décentralisée avec l’implication des administrations territoriales et locales devra être renforcée parce qu’il y va d’une forme de sécurité commune qui s’impose désormais aux deux pays. La stratégie d’insistance et de harcèlement de la part des groupes terroristes par défaut de possibilité d’ancrage logistique réel sur le territoire, les attaques mineures sporadiques depuis la Forêt de Wagadou à travers la région voisine de Kayes de même que les tentatives d’infiltration depuis la zone de Melga - commune de Djelegou, Cercle de Kayes- sur le continuum du Guidimakha liant la Mauritanie, le Sénégal et le Mali et menant vers Sélibabi et Bakel sont des signaux assez suffisants pour le renforcement voire l’intensification de la coopération sécuritaire. Sur ce plan les deux pays sont appelés à échanger leurs bonnes pratiques avec l’expérience mauritanienne en matière de contre-terrorisme mais aussi celle sénégalaise dans la prévention jusqu’ici efficace et le renforcement de la résilience à travers une approche mixte intégrant les dimensions sécurité humaine par le désenclavement infrastructurel et la sécurisation des régions exposées de même que la pleine implication des communautés locales. En plus de la proximité socioculturelle, les deux pays ont tout à gagner dans une synergie renforcée en s’appuyant sur leurs leviers pertinents et surtout la mutualisation de leurs capacités.

Quels sont les leviers sur lesquels les deux chefs d’Etat doivent s’appuyer pour consolider davantage leurs relations bilatérales ?

Les deux chefs d'État semblent avoir longuement discuté du projet commun sur le gisement de gaz naturel Grand Tortue Ahmeyim (GTA), à leur frontière maritime, développé par le Britannique BP avec l'Américain Kosmos Energy, la Société mauritanienne des hydrocarbures (SMH) et la société publique sénégalaise Petrosen. Rien que ce projet structurant de coopération économique illustre parfaitement la nature hyper-stratégque de la relation entre les deux pays. Cette visite a été d’un enjeu fondamental et un choix pertinent dans le contexte actuel mais la coopération mériterait d’être creusée et poursuivie avec une plus grande approche prospective constante. La stratégie apaisante adoptée dans la gestion commune du bloc Grande Tortue Ahmeyim, a été la moins conflictuelle, conforme à la nature de nos relations et garante de stabilité permettant, ainsi, une exploitation sereine et durable de la ressource par les deux pays concernés. Notre pays semble bien s’être bien préparé avec tous les dispositifs mis en place dans cette perspective. C’est pourquoi, le Sénégal pourrait s’inscrire dans une double stratégie de co-efficacité et de coopération renforcée avec la Mauritanie dans le cadre de la mutualisation des capacités notamment en appuyant la formation des cadres et gestionnaires mauritaniens de la ressource gazière vitale pour nos deux pays avec les possibilités qu’offre l’Institut National du Pétrole et du Gaz (INPG). Il serait même possible d’envisager une facilitation d’accès à l’INPG aux privés mauritaniens dans leur diversité comme aux cadres du secteur public de ce pays ami. Il y a, en plus, un véritable socle à cette coopération scientifique avec une longue tradition d’échanges universitaires perpétuée par des générations de hauts cadres mauritaniens qui ont été formés au Sénégal y compris parmi le leadership politique et économique actuel.

In Africa, and more particularly in the Sahel, election periods are times of general tension and tension building, and in a context of disinformation, the risks are heightened. This was the theme of a seminar organized by the Timbuktu Institute in partnership with Meta, on February 27 in Dakar, on "The stakes of disinformation and the challenges of social cohesion and democracy in the Sahel". Moderated by CESTI Director Mamadou Ndiaye, the discussions highlighted the threats to stability posed by misinformation, and stressed the need to promote fact-checking and media education. In short, greater responsibility on the part of the media and citizens, who are becoming both consumers and producers of information in the age of social networks.

The sub-region is experiencing a "paradox", says Bakary Sambe, Director of the Timbuktu Institute. Observing that young people in the 90s who fought for democratization are today in the crowds welcoming as heroes the new players who come to power by force, he wonders "whether a democratic disenchantment cannot explain the fact that ex-freedom fighters today give a standing ovation to those who come to power undemocratically." In his book "Ill Winds", American political scientist Larry Diamond offers a diagnosis of what he sees as the unfavorable winds for democracy, including "american recklessness", "russian anger" and "chinese ambition". However, for the director of the Timbuktu Institute, a fourth parameter needs to be added: "the inconsistencies of Western powers, but also of local authorities, which have led democracy astray".

Among other things, he regrets that this misuse of democracy "has transformed elections, which were supposed to be moments of celebration and democratic festivity, into moments of anxiety and risk". As a result, in these tense moments marked by a competitive context, "a digital jungle is emerging, where those who master the technicalities can have the upper hand over those who live by the rules of ethics, and the manipulation of information is becoming a crucial issue where digital armies produce disinformation campaigns, even harassment of political figures", he adds. Between 2002 and 2014 in sub-Saharan Africa, he warns, "more than 5,000 people died during election periods. In other words, they are just as critical as new border or environmental threats." Faced with an unprecedented flow of information that makes discernment difficult and has led to "infobesity", the new informational cold war in the sub-region is amplifying the conspiracy theories that are now proliferating, all the more so as "it is certain States themselves that sometimes indulge in disinformation, and also, political socialization is also taking place via the Internet, with a leader's political status or popularity becoming a matter of the number of clicks and followers", he points out. 

Disinformation and information warfare, the new Pandora's box?

For Abdourahamane Dicko, lecturer and researcher at the University of Zinder (Niger), "we have to start from the principle that the issue of disinformation must be analyzed in its multidimensional character. Insofar as, he believes, "the Nigerien state has failed by creating a collective fear around freedom of expression. Today, not only is political socialization based on ethnolinguistic affiliation, but some communities - in this case the Peul - are labelled as sympathizers of the jihadists". This situation, exacerbated by widespread misinformation, he warns, "is fertile ground for the proliferation of inter-community conflicts in the Sahel. Pointing out that it is important to contextualize the phenomenon of disinformation, the Nigerian, associate researcher at the Timbuktu Institute, proposes the term "coaching politics in a situation where disinformation is knowingly manufactured and disseminated, the state participates in its popularization."

Faced with this disruption of the information field, beninese investigative journalist Ignace Sossou recommends observing "an ethic of use of social networks", which is both attentive to the opportunities and to the shortcomings of these platforms. According to him, in a context of "liberalization of the media space, with the proliferation of private media and influencers who are antechambers of disinformation, the journalist's duty is to systematically go further in his or her approach." In other words, armed with ethics and deontology, the journalist must be able to separate the wheat from the chaff of the networks, while maintaining a reflex: that of fact-checking. "It should no longer be seen as a tool reserved for the media world, but should be taught to everyone, especially young people, so as to cultivate their critical faculties", recommends the fact-checking trainer.

Given that misinformation is a sprawling challenge, Tidiani Togola, Civic-Tech specialist in Mali, believes that "a strategy built around media education and digital literacy" is needed. This strategy should be part of a "holistic approach that takes into account researchers, governments, civil society and users, with the aim of engaging platforms to better identify local contexts". In his view, given that the Sahel is "plagued by social tensions and the industrialization of disinformation", it would be wise for platforms to "engage in local partnerships, to support initiatives to combat and research disinformation, not only by promoting fact-checking in school curricula, but also through awareness-raising campaigns in local languages". All this could make a lasting contribution to cleaning up the social networking environment in the Sahel.

Media literacy: a compass for greater stability?

"Media and information literacy is both a supply and a demand" says Yacine Diagne, a teacher-researcher at CESTI. Unfortunately, however, "the overcrowded school system doesn't lend itself to it, especially as education in Africa is overwhelmed and teachers can't keep up with the demands placed on them." Because worse than misinformation, she observes an "information disorder insidiously mixing misinformation-malinformation-misinformation where we can't expect public authorities, who repress, to promote media education." To achieve this, the media specialist suggests "African-style education, via local communities, at grassroots level".

Bakary Sambe agrees, reminding us that "education is a weapon for the massive construction of citizenship." He continues: "The democratization of access to and dissemination of information requires a new type of education. Today, everyone is both a sender and a consumer of information. That's why we need to return to more democratic ethics in the use of the media, without forgetting the role of governments, because it's sometimes the absence of democracy that fertilizes the breeding ground for disinformation.”

According to Valdez Onanina, editor-in-chief of Africa Check, "fact-checking is actually consubstantial with the work of journalism. The fact is, if there's so much talk about it nowadays, it's because journalistic work is poorly done." To a participant who feels that social networks have become "public dumps", he finds that such an attitude of mind could be counterproductive thinking. "We have to accept the fact that social networks occupy a considerable amount of public space. It would be playing against ourselves to distance ourselves from them, since we're already behind the times in terms of digitalization, and what's more, disinformation now serves ideological and economic purposes, as we saw with the Story Killers", he explains.

 

Meta's engagement in the fight against disinformation in the Sahel


Meta's Public Policy Manager for French-speaking Africa, Olivia Tchamba, recalled their approach to the fight against misinformation, stressing the existence of community standards for the use of Meta platforms to better demonstrate the authenticity of content. False, viral information likely to cause physical or other damage is therefore not authorized by the platform.
So, in a more inclusive approach and with the aim of striking the right balance between the issue of freedom of expression and the ability to give users the freedom to create communities and exchange on what interests them, Meta is partnering with a category of players who have the ability to verify content. These include collaboration with journalists through the "NoFalseNewsZone" fact-checking incubation and mentoring program, running in five countries: Côte d'Ivoire, Cameroon, Mali, Burkina Faso and Niger, which aims to support local media in the fight against misinformation, but also, in a more holistic approach, Digital Literacy to help users understand how to take advantage of all the benefits that digital offers.

In general, Olivia Tchamba recalled that Meta had set up a number of programs in Senegal, Côte d'Ivoire and other Sahelian countries, notably the digital literacy caravan through the "Mon univers digital" program, which aims to help users gain a better understanding of how to search for and critically analyze information, for a more judicious and responsible use of the platform. In addition, Meta has launched "an awareness campaign on social networks and radio, on disinformation and the fight against online hate speech, in the context of the presidential election. The main objective is to show the merits and interest of young people's participation in the electoral process", Olivia Tchamba says.

 

Source: Timbuktu Institute - March 2024

 

 

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