Timbuktu Institute

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La situation socio-politique et sécuritaire du Mali continue de se dégrader. La prise du pouvoir par la junte n’a pas concrètement changé le climat délétère qui y prévaut. Suite au retrait exigé des troupes françaises du sol malien, le régime militaire en place réaffirme sa volonté  et son engagement à renforcer sa coopération avec la Russie. Abdoulaye Diop, chef de la diplomatie malienne, parle d’une « nouvelle dynamique » afin « d’élargir et de diversifier les partenariats stratégiques du Mali ». Cette coopération grandissante entre Moscou et Bamako est largement favorisée par la dégradation de la situation sécuritaire au Mali, caractérisée par l’expansion des attaques terroristes dans le cadre d’une profonde crise multidimensionnelle, à la fois institutionnelle et politique, sociale et humanitaire. Dans ce cadre, ces deux pays ont conclu un accord de coopération sur la sécurité, le renseignement, la gestion des risques et catastrophes, la lutte contre les stupéfiants et la formation du personnel.

En dehors des accords bilatéraux signés entre la Russie et le Mali, ce dernier qui s’en défend, ferait recours aussi au groupe Wagner, l’organisation paramilitaire. Ceux qui en accusent Bamako arguent aussi que ce groupe privé russe œuvre dans le but d’assurer la défense des intérêts extérieurs de la Russie. La présence des mercenaires du groupe Wagner est souvent pointée du doigt par de nombreux observateurs alors que la situation sécuritaire ne semble guère s’améliorer. Selon les données de l’organisation de cartographie des crises ACLED, les pertes civiles dues à la violence ont plus que doublé l’année dernière. Les forces du groupe Wagner se sont aussi régulièrement livrées à des attaques opportunistes contre les populations civiles, notamment des violences sexuelles et des vols, ainsi que le pillage de maisons, de magasins, de mines et de marchés. L’ONU, quant à elle, accuse les mercenaires russes de « terroriser » la population malienne. Le groupe Wagner rétorque en parlant de « fake news ». Mais tout porte à croire que Wagner est très loin de faire mieux que les autres forces qui sont intervenues face à la menace djihadiste qui sévit depuis une décennie.

Par ailleurs, les autorités de la transition ont annoncé le report du référendum constitutionnel prévu le 19 mars. Les raisons évoquées par le gouvernement de transition sont le manque de temps nécessaire pour favoriser la campagne de vulgarisation du projet de Constitution et pour l'installation des représentations de l'organe de gestion des élections dans toutes les régions du pays. Ce référendum est censé entériner le retour d’un président civil au pouvoir pour les élections prévues en février 2024. Il doit permettre à la population du Mali de se prononcer sur un projet de révision de la Constitution visant à davantage de décentralisation, dans le cadre des accords de paix au Mali. Selon plusieurs représentants de la société civile, le report de ce scrutin pourrait être lourd de conséquences pour le processus de retour à l’ordre constitutionnel laissant planer le doute d’une volonté des autorités de se maintenir au pouvoir.

Même si les dirigeants se targuent de respecter toujours les accords conclus avec la CEDEAO pour la tenue des élections en février 2024, avec ce report, ils manquent à la première échéance du calendrier de consultations et de réformes qu'ils ont eux-mêmes communiqué. Toutefois, le débat persiste au Mali sur l’ordre des priorités entre le retour à l’ordre constitutionnel, la nécessité de prendre le temps nécessaire pour aboutir à des réformes durables et la gestion des urgences sécuritaires.

Source : Météo Sahel Timbuktu Institute

Plusieurs éléments marquent l’actualité internationale au Togo en ce début d’année. C’est d’abord une instruction contre le milliardaire français Vincent Bolloré, menée par la justice française pour, dit la justice, acquisition frauduleuse de la gestion du port de Lomé. Cette offensive de la justice française traduit une reconfiguration des enjeux commerciaux dans cette partie du golfe de Guinée. Sur un plan différent, mais qui concerne aussi la présence de puissances occidentales dans la région, on note la visite, au Ghana voisin, de la vice-présidente américaine Kamala Harris – dans le cadre d’une tournée continentale plus vaste, incluant la Tanzanie et la Zambie.

À cette occasion, Harris a promis une enveloppe budgétaire de 100 millions de dollars pour le Ghana, le Bénin, la Côte d'Ivoire et le Togo dans leur lutte contre le terrorisme. Cette aide financière est à mettre en lien avec la coopération militaire et notamment l’exercice militaire annuel américain ‘Flintlock’ qui s’est achevé à la mi-mars à Abidjan et qui a regroupé une quinzaine de pays dont le Togo.

Au niveau régional, la recrudescence d’attaques terroristes à la frontière nord du Togo côté burkinabé mais aussi côté ghanéen, fait craindre une extension du terrorisme islamiste venu du Sahel. Sur le plan national, alors que les élections législatives doivent se tenir avant la fin de l’année, et la présidentielle en 2025, plusieurs meetings ont commencé à avoir lieu. Cela notamment a pu être l’occasion pour Jean-Pierre Fabre et l’Alliance nationale pour le changement (ANC) d’évoquer la gestion des fonds Covid-19. Alors que près de 165 millions d’euros ont été octroyés par les partenaires extérieurs, des irrégularités ont été constatées.

Enfin, la situation de la liberté de la presse demeure un sujet de préoccupation, deux journalistes ayant été lourdement condamnés, notamment pour outrage à l’autorité. A l’instar de nombreux pays de la région, le Togo s’inscrit aussi dans le processus de diversification de ses partenariats avec les grandes puissances notamment par une certaine activité diplomatique symbolisée par le Ministre des affaires étrangères Robert Dussey qui multiplie les visites de travail dans les grandes capitales. Dans ce même esprit, le Togo a rejoint le Commonwealth et entretient d’étroites relations avec Israël mais également avec la Chine.

Source : Météo Sahel Timbuktu Institute

Le président Embalo Sissoco est toujours président en exercice de la CEDEAO et continue de voyager. Au début du mois de mars, il s’est rendu en Tunisie pour une rencontre avec le président Kaïs Saïed afin que ce dernier s’explique au sujet des propos tenus sur les migrants subsahariens considérés comme des hordes, des déclarations qui ont eu un retentissement dans toute la région ouest-africaine et même au-delà. En janvier, Embalo Sissoco s’était aussi rendu au Burkina-Faso pour affirmer son soutien face à la dégradation de la situation sécuritaire mais cela n’a pas empêché la CEDEAO de confirmer ses sanctions contre les militaires à la tête du Burkina-Faso, comme ceux de la Guinée et du Mali.

La Guinée-Bissau a aussi accueilli l’ancien président centrafricain, François Bozizé, alors que sa présence au Tchad n’était plus souhaitée. Sur le plan intérieur, le parlement a été dissous l’an dernier et des élections prévues en décembre, ont été finalement repoussées pour juin prochain. Alors que le pays a connu une tentative de coup d’Etat en janvier 2022, les relations entre différents acteurs politiques restent tendues. De même, des attaques contre la liberté de presse n'ont fait que renforcer le climat délétère qui prévaut entre le pouvoir et les et les journalistes. Par ailleurs, les prochaines élections législatives de juin sont d’un grand enjeu pour l’avenir politique de l’actuel président, dans la mesure où l’élection d’un premier ministre issu de l’opposition pourrait rendre plus ardue sa tâche de réformer l’administration et l’armée. Les velléités ethniques, la montée de l’insécurité aggravée par l’économie criminelle, la circulation des armes et le vol de bétail notamment dans les zones frontalières du Sénégal sont autant de signaux des moins rassurants.

Source : Météo Sahel Timbuktu Institute 

Depuis l’attentat de Grand-Bassam en 2016, l’attaque de Kafolo en juin 2020 puis en mars 2021, le gouvernement ivoirien a multiplié les stratégies de sécurisation pour faire face à la menace djihadiste qui s’étend désormais dans les pays du Golfe de Guinée. Début mars, l’armée ivoirienne a bénéficié d’une formation de deux semaines à travers des exercices militaires annuels « Flintlock », visant à renforcer les capacités opérationnelles des armées africaines dans la lutte antidjihadiste, Ce programme est organisé depuis 2005 par le Commandement des Etats-Unis pour l’Afrique (Africom). « Flintlock » se concentre notamment sur l’entraînement de troupes alliées, notamment au Sahel miné par les violences djihadistes depuis plus de dix ans.

Dans le cadre de la réconciliation nationale engagée par Alassane Ouattara, une cinquantaine de corps de victimes de la crise post-électorale ivoirienne de 2010-2011 ont été restitués à leurs proches le 8 mars 2023. Ce geste d’apaisement est l’une des initiatives prises par le président ivoirien, tout comme l’amnistie de centaines personnes impliquées dans la crise, le dédommagement des victimes de la crise, la facilitation du retour de Laurent Gbagbo, après son acquittement par la Cour pénale internationale. Mais cette réconciliation tarde à se concrétiser. Le camp de l’ancien président Gbagbo parle de paradoxe en accusant le régime de Ouattara de poursuivre certains de ses membres en justice tout en appelant au dialogue national. Quant aux familles des victimes, elles réclament toujours la vérité et la justice pour faire la lumière sur les 3000 morts de la crise politico-militaire de 2010.

 

Source : Météo Sahel – avril 2023

Sur le plan des relations internationales, la situation en Mauritanie a été marquée par la visite du ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, dans le cadre d’une tournée régionale au Sahel incluant aussi le Mali et le Soudan. Alors que la Mauritanie avait participé au vote condamnant l’invasion russe de l’Ukraine, il s’agissait pour Lavrov de procéder à une opération de reconquête, ce qu’il a fait en proposant notamment l’aide de la Russie contre les groupes terroristes dans la région. 

Si ceux-ci prospèrent moins en Mauritanie que dans d’autres pays voisins, notons tout de même l’évasion spectaculaire de 4 djihadistes de la prison de Nouakchott début mars. Leur traque a tenu le pays en haleine pendant près d’une semaine et lors de leur capture trois des quatre djihadistes ont été tués. Trois membres des forces de l’ordre ont également perdu la vie, causant une vive émotion dans le pays. 

La principale figure de ces terroristes est Saleck Ould Cheikh Mohamedou, condamné à mort en 2011 pour tentative d’assassinat contre le président Mohamed Ould Abdel Aziz (2009-2019). Celui-ci, par ailleurs, et c’est l’autre fait marquant de ce début d’année 2023, est poursuivi par la justice pour enrichissement illégal, des faits qu’il nie alors qu’il dénonce un complot pour l’écarter du jeu politique. Ouvert fin janvier, les avocats de Mohamed Ould Abdel Aziz, qui comparaient avec 10 co-accusés, ont jusqu’alors argué que la Cour n’était pas compétente, et c’est maintenant la Cour constitutionnelle qui doit examiner cette requête. Enfin, après une dissolution du Parlement réclamée par la plupart des partis, le gouvernement a fixé de nouvelles élections législatives au 13 mai. 

À cette occasion, où le parti du président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, le Parti de l’équité (issu d’une fusion dont la base principale était l’Union pour la République, le parti fondé par Mohamed Ould Abdel Aziz), le nombre de députés devrait passer de 157 à 176. Le Parti de l’équité apparaît grand favori de ces élections.

Dans le cadre de sa veille politico-sécuritaire sur les pays du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest, Timbuktu Institute vous propose cette publication mensuelle intitulée « Météo du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest ». Le présent numéro couvre huit pays de l’espace sahélien et ouest-africain sur la période du premier trimestre 2023 : Mauritanie, Côte d'Ivoire, Togo, Mali, Niger, Bénin, Sénégal, Tchad, Burkina Faso et Guinée-Bissau. Ce nouveau bulletin revient après quelques mois d’interruption technique. 

Actuellement, la situation est généralement, préoccupante dans les pays du Sahel où la sécurité et la démocratie sont de plus en plus menacées; une des causes principales étant l’incertitude qui règne quant au retour à des régimes civils dans les pays dirigés par la junte militaire. On note aussi la dégradation du climat politique dans d’autres pays et plusieurs affaires impliquant des menaces sur la liberté de la presse. Cette lettre propose donc à la fois de suivre certaines tendances politiques et sociales de fond, comme de couvrir l’actualité la plus immédiate.

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