Les élections électorales sont souvent un prétexte, pour la classe politique, de verser dans la violence. Des comportements qui n’honorent pas la démocratie sénégalaise. Pour mettre fin à ces pratiques, Timbuktu institute, en partenariat avec la fondation Konrad Adenauer, a procédé hier, à Mbour, au lancement national de la première session de dialogue sur l’engagement citoyen et la prévention de la violence politique. Après Mbour, ce projet compte aller dans d’autres régions du pays.

Par Alioune Badara CISS (Correspondant) – Les élections politiques sont, depuis un certain temps, considérées comme des moments d’anxiété à cause de la violence qui les émaille. Ainsi, en prélude aux élections législatives du 31 juillet 2022, Timbuktu institute, en partenariat avec la fondation allemande Konrad Adenauer, sensibilise les jeunes issus de différents partis politiques, de la Société civile et de la presse pour diagnostiquer la violence politique et l’engagement citoyen à la veille des élections législatives.
Selon Dr Bakary Samb, Directeur régional de Timbuktu institute, cette anticipation se fait par la mobilisation de divers acteurs. «Nous avons convié surtout les jeunes représentants des partis politiques présents au Sénégal, les leaders religieux, les acteurs de la presse, la Société civile et les Forces de sécurité et de défense, pour que nous voyions comment dans notre pays, nous pourrions faire des élections des moments apaisés», a déclaré Dr Samb.
Il souhaite que le Sénégal arrive à avoir cette maturité d’être une démocratie apaisée, en organisant des élections sans violence et transparentes. Mais pour en arriver à ce résultat, il rappelle les préalables : «Il faut deux types de responsabilités, d’abord celle des autorités publiques, de l’Etat, des partis au pouvoir, qui doivent assurer des élections inclusives et transparentes, démocratiques et crédibles. Mais aussi celle de l’opposition, qui doit jouer son rôle de veille, mais également assumer toute sa responsabilité de composante qui doit contribuer à la démocratie, mais aussi à la consolidation de nos acquis», a énuméré le Directeur régional de Timbuktu institute.
Malgré ces pistes pour sortir de cette spirale de violence notée depuis un certain temps dans l’espace politique, Dr Bakary Samb reconnaît que la nature de la violence politique a changé : «Cette violence continue à être une réalité. Nous avons vu maintenant des modes d’engagement politique et des modes d’engagement citoyen qui ne reflètent pas l’esprit démocratique, dans le sens où, traditionnellement, les partis politiques donnaient une certaine importance à la formation dans les écoles de partis, à la culture de l’esprit citoyen et celle du débat démocratique. Mais aujourd’hui, avec la démocratisation de l’accès à l’outil numérique, on assiste à la manifestation d’un nouveau type de violence, qui peut détruire des familles et des réputations. Cela n’honore pas notre démocratie.»
Il a donc invité tous les acteurs à matérialiser cette démocratie par la participation active de tous dans leur rôle de régulation.
Interpellé sur le  pouvoir qui ne respecterait pas les règles du jeu démocratique en voulant instaurer le parrainage malgré l’arrêté de la Cedeao,  le spécialiste des questions politiques pense que les ressorts de cette violence politique sont à chercher dans «l’absence de transparence dans le processus électoral, l’absence d’exclusivité par des mesures qui peuvent être des obstacles à la pleine participation, et une participation inclusive de toutes les sensibilités. Il y a également l’attitude sélective que nous avons par rapport aux décisions de la Cedeao, lorsque ces dispositifs arrangent et lorsqu’elles dérangent. La crédibilité d’un système démocratique voudrait qu’on ait la même attitude sur le respect de la loi, sur la transparence, sur les principes démocratiques, y compris tous les instruments nationaux comme régionaux, tel que l’arrêté de la Cedeao».
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Source :  (APS) - Le Directeur régional de Timbuktu Institute, Bakary Sambe, a insisté, mardi, à Dakar, sur l’importance de pacifier l’espace politique sénégalais.

’’Nous sommes dans un pays où tout le monde a intérêt à participer à la pacification de l’espace politique. Ce qui s’y passe du point de vue médiatique et particulièrement sur les réseaux sociaux n’est pas du tout rassurant’’, a-t-il déclaré.

Dr Sambe intervenait à l’occasion de la restitution d’une étude consacrée à ’’la crise sahélienne et aux nouvelles dynamiques socio-religieuses dans la moyenne vallée du fleuve Sénégal’’.

Le chercheur rappelle que le pays s’achemine vers des échéances électorales majeures que sont les législatives en juillet et la présidentielle en 2024, sans oublier l’exploitation des ressources pétrolières et gazières.

Insistant sur le fait que le pays allait faire l’objet d’un plus grand intérêt en raison de ses ressources naturelles, Sambe a invité les acteurs politiques à faire preuve de retenue.

Il a estimé que cet appel allait en direction aussi bien aussi du pouvoir, appelé à donner des gages d’une organisation d’élections crédibles, transparentes, démocratiques, que l’opposition invitée à être davantage responsable.

Le Sénégal, comme aucun autre pays au monde, ne pourra supporter les trois chocs concomitants que sont celui politique, économique et les menaces frontalières, a averti le directeur de Timbuktu Institute.

Il a ainsi évoqué la nécessité de détecter les différents signaux pouvant impacter la stabilité du pays afin d’oeuvrer à la préservation de la paix sociale.

La Moyenne-vallée du fleuve Sénégal n’échappe pas aux nouvelles dynamiques socio-religieuses qui traversent les sociétés sahéliennes. Avec la montée en puissance de nouveaux courants religieux en plus de divers signaux faibles, la région semble évoluer au rythme des mêmes tendances qui interrogent.  C’est dans ce contexte que s’inscrit l’étude du Timbuktu Institute en partenariat avec la Fondation Konrad Adenauer intitulée “Crise sahélienne et nouvelles dynamiques socioreligieuses dans la Moyenne-vallée du fleuve Sénégal”. Cette recherche vise à appréhender ces dynamiques d’une part et d’autre part, mesurer les perceptions des populations locales sur l’évolution socioreligieuse marquée par une crise politico-sécuritaire dans cette partie du Sénégal. 

 

Pourtant, berceau des premières confréries - Tijaniyya et Qadiriyya - du pays, la moyenne-vallée est confrontée depuis quelques temps à la percée de nouveaux courants religieux qui ont commencé à gagner du terrain dans d’autres pays sahéliens. Cette étude s’est construite autour de quatre thématiques. D’abord, elle s’est intéressée aux différents canaux par lesquels les populations de la Moyenne-Vallée s’informent. Ensuite, l’analyse des vulnérabilités socioéconomiques ont pris une place de choix dans cette étude, si on sait qu’elles forment avec l’exclusion sociale la sève nourricière de l’extrémisme violent.

En outre, le Sahel est en pleine effervescence depuis la crise libyenne et les conséquences engendrées par l’incursion ou le réveil de la violence, la montée du radicalisme religieux, la circulation d’armes légères, la prolifération de groupes armés non-étatiques et les massacres communautaires entre autres instrumentalisation de la religion à des fins d’activités répréhensives.

 

Les dynamiques socioreligieuses dans un contexte régional en mutation ne pouvaient pas être ignorées dans ce travail de terrain. Enfin, le dernier volet de cette étude porte sur les défis sécuritaires en zone frontalière en l'occurrence à Matam et à Tambacounda. La crainte de la contagion djihadiste a conduit à la riposte des autorités étatiques et les efforts focalisés sur la zone de Kédougou.        

 

Les résultats de cette étude seront présentés le mardi 12 avril 2022 à la Maison de la presse sise sur la Corniche Ouest de Dakar. L’objectif de cette cérémonie, outre la présentation des grandes tendances de l’étude, est de recueillir des points de vue de personnalités avisées sur la question afin d’exposer au public une analyse holistique de la question des dynamiques socio-religieuses.

 

Par Babacar Diop, Stagiaire de recherche- Timbuktu Institute

Par Yague Samb, Directrice Bureau de Dakar- Timbuktu Institute

 

La question lancinante du terrorisme, notamment son traitement médiatique, fait parfois reléguer au second plan les autres formes de crises qui sévissent en Afrique. C’est le cas du phénomène transnational des conflits entre pasteurs (nomades) et agriculteurs relativement sédentaires.  Du Centre du Mali, au Sahel burkinabé jusqu’au Bassin du Lac Tchad, les tensions se multiplient entre ces groupes socioprofessionnels avec leur lot de conséquences économiques, sociales, sans compter leur impact sur la spirale de violence qui affecte la région.

 

Le constat est que la majorité des conflits opposant ces groupes, en dehors de l’instrumentalisation par certains groupes armés, renferme une dimension agro-sylvo-pastorale et concerne très souvent le foncier. Autrement dit, c’est généralement autour du contrôle des ressources que naissent ces types de tensions dont les acteurs du monde extérieur ne saisissent pas nécessairement tous les contours. Ce qui soulève un élément important dans la compréhension de cette situation à savoir la gouvernance des ressources.

 

Du fait que les communautés en conflit appartiennent, à des religions différentes mais aussi à des groupes ethniques toutes aussi différentes, des amalgames et stigmatisations peuvent surgir et compromettre la paix sociale. Les massacres que certaines communautés subissent, témoignent de la complexité de la situation et appellent à une réflexion poussée et pluridisciplinaire.

 

Dans ce contexte et suite à une étude menée au Burkina Faso sur « Pastoralisme et conflits fonciers au Burkina Faso » par la GIZ, le Timbuktu Institute, en partenariat avec cette dernière, organise le mardi 12 avril 2022 à partir de 15h30 une réunion virtuelle sur le pastoralisme et les conflits fonciers entre agriculteurs et éleveurs au Burkina Faso.

 

Cette rencontre à visée régionale invite autour de la question des experts du Burkina Faso, du Mali et du Tchad afin de diversifier les angles de traitement et voir les possibilités de dégager des ponts et des espaces de convergence au-delà des frontières et des cloisons disciplinaires.

 

Le webinaire sera l’occasion de présenter les résultats de l’étude, de débattre de la diversité des conflits fonciers, des modes et pistes de prévention et de gestion des conflits mais aussi d’identifier les canaux et outils de communication novateurs de résolution desdits conflits.

 

In fine, cette rencontre se veut un cadre de dialogue et de partage d’expériences et de bonnes pratiques où émergeront des pistes de solutions afin que pasteurs et éleveurs vivent en parfaite symbiose et respectueux de la propriété de l’autre. 

 

Par Yague Samb, Directrice du bureau de Dakar et coordinatrice des programmes régionaux du Timbuktu Institute

Le Directeur régional du Timbuktu Institute, Dr. Bakary Sambe, a pris part au Colloque international de Lomé, les 5 et 6 mars 2022, sur « les transitions politiques et lutte contre l’extrémisme violent en Afrique », il a servi de cadre de réflexion sur la situation socio-politique en Afrique subsaharienne. Il était invité parmi d’autres experts de la région par le Ministre des Affaires Étrangères du Togo, S.E.M Robert Dussey. Il revient ici, lors d’une interview de la chaîne marocaine Medi1TV sur la portée d’une telle initiative qu’il salue et qui selon lui s’inscrit dans le cadre d’une diplomatie préventive

 

Bakary Sambe, vous êtes le directeur régional du Timbuktu Institute et parmi les experts invités par le Ministère togolais des affaires étrangères la semaine dernière à prendre part au Colloque international sur la gestion des transitions politiques et le renforcement de la résilience face aux extrémismes. Quelle est la portée d'une telle initiative dans le contexte sous régional actuel ?

 

L’initiative à laquelle Timbuktu Institute a été associée, par le ministères des affaires étrangères, s’inscrit dans le cadre de la Stratégie sous-régionale et interrégionale du Togo de lutte contre le terrorisme et de préservation de la paix au Sahel. Vous savez au moment où on assiste à des transitions politiques difficiles dans la région en plus du contexte d’insécurité dans un espace structurellement sous menace, cette initiative du Togo de solliciter le parrainage des Nations Unies pour une conférence nourrie en amont de réflexions endogènes et de l’expertise africaine est, à mon sens, un jalon important dans la consolidation d’une prospective africaine sur les questions qui, en premier lieu, concernent d’abord et avant tout, notre continent 

Dans une récente interview avec nos confrères togolais voud parliez d'une réelle vision prospective de la diplomatie togolais. En quoi cette vision pourrait être constructive pour une bonne conduite des transitions politiques dans la sous-région?

 

Une telle vision pose les bases et les conditions permettant de réfléchir sur les réformes possibles des mandats et actions des opérations de maintien de la paix ou de lutte contre le terrorisme pour mieux les adapter aux besoins réels de nos populations et aux défis sécuritaires de la région en proie à de nombreuses instabilités. Aujourd’hui cette vision basée sur la prospective et l’implication des experts africains donne une nouvelle opportunité de définir des actions pouvant apaiser et impacter positivement la vie des populations et des communautés locales des pays du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest. Je pense que ce sera le début  d’une synergie inédite des partenaires africains et internationaux autour de la grande préoccupation actuelle qui est de garantir la sécurité durable dans notre région. 

 

D'après Robert Dussey Ministre des Affaires étrangères du Togo ce colloque était une phase préparatoire de la conférence internationale de Lomé en avril prochain. Que peut-on attendre d'une telle rencontre?

 

Cette prochaine conférence dans laquelle le Togo cherche à associer les Nations unies et les partenaires internationaux sera d’un grand apport pour deux raisons : premièrement elle permettra d’examiner, ensemble et de manière sereine et constructive les tendances et développements dans notre région rudement affectée par l’extrémisme violent et le terrorisme. 

Deuxièmement, cette conférence pourra être une avancée significative si elle arrive à dégager des pistes sérieuses et concertées pour contenir la dissémination de la menace terroriste et à mobiliser davantage tous les acteurs pertinents dans ce sens. 

Mais, à vrai dire, le défi majeur à relever reste celui de la volonté politique des chefs d’Etats pour opérationnaliser ces réflexions et ces stratégies. Comme j’ai eu à le réitérer lors de ce colloque, au regard de la situation actuelle, le temps est à l’action et il est vraiment urgent d’agir.

 

Source : Medi1TV

 

 

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Par Dr. Bakary Sambe, Directeur Régional de Timbuktu Institute

La parution du premier ouvrage du Colonel des douanes sénégalaises, Amadou Tidiane Cissé sur Terrorisme, la fin des frontières ? avait été largement saluée dans la communauté des experts en sécurité comme une réponse cruciale à une question que posait déjà, un certain Bruno Domingo au moment de la mise en place de l’espace Schengen avec ses implications sécuritaires et stratégiques. En mars 2007, dans la revue Politique Européenne cet éminent chercheur déplorait que la douane, restât encore « un instrument oublié dans la mise en œuvre d'un espace de liberté, de sécurité ».

 

Fin des frontières » et du « confinement disciplinaire »

 

Au-delà des analyses, à travers un ouvrage fouillé et documenté sur le terrorisme, l’un des mérites d’Amadou Tidiane Cissé a été d’avoir l’audace salutaire d’une prise de parole douanière légitime sur un sujet qui combine dimensions sécuritaires et enjeux de contrôle et de maîtrise des espaces. L’exercice auquel ce Colonel des Douanes s’est prêté s’avéra concluant dans le sens d’une analyse prenant en compte des aspects jusqu’ici négligés mais surtout qui ouvrit de larges perspectives inattendues. Le confinement disciplinaire, les idées reçues sur un corps comme la douane perçue assez lointain des questions sécuritaires avaient fait leur œuvre au point que le travail d’Amadou Tidiane Cissé eut l’effet d’une libération des paradigmes et des angles d’analyse.

 

C’est, certainement, dans ce même ordre d’idées que l’auteur de La fin des frontières prit le goût d’ouvrir de nouveaux horizons dans la réflexion globale sur la sécurité au Sahel et en Afrique de l’Ouest côtière. Par ce nouvel ouvrage, Amadou Tidiane Cissé semble avoir bien saisi l’impertinence des cloisons  disciplinaires et des prétendues étanchéités des espaces comme de la circonscription des menaces de plus en plus hybrides profitant de ce que j’ai toujours appelé le débordement incessant des épicentres de la violence et des criminalités, par essence transfrontalières.

 

Archéologie des phénomènes et interrogations l’avenir

Avec ce livre sur Les Etats offshore à l’épreuve du pétro-terrorisme, (Harmattan, 2022), Amadou Tidiane Cissé s’accorde le défi d’analyser, comme l’indique le sous-titre, les Enjeux géopolitiques des découvertes pétrolières et gazières et défis sécuritaires dans le golfe de Guinée.

Fidèle à sa démarche d’archéologie des phénomènes qu’il place d’abord dans leur dimension historique tout en faisant l’état des lieux, l’auteur nous entretient, dès les premières parties de l’ouvrage aussi bien de l’histoire du pétrole, des réserves mondiales et d’une analyse du positionnement des majors du pétrole. Mais avec l’œil du douanier averti du lien structurel entre les espaces et la pratique des acteurs qui s’y déploient, selon les enjeux et les contraintes, Amadou Tidiane Cissé brosse une analyse critique de l’importance stratégique des routes maritimes du pétrole et du gaz. Il attire surtout l’attention sur la forte capacité d’adaptation des acteurs de la criminalité.

Perçue par les uns comme une « bénédiction », vue par les autres sous l’angle d’une « malédiction », la découverte du pétrole a été largement analysée dans cet ouvrage renseigné et pédagogique à travers les différents prismes mais aussi les espoirs qu’elle soulève, les inquiétudes et risques qu’elle fait planer sur les Etats offshore au cœur de ce livre.

Un ouvrage fruit d’une immersion dans la pratique

L’auteur, Colonel des douanes de son état, semble tellement rompu aux techniques d’enquêtes douanières que dans le cadre de cet ouvrage, même s’il ne s’agit pas d’une « infiltration » comme dans le jargon de son métier, son immersion au cœur des réalités géopolitiques de la région lui a permis de documenter le lien entre criminalités diverses et surtout le continuum des insécurités induit par l’entrée dans l’ère offshore des pays côtiers.

S’appropriant les outils d’analyse nécessaires pour appréhender la lancinante question de la piraterie maritime et les risques qu’elle fait planer sur l’industrie pétrolière, Amadou Tidiane Cissé réussit la prouesse démonstrative d’établir, sans peine ni contorsion, le lien, pourtant ancien, entre le terrorisme international et la pression sécuritaire autour des installations pétrolière. Sa vaste culture historique contemporaine renforcée par une observation continue des récents développements dans la région sahélienne ressort de son recours aux exemples parlants illustrant la réalité d’un pétro-terrorisme depuis l’attaque retentissante d’In Amenas qui ouvrit les yeux sur une menace persistante. Ainsi, dans un style simple et accessible, l’auteur nous promène sur l’itinéraire qui conduit, aujourd’hui, à l’inquiétude des observateurs comme des gouvernants par rapport aux importants risques liés à l’exploitation prochaines des hydrocarbures dans les pays côtiers.

Pétrole, pesanteurs sécuritaires et risques émergents

Du delta du Niger au Golfe du Guinée qu’une certaine analyse avait pendant longtemps, par erreur d’appréciation, déconnectés de l’espace du Sahel central, Amadou Tidiane Cissé fait le point sur les pesanteurs sécuritaires mais aussi les risques émergents liés à la connexion désormais réelle entre terrorisme et criminalités inhérentes au basculement offshore et à l’économie maritime. L’analyse de Cissé nous édifie davantage que les côtes bordant l’Atlantique ne sont pas des espaces d’exception isolés mais des pans entiers de ce que j’ai eu à qualifier, par moments, de « nouveaux territoires insoupçonnés du terrorisme ».

Avec ce nouvel ouvrage, les travaux d’Amadou Tidiane Cissé renforcent et font un vrai plaidoyer pour un meilleur positionnement de la douane dans cette lutte contre le phénomène multidimensionnel du terrorisme. Mais en réalité, l’auteur ne fait qu’une démonstration pédagogique d’un rôle évident mais parfois occulté par les approches sectorielles qui pêchent par défaut de vision globale des phénomènes et de leurs manifestations. Pourtant, suite à l’adoption de la Résolution de Punta Cana en décembre 2015 et la 23è conférence des directeurs généraux des douanes de la région Afrique Occidentale et Centrale (AOC) en avril 2018 à Conakry, l’Organisation Mondiale des Douanes (OMD) avait lancé son nouveau projet qui insistait, déjà,  sur le rôle de la douane dans le contexte de la sécurité, notamment le « mouvement licite des produits chimiques et autres composants les plus courants qui pourraient être utilisés pour fabriquer des engins explosifs ».

Plusieurs expériences de l’histoire contemporaine ont largement montré la manière dont les installations pétrolières accentuaient le risques d’attaques en tant que cibles hautement stratégiques pour les terroristes surtout si l’on prend en compte les opportunités de nuisance inédites qu’offre l’accès à la mer et au trafic maritime comme accélérateur de circulation de tels produits et de leurs dérivés.

Pétro-terrorisme : entre travers de l’exploitation pétrolière et conflictualités émergentes

De plus, foncièrement inscrit dans une vision de sécurité humaine qui va au-delà des approches classiques, réductrices et fragmentaires, Amadou Tidiane Cissé arrive, avec méthode, à mettre en évidence une chaîne des risques avec des maillons que l’on avait l’habitude de différencier. En s’arrêtant sur le cas du Delta du Niger, à travers les pages édifiantes qu’il consacre au lien entre les conflits intercommunautaires et les enjeux liés à l’exploitation des ressources pétrolières, Cissé rappelle l’impérieuse nécessité d’une approche intégrée au regard des interdépendances et de l’imbrication entre les facteurs internes et externes des potentiels conflits et facteurs d’instabilité liés à l’exploitation des hydrocarbures.

D’ailleurs, son intérêt particulier, à la fin de l’ouvrage sur les rivalités entre les puissances régionales et internationales illustre davantage cette approche qui fait de cet ouvrage un nid de questionnements quant aux enjeux présents et futurs de l’exploitation des hydrocarbures dans un contexte de fortes rivalités régionales et internationales.

Pétro-terrorisme à l’heure des rivalités internationales

A l’heure du « glocal », la pertinence d’une telle démarche ayant parfaitement intégré la notion de « linkage » sur l’inséparabilité entre « les affaires du dedans et du dehors » fait qu’Amadou Tidiane Cissé persiste dans l’ouverture de nouveaux horizons connectant pratique de terrain, conceptualisation et élaboration des politiques publiques.

Mais, bien au-delà de toutes ces contingences, ce livre, paru en pleines turbulences au niveau international avec la guerre opposant la Russie à l’Ukraine et les velléités vis-à-vis des pays de l’OTAN, sonne comme une nouvelle alerte sur les incertitudes liées à la montée du péril terroriste combinée aux enjeux qui dépassent même les Etats côtiers et offshore.

Considérés comme « variables d’ajustement » pour certaines puissances occidentales, potentiellement perçus par la Russie sous l’angle d’acteurs pouvant, bientôt, atténuer sa force de pression gazière sur l’Europe, les Etats côtiers d’Afrique de l’Ouest vivent déjà un moment critique et décisif qui a besoin de toutes les prospectives. C’est en cela, parmi d’autres raisons liées à l’actualité du lien entre terrorisme et exploitation pétrolière dans les pays du Golfe de Guinée, que le présent ouvrage d’Amadou Tidiane Cissé constitue une précieuse contribution d’un auteur de terrain et homme de pratique à une meilleure conceptualisation d’une nouvelle réalité débordant largement les paradigmes actuels et en quête d’autres explorations.

Lomé, le 4 mars 2022