Timbuktu Institute

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PARIS - Days before French President Emmanuel Macron visited West and Central African leaders this week to talk security, Islamist fighters sent a defiant message -- a suicide attack on the headquarters of a five-nation force that is supposed to take the lead in fighting terrorism in the region.

Last year Burkina Faso, Chad, Mali, Mauritania and Niger agreed to set up the 5,000-member force dubbed the "G5 Sahel", urged along by pledges of training and support from France.

The countries have been hit by jihadist attacks that have steadily worsened in the past two years, claiming hundreds of lives and displacing hundreds of thousands of people -- prompting many to seek refuge in Europe.

Headquarters of G5 Sahel anti-terror force attacked in Mali

Macron's trip was aimed at bolstering the fledgling multinational effort in order to reduce the role played by French troops in fighting jihadists and criminal smuggling groups in the vast and arid Sahel region.

Around 4,000 French troops, known as the Barkhane deployment, have been pursuing insurgents since 2014 across the desert expanse, an area half the size of the United States.

The G5 Sahel force is also expected to eventually replace the UN's MINSUMA peacekeeping mission in Mali, which has deployed 15,000 military personnel and police since 2013.

Although French officials avoid any mention of a quagmire, analysts say the increase of deadly and more elaborate strikes has cooled any hopes of a quick return for the French soldiers.

"It's a reconstruction effort of their armies, but getting there is going to take a long time, at a time when the security situation is getting worse," said Alain Antil, head of the African Studies Centre at the French Institute for International Relations (IFRI).

But the few missions carried out by the G5 Sahel so far have not been encouraging, not least because of real-time communication problems between the multiple forces.

Its full operational launch has also suffered several delays due to financial problems: little of the nearly 420 million euros (R665-bln) of promised funding has been received.

Militants in UN disguise explode car bombs, rockets at Mali bases

In the meantime, the French troops based mainly in Mali carry out relatively short operations from bases which regularly come under attack, their convoys at risk of landmines hidden along their routes.

Despite successes in neutralising small groups of jihadists and taking back control of some areas, they have so far been unable to curtail the threat of Islamist violence.

And French officials are well aware that the longer their soldiers stay in the countries, the risk that locals will begin to resent their presence will grow.

"The United States tried this all-security approach in Afghanistan, and the Taliban are now stronger than ever," said Bakary Sambe, a researcher at the Timbuktu Institute in Dakar.

"The French are doing the same in northern Mali, and the jihadists have not disappeared but are multiplying," he said.

'Hardly satisfactory'

G5 Sahal leaders have vowed to press ahead after last Friday's attack on the force's base in Sevare, central Mali, where a suicide bomber used a vehicle painted in UN colours to strike the building's entrance, killing three including two soldiers.G5 Sahel launches military operation in African scrublands

It was one of five separate attacks in Mali and neighbouring Niger which have killed 25 people in a week, as Macron was meeting with the leaders of the G5 nations in Nouakchott, Mauritania, on the sidelines of an African Union summit.

"They don't have the capabilities to take control of territory, but they are able to inflict damage," Antil said of the jihadists.

The French army's chief of staff, Francois Lecointre, had already warned in February that it would require at least 10 to 15 years to rebuild the Malian army alone.

"The situation developing in Mali is hardly satisfactory and we won't be leaving tomorrow, though that doesn't mean we're in a quagmire," he said.

Yet without sustained funding, even G5 leaders say the force will struggle to become an effective element in ridding the region of jihadists as well as the violent gangs of drugs and people-smugglers.

Sahel security failings leaves AU leaders worried

Major contributions have been pledged by the European Union and Saudi Arabia (100 million euros each), the United States ($60 million) and the United Arab Emirates (30 million euros).

The G5 countries themselves are paying 10 million euros each.

Over the past year, its soldiers have carried out just three missions with heavy logistical support from France, which some critics have derided as media operations.

The force may also struggle to win over the hearts and minds of locals -- last week the UN said Malian soldiers in the force "summarily" executed 12 civilians at a cattle market in central Mali in May in retaliation for the death of a soldier.

"The G5 force was seen by some as a possibility for France to disengage from the region, but I don't see it happening," said Sambe.

AFP

Même si le mot "enlisement" reste tabou à Paris, la position de la France au Sahel, où se multiplient les attaques jihadistes contre son contingent et les forces internationales, n'incite pas à l'optimisme, estiment des experts.

"Je ne pense pas qu'il soit possible de régler le problème au Mali en moins de dix à quinze ans, si tant est que nous le puissions", avait admis fin février le général François Lecointre, chef d'état-major des armées françaises. "L'évolution de la situation au Mali n'est guère satisfaisante et nous n'en partirons pas demain, sans qu'il s'agisse pour autant d'un enlisement, avait-il ajouté.

Enfermés dans des bases régulièrement attaquées, victimes de mines cachées sur leurs itinéraires (deux spahis ont été tués en février, quatre soldats ont été blessés à Gao dimanche) les militaires français mènent régulièrement des opérations au Mali, à grand renfort de colonnes blindées, d'avions et d'hélicoptères, "neutralisent des groupes armés terroristes", mais ne parviennent pas à faire reculer durablement la menace jihadiste.

"Pas du tout satisfaits"

"Mali : la guerre sans fin" titrait en avril le quotidien Libération. 

"Les Américains ont tenté cette approche tout sécuritaire en Afghanistan: résultat, les talibans y sont plus forts que jamais" confie à l'AFP Bakary Sambe, directeur du groupe de réflexion Timbuktu Institute à Dakar. "Les Français font de même dans le nord du Mali: non seulement les jihadistes n'ont pas disparu mais ils se sont multipliés. Comble du comble, le jihadisme a contaminé le Burkina-Faso, le Niger et la Mauritanie".

"Barkhane est désormais enlisée", estime-t-il. "La force G5 Sahel a été vue par certains comme une possibilité de désengagement de la France dans la région, mais je n'y crois pas. Cette force est nécessaire pour combattre le terrorisme dans la région, mais elle a du mal à devenir opérationnelle".

La "Lettre du continent", publication spécialisée sur l'Afrique, a indiqué la semaine dernière que "la force de lutte antiterroriste G5 Sahel, censée être opérationnelle depuis mars, est au point mort".

Sur les plus de 400 millions d'euros promis pour financer cette force régionale, seulement 500.000 euros versés par le Rwanda ont été réceptionnés, assure la Lettre. "Le fonds fiduciaire devant gérer les contributions au G5 Sahel reste une coquille vide".

"Nous ne sommes pas du tout satisfaits de la compréhension et de l'aide que nous recevons" a déclaré à ce sujet le président mauritanien Ould Abdel Aziz. "Nous pensons aussi qu'au niveau des Nations unies des portes nous sont fermées".

Le quartier général de la Force du G5 Sahel, à Sévaré (Mali) a été pris pour cible le 29 juin par un kamikaze à bord d'une voiture piégée, faisant trois morts dont deux militaires.

Censée "gagner la confiance des populations", selon les termes de son secrétaire général, la force a été dénoncée par des associations de défense des droits de l'Homme pour la participation de ses soldats à des exactions ou des massacres.

Ainsi la Mission des Nations unies au Mali (Minusma) a conclu que le 19 mai des éléments du bataillon malien de la force avaient exécuté sommairement douze civils dans un marché au bétail d'un village du centre du pays, après qu'un des leurs y eut été tué.

En un an la force conjointe a mené, avec l'appui direct et logistique de la France, trois opérations, dont la dernière s'est achevée début juin, sans résultat plus tangible que les précédentes.

Penda Mbow

Professeur d’Histoire du Moyen âge musulman et Occidental
à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar

Cette réflexion m’a été inspirée par deux faits. Le premier est relatif aux nombreuses réactions notées au Sénégal- et nulle part ailleurs- après la publication de l’ouvrage de Hela Ouardi[1],et le second plus récent est relatif au débat suscité par les propos d’Idrissa Seck sur Bakka, Makka et Jérusalem, d’une part et d’autre part aux relations entre les Juifs et les Arabes.

Mon objectif dans ce cadre, reste modeste. Il s’agit de proposer une mise en perspective historique pour mieux éclairer certains faits évoqués dans les deux cas. Cependant pour éviter certains malentendus, il est nécessaire d’évoquer quelques préalables :

-Tout d’abord personne ne peut perdre de vue que la société arabe du VIIe siècle qui a vu naitre le Prophète Muhammed (PSL) évidemment ne connaissait pas le degré de sophistication des sociétés contemporaines. En outre, dans l’Arabie antéislamique le mariage obéissait à des normes et valeurs différentes de celles caractéristiques d’une société islamisée.

-C’est dans la péninsule arabique, triangle dont les sommets sont La Mecque, Ta’if et Médine, l’ancienne Yatrib qu’est né l’islam. En raison de la géographie particulière de l’Arabie, les grands peuples conquérants de l’Antiquité ( Egyptiens, Mésopotamiens, Romains) n’ont pas exercé une influence sociale décisive sur elle.

-Dans une perspective historique, la religion préislamique correspond dans l’évolution des religions au stade polythéiste et pandémonique. La sacralité de la Mecque antérieure à l’Islam, repose sur l’existence de trois bétyles, la Pierre noire, ou Kaaba, le Maqqam Ibrahima et le puits Zam-Zam. Ces lieux sont devenus des éléments essentiels du pèlerinage musulman.

-Tout le monde sait aussi que l’Islam ne connait pas l’excommunication. Par contre l’apostasie y fait débat. Les sources disponibles indiquent bien qu’il en était question d ‘abord dans l’Islam des origines. Après la mort du Prophète (PSL), certains avaient pensé puisqu’étant mortel, il n’était pas un vrai envoyé de Dieu. Le phénomène de la ridda ou apostasie et le retour aux croyances anciennes furent farouchement combattus par le khalife Abu Bakr (632-634). Le deuxième moment à partir duquel, l’apostasie est redevenue un important thème de discussion dans le monde musulman a coïncidé avec la Révolution iranienne de 1979 et la montée de l’Islam politique. C’est ainsi que dans plusieurs pays musulmans, furent accusés d’apostasie des intellectuels devenus « gênants » surtout des philosophes, des politiques et des récalcitrants. Certains furent exécutés, d’autres exilés. Cette répression visait à circonscrire toute velléité d’ijtihadj ( effort d’interprétation) et à freiner notamment le développement de la pensée rationalisante, etc. Et pourtant entre le VIIIe et le XIIIe siècle, le monde musulman s’est singularisé par le développement d’une pensée exceptionnelle par sa fécondité, sa puissance et son originalité.

-Dans nos analyses, nous devons éviter l’anachronisme. Il convient surtout de nous éloigner de toute tentative à interpréter des faits qui se sont déroulés depuis plusieurs siècles avec des codes et des registres du XXIe siècle. Par exemple concernant le livre de Hela Ouardi qui a été discuté sans excès ou déferlement de passions dans son propre pays, les seules questions pertinentes me semblent être les suivantes : s’est elle fondée sur des sources ? Si oui, ses sources sont-elles fiables? A t- elle usé d’un esprit critique suffisant? Je soutiens qu’il est impossible de répondre à ces questions de manière conforme à nos traditions universitaires, sans avoir lu le livre. Il faut, au préalable, un examen attentif de ses sources pour, ensuite, les comparer avec celles d’autres auteurs. comme Tabari, Ahmed Amine, Hamidoullah, etc.

-Je vais terminer par le monde de la Prophétie, Judaisme et Christianisme avant l’Islam et avec l’islam, ce qu’on appelle les traditions abrahamiques. il est extrêmement difficile de dissocier ces trois religions qui appartiennent à la même culture. Je vous renvoie aux Sourates du Coran : La Vache (2) et Al Imran (3). Je me souviens encore de ma première leçon de grammaire arabe, en 6e au lycée où mon professeur m’enseignait que la langue arabe est née après une longue histoire de l’Hébreu, de l’Araméen, etc. En plus Moussa, Moise est le Prophète le plus cité dans le Coran. Par ailleurs personne ne peut nier le rôle eschatologique de Jérusalem dans la pensée islamique, même si cette ville n’est pas le lieu de pèlerinage pour les Musulmans, néanmoins le Prophète Muhammad (PSL) y a vécu le Mira’aj ou l’ascension vers Dieu. En outre, ce qu’on appelle les isra’iliyat, les récits d’origine juive ou chrétienne ou en rapport avec les enfants d’Israel ont fait l’objet de discussions dans la pensée musulmane des origines.

Historiquement l’Islam est une religion monothéiste à vision cosmique, concevant un Dieu radicalement Un et transcendant qui dès le début s’est révélé aux hommes par le truchement de La Parole. Avant, la Loi juive et l’Evangile chrétien avaient soutenu les mêmes vues

Ce dévoilement de Dieu par la Parole se produisit dans un cadre géopolitique dénommé depuis toujours, le « monde de la prophétie » s’étendant à peu près de l’Indus au Nil et du Caucase au Golfe persique.

Je pense objectivement que la paix au Proche Orient ne pourra se construire que par le truchement de la culture et le rapprochement des religions . La Sourate sur les Prophètes ( Sourate 2, verset 285) y invite.

Source: xalima.com

La Salle des délibérations de la Mairie de Mbour va accueillir ce lundi 2 juillet à 15h la Cérémonie du lancement national du Projet « OSC et associations sportives du Sénégal pour une culture de la paix et contre la violence » en présence des autorités, des élus et des représentants de la Société civile et des Associations sportives et culturelles (ASC) et de l’Ambassade de France. 

Cette initiative entre dans le cadre du dispositif  PISCCA (Projet Innovant des Sociétés Civiles et Coalitions d’Acteurs), un nouveau programme initié par l’Ambassade de France, ayant pour ambition, entre autres, de promouvoir les initiatives citoyennes au Sénégal et en Gambie. 

Timbuktu Institute- African Center for Peace Studies avait présenté un projet qui a été sélectionné et jugé « innovant » en faisant collaborer les organisations sportives (ASC) et de la société civile qui mobilisent leurs Cités dans le domaine de la lutte contre la violence des jeunes et la promotion des valeurs citoyennes dans plusieurs région du Sénégal notamment à Mbour, Saint-Louis, Thiès et Kaolack. 

Pour Dr. Bakary Sambe, Directeur de Timbuktu Institute et professeur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis qui rappelle que « l’objectif général du PISCCA est d’accompagner, le développement des principes de recevabilité et de transparence dans l’action publique, de promotion des droits humains et de plaidoyer pour le climat, l’Institut était déjà sur ce terrain de la promotion des valeurs citoyennes et l’appui de l’Ambassade de France vient en son heure afin d’élargir son rayon d’action et atteindre plus de jeunes à travers le pays ». 

 De plus, avec ce projet qui a été sélectionné, Timbuktu Institute pourra « mieux se déployer notamment dans la sensibilisation des jeunes à la culture citoyenne tout en renforçant les capacités de la société civile et des médias locaux sur les thématiques des Droits humains et des actions de prévention contre la violence ». 

Ce qui, pour Mme Yague Samb, chargée du Pôle « Dialogue politique et résolution des conflits » au sein de Timbuktu Institute « entre en droite ligne dans la logique des composantes 2 et 3 du PISCCA qui est un dispositif innovant et participatif dans le sens de la pleine implication des jeunes eux-mêmes dans le processus ainsi que leur autonomisation et la pérennité des actions implantées ».

On June 25th 2018, an agreement was signed between the Rosa Luxembourg Stiftung and the Timbuktu Institute- African Center for Peace Studies focused in youth and religious problematics based in Dakar.

The Rosa Luxembourd Stiftung, represented by Mrs Maimouna Ndao, on behalf of Dr ; Armin Osmanovic and the African center for peace studies- Timbuktu Institute, directed by Dr. Bakary Sambe agreed on the project entitled « Youth, Political Parties and Political participation. »

Indeed, firstly presented by the Timbuktu Institute, this project is based on research work mainly focused on the role of youth and its involvment in politics.

The project has 2 (two) specific objectives :

  • to provide scientific-based answers to better understand and document disaffection of young people (between 15 and 35) towards political parties in a constructive way ;
  • to mobilize young people regarding both political and electoral participation aspects for them to better express their concerns in a peaceful and constructive way. In other words, the goal is also to develop young people’s critical mind.

 

The agreement between the two institutions relies on a roadmap to include programs and activities which will be conducted within the Timbuktu Institute. It should be implemented from June 1st and will be conducted with different sensitizing activities until next December 31th.

 

With the coming elections to be held in Senegal in February 2019, this partnership is also a way to shed a  light on the political aspirations of the youth and their expectations from the political leaders and parties in the next ten years. A promising experience !

 

By Thaïs Matton, Trainee, (Summer 2018)

Ces derniers jours, circule une information selon laquelle l’État du Sénégal aurait cédé 70000m2 au fondateur de la Faculté africaine des études islamique, considéré comme la figure de proue du salafisme wahhabite au Sénégal, afin qu’il transforme ladite faculté en une plus grande université. C’est Dr. Mohammed Ahmed Lô, fondateur du Dârul Istiqâma, lui-même qui en a fait l’annonce lors d’une intervention à l’Université Islamique de Médine, en Arabie Saoudite, d’après une information rapportée par un site d’information en arabe[1]. Le choix du lieu de l’annonce ainsi que les destinataires du message prouve que le risque est gros de voir ce projet agité depuis des années tomber dans l’escarcelle d’une puissance étrangère, l’Arabie Saoudite, pour une question aussi sérieuse que l’enseignement supérieur dans notre pays tout de même souverain.

Si Timbuktu Institute a toujours appelé au respect de la diversité religieuse et de la liberté de culte, de pratique et d’enseignement des religions, il ne pourrait s’empêcher de se questionner sur les dessous d’une telle décision de l’État du Sénégal qui, si elle était avérée, poserait, au moins, trois problèmes :

1_  Bien que fruit des différents efforts d’intégration des « arabisants » du gouvernement, le projet même d’une université arabo-islamique ne fera qu’accentuer la dualité du système éducatif et marginaliser davantage les arabisants comme nous l’avons notifié aux autorités depuis que cette idée a été lancée. A l’ère de la mondialisation et de la globalisation, à l’ère du règne de la technologie et du digital, au moment où notre pays a de plus en plus besoin de personnes formées dans les sciences les plus diverses, allant des mathématiques aux études nucléaires en passant par la chimie et la physique quantique, enfermer les arabisants dans le carcan du théologisme et de la littérature arabe n’est pas le meilleur choix pour réparer l’injustice qui serait faite aux arabisants. Les pays arabes eux-mêmes se sont détournés de cette voie depuis très longtemps. L’État doit, justement, veiller à ce que ces arabisants puissent avoir droit aux mêmes chances que tous les autres sénégalais formés dans le système dit francophone et leur offrir toutes les possibilité de s’ouvrir aux sciences sociales et à l’esprit critique.

2_ La personne à laquelle l’État aurait cédé cette surface étendue de terrain dans la « nouvelle ville » est connue pour avoir été l’un des premiers à planter les germes de la contestation parfois haineuse de l’islam confrérique dans le pays de Cheikh Oumar Foutiyou Tall, de Seydi Elhadji Malick Sy et de Cheikh Afmdou Bamba ne serait-ce que dans son ouvrage connu sous le titre de Taqdîs al-Ashkhâç fil fikr al-Sûfî (Sacralisation des personnages dans la pensée soufie). Ainsi, en lui facilitant l’élaboration d’un tel projet, sans aucun appel d’offre ou manifestation d’intérêt préalable ou même consultation des différentes familles religieuses du pays, on ne fait qu’accentuer l’importation et une plus grande implantation de l’islam salafiste et wahhabite au Sénégal. De ce fait, l’État sénégalais risque de contribuer à la formation de personnes issus des pays de la sous-région dont les discours et idéologies pourraient porter atteinte, de manière irréversible, à la cohésion nationale et au contrat social sénégalais. Cet islam n’a produit qu’extrémisme et violence là où il s’est imposé et l’Arabie Saoudite elle-même tente de s’en débarrasser pour se donner une meilleure image internationale en s’investissant dans la lutte contre l’extrémisme. Les derniers procès de présumés terroristes sénégalais ont bien montré, à travers les aveux des prévenus, que c’est le rejet de cet islam soufi comme élément stabilisateur qui a conduit de manière insoupçonné, de jeunes sénégalais à aller s’inspirer de Boko Haram et de ses thèses au Nigéria.

3 _ Enfin cette décision de l’État du Sénégal, si elle s’était avérée, nous pousse à nous poser la question suivante bien que tous les courants religieux aient droit au libre enseignement de leurs thèses : « le gouvernement est-il en train de livrer le projet de l’université arabo-islamique aux salafistes avec tous les risques que cela comporte pour la stabilité et la sécurité de notre pays ? Ce serait un précédent dangereux et, au regard de l’ambition déclinée par la Faculté africaine d’études islamiques, ferait du Sénégal le nouveau hub universitaire sous-régional du salafisme wahhabite.

Si tel était le cas, un tournant majeur s’annonce pour une irréversible salafisation de l’islam sénégalais. Comment expliquer que notre pays connu pour son islam de paix et de concorde puisse favoriser la fondation d’une université où, tout laisse à croire, qu’on y enseignera la négation de la diversité des réalités islamiques en imposant, à jamais, la doctrine salafiste wahhabite comme seul modèle d’islam ayant droit de cité ?

De plus, comme nous l’avons toujours défendu, si une université arabo-islamique devrait voir le jour, cela devrait être sous le strict contrôle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche avec un curriculum adapté aux réalités du Sénégal et conçu par nos propres enseignants chercheurs en dehors de toute influence étrangère. L’Université Gaston Berger dispose déjà d’un centre d’étude des religions dans un cadre académique adéquat pour cultiver l’esprit de diversité et de tolérance qui a fait, jusqu’ici, « l’exception sénégalaise ».

Rien que pour la cohésion nationale et la préservation d’un modèle islamique épris de paix, il ne peut être accepté la construction d’une université enseignant à nos enfants que Seydi Elhadji Malick Sy, Cheikh Ahmadou Bamba, El Hadji Ibrahima Niass ainsi que les fondateurs des différentes confréries, étaient des « égarés », des « musrikûn », associateurs dont l’œuvre et l’action « impures » seraient aux antipodes de l’islam. Des dérives sont à craindre dans un contexte sous-régional lourd de risques et de menaces diverses.

Si l’information donnée par Dr. Mouhammed Ahmed Lô était confirmée avec l’octroi de cet immense espace par l’Etat du Sénégal, tout porterait à croire que celui-ci, malgré toutes les réserves que nous avions émises quant à l’orientation idéologique, viendrait à abandonner le projet d’Université arabo-islamique et de le livrer aux salafistes et aux missionnaires wahhabites, ce qui serait dommageable pour notre cohésion sociale, notre sécurité et même celles des pays voisins.

Un pays ne peut construire une citoyenneté avec un système éducatif dual, à plusieurs vitesses et à destination incertaine. L’école unifiée et unificatrice dans son curriculum malgré la diversité des langues d’enseignement, reste le ciment national indispensable à l’émergence d’une conscience citoyenne. A l’heure des périls et des menaces dans la sous-région, on ne peut se permettre de prendre le risque de livrer l’éducation à l’influence de puissances étrangères - qu’elles soient d’Orient ou d’Occident - avec des agendas qui recoupent rarement nos propres préoccupations.

Dr. Bakary SAMBE, Directeur de Timbuktu Institute

Dr. Seydi Djamil Niane, Chargé de Recherches à Timbuktu Institute

 

[1] La vidéo de sa déclaration, en arabe, pourrait être visualisée sur ce lien https://www.youtube.com/watch?v=hD7dx_3ZNTE [lien consulté le 11/06/18].

Interview with Dr. Bakary Sambe

On December 13th 2017, Saudi Arabia and the United Arab Emirates announced respective disbursements of 100 and 30 million dollars in Saint-Cloud (France) to support the implementation of a multinational force of the G5 Sahel (a coalition of 5 Sahel countries to counter terrorism). What are these monarchies seeking with such a gesture? Is the Sahelien burden suddenly too much for French president Emmanuel Macron to bare?

 

In this exclusive interview granted to Ouestafnews, Dr. Bakary Sambe, Director of the Timbuktu Institute and professor at l’Universite Gaston Berger de Saint Louis (Senegal), and specialist of the Muslim world and transnational Sahel networks, analyses the insertion of Saudi Arabia and the UAE into the realm of the Sahel.

 

Ouestafnews: Why have the monarchies of the gulf just decided to finance military forces in the Sahel at this moment?

 

Bakary Sambe: It’s a sign of the profound mutation of diplomatic coupling and contemporary international relations. The logic of influence has undeniably substituted that of power.  But Donald Trump’s visit to Saudi Arabia and the apparent palatial revolution in Riyadh were not for nothing. That the Saudis are so actively engaging in the war on terror signals a strong will to demonstrate a change in attitude in order to no longer fulfill the idea that Saudi Arabia is a country that exports radical ideologies.

 

The fact that this is occurring in the relative minefield that is the Sahel, also the locale of a geostrategic competition between Western powers in which France promotes the G5 Sahel while the US are well positioned in Agadez and maintain the strength of AFRICOM, reveal a truly calculated move on the part of the Saudis.

 

Above all, it indicates a position that is far from timid, especially when considered within the context of rivalries between Saudi Arabia, Iran and Qatar.

 

O: What are they hoping to gain from this financial contribution?

 

B.S. : In addition to the aforementioned change of image for these countries, these monarchies do not want to miss the opportunity to put themselves on an important playing field and in a competition for control of resources and strategic positions.

 

We already knew about these countries’ interest in viable land for agriculture due to a food crisis that would put both at risk. But they are worried also about diversifying partnerships in an uncertain world, to put their oil dollars to good use in the vast space of investment opportunities far from Western countries that could freeze their assets and investments on the grounds of counterterrorism, like after September 11th.

 

Nevertheless, an important element of this is also the rivalry between these countries that dates back to the Iranian revolution, in which Saudi Arabia hopes to limit and contain the spread and power of Shiism. This concern has been shared by Morocco, a transitory country and intermediary for financial redistribution with its numerous banking institutions in Sub-Saharan Africa.

 

The recent developments between Qatar and Saudi Arabia also indicate that we have not truly left behind a checkbook diplomacy backed by a frenzied quest for influence that is heavily dependent on religious bias.  In this context, a moderate, equidistant position is most prudent for our country.

 

O: Is this a way for Saudi Arabia to try and rid themselves of the image of “promoters of Salafism” that they can’t seem to shake?

 

B.S.: It’s true that Riyadh is in the midst of a campaign to charm and indicate goodwill towards efforts to counter terrorism after years of ambiguity in regard to its religious influence and exportation and promotion of Wahhabism. This gesture towards the G5 countries and Western powers they hope will be sufficient to not only reassure these partners but rally them to Riyadh’s cause against Qatar. 

 

But the bigger question facing Saudi Arabia is more complex: how do the al-Saoud conciliate the will to reform as envisioned by Mohamed Ben Salmane with the imperative of the religious wing, the al-Shaykh, who’s power is derived from the tenants of Wahhabism.

 

All of this depends on this objective alliance and the ingenuity of Ben Salmane to reconcile concern for socio-religious modernization in terms of both politics and appearance. That’s what the near future holds.

 

O: How can we analyze France’s attitude and decision to “share” its sphere of influence with actors from the gulf?

 

B.S.: The clear and explicit allusion to Saudi Arabia as a new partner in the war on terror in Macron’s speech at Ouagadougou insinuates a Franco-Saudi entente without precedent, circumstances notwithstanding. However, France also finds herself confronted with the same dilemma to defend and promote its democratic values, the foundation of its counter-terrorism efforts in the Sahel, and managing a new ally that does not share these same values or even the same suspected economic motivations. 

 

The other question is to determine whether the war on terror should only be limited to military options that the international partners of the Sahelien countries seem to favor.

 

O: Is there another way besides using weapons?

 

B.S.: Maybe at the next Dakar Forum on Education will pose a debate on diversifying and complementing these approaches, and that will tackle this issue of education and radicalization head on.

We know also that it’s in the universities of those who are injecting billions of dollars into military bidding that these radical ideologies which plague the Sahel are conveyed. Moreover, this last question seemed to be at the heart of Donald Trump’s requests during his fruitful visit to the gulf.

Nul n'ignore le contexte du déclenchement de la rébellion qui ébranla le Nord-Mali, fin 2012, ni la manière dont des Touaregs de la région de Kidal, puis des groupes extrémistes violents et partisans d'un islam rigoriste (Ansar Eddine d'abord, Al-Qaïda au Maghreb islamique et, plus récemment, le Front de libération du Macina) firent trembler Bamako. Nul n'ignore non plus que des régions de Kidal, Tombouctou et Gao ont sombré dans le chaos avant que l'opération Serval conduite par l'armée française à partir de janvier 2013 ne rétablisse un semblant de stabilité et d'accalmie au Mali.

 

Mais bien avant cette intervention, il existait des éléments factuels de nature à alimenter des inquiétudes. On peut citer notamment la présence des narcotrafiquants qui agissaient très souvent avec la complicité de la chefferie locale et d'une certaine hiérarchie militaire. Le septentrion malien constituait depuis longtemps déjà un terreau favorable à la constitution et au développement des groupes terroristes et des bandits armés. Ils y régnaient en maître, mettant en difficulté un Etat par ailleurs miné par la corruption et qui, de ce fait, rencontrait d’énormes difficultés à assurer aux populations locales les services sociaux de base.

 

Mais la présence des armées étrangères sur le territoire malien ne suffit pas à résoudre le problème sécuritaire que pose les groupes armés dans le nord et maintenant le centre du pays. Ceux-ci demeurent très actifs et multiplient les attaques contre les civils et les forces de sécurité. Les milliers d'hommes déployés sous la bannière de Barkhane (qui a pris la suite de Serval en 2014), de la Minusma (la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali) et de la force conjointe du G5 Sahel n'y ont rien fait, ou presque. Aujourd'hui, les populations locales sont désemparées, déboussolées et apeurées, et l'on peut légitimement s'interroger sur la finalité des actions militaires entreprises au Mali aussi bien que sur l'utilité de la présence de toutes ces forces d'intervention qui, de par leur nombre, peuvent donner l’impression d’un chaos généralisé.

 

La communauté internationale mise beaucoup sur la force du G5 Sahel. La France, pour ne citer qu'elle, espère qu'elle lui permettra de se désengager de la sous-région, de contrôler les routes clandestines pour stopper le flux de migrants vers l’Europe et de sécuriser ses intérêts économiques à moindre coût tout en se prémunissant contre de possibles attaques terroristes commanditées depuis les confins du Sahara. Cette force conjointe a déjà mené deux missions expérimentales dans les zones situées à la frontière du Burkina et du Niger : les opérations Hawbi (la « Vache noire » en Songhoï) en novembre 2017, et Pagnali (« le Tonnerre » en Peul), en janvier dernier. Cette dernière a réuni 350 soldats burkinabés, 200 Nigériens, 200 Maliens et 180 éléments de la force Barkhane. 

 

Mais, happé par cette frénésie militaire, on oublie de rappeler que l’insécurité est d'abord nourrie et entretenue par la corruption des élites au pouvoir. C'était le cas avant 2012 et ça l'est encore aujourd'hui. Dans un rapport daté d'octobre 2014 qui avait fait grand bruit, le Bureau du vérificateur général questionnait déjà les modalités d'achat d'un aéronef et de matériel militaire. Trois ans plus tard, il écrit encore que « les défis restent énormes face à la délinquance économique et financière », citant le non-respect des textes législatifs, l'attribution irrégulière de marchés, des dépenses non autorisées, des dépassements budgétaires, l’utilisation irrégulière des ressources financières, etc.

 

L'outil sécuritaire doit se doubler d'une bonne gouvernance et d'une distribution équitable des services sociaux de base. Ajoutons aussi qu'il est inefficace de mettre sous tutelle les forces de défense et de sécurité du Mali : on ne vient pas en aide à une armée souveraine en la laissant sur la touche. Il faut donc renforcer la coopération militaire entre les forces en présence (car qui dit force conjointe ne dit pas réelle coopération) et prendre davantage en compte l’ingénierie locale dans l’élaboration des stratégies militaires, tant il est vrai que, par endroits, hiérarchie sociale et logique militaire sont antinomiques. Ce n'est qu'à ce prix que l'on pourra instaurer une paix durable au Mali.

Par Dr. Aly Tounkara

In this excerpt of an interview accorded to the New African Magazine (May-June-July), which offers a space for debates and exchanges by the continent’s leading researchers and experts regarding international and African affairs, Dr. Bakary Sambe explained the importance of going beyond military solutions and insisting on a change in paradigm when countering violent extremism. Deploring the continued confusion amongst the countries of the Sahel in regards to public security policy as well as the differences between countering violent extremism and counter-terrorism, the Director of the Timbuktu Institute called for a more holistic approach to the Sahel crisis which necessitates inclusive strategies that address the “root of the problem” instead of being preoccupied with the “symptoms”. He also advocated for the empowerment of women and young people, rather than placing them within the confines of victimhood.

 

Counter-radicalization methods risk being ineffective; how should one effectively combat such a profound issue?

 

Our states are offered two choices: prevent violent extremism immediately by investing in education and social justice and addressing the structural frustrations that fuel jihadism, or waiting for an attack to come to fruition and -to no one’s benefit- intervene militarily for an undetermined amount of time, inefficiently, and with great risk of recreating the phenomena which we seek to combat. Europe and Africa have a common destiny. We are one, vulnerable, international community. We are equally at risk in Gao and the Burkinabe Oudalan as we are in Paris or London. It’s for this reason that inclusive strategies must be jointly constructed for a holistic approach to the phenomenon of extremism, as opposed to the cyclical military strategies that have shown their limits in Afghanistan, Mali, and the Lake Chad Basin.

 

In the Sahel, the military approach seems to far outweigh the common sense option- that of treating the problem. Finding answers to the poverty, precariousness and injustice which strike the populations of the Sahel for example. Why is that?

 

As long as the arrogance of injustice continues, the ignorance of those who feel victimized will continue to fuel violent rhetoric- to paraphrase an important religious leader in the Sahel. I’ve said before that a kalachnikov never vanquished an ideology. It is true that a military response is necessary to contain the threat in certain circumstances, but it will never make it disappear. It even poses the risk of being counterproductive. Recent studies in Mali highlight the poor perception of MINUSMA and Barkhane in the general population and also the political class. President Buhari promised an end to Boko Haram in December 2016, and has been resigned to negotiating with the extremist group. The socioeconomic conditions of marginalization and pauperization in Northern Nigeria are still intact. The root of the problem lies with inconsistencies in policies developed by our countries, or by the international community who neglects the necessary anthropological aspects and self criticism after a 40 year absence in the region which benefitted the peddlers of illusions and Salafism. It’s less about a lack of power than it is about a lack of will or prospective vision. Terrorism enacted an era of action under pressure, without taking into account the visions of partners in the global South.  In terms of the Sahel question, there is an enormous gap between the international approach and local perceptions. It’s time for a coordination of actions taken by Western powers and local initiatives, to avoid future conflicts of perception in the region.

 

 

Between fieldwork and conceptualization, you are trying to specify the “correct ways” in which to approach this subject, which is critical to stability in the Sahel…

 

The essence of terrorism is to be a long chain whose individual links may not be punishable by the law. Generally, we react only at the end of this chain, too late and inefficiently. Our state’s legislate retroactively and under pressure of an ongoing threat. In exchanges between State authorities, counter-terrorism is often conflated with a viable strategy to prevent violent extremism though the two are not the same. Faced with a complex phenomenon that does not even have a consensual definition, States remain complacent in their security based reaction and neglect the importance of equitable development and social justice. The G5 Sahel can be a useful tool if it is accorded more than military based content, and if it increases its presence in development and resilience. There must be a shift in paradigm and approach. It’s no coincidence that the United Nations strategy was reviewed in the articulation and identification of its priority axes, including inclusive and equitable growth, access to basic social services, climate and energy, and empowerment of women. What gives me the most hope amongst these initiatives is the will to involve women in countering violent extremism and to reduce their vulnerability, which will most likely happen through their economic empowerment.

 

Dr. Bakary Sambe is the Director of the Timbuktu Institute (Dakar), coordinator of the Observatory on radicalization and religious conflict in Africa, and political science professor with the Center for religious studies at the University of Gaston Berger of Saint Louis (Senegal). He accompanied the CellRad eatableishment within the G5 Sahel, and is currently implementing national strategies to counter violent extremism as part of the USAID Partner Projects for Peace (P4P) in West Africa.

 

Dans le cadre l’étude perception menée par Timbuktu Institute dans les zones frontalières du Sénégal et de la Mauritanie un fait essentiel a été le rejet des prêches « virulents » mais aussi l’attachement au système laïc. Ce dernier point semble très important car il dénote un certain hiatus, une véritable rupture entre les orientations du débat intellectuel et la perception des jeunes.

Extraits du rapport (données et graphiques) :

Face à un prêche « virulent » ou « extrémiste » d’un Imam, les avis des jeunes de Rosso divergent. En cas d’un prêche jugé « violent » ou « extrémiste » de son Imam, plus d’un tiers, 33,7% ne diraient rien tandis que 33,4% préfèrent en parler à des amis ou à des autorités au moment où 6,4% jugeraient que l’autorité religieuse a forcément raison.

Cette résistance à des sermons extrémistes peut être vue, à priori, comme une attitude positive. Mais, il est aussi important de noter une certaine réticence à combattre et dénoncer plus activement ces narratives extrémistes, en particulier quand elles viennent d’une figure religieuse comme l’imam.

Graphique 10 : Attitude face à un prêche virulent

 

Attachement à la religion et à la laïcité : des jeunes en quête de modèles ?

 

La question de la laïcité est d’une grande importance dans le contexte des débats entretenus par des franges intellectuelles parmi l’élite du pays aussi bien dans les cercles académiques qu’au sein de la société civile. Il y a un paradoxe qui a fait que la question a toujours été débattue sous l’angle de la contestation de l’héritage institutionnel façonné par la colonisation.

 

Il y a eu, ainsi, deux positions l’une aussi floue que l’autre : celle des intellectuels pensant que la laïcité notamment « à la française » serait inadaptée à une société fortement religieuse et l’autre – notamment défendue par les organisations islamiques – prônant une abrogation pure et simple d’une disposition entravant l’entrée de la religion en politique. S’y ajoute une autre couche : celles des activistes dont le rejet du modèle occidental et libéral dominant a poussé vers une position « réservée » par rapport au principe laïc au point de trouver, dans le cadre d’une alliance « objective » contre le « système », des accointances avec les militants de l’islam politique.

 

Mais, contrairement à la perception des chercheurs et intellectuels débattant du sujet, il s’est révélé, aussi bien dans l’enquête menée en 2016 en banlieue dakaroise que lors de cette étude à Rosso, que les jeunes interrogés tiennent à la laïcité de l’Etat et n’en ont pas la même compréhension négative véhiculée par les élites politiques, intellectuelles et religieuses.

Pour la grande majorité des jeunes de Rosso (71,4%), la laïcité demeure une « très bonne chose » ; seule une toute petite minorité, 10.7%, estime que c’est « une donnée à changer ».

 

L’écrasante majorité (87,2%), s’est prononcée favorablement pour la conservation du système laïc sénégalais.

Graphique 11 : attitudes face à la laïcité

 

Cependant, il serait aussi important d’essayer de comprendre ce que le concept de laïcité peut réellement signifier pour ces jeunes, afin de mieux évaluer les incidences d’une telle opinion dans un contexte de risque de radicalisation et de menace terroriste au niveau régional.

 

Une telle étude serait nécessaire pour mieux cerner cette perception dominante aussi bien dans l’enquête menée dans la banlieue dakaroise que dans les zones frontalières du Sénégal et de la Mauritanie. Pour rappel cette étude a été menée grâce au soutien du Bureau de Dakar Fondation Rosa Luxembourg.