Timbuktu Institute

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Sans s’écarter du respect du principe de la présomption d’innocence, du caractère purement individuel de la responsabilité pénale, ni anticiper sur la sentence à venir des magistrats de la cour criminelle qui siège à Dakar pour le procès de l'imam Aliou Badara NDao et ses compagnons, il apparait clairement à la lumière des débats et des interrogatoires des individus appelés à la barre, que l’extrémisme est désormais un ennemi incrusté dans la société sénégalaise. Il est reproché à cette personnalité et coaccusés, un chapelet de graves infractions parmi lesquelles notamment «l’association de malfaiteurs à objet terroriste».

Au Sénégal, les confréries d’inspiration soufie ont historiquement joué un rôle important dans la conception d’une pratique ouverte et tolérante d’un Islam préservant le fond originel d’une société qui garde sa spécificité tirée de la tradition des ancêtres.

Pour Bakary Sambe, fondateur de Tumbuctu Institute, un observatoire spécialisé sur la montée du radicalisme, par le site d’informations en ligne «Dakaractu», les révélations «de ce procès imposent au Sénégal un changement d’approche et de paradigme sécuritaire».

Il note que pendant des années, le pays «a eu la chance d’appartenir à la catégorie des Etats qui offraient encore la possibilité d’une approche prospective, mais il devait la saisir pour développer une vraie stratégie nationale de prévention en plus de la prise charge sécuritaire du phénomène.

Garder les frontières et équiper les forces de sécurité peut être une bonne démarche tant que le danger n’est pas susceptible de venir d’un ennemi diffus, insaisissable et peut être déjà a l’intérieur, le déni politique et social de cette réalité nous a menés à la situation présente et nous devons sortir de l’approche réactive». Le Dr Sambe ajoute qu’avec le procès en cours, «le mythe du Sénégalais naturellement non violent, qui a nourri notre déni national, s’est complètement effondré. Le terrorisme d’origine nationale dit «homegrown terrorism» exige des changements substantiels pour tous nos Etats, appelés à conforter la recherche intensifiée du renseignement tout en se souciant des droits humains».

Ainsi, les services de renseignement doivent opérer une véritable synthèse, un nouveau dosage entre les préoccupations liées à la sécurité intérieure et les nécessités de sécurité extérieure. Coordinateur de l’observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique, Sambe est un précurseur dans le domaine des alertes sur le phénomène, avec la publication en 2013, du premier rapport du genre: «Paix et sécurité dans l’espace CEDEAO». Il a produit des travaux sous le titre: «Grand angle sur le radicalisme religieux et la menace terroriste au Sénégal», réalisé en collaboration avec l’Institut d’études et de sécurité (ISS), basé à Addis-Abeba, Nairobi, Pretoria et Dakar.

En 2015, Bakary Sambe a publié un ouvrage sous le titre «Boko Haram, du problème nigérian à la menace sous régionale».

Qualifiées d’alarmistes dans un passé récent, les alertes de ce spécialiste s'imposent désormais de par leur dramatique pertinence.

« Le Sénégal a eu, toutes ces années la chance d’appartenir à la catégorie de pays qui offraient encore la possibilité d’une approche prospective, mais il devait la saisir pour développer une vraie stratégie nationale de prévention en plus de la prise en charge sécuritaire du phénomène », réagit Dr. Bakary Sambe suite aux révélations du procès des « terroristes présumés en cours. 

  

Pour lui, « garder les frontières et équiper les forces de sécurité peut-être une bonne démarche tant que le danger n’est pas susceptible de venir d’un ennemi diffus, insaisissable et peut-être déjà à l’intérieur ; le déni politique et social de cette réalité nous a menés à la situation présente et nous devons sortir de l’approche réactive ». 

  

Il y a quelques années, ses thèses sur la menace djihadiste en Afrique de l’Ouest étaient souvent qualifiées d’«alarmistes » par ses pairs comme par les acteurs étatiques. Les derniers évènement semblent conforter le fait que le coordonnateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique, Dr. Bakary Sambe a été, en fait, un « précurseur » dans ce domaine avec la publication dès 2013 du premier rapport « Paix et Sécurité dans l’espace CEDEAO » intitulé, « Grand angle sur le radicalisme religieux et la menace terroriste au Sénégal », réalisé avec l’Institut d’Etudes de Sécurité (ISS), basé à Addis Abeba, Dakar, Nairobi et Pretoria. 

« Dans les différentes éditions du Forum de Dakar, souligne le Directeur de Timbuktu Institute, j’ai toujours appelé à nuancer les approches strictement sécuritaires pour appeler à une démarche holistique de ce phénomène en perpétuelle mutation et à ce que le Sénégal mette en place une vraie stratégie nationale de prévention distincte des opérations de lutte contre le terrorisme à proprement parler qui sont aussi nécessaire ». 

Selon Dr. Sambe pour qui, avec ce procès « le mythe du sénégalais naturellement non violent » qui a nourri notre « déni national » s’est complètement effondré  « le terrorisme d’origine nationale dit homegrown terrorism  exige des changements substantiels pour tous nos Etats devant conforter la recherche intensifiée du renseignement tout en se souciant des droits humains » 

« Il est sûr que cela demande des réformes des services de renseignement et un nouveau dosage entre préoccupations relevant de la sécurité intérieure et nécessités de sécurité extérieure », souligne Bakary Sambe. Car, rappelle t-il,  « le problème de l’Etat de droit face à ce nouveau type de menace est qu’il est comptable du respect des principes démocratiques face à des individus ou groupes pour lesquels la démocratie peut être, paradoxalement, un moyen de tuer la démocratie et non une fin en soi ». 

Revenant sur ses spécificités, Dr. Sambe précise que « ce phénomène qui doit alerter est d’autant plus complexe qu’il fait référence à l’action ou stratégies de  des ressortissants s’attaquant à leur propre pays sans nécessairement posséder de liens visibles avec les revendications qui les animent mais en collusion avec des éléments extérieurs ». 

Rappelons que Dr. Bakary Sambe, avait aussi publié un ouvrage sur « Boko Haram, du problème nigérian à la menace régionale » (Juillet, 2015) qui avait la particularité de partir des propres sources du mouvement avec une analyse des écrits du fondateurs du mouvement pour dit-il “diagnostiquer le mal à la racine, afin de rompre d’avec la vision strictement sécuritaire qui peine à donner des solutions ou résultats durables”. L’Institut qu’il dirige rend publique le 20 avril prochain une nouvelle étude sur les facteurs de radicalisation dans les zones frontalières du Sénégal et de la Mauritanie. 

Au moment où le Directeur de Timbuktu Institute, le Dr. Bakary Sambe est en train d'intervenir à la 5e Conférence de l'Organisation des Gendarmeries africaines sur les stratégies de lutte contre le terrorisme en Afrique au King Fahd Palace présidée par Son Excellence Macky Sall, l'information nous parvient d'un cambriolage contre le Centre de recherche basé à Dakar.  
L'Institut est connu pour ses différents travaux sur les questions de radicalisation et l'extrémisme violent dans les pays du Sahel. Timbuktu Institute a récemment publié un rapport sur "Terrorisme et justice pénale" mais aussi une étude sur les "stratégies salafistes sur Internet". 
Pour rappel, le site Internet de l'institut avait déjà fait l'objet d'attaques informatiques en 2016. 
La Gendarmerie a été alertée et ses éléments sont attendus sur les lieux d'un moment à l'autre, nous informe un chercheur de l'Institut.

Timbuktu Institute - African Center for Peace Studies, en collaboration avec la Fondation Konrad Adenauer de Dakar, organise le mercredi 28 Mars 2018 à partir de 9 heures un séminaire sous régional sur le thème: « L’espace religieux sahélien face aux mutations géopolitiques ».

Cette rencontre de haut niveau, qui aura lieu au siège de la Fondation Adenauer,Stèle Mermoz Route de la Pyrotechnie à Dakar, réunira des chercheurs de divers horizons, la société civile, des représentants des Etats, des acteurs religieux, des diplomates, des universitaires, etc. autour d’une réflexion sur ces thématiques stratégiques.

L’objectif de cette rencontre, qui réunira des experts et chercheurs du Mali, du Niger et du Sénégal, est de dégager des pistes pouvant aboutir à la formulation de recommandations opérationnelles susceptibles d’orienter les décideurs et les organisations régionales, sous régionales et internationales, sur la nécessité de mettre en place des politiques allant dans le sens d’une meilleure prise en compte de la question religieuse au regard des mutations géopolitiques que connaissent les pays du Sahel.

En février, l’Observatoire des radicalismes et des conflits religieux en Afrique a publié une étude qui alerte sur les discours des prédicateurs salafistes sur Internet et leurs stratégies d’enrôlement.

L’Observatoire des radicalismes et des conflits religieux en Afrique est un instrument de recherche-action du Timbuktu Institute-African Centre for Peace Studies, un centre de recherche qui privilégie des approches transdisciplinaires sur des questions liées au radicalisme religieux. En février, il a publié une étude sur les stratégies salafistes sur Internet au Sénégal.

Dans cette étude, les chercheurs de l’Observatoire se sont intéressés aux vidéos de prédicateurs salafistes diffusés sur les réseaux sociaux. Leur analyse a permis de détecter une stratégie d’enrôlement avec des discours qui, à première vue, peuvent sembler inoffensifs mais qui constituent un terreau fertile pour le radicalisme religieux.

Le Sénégal, dernier bastion en Afrique de l’Ouest contre le terrorisme

Le Sénégal est un pays où 95 % de la population est musulmane. L’islam y est dominé par le soufisme, un courant musulman spiritualiste qui a beaucoup contribué à la stabilité politico-religieuse du pays.

Les musulmans se réclament, pour la plupart, de confréries religieuses dont les plus connues sont la tidjaniya et le mouridisme. Les guides religieux très écoutés et respectés promeuvent un islam tolérant et ouvert. Ces confréries soufies sont considérées par plusieurs spécialistes comme un rempart contre le radicalisme religieux. Ce pays de 15 millions d’habitants est, d’ailleurs, considéré comme le dernier bastion d’Afrique de l’Ouest contre les attaques terroristes

Cependant, depuis quelques années, des observateurs alertent sur la présence de courants salafistes qui se présentent comme une alternative au modèle confrérique traditionnel.

Un discours qui s’adapte au milieu

Selon le professeur Bakary Sambe, enseignant-chercheur à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis, fondateur du Timbuktu Institute-African Centre for Peace Studies, « ces courants salafistes concurrencent le modèle traditionnel dans le but de le supplanter ». Pour le chercheur, la stratégie de ces salafistes est d’« utiliser la modernité technologique pour combattre la modernité sociale ». Pour ce faire, les réseaux sociaux sont largement utilisés avec la diffusion de nombreuses vidéos qui ont servi de matière première à l’étude de l’Observatoire. La principale cible de ces courants salafistes est la jeunesse confrontée à des problèmes existentiels, au chômage, à la pauvreté, etc. Les courants salafistes lui proposent un islam plus engagé, plus politique.

A lire <La pauvreté et l’exclusion, terreau favorable de l’extrémisme musulman en Afrique

Le discours s’est adapté au milieu. Il se fait moralisateur, il encadre la pratique cultuelle. La critique de la modernité, de la démocratie et de l’Occident, n’apparaît pas au premier abord. Ce qui est visible, c’est la critique du discours confrérique. Les prédicateurs salafistes se présentent comme des personnes venues purifier l’islam du pays.

« Le discours qui est utilisé pour parler aux populations est très plat en apparence, mais il y a une stratégie de dissimulation du véritable agenda en attendant que le rapport de force soit favorable », analyse Bakary Sambe. Selon le chercheur, cette stratégie fait qu’il est difficile de détecter la dangerosité de ce discours dont le but ultime est de supplanter un ordre religieux pour en implanter un autre. « On ne voit rien au premier abord, mais il y a un travail de conditionnement mental et de préparation psychologique pour que les autres formes de discours plus radicaux puissent passer », prévient-il.

 

Dans le cadre des efforts de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour mieux comprendre les problématiques liées aux jeunes et dans le but d'accompagner les Etats et acteurs intervenant dans la région, une étude sur "Violence des jeunes et Enjeux de l'extrémisme violent à Zinder a été confiée à Timbuktu Institute en collaboration avec les chercheurs de l'Université de Zinder.  

Région la plus peuplée du Niger, Zinder fait face à une forte croissance démographique et doit donc répondre aux besoins grandissant d’une jeunesse représentant plus de 70% de la population de la région (Institut National de la Statistique [INS], 2015). Cette démographie, combinée à l’un des taux de scolarisation les plus bas du pays, entraîne une grave crise de l’emploi et la difficile insertion sociale d’une masse importante de jeunes adultes et adolescents à Zinder. A partir de 2010, la problématique de l’alternance politique au Niger a suscité de nombreux débats publics et a fait ressurgir les revendications sociales liées à ces problématiques. Dans la ville de Zinder, les jeunes se sont alors organisés en groupes informels pour pallier l’inexistence de cadres de socialisation et d’intégration de la part de l’Etat et des autorités. 

Ces groupes informels de jeunes, appelés « fadas » ou « palais », sont identifiés comme les principaux acteurs de la violence urbaine à Zinder. Ces groupes fonctionnent parfois comme de véritables gangs, et sont souvent liés à la délinquance, aux manifestations violentes, au trafic et à la consommation de drogues. Dès lors, la proximité de Zinder avec le nord du Nigéria, les liens linguistiques, familiaux et ethniques, ainsi que les importants flux commerciaux et de personnes existant entre les deux régions, posent la question de l’influence potentielle du groupe extrémiste Boko Haram, présent au Nord Nigéria, sur la jeunesse de Zinder. Cette question est d’autant plus prégnante que des jeunes rapportent que des recruteurs du groupe Boko Haram ont approché les jeunes des fadas et palais dès 2012. En outre, la ville de Zinder a récemment été marquée par des manifestations religieuses violentes qui ont entraîné la destruction d’édifices publics, de lieux de culte et de domiciles chrétiens, ainsi que des attaques contre des personnes chrétiennes ou perçues comme telles. L’objectif de la recherche est donc de voir s’il existe une corrélation entre la violence classique des jeunes et l’extrémisme violent à fondement religieux ou encore l’usage de la violence religieusement justifié ou motivé. 
 
En s’appuyant sur des entretiens individuels avec des jeunes des fadas et palais et des membres de la population locale, cette enquête révèle l’influence que l’idéologie extrémiste violente a sur les jeunes de Zinder. Ceux-ci acquièrent souvent une connaissance rudimentaire ou indirecte de l’islam, à travers des proches ou internet, et sont exposés à des messages religieux radicaux diffusés à travers les réseaux sociaux, échangés ou vendus sur CDs et clés USB sur les marchés locaux ou circulants à travers des réseaux informels. Les prêches régionaux, effectués par des leaders religieux charismatiques participent également à la diffusion d’une vision rigoriste voire violente de la religion. Les mosquées et écoles coraniques jouent également un rôle important dans la diffusion de ces idées, car on note un durcissement du discours religieux qui ne touche plus seulement les aspects cultuels. Ainsi, l’étude révèle que l’écoute de ces messages et prêches joue un rôle important dans la connaissance et l’attirance que les jeunes ont pour les actions de groupes extrémistes tels que Boko Haram. On note également qu’un nombre non négligeable de jeunes voit de manière positive ces actions, qu’ils justifient comme des actes de défiance envers un système jugé injuste, dans lequel les aspirations des populations ne sont pas prises en charge par des politiques étatiques jugées inadéquates. La violence est alors vue comme un moyen de pression et d’affirmation face à un Etat perçu comme simple entité répressive, et la religion comme seul instrument de régulation sociale. 
 
A Zinder, où les obédiences religieuses sont variées, on note ainsi la montée du courant salafiste izala, qui s’oppose à l’islam traditionnel du Niger, plus proche des courants soufis et malékites. D’autre part, l’attrait des jeunes pour ces pratiques et interprétations rigoristes de l’islam peut s’expliquer comme une forme de construction de soi, une affirmation identitaire et une quête de sens pour des jeunes confrontés à la précarité, le manque d’opportunités socio-économiques, et la marginalisation. Les jeunes enquêtés viennent en effet de quartiers réputés violents et stigmatisés comme tels, où les infrastructures de base manquent et vers lesquels des populations marginalisées (lépreux, handicapés, personnes sourdes ou aveugles…) ont été déplacées. La majorité d’entre eux sont au chômage, ou ont des emplois saisonniers, et dépendent de l’assistance alimentaire et financière de leur famille. Le chômage et la précarité des jeunes de palais et fadas de Zinder écartent donc une grande partie d’entre eux des schémas classiques de réalisation de soi et de reconnaissance sociale, les rendant vulnérables au recrutement de groupes extrémistes. 
 
L’adhésion à des courants rigoristes leur permet aussi de se définir à contre-courant de l’héritage religieux de leurs parents et du reste de la société, et donc de se construire une identité personnelle originale. Enfin, ces jeunes participent souvent à l’économie parallèle de leurs quartiers, à travers le trafic de drogues, la prostitution, ou le vol. Pour certain de ces jeunes délinquants, la justification religieuse vient légitimer socialement une violence pénalement condamnable. En devenant des « défenseurs » des valeurs et des causes religieuses, ils peuvent ainsi acquérir une certaine reconnaissance sociale. 
 
Télécharger le rapport complet ici : 
 

Bakary Sambe pide soluciones integrales en los países africanos y opina que el Islam está canalizando el descontento de jóvenes de todo el mundo con el sistema capitalista

Casa Africa en Las Palmas de Gran Canaria es sede hoy de una jornada sobre el yihadismo en el continente, los radicalismos y su enfoque desde España. 

Más cercano al archipiélago la situación en Mali mejora muy lentamente. La amenaza del terrorismo yihadista sigue en la zona y se extiende a otros países donde se diluyen las fronteras. Allí estuvo hasta hace un año el general Alfonso García-Vaquero que dirigió la misión europea de adiestramiento a los soldados malienses. El militar español ahora en la reserva cree que Canarias es un lugar seguro por sus características y por los efectivos que existen, incluso más que otros puntos del estado español

Source: http://cadenaser.com/emisora/2016/06/10/ser_las_palmas/1465556120_373066.html

Timbuktu Institute vous invite à la cérémonie de lancement et de dédicace du livre "Moi, musulman, je n'ai pas à me justifier" de Dr Seydi Diamil Niane

pour voir la vidéo :  https://www.youtube.com/watch?v=XkJGUpbG_sA&feature=youtu.be

Entre diplomatie religieuse et conquête économique, le modèle marocain fascine les milieux politiques et économiques et attire l’attention des chercheurs.

La probable adhésion du Maroc à la CEDEAO (et plus globalement sa stratégie africaine) continue d’animer le débat intellectuel en Afrique de l’Ouest. C’est ainsi que le think tank Timbuktu Institute a consacré sa conférence de rentrée, le 5 septembre, à la stratégie africaine des nouveaux acteurs de la coopération, avec un focus sur les cas du Maroc et de l’Inde.

Besoin d’affirmation
Pour Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute-African Center for Peace Studies, le royaume chérifien a réussi à transformer ce qui aurait pu être un handicap (sa géographie) en avantage. «Entre l’Océan Atlantique, la Méditerranée et l’Algérie, sa seule zone de déploiement, c’est l’Afrique subsaharienne», dit-il, citant un discours du roi Hassan II, en 1983, dans lequel il comparait le Maroc à un vieil arbre dont les racines se trouvent en Afrique subsaharienne et les branches et les feuilles dans la Méditerranée. Même si, selon le chercheur, derrière la forte affirmation de l’africanité du Maroc, il y a le besoin d’affirmation de l’africanité du Sahara.

Capital image
Le Maroc a donc capitalisé sur son histoire pour réussir sa «conquête» économique de l’Afrique subsaharienne. En effet, selon Bakary Sambe, l’intelligence des autorités marocaines réside dans le fait qu’elles ont su transformer les ressources symboliques et spirituelles du royaume en «capital image», et celui-ci en «capital économique». Pour cela, en plus de la diplomatie classique, le Maroc n’a pas hésité à mettre à contribution la Tariqa tidjania et les «cheikhs bilatéraux», ce réseau d’oulémas mis en place sous le règne de Hassan II. Un exemple qui devrait inspirer le Sénégal qui peine à sortir sa diplomatie d’une approche normative, alors que le monde est entré dans l’ère de l’influence où les ressources symboliques et culturelles sont devenues de véritables outils diplomatiques. Le Maroc a aussi, il faut le dire, profité du «mauvais calcul» de la France de Charles Pasqua, qui avait restreint l’accueil d’étudiants africains, avec la création de l’Institut d’études de Rabat au service d’une théorie bien ficelée de la coopération Sud-Sud. L’arrivée du roi Mohammed VI a marqué un tournant très important dans la mesure où c’est lui, en personne, qui prend en charge l’expansion économique sur le continent, multipliant les périples avec les chefs d’entreprise. Désormais, estime Bakary Sambe, pour Rabat, le défi réside dans la dialectique du lien (historique avec le continent) et du bien (l’économie). Et comment faire pour que le bien ne détruise pas le lien ? Tout l’enjeu est là !


Bakary Sambe
Directeur du Timbuktu Institute

Nos pays font l'objet de la convoitise des puissances sans développer aucune stratégie, non de résistance, mais d’existence. Comparé au Maroc, avec les mêmes moyens, notre diplomatie pouvait être plus ambitieuse si elle arrivait à gagner en vision et en prospective. Autrement dit, à sortir d’une logique normative pour intégrer les nouvelles réalités. On est sorti de la logique de puissance pour entrer dans l’ère de l’influence, du soft power, ce que le Maroc a très bien compris en faisant de son histoire des ressources symboliques au service de sa diplomatie. Il s’agit d’une véritable conquête économique par l’image et par l’histoire. Concernant une éventuelle adhésion du Maroc à la CEDEAO, nos pays ne doivent pas avoir peur, mais se préparer, définir des politiques claires pour ne pas en subir les effets pervers».

Yoro Dia
Journaliste, enseignant de relations internationales

L’avantage du Maroc, c’est d’être une monarchie: le temps politique correspond au temps économique. Contrairement à nos pays, le Maroc sait pourquoi il veut adhérer à la CEDEAO. Mais cette éventuelle adhésion mérite un grand débat national qui n’a pas encore eu lieu». 


Hub africain

Dans sa stratégie d’expansion africaine, le Maroc a d’abord misé sur la la banque, «un outil performant d’intelligence économique». Le Groupe Attijariwafa bank, présent dans plus de 20 pays, est le symbole de cette pénétration sur le continent. Sans parler des autres têtes de pont (BMCE Bank of Africa, Banque Atlantique, Saham, Maroc Telecom, etc.). Par ailleurs, conscient du rush vers l’Afrique, le Maroc cherche à convaincre les investisseurs étrangers de poser leurs valises à Casablanca pour ensuite les accompagner dans leur pénétration sur le continent, chose dont témoigne la multiplication des forums Chine-Maroc-Afrique ou Inde-Maroc-Afrique. C’est ainsi que Casablanca est devenu un véritable hub économique en Afrique. Un signal bien perçu par les milieux économiques européens. En témoigne la Coface qui, en 2012, avait présenté sa stratégie africaine à… Casablanca. Toutefois, certains redoutent de voir le Maroc devenir un pays de dédouanement de marchandises européennes avec une délocalisation massive des industries européennes sur son sol pour mieux exporter vers les autres pays de la CEDEAO.

Source : http://www.leseco.ma

Dans une récente tribune de Jeune Afrique (n°2979), le Directeur de Timbuktu Institute-African center for Peace Studies, Dr. Bakary Sambe, revient sur une « archéologie de la crise sécuritaire au Sahel » montrant que les racines profondes de la crise sont à trouver dans les inconséquences des politiques imposées aux pays du Sahel dans les années 90 mais aussi d’un retard de 40 ans accusée, depuis les sécheresses des années 70, par la communauté internationale dans son intervention au Sahel. Il appuie l’idée des solutions préventives par l’éducation mais pointe des incohérences qu’il faudrait éviter pour ne pas répéter les erreurs du passé. Voici in extenso cette tribune intitulée « Les kalachnikonvs n’ont jamais vaincu les idéologues »

« Un éminent leader religieux du Sahel me confiait qu’il fallait chercher les causes de la radicalisation dans la combinaison entre « l’arrogance des injustes et l’ignorance de ceux qui se sentent victimes ». De fait, la communauté internationale a quarante ans de retard par rapport aux réseaux qu’elle combat : lors des sécheresses des années 1970, ni l’Europe ni les États-Unis, rudement frappés par la crise pétrolière, ne pouvait nous aider. Ceux qui le pouvaient exportaient du pétrole, des pétrodollars et… des idéologies. Puis la communauté internationale imposa, dans les années 1990, des politiques d’ajustement structurel à des pays sommés d’emprunter le chemin du libéralisme en investissant le moins possible dans l’éducation, la santé et le social… Tandis que les exportateurs d’idéologies construisaient au Sahel des méderssas et y implantaient des ONG dites « islamiques » – lesquelles ont remplacé l’État et délégitimer les nouveaux missionnaires de la démocratie.

Début février, Dakar a accueilli le Partenariat Mondial pour l’Éducation. Mais j’aurais voulu rappeler à Macky Sall, Emmanuel Macron et même à Rihanna que de nombreux pays du Sahel souffrent encore d’une dualité, voire d’un éclatement du système éducatif, avec d’un côté l’école « officielle » francophone et, de l’autre, une multitude d’écoles coraniques. Les États sahéliens ne saisissent pas les enjeux d’une telle dynamique et n’ont jamais intégré cette dimension du choc des modèles religieux et citoyens par le biais de l’éducation dans le cadre global d’une politique de sécurité.

Le terrorisme a surgi au milieu de cet espace après avoir été vu, pendant longtemps, comme un phénomène lointain, et son caractère imprévisible n’a pas laissé de place à des stratégies en amont. Il a imposé une approche réactive. Confrontés à l’urgence, les pays du Sahel et leurs partenaires internationaux n’ont pu répondre que par le sécuritaire comme le fit Serval, dont il faut bien reconnaître qu’elle a stoppé les djihadistes sur leur route de Bamako. Mais en a découlé une conception strictement sécuritaire d’un phénomène nécessitant une approche holistique.

L’échec des solutions strictement militaires est une réalité irréfutable. Il ne fallait pas s’attendre à voir des kalachnikov défaire une idéologie. Les Américains sont restés plus de quinze ans en Afghanistan et les Talibans y sont encore. Serval a vécu, remplacée par Barkhane, qui est incapable d’en finir avec les terroristes dans le nord du Mali. Les groupes armés y prospèrent et le front s’est élargi vers le centre du pays avec le Front de libération du Macina, débordant jusqu’au Burkina Faso.

Les solutions militaires sont certes un mal nécessaire pour endiguer la menace grandissante, mais elles ne sont ni efficaces ni durables. Elles ont même inspiré les djihadistes ! Plus besoin de stratégies globales et de coordination risquées : il suffit de créer des zones d’instabilité et de mettre une couverture « islamique » sur toutes sortes de conflits pour susciter l’intervention occidentale qui, avec leurs bavures et leurs ratés, nourriront frustrations et révoltes – un terreau idéal pour recruter de nouveaux combattants.

Nous sommes devenus une vraie communauté internationale : pays riches ou pays pauvres, d’Afrique ou d’Europe, nous avons la vulnérabilité en partage. Gao, Maïduguri ou Tazalit sont aussi exposées que Paris, Bruxelles ou Miami. Ce qui se passe sous nos tropiques concerne aussi les puissants membres du Conseil de Sécurité et il est urgent de trouver ses solutions concertées. Or il y a un hiatus entre les approches globales, préconisées par nos partenaires internationaux, et les perceptions locales. Il est temps de donner leur dignité de « solutions » aux possibilités endogènes. Il y a cinq ans, je disais à des responsables de la Commission européenne que dans certains de nos villages l’achat d’un char vieux modèle coûtait plus cher que la construction d’une école. Deux choix s’offrent à nous avec la chance de pouvoir les coupler : prévenir aujourd’hui par l’éducation et la justice sociale ou se préparer, militairement, à intervenir indéfiniment et continuellement, demain, sans gage de réussite et avec le risque de reproduire les causes du mal que l’on cherche à combattre.

(Source Jeune Afrique n° 2979)