Timbuktu Institute

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Coopération Sécuritaire : « Écouter les voix du Sud ne nuit pas à l’esprit de solidarité internationale » (Bakary Sambe)

 

Le terrorisme est un phénomène global qui menace le monde entier. Mais les expériences de certains pays du Sud, qui ont été testées, validées, adaptées et/ou étendues dans des contextes comparables, sont d'une grande valeur d'exemple pour d'autres pays en développement si on leur offre le cadre d'un partage mutuellement bénéfique. Les pays du Sud ont été gravement touchés par rapport à ceux du Nord. Pendant que l’Europe s’immunise contre Daech, il y a, aujourd’hui, une urgence en Afrique subsaharienne avec une augmentation de 1000% (mille pour cent) du nombre de morts depuis 2007 alors que la seule région du Sahel concentre aujourd’hui 43% des victimes du terrorisme au Sud du Sahara. Sur cette base, une action collective coordonnée est nécessaire entre ces pays du Sud pour prévenir et combattre le terrorisme et surtout les conditions propices à sa propagation. D’où l’urgence d’impulser une nouvelle dynamique à la coopération Sud-Sud qui sera bénéfique pour tous et permettre même aux pays du Nord de s’adosser sur des leviers efficaces et éviter les malentendus actuels sur les orientations stratégiques de la coopération sécuritaire. Bakary Sambe revient sur cette problématique dans le cadre de la chronique hebdomadaire du Timbuktu Institute en partenariat avec Medi1TV

 

Dr. Bakary Sambe, à la veille du 8e forum international sur paix et la sécurité en Afrique qui s'est tenue cette semaine à Dakar, vous lanciez un appel aux acteurs et parties prenantes sur le continent pour une redynamisation de la coopération Sud-Sud dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Pourquoi insistez-vous sur cette forme de coopération dans le contexte actuel ?

 

Il est vrai que les pays du Sud ont été gravement touchés par rapport à ceux du Nord. Pendant que l’Europe s’immunise contre Daech, il y a, aujourd’hui, une urgence en Afrique subsaharienne avec une augmentation de 1000% (mille pour cent) du nombre de morts depuis 2007 alors que la seule région du Sahel concentre aujourd’hui 43% des victimes du terrorisme au Sud du Sahara. Sur cette base, une action collective coordonnée est nécessaire entre ces pays du Sud pour prévenir et combattre le terrorisme et surtout les conditions propices à sa propagation.. C'est pourquoi, dans le cadre de la coopération Sud-Sud, les différents pays doivent identifier leurs forces et leurs faiblesses, afin de recenser et d'identifier les bonnes pratiques pertinentes aussi bien en matière de Contre-Terrorisme que de prévention de l’extrémisme violent. Cela permettra de tirer des leçons et des expériences des centres d'excellence tels que le CAERT en Algérie qui ont développé des pratiques pertinentes mais aussi l’Égypte et d’autres pays de la région comme le Maroc. Outre l'assistance technique à mutualiser et les interlocuteurs prioritaires à identifier afin de densifier la coopération Sud-Sud, il faut développer une culture du partage d'expériences auprès des acteurs du Sud qui sont le plus souvent orientés vers la coopération avec le Nord dont les solutions peuvent être décalées des réalités locales et victimes de perceptions de moins en moins favorables au Sahel. D’ailleurs, c’est ce que les Etats-Unis ont compris au Sahel avec la dernière International Exécutive Program (IEP) privilégiant la formation des forces de sécurités locales qu’ils mettent en avant évitant les interventions directes avec tout le risque-image qu’encourent aujourd’hui les armées occidentales aux yeux des populations locales.

 

Mais, en même temps, vous vous félicitez du fait que le Forum de Dakar, cette année et pour la première fois, a consacré un atelier aux solutions et approches communautaires. Est-ce , alors, pour vous, le signe du besoin pressant de cadres  de partage d'expériences à travers le continent ?

 

Il y a, aujourd’hui, un besoin pressant de cadres d’échanges d’expériences. La coopération Sud-Sud peut représenter une opportunité importante pour chaque pays, y compris les moins développés qui ont des savoirs et savoir-faire à partager ou à enseigner, quelle que soit sa situation et sa position...  Consistant en un échange d'expériences entre acteurs (gouvernements, organisations et individus), les pays en développement peuvent trouver un énorme avantage à se soutenir mutuellement en termes de connaissances pratiques, d'assistance technique et/ou d'investissement, ainsi que de maintien de la paix, par le biais de mécanismes et d'initiatives visant à combattre le terrorisme et à prévenir l'extrémisme violent, revitaliser et opérationnaliser les mécanismes endogènes  Il est urgent et nécessaire de faire émerger davantage de pays leaders capables de générer une dynamique régionale afin de donner une impulsion à une dimension Sud-Sud plus affirmée malgré les nombreux défis, notamment le manque drastique de ressources financières qu’il faudrait tôt ou tard mobiliser en comptant sur des ressorts locaux.

 

A la suite du Président Macky Sall lors de son allocution axé sur le changement de paradigme nécessaire au sein de la communauté internationale vous appelez, je vous cite " à une meilleure écoute des voix du Sud pour des solutions durables face à l'insécurité sur le continent et dans le monde". Qu'est-ce qui motive une telle insistance ?

 

Vous savez, mieux écouter les voix du Sud ne nuit pas à l’esprit de solidarité internationale. C’est ce que j’ai appris du dialogue avec ma collègue Katja Ahlfors, directrice du Peace Mediation Centre de Finlande lors du panel consacré aux solutions communautaires. Mais aujourd’hui, cette coopération reste un domaine sous-exploré qui peut apporter des avantages en termes de stabilité en mettant en commun les ressources et l'expertise dans une variété de domaines où les pays peuvent avoir une valeur ajoutée particulière. Cela nécessite un suivi efficace, qui est crucial mais dépend encore largement de l'engagement et de la mutualisation des ressources nécessaires. Cette contrainte peut être transformée en opportunité de réorienter la coopération dans la lutte contre le terrorisme. Il faudrait pour cela que les partenaires du Nord optent de plus en plus pour des cadres multilatéraux et régionaux afin que les ressources mobilisées puissent en même temps impulser une dynamique Sud-Sud et leur permettre d’agir efficacement sur les meilleurs leviers. C’est cela qui va faire émerger des pivots parmi les pays du Sud avec la prise de conscience que la lutte contre le terrorisme est une priorité mondiale. Au Sud comme au Nord, nous sommes devenus, une communauté internationale ressoudée par notre vulnérabilité en partage et plus que jamais liés par des impératifs de sécurité collective.

 

Source : Medi1TV – Timbuktu Institute

Dakar, Senegal – The German Foundation for Africa and partners recently held a conference on strengthening democracy in Africa and the G7 Countries.

The two-day event held on September 26-27 at Germany’s Federal Foreign Office in Berlin was characterized with lively debates on the theme how to deal with the increasing systemic competition and external influence in Africa and what conclusions to draw for German foreign policy.  The conference was jointly organized by German Institute for International and Security Affairs.

Representing Timbuktu Institute of Dakar at the conference, Mrs Adji Awa Samb, Timbuktu’s senior officer responsible for Cooperation and Regional projects had her take during the debate which revolved around questions like - which opportunities and risks does the increasing global systemic competition entails for Africa-Europe relations.

Responding to the question above, Mrs Adji remarked: 

First of all, we must take into account a new fact: Today, the situation has changed and Africa will no longer have only a passive role. For at least three reasons: First, we are in a divided world in which the alignments are both multiple and diffuse.   

Second, we are in a world where the distribution of power is very fragmented with the combined effect of classic powers that are declining, emerging powers that are rising, and a multitude of states that are claiming middle power status.

Therefore, she continued,

we can no longer see this competition as a simple competition between powers. We must take into account this situation which also gives Africa the opportunity to choose and diversify its partners.

According to her, the strong presence of China, the return of Russia, the Gulf States and also Turkey should not be overlooked.

Turning her attention to the other question: how should Germany adjust its communication policy in Africa when it comes to the activities of other external powers?, Mrs Adji highlighted some points.

The situation has really changed, we are in the configuration that allows us to talk about off-shore balancing. This is the mechanism by which the great classical powers ensure that the strategic shift of the African continent has an impact on the balance of power at the international level,

she observed.

In Africa, Germany, especially in the last Merkel years, has freed itself from European tutelage and has asserted itself as a power with its own African policy, particularly in the Sahel. It has played a major role on two levels: militarily alongside Europe, but especially in development. Germany does not suffer from the image of a colonial power in the Sahel. It can continue to emphasize partnership instead of domination,

Mrs. Adji reiterated.

Meanwhile, she went on to look at other question like - What are the implications of the changing global order for Germany's existing instruments and partnerships with African countries and regional organisations?.

 

In the framework of the Timbuktu Institute's weekly column in partnership with Medi1TV, Dr. Bakary Sambe spoke at length about the place of Africa in this new Geopolitics that is taking shape, but above all about the debate on democracy as a principle brandished against autocracies in a context of new confrontation between the Western world, Russia and China. Below is the text of the full interview, where the director of the Timbuktu Institute also addresses the need to endogenize democracy as an African reality by taking into account the historical and political trajectories of African countries with examples drawn from the experiences claimed on the continent (video)

 

Dr. Bakary Sambe, you have just taken part in the 5th Lisbon Conference in Portugal on the theme "Towards a New World Order" and you argued that in the wake of the war in Ukraine and international rivalries, the Western bloc seems to be returning to the classics by brandishing the democratic ideal in the face of the rise of new powers. What makes you say this, and is this something new?

 

It's like déjà vu with the End of History theory. But this time, the reconstituted Western bloc, in its confrontation with Russia and the rising powers described as autocrats, wants to return to its classics such as democracy and the rule of law after decades full of contradictions in international practices where pragmatism around strategic interests had largely prevailed over universal principles. In the past, there was the Baule conference convened by the former French President Mitterrand, followed by the series of national conferences in the 1990s and the introduction of a multi-party system on the continent with the outcome that we know. Since then, the emergence of economic development models that have taken place in non-democratic contexts has not failed to call into question the democratic project that has long been presented, rightly or wrongly, as a panacea, especially after the harmful effects of structural adjustment policies imposed by the Bretton Woods institutions.

 

At the beginning of October, the Democracy Innovation Foundation was launched in Johannesburg, South Africa, for which the Timbuktu Institute conducted a survey as a continental consultation of African youth. Is this also part of this rethinking of the ideal of democracy that you often talk about?

 

You know, the change in the international context, with the rise of China, Iran, Turkey and other powers, has changed the agenda of Western countries, which have entered into a process of economic and strategic balancing with Beijing, and so the leverage that supported the democratisation processes has lost its strength. So this resurgence of the theme of democracy is not insignificant. After the Democracy Summit organised by the United States, the announcement of a 2.5 billion dollars fund for the promotion of democracy by Blinken, the recent launch in South Africa at the beginning of October of the Innovation for Democracy Foundation, supported by France, as well as the last meeting of young African leaders in Berlin organised by Germany in the framework of its presidency of the G7 are obviously part of this framework.

 

But Dr. Bakary Sambe, with political instability, coups d'état and the emergence of populism and nationalism on all sides, do you think it will be easy to succeed in meeting this challenge of democratic re-enchantment in the current context?

 

The main challenge of the West for the discourse on democracy is that of re-credibilisation in the eyes of African public opinion. The democratic project also needs to be endogenized so that it is perceived, not as a Western idea, but as an African reality and it will be necessary to take into account the historical and political trajectories of African countries with examples drawn from pre-colonial Africa. But to conclude, I think that the most complex and difficult challenge to take up, and which seems fundamental, remains that of recreating a healthy link by assuming a healthy, critical and continuous debate on the new South-North relations to be rethought and reconstructed.

 

Source : Medi1TV

« Les Africains n’ont pas de problème avec le principe démocratique, mais c’est au niveau de sa déclinaison et de son endogénéisation que se situe le débat et s’expriment des attentes, en plus des inconséquences qui l’ont desservi à un moment où le modèle est challengé par d’autres offres dans un contexte lourd de tensions et de compétitions au plan international »

A ainsi entamé Bakary Sambe lors de la Conférence de Lisbonne 2022.

Le Directeur Régional du Timbuktu Institute a été invité à prendre part à la Conférence de Lisbonne 2022. Son intervention a ouvert le panel sur la “hiérarchie des guerres” qu’il devait partager avec d’éminentes personnalités du monde académique comme les Professeurs Paul Collier de l’Université d’Oxford, Raquel Vaz Pinto du Portuguese Institute of International Relations (IPRI) à Nova Lisbon University, Lisbon, Stella Ghervaz de Newcastle University, et Teresa Cravo de l’Université de Coimbra (Portugal). Cette conférence qui se déroule dans le contexte de la guerre en Ukraine et des interrogations sur le devenir du système international, a été fortement marquée par le débat sur les reconfigurations en cours au plan international.

Dr. Bakary Sambe est largement revenu sur la place de l’Afrique dans cette nouvelle géopolitique qui se dessine mais surtout le débat sur la démocratie en tant que principe brandi contre les autocraties dans un contexte de nouvel affrontement entre le monde occidental, la Russie et la Chine. Mais pour Bakary Sambe,

« on ne pourrait repenser la place de la démocratie, notamment en Afrique, sans regarder en face les différentes contradictions des démocraties elles-mêmes, ces dernières décennies ».

Il rappelle, à ce propos, que

« la troisième vague de la démocratie a fini de toucher le continent africain, au début des années 1990, portée à la fois par des dynamiques internes et externes ».

Il souligne que

« sur le plan interne, les difficultés économiques des années 80, les politiques d’ajustement structurel et, dans certains cas, les mobilisations citoyennes, ont contribué au problème de légitimité des régimes autoritaires et, en même temps, à une libéralisation et à des transitions avec des résultats variés ».

De ce fait, selon Sambe,

« sur le plan externe, les liens avec l’Occident et l’effet de levier que les puissances occidentales ont utilisé pour promouvoir les démocratisations, ont été un élément central du processus ».

 Cependant, Bakary Sambe a tenu à rappeler que la résurgence de la thématique de la démocratie, comme principe remis à l’ordre du jour, n’est pas anodine. Après le Sommet sur la démocratie, organisé par les Etats-Unis, l’annonce d’un important fonds pour la démocratie par le Secrétaire d'Etat américain, Blinken, le récent lancement, en Afrique du Sud, début octobre, de la Fondation de l’Innovation pour la démocratie appuyé par la France, la récente réunion de jeunes leaders africains à Berlin organisée par l’Allemagne dans le cadre de sa présidence du G7, font dire à Bakary Sambe qu’

« on a l’impression que l’Occident, dans son affrontement avec la Russie et les puissances montantes qu’il qualifie d’autocrates, veut revenir à ses classiques comme la démocratie et l’Etat de droit après des décennies pleines de contradictions dans les pratiques internationales où le pragmatisme autour des intérêts stratégiques l’avait largement emporté sur les principes universels ».

De ce fait, pour le Directeur du Timbuktu Institute

« il semblerait que le changement dans le contexte international, avec la montée de la Chine, de l’Iran, de la Turquie et d’autres puissances, a changé l’agenda des pays occidentaux qui sont entrés dans un processus d’équilibrage économique et stratégique face à Pékin et, ainsi, l’effet de levier qui appuyait les processus de démocratisation a fini par perdre de sa force ». 

Sur un autre plan, Bakary Sambe soutient que « la diversification des partenariats économiques a dilué l’importance du « linkage » avec l’Occident, à travers des rapports dénués de toute conditionnalité démocratique comme avec la Chine, ou reposant même sur des transferts des outils et des pratiques autoritaires dans le cas de la Turquie ».

 Pour Bakary Sambe,

« il y a un énorme défi à relever, aujourd’hui  pour re-booster le principe démocratique et surtout asseoir son acceptabilité universelle auprès des pays africains. Car, rappelle-t-il, depuis les efforts de démocratisation dans les années 90, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts »

Et, poursuit-il

« l’émergence de modèles de développement économique qui se sont opérés dans des contextes non démocratiques, n’a pas manqué de remettre en question le projet démocratique qui a longtemps été présenté à tort ou à raison comme la panacée ».

En quelque sorte, pour Sambe,

« ces modèles ont d’autant plus de succès qu’ils ont semblé inspirer un certain nombre de pays qui apparaissent comme des «success stories», avec notamment le Rwanda et, dans une moindre mesure, l’Éthiopie. C’est dire que le projet démocratique a grandement besoin d’un renouveau pour le mettre hors de portée des « vents défavorables » (Diamond 2019) qui n’épargnent aucune région du monde »

A ce contexte déjà complexe, vient s’ajouter la guerre en Ukraine qui rend moins sereine la réflexion sur la démocratie en tant que principe universel. Pour Sambe, l’analyse de ce conflit a fortement pesé sur le débat. D’après lui,

« ceux qui analysent le conflit sous l’angle de la personnalité de Poutine ne prennent pas en compte la complexité du problème. Il s’agit ici d’analyser les stratégies des États dans leur volonté d’assurer leur survie. L’Occident veut jouer sur l’image d’un Poutine autocrate, alors que si les dirigeants occidentaux sont sans doute moins dominateurs envers leur peuple que Poutine, ils n’en sont pas moins aussi froids et calculateurs face à leurs intérêts ».

Cet ensemble de considérations a amené Dr. Bakary Sambe à conclure que

« le principal défi de l’Occident pour le discours sur la démocratie est celui de la re-crédibilisation aux yeux des opinions publiques africaines ».

Selon lui,

« le projet démocratique a aussi besoin d’une endogénéisation pour qu’il soit perçu, non pas comme une idée occidentale, mais comme une réalité africaine  et il faudra prendre en compte les trajectoires historiques et politiques des pays africains avec des exemples tirés de l’Afrique précoloniale ».

Pour ce faire,

« il faudrait redonner la dignité d’expérience historique valorisée aux processus comme celui du royaume Ashanti, l’ancrage socioculturel de la démocratie dans les cultures et le passé africains comme l’exemple et la Révolution Torodo du royaume du Fouta Toro en 1776 avant la Révolution Française de 1789 ».

Cependant, conclura Sambe, « le défi le plus complexe et difficile à relever, et qui semble fondamental, reste celui de recréer du lien sain en assumant un débat sain, critique et continu sur les nouveaux rapports Sud-Nord à repenser et à reconstruire »

Malgré la modernisation, l’Afrique et particulièrement le Burkina Faso reste une société à dominance rurale ancrée sur des valeurs traditionnelles et religieuses. Ces valeurs sociales mettent l’accent sur les valeurs communautaires où le groupe prime sur l’individu. Quant à la religion, au Burkina Faso, les différentes communautés religieuses ne vivent pas simplement côte à côte mais vivent ensemble. Les leaders de ces différentes communautés religieuses sont bien imprégnés de ce qui se passe au sein de la société car étant en contact permanent avec la population. S’intéresser aux comportements des religieux dans la crise à Covid 19 revête un intérêt particulier. En effet, eu égard à leur rôle stratégique au sein de la société, ils constituent des partenaires clés pour les autorités dans la mise en œuvre des politiques publiques surtout celles sanitaires. Cette étude a analysé la contribution et l’implication des acteurs religieux à la prévention de la covid 19 au Burkina Faso. Cette analyse s’est fondée sur des entretiens directs avec des personnes clés, la recherche documentaire et elle a permis de tirer des conclusions et formulé des recommandations.

Télécharger la note d'analyse :

Effectuée dans le cadre d'un partenariat entre OSIWA et le Timbuktu Institute-African Center for Peace Studies-, l’étude exploratoire sur les acteurs religieux face à la pandémie de COVID-19 en Afrique de l’Ouest vise à identifier les ressorts de la collaboration entre l’État et la religion dans la gestion des crises sanitaires de grande ampleur. Au Sénégal, l'étude, par le biais de la crise sanitaire, met en lumière la nature oscillante des rapports entre acteurs religieux et politiques. Le jeu habituel dans le cadre de rapports basés sur les logiques d’intérêt ou d’instrumentalisation mutuelle, s’est montré plus complexe lorsque s’y ajoutent des dimensions liées à la gestion du culte, entre impératifs sanitaires et questions religieuses voire existentielles. 

Quelles conséquences de la guerre russo-ukrainienne pour le continent africain ? Comment L’Afrique se repositionne sur le nouvel échiquier mondial ? Continuera-t-elle à jouer le rôle de variable d’ajustement ou l’Afrique profitera de cette nouvelle conjoncture pour mieux tirer son épingle du grand jeu qui se déroule dans un contexte différent de celui de la guerre froide ? Cette situation inédite assimilable à une « paix chaude » est-elle simplement le fait d’une crise ou ouvre-t-elle de nouvelles perspectives pour un meilleur positionnement africain ?

Dans la chronique hebdomadaire du Timbuktu Institute en partenariat avec Medi1TV, Dr. Bakary Sambe appelle à une lecture africaine réaliste de ce conflit qui selon lui révèle que « la fragilité de la paix mondiale appelle à un changement de paradigme et impose un nouveau regard sur la notion de sécurité collective ».

 

Dr. Sambe, depuis le déclenchement de ce conflit russo-ukrainien, vous appelez constamment à une lecture africaine réaliste de la nouvelle géopolitique qui se dessine afin que, je vous cite, « le continent ne subisse pas ce nouveau grand jeu mais en devient un acteur à part entière ». Quelle est, en réalité, cette lecture africaine que vous préconisez ?

 

Vous savez, ceux qui analysent le conflit sous l’angle de la personnalité de Poutine dans son rapport avec l’Occident et les démocraties libérales, font fausse route. Il s’agit d’analyser tout simplement les stratégies des États dans leur volonté d’assurer leur survie. Ceux qui l’analysent sous le prisme du droit international sont aussi soit naïfs soit de mauvaise foi. Il est triste de le constater mais le droit international ne s’applique pas aux grandes puissances, c’est là d’ailleurs la principale raison du droit de veto. C’est d’offrir à certains États la possibilité de s’extraire du caractère impératif du droit international. L’OTAN est intervenue en Yougoslavie sans mandat de l’ONU et a poussé l’organisation à sortir une résolution pour légitimer a posteriori l’intervention. Ce qui se passe actuellement est ce qu’on appelle en théorie des Relations Internationales un dilemme de sécurité. Parce que l’inclusion de l’Ukraine dans l’Otan signifie pour la Russie une vulnérabilité, notamment en réduisant son accès à la Mer noire. C’est pour cette même raison que Poutine avait d’ailleurs annexé la Crimée. Les deux blocs vont multiplier les terrains d’affrontement. Et cette nouvelle situation doit alerter l’Afrique.

 

Donc, Bakary Sambe, si je vous comprends bien l’Afrique pourrait devenir un de ces terrains d’affrontement. Quels sont les éléments qui vous poussent vers cette analyse ?

 

Cet affrontement par pays interposés a beaucoup marqué l’ordre international ces dernières années et nous a installé dans ce que je pourrais appeler une « paix chaude » c’est à dire une paix sous laquelle bouillonne des antagonismes que l’on essaie de régler par des conflits par procuration. La Syrie est l’exemple parfait, et même le Mali se dirigerait vers ce sens-là. c’est donc dire que pour avoir la paix, celui qui a le moindre coût à payer doit faire le plus de concession. Il ne faut pas l’oublier, les deux camps que nous avons en face , se sont affrontés indirectement en essayant de dérouler une stratégie de « regime change » c’est-à-dire en appuyant leurs alliés locaux pour qu’ils aient le pouvoir. Aujourd’hui, nous sommes en plein dans la configuration qui nous permet de convoquer la notion de off-shore balancing qui est le mécanisme par lequel les grandes puissances classiques s’assurent que le basculement stratégique du continent, qui, aujourd’hui, peut changer la configuration des puissances sur la scène internationale, ne se fera pas à leur dépens ou même mieux se fera à leur avantage. Nous l’avons, récemment, vu avec le discours tenu par le Président Macky Sall devant Vladimir Poutine expliquant que le continent ne votait plus sur injonction ou par simple alignement. Cet acte posé montre que la voix de l’Afrique pourrait être désormais plus audible

 

Est-ce donc la fin du paradigme de la domination ou le début de l’ère d’une renégociation des rapports de force dans un nouveau contexte international que vous semblez décrire comme pouvant ouvrir de nouvelles perspectives pour notre continent ?

 

Oui, absolument, Aujourd’hui, la situation a changé et l’Afrique, si seulement son leadership politique en devenait conscient, devrait mieux tirer son épingle de ce nouveau grand jeu. Pour trois raisons au moins : D’abord, nous sommes dans un monde divisé dans lequel les alignements sont à la fois multiples et diffus. Ensuite, nous sommes dans un monde ou la distribution de la puissance est très fragmentée avec l’effet combiné de puissances classiques qui déclinent, de puissances émergentes qui montent, et d’une multitude d’Etats qui réclament le statut de middle power. Enfin, et c’est cela le déclic, nous sommes dans le contexte d’une Afrique qui par le double effet d’une élite de plus en plus décomplexée et d’une population plus exigeante, cherche à mieux tirer son épingle dans le jeu des relations internationales. Dans ce contexte qui, pour une fois, peut nous être très profitable, l’Afrique passe, du moins dans les perceptions, d’une zone acquise, de simple variable d’ajustement, à une zone plus confortable et avantageuse dans laquelle son influence et son poids pourraient décider de la balance du pouvoir à l’échelle internationale.