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Source : La Croix-Africa[1]

 

Enseignant-chercheur à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, dans le nord du Sénégal, Bakary Sambe est fondateur du Timbuktu Institute-African Center for Peace Studies, un centre de recherche qui privilégie des approches transdisciplinaires sur des questions liées au radicalisme religieux. Ce centre est basé  Dakar et  Niamey mais travaille dans d’autres pays de la région comme en Mauritanie, Mali, Burkina Faso etc.

 

Dans cet entretien avec La Croix Africa, il analyse les décisions prises, ces derniers jours, par le Burkina Faso et le Mali pour lutter contre les attaques terroristes.

 

La Croix Africa : Que pensez-vous de la décision prise par le Burkina Faso d’armer des civils pour repousser les attaques terroristes ?

 

Bakary Sambe: Cela s’inscrit dans le cadre des conclusions du Forum national sur la sécurité qui s’est tenu au Burkina Faso en 2017. Cela rejoint aussi l’option du Burkina de promouvoir la sécurité de proximité qui, dans certaines régions, a montré son efficacité. Mais dans le cas précis du Burkina Faso, ma crainte est que cela ne produise les mêmes effets qu’au Mali où le pouvoir central de Bamako, qui n’était plus en capacité d’assurer la sécurité, s’est mis à la déléguer à des civils. On a vu que lorsqu’on a armé les milices dogons pour lutter contre les terroristes de la Katiba Macina [un groupe djihadiste du centre du Mali] cela a abouti à des heurts intercommunautaires.

 

Dans le cas du Burkina Faso, j’ai peur que cela accentue encore la stigmatisation de certaines communautés, notamment les Peuls mais aussi que cela n’attise les tensions déjà vives entre communautés (peuls, mossi etc.).

 

Le Mali a annoncé, le 10 février, son intention d’établir le dialogue avec les chefs djihadistes Iyad Ag Ghaly du Groupe pour le soutien de l’islam et des musulmans (Gsim) et Amadou Koufa, chef de la Katiba Macina. Comment analysez-vous cette décision ?

 

Bakary Sambe: Sur le principe, le dialogue est toujours nécessaire car aucun conflit au monde ne s’est terminé sur un champ de bataille ; à un moment, il a fallu que les gens se parlent. Dans le cas du Mali, la manière dont le dialogue a été annoncé, en citant les deux interlocuteurs [Iyad Ag Ghaly et Amadou Koufa NDLR] montre que la stratégie qui est derrière cette initiative est de pouvoir couper les groupes terroristes transnationaux comme l’État islamique au Grand Sahara d’Abou Walid al-Sahraoui des groupes locaux. Ce n’est pas un hasard que cela se fasse au même moment où l’armée malienne est en train de se redéployer à Kidal. C’est une manière de dire qu’il y a une reprise en main de la situation par le pouvoir de Bamako.

 

 

Mais comme dans chaque opération, il y a des risques, le premier serait d’accroître le prestige Iyad Ag Ghaly, sans être sûr qu’il souscrive pleinement à la paix. L’autre chose, c’est une incertitude. Iyad Ag Ghaly sera-t-il prêt à abandonner son principe d’instaurer la charia qui était quand même, un des axes principaux de son combat ? En clair, ce dialogue suscite de l’espoir mais également des craintes. Les principales questions sont : sur quoi va-t-on négocier ? Qu’est-ce que les deux parties sont prêtes à lâcher ? Bamako est-il prêt à répondre à certaines exigences d’Iyad ag Ghali et ce dernier est-il prêt à abandonner son principe d’instauration de la charia ?

 

Quelle serait finalement la solution pour rétablir la sécurité dans le Sahel  ?

 

Bakary Sambe: Je crois qu’il faut traiter les racines du mal. On peut penser à des solutions à court terme mais on ne peut camoufler la racine du mal en traitant seulement des symptômes. Il faudra rétablir une confiance en l’État. Un véritable État qui soit fort et capable de répondre aux sollicitations des populations. Il faudra aussi une volonté, au niveau international, d’appuyer le Mali et le Burkina Faso et savoir qu’en plus du support militaire, il faudra promouvoir le développement durable, la bonne gouvernance. Il est important de gérer les urgences sécuritaires mais sans négliger les racines du mal qui gangrène cette région.

 

En plus de s’attaquer aux facteurs de radicalisation et d’extrémisme violent, les partenaires internationaux du Sahel doivent, en outre, prêter attention au facteur de résilience et aux ressources endogènes de résolution des conflits. Il est, par ailleurs, important de dissiper le malentendu à propos de la question sahélienne notamment celle liée à la présence de l’armée française mais également favoriser l’appropriation des projets de développement par les populations locales.

 

Recueilli par Lucie Sarr

(Niamey et les 2 jours) - Le dialogue avec les groupes terroristes est-il devenu un « mal nécessaire » au point que le Mali, malgré l’opposition catégorique de son principal allié dans la lutte contre le terrorisme, la France, se lance dans ce processus, que le directeur de Timbuktu Institute (Niamey-Dakar) considère comme « lourd de risques et plein d’incertitudes, bien qu’il faille, tôt ou tard, trouver une alternative au tout-militaire qui butte encore sur bien des difficultés  »

Le gouvernement malien a récemment assumé l’ouverture d’un processus de dialogue avec deux chefs terroristes que sont Iyad Ag Aly du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et Amadoun Khouffa de la Katiba Macina. Ce dialogue s’ouvre dans un contexte difficile où les attaques se multiplient dans la zone des trois frontières du Liptako-Gourma mais aussi au Niger qui a, récemment, subi d’énormes pertes dans la garnison d’Inatés et récemment à Chinégodar.

Dans un entretien avec Niamey et Les 2 jours, Bakary Sambe, directeur de Timbuktu Institute, basé à Dakar et à Niamey, revient sur les difficultés des processus de dialogue avec des groupes terroristes dont l’issue est souvent « incertaine », selon lui.

Pour ce spécialiste des réseaux transnationaux dans le Sahel, citant l’expérience nigérienne en matière de solutions alternatives au tout-répressif, « les tentatives de réintégration d’anciens combattants de Boko Haram au Niger ont, certes, donné le ton sur la nécessité assumée d’alternatives au tout-répressif à travers leur installation au camp de Goudoumaria- région de Diffa - mais que les difficultés et les complexités d’une expérience de DDRR sans accord de paix avaient vite émergé notamment dans la gestion des rapports avec les communautés locales »

« Dans le cas particulier du Mali, le dialogue avec les groupes terroristes nécessitait forcément que l’on soldât, au préalable, les incompréhensions autour des dispositions de la résolution 2058 - qui faisait la différence entre groupes armés et autres terroristes et dans un contexte de mutations profondes de la violence et de l’extension des zones de conflits loin de l’épicentre malien », fait remarquer le coordonnateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique.

Il rappelle, dans le même sillage, qu’ « il y a aussi le problème de l’identification de médiateurs avec une posture de neutralité, mais aussi de légitimité aux yeux des groupes terroristes alors que le leadership politique local est discrédité pour sa gouvernance au moment où les partenaires internationaux sont, aussi, parties prenantes du conflit »

Mais pour Bakary Sambe, « bien que l’accord de Ouagadougou ait pu poser les bases d’un possible dialogue, il excluait, systématiquement, les groupes terroristes et le gouvernement de Bamako n’avait pas saisi, pour ce qui est du Centre du Mali, l’opportunité offerte, en son temps, par la main tendue d’intellectuels et de personnalités originaire de cette région dans le cadre d’un groupe appelé G8 à l’époque »

« Aujourd’hui, le dialogue est envisagé, après plusieurs volte-faces des dirigeants maliens, dans un contexte où Iyad Ag Aly se positionne comme un interlocuteur légitime incontournable avec une certaine culture politique alors qu’Amadoun Khouffa n’a pas la même stature et pendant que son camp se fissure avec des dissidences qui risquent de rejoindre l’Etat islamique au Grand Sahara », selon Bakary Sambe.

S’interrogeant sur les issues incertaines d’un tel processus déjà perturbé par les récentes attaques de Koro et contre la gendarmerie de Sokolo dans le cercle de Niono (Région de Ségou) au centre-sud du Mali, le directeur de Timbuktu Institute, avertit que « l’un des principaux risques est qu’à l’issue du processus largement menacé aujourd’hui par plein d’incertitudes, Iyad Ag Aly en sorte renforcé sans souscrire à la paix et qu’Amadoun Khouffa soit délégitimé parce qu’il n’aura pas eu assez de marges de manœuvres pour positionner les revendications communautaires à l’origine de l’insurrection dans le Centre du Mali »

« Cette situation ferait, non seulement, retourner à un amer statu quo mais provoquerait une inévitable ruée vers les rangs de l’Etat islamique au Grand Sahara alors que le principal gain escompté en lançant ce processus de dialogue était justement de couper les réseaux djihadistes transnationaux comme Al-Qaida et l’EIGS de leurs couveuses locales », conclut Dr. Bakary Sambe.

Propos recueillis par Babacar Cissé

Adama Dieng est le Conseiller spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la prévention du génocide. Il revient dans cet Appel à l'Action qu'il lance à l'occasion de la commémoration de la libération des camps de concentration et d'extermination nazis d'Auschwitz sur la nécessité d'un meilleur engagement et d'un leadership audacieux pour éviter la répétition de l'Histoire.

 

75 ans après la libération des camps d'Auschwitz, le monde n'a apparemment pas tiré les leçons de ce passé tragique - Les pays doivent s'attaquer aux causes profondes de la haine, y compris le racisme, défendre l'universalité des droits de l'Homme

Cette semaine, nous commémorons le 75e anniversaire de la libération en 1945 des camps de concentration et d'extermination nazis d'Auschwitz. La gravité de ce qui s'est passé dans ces camps, où plus d'un million de personnes ont été tuées dans d’horribles conditions, ne réside pas seulement dans le nombre de victimes et la reconnaissance de leur sacrifice, mais aussi dans notre capacité collective à tirer les leçons de cette tragédie et à faire en sorte qu'elle ne se reproduise plus. Nous le devons aux victimes.

Malheureusement, les campagnes menées avec succès contre la haine ne peuvent cacher les revers subis. 75 ans après la libération des camps, le monde ne semble pas avoir tiré les leçons de ce passé tragique. Les génocides au Cambodge, au Rwanda et à Srebrenica, les attaques en cours contre la population rohingya, les souffrances des communautés yézidies en Irak, et de nombreuses autres situations où il existe un risque élevé que des populations subissent des crimes d'atrocité, soulèvent de sérieuses interrogations sur notre engagement au-delà de notre rhétorique du «plus jamais cela». Si par le passé, le manque d’informations ou de connaissances suffisantes était invoqué pour ne pas prendre des mesures décisives, aujourd’hui, le monde dispose de nombreuses informations souvent à notre portée par un simple «clic». Pourtant, la volonté d'agir face à des informations crédibles demeure hésitante. Notre promesse de «plus jamais cela» doit commencer par un engagement indéfectible pour la coexistence pacifique, le respect des droits de l'Homme et de l'état de droit. L'Holocauste n'a pas commencé avec des chambres à gaz. Il a commencé par l'intolérance, la discrimination et la déshumanisation des Juifs comme «l'autre».

Gérer les signes d'alerte précoce et les facteurs de risque est la meilleure forme de prévention. Cependant, de plus en plus d’Etats, y compris ceux du monde développé, sont confrontés à des défis pour faire face à ces risques. L'Europe, le continent qui a été témoin de l'Holocauste, connaît aujourd'hui une intolérance et des tensions croissantes entre les communautés locales et ceux qui franchissent les frontières pour y chercher refuge, fuyant la persécution et d'autres violations graves des droits de l'Homme, ou qui cherchent désespérément à échapper à la pauvreté. Les communautés minoritaires, les migrants et les réfugiés sont souvent utilisés comme «cibles» faciles lorsque les débats politiques se polarisent. Alors que les extrémistes injectent un langage incendiaire dans le discours politique dominant répandu sous le couvert du «populisme», les discours et les crimes de haine ne cessent d'augmenter. En jetant le blâme sur les migrants et les réfugiés en les qualifiant de menace pour la sécurité nationale, les dirigeants d'extrême droite et les leaders populistes entretiennent un climat où il est justifié de commettre des actes de violence contre eux comme moyen de «légitime défense». Ces mouvements extrémistes se réapproprient le récit de «l'autre» que Hitler maîtrisait si bien.

De nos jours, la dissémination rapide du discours de la haine à travers les médias sociaux abondamment utilisés par la jeunesse pourrait avoir des conséquences néfastes sur la façon dont les jeunes perçoivent le monde et l'interaction entre les communautés pour les prochaines générations.

Un leadership audacieux est nécessaire pour contrer ces faux discours de haine et de discrimination. Les dirigeants progressistes doivent approfondir leur compréhension du problème et assumer leur responsabilité de protéger toutes les populations menacées. Les pays doivent s'attaquer aux causes profondes de la haine, y compris le racisme et la discrimination, défendre la société civile, l'état de droit et l'universalité des droits de l'Homme. La poursuite de l'érosion des protections que confèrent les droits de l'Homme et celle des normes démocratiques exacerbe le risque potentiel de conflits violents, conduisant à des actes d'atrocités. Aucun pays au monde ou aucune région n'est à l'abri des conflits fondés sur l'identité et, par conséquent, personne ne devrait faire preuve de complaisance quant au respect de sa responsabilité de protéger.

Alors que nous commémorons l'anniversaire de la libération des camps d'Auschwitz, ainsi que le 75e anniversaire de la Charte des Nations Unies, nous devons réfléchir à ce que nous pouvons faire pour prévenir la répétition des atrocités et faire avancer les engagements et les valeurs de la Charte. Les atrocités dont le monde a été témoin depuis l’adoption de la Charte devraient nous rappeler constamment que ce qui s’est produit il y a 75 ans se produit encore aujourd’hui, avec des conséquences catastrophiques pour l’humanité. Un engagement renouvelé en matière de prévention est nécessaire pour honorer véritablement les victimes de l'Holocauste non seulement en paroles mais également en actes. Autrement, nous ne tiendrons jamais la promesse de la Charte de «sauver les générations futures du fléau de la guerre».

Adama Dieng
Conseiller spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la prévention du génocide

Les rivalités entre Al-Qaida et l’Etat islamique vont connaître une nouvelle tournure ces prochains jours et vont restructurer les rapports de force au Mali et plus particulièrement dans le Centre. En effet, des éléments du Front de Libération du Macina reprochent de plus en plus à Amadoun Khouffa une certaine propension à « s’aliéner » avec cette nébuleuse et d’être le « valet » d’Iyad Ag Ali. Rappelons que ce dernier naquit de la fusion d’Ansar Dine, des forces d’Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) dans le Sahel, de la Katiba Macina et de la Katiba Almourabitoune.

Des circonstances inattendues sont en train de les pousser dans les bras d’Aboul Walid Al-Sahraoui, le chef de l’Etat islamique au grand Sahara (EIGS) ayant conduit les attaques d’Inatés, au Niger, et dont le film a été largement diffusé et commenté par un de ses bras droits, Abdoul Hakim Al-Sahraoui, un combattant maure qui serait originaire des camps du Polissario. Sa voix facilement reconnaissable avertit, d’un ton menaçant, les dirigeants de toute l’Afrique de l’Ouest de « l’imminence d’un grand chaos et des attaques encore plus violentes pour combattre leurs régimes corrompus » ; La réente attaque de Chinégodar, encore au Niger, semble donner le ton.

Mais, un fait important vient, aujourd’hui, complexifier la carte du djihadisme au Sahel et dans toute la région qui, en plus des graves problèmes sécuritaires, va être de plus en plus marquée par l’intense rivalité entre les groupes terroristes malgré les impressions de convergence et de coordination. Le contrôle du Mali et de la « zone des trois frontières » représente un enjeu crucial pour les différents groupes.

Des sources dans la zone du Macina au centre du Mali rapportent à Timbuktu Institute que des heurts violents ont eu lieu le 10 janvier dernier, dans le Liptako (côté malien) entre des éléments d’Amadoun Khouffa, le chef du Front de libération du Macina et des récalcitrants au sein de son mouvement affiliés à un certain Mamadou Mobbo (l’érudit en Peul du Macina).

Il faut rappeler que Mamadou Mobbo fut de ceux qui avaient aidé à légitimer le combat d’Amadoun Khouffa, au début, dans le Macina dont il n’est pas originaire en réalité. Khouffa qui est plutôt de Tenenkou dans la Gourma avait besoin de Mamadou Mobbo pour se faire accepter dans le Centre du Mali pour mettre en place le FLM et en faire un outil de conquête et de recrutement en milieu Peul.

D’après les même sources de Timbuktu Institute, il y aurait, depuis quelques temps, au sein du FLM, trois points de désaccord entre d’Amadoun Khouffa et son désormais ancien lieutenant et soutien de taille dans les milieux érudits du Macina. Ces points de désaccord renseignent davantage sur l’enjeu de la répartition des ressources dans le Centre du Mali et les conflits qui minent le Sahel, de manière générale.

Les partisans de Mobbo reprochent, en fait, au chef du Front de libération du Macina sa « mauvaise gestion des rapports locaux autour des ressources naturelles et les pâturages ». Ils désavouent aussi la délimitation des voies de passage et bourgoutières qu’ils veulent voir gouvernés conformément à la « Dina » de Cheikhou Amadou.

Lors des affrontements de mi-janvier, deux éléments de la faction de Mamadou Mobbo ont été tués par les partisans de Khouffa. A la suite de ces profondes divergences, le groupusule affilié à Mamadou Mobbo fort d’un certain soutien local et des dignitaires Peuls aurait décidé de rejoindre l’Etat islamique au Grand Sahara et faire allégeance à Aboul Walid Al-Sahraoui.

Timbuktu Institute reviendra sur les différents enregistrements et déclarations des deux camps qui s’affrontent désormais ouvertement dans le Macina au risque de voir le FLM divisé et peut être affaibli.

Source : Timbuktu Institute

(Niamey et les 2 jours) - Pour Dr. Bakary Sambe, directeur de Timbuktu Institute basé à Dakar et à Niamey, l’une des grandes inquiétudes est que la décision de la Turquie d’intervenir « ouvertement sur le plan militaire en Libye » soit prise au moment où « la base avancée de Madama au Niger est mise en sommeil par les forces françaises de Barkhane qui se sont redéployées vers Gossi dans le Nord du Mali ». L’expert des réseaux transnationaux dans le Sahel confie à la rédaction de Niamey Et Les 2 jours qu’« une éventuelle situation chaotique et un enlisement militaire en Libye auront de fâcheuses conséquences au Sahel dont les différents pays sont déjà touchés par la recrudescence des attaques terroristes, aussi bien au Niger qu'au Burkina Faso en plus du Mali, épicentre du djihadisme dans la région».

Pour le chercheur, par ailleurs, fondateur de l'Observatoire africain du Maghreb et du Moyen-Orient, « ce qui se passe en Libye est le fait d’une compétition ouverte autour d'intérêts stratégiques de la part de puissances étrangères avec diverses convoitises ne mettant pas toujours en avant l’impératif de paix et la stabilisation du pays ». 

Bakary Sambe explique qu’«en Libye s’affrontent actuellement, deux principaux camps celui sous l'égide du Maréchal Haftar contrôlant l’Est de la Libye (Cyrénaïque) avec une mainmise sur le trafic de migrants, la contrebande pétrolière, et l’exportation de ferraille. Ce camp dit de l’Armée nationale Libyenne est soutenu par l'Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et l'Egypte ». Pour le chercheur, ces pays qui soutiennent le Maréchal Haftar « partagent la préoccupation de limiter l’influence des Frères musulmans dans le monde arabe ».

De l'autre côté, poursuit, Sambe, « il y a le camp dit du Gouvernement d’Union nationale conduit par Faïez Al Sarraj qui a pris le contrôle de la Tripolitaine et est reconnu par les Nations Unies. Il bénéficie d’un soutien ouvert du Qatar et de la Turquie en plus d’un appui plus discret de l’Iran qui saisit l’opportunité de contrer l’influence saoudienne, entre autres »

Cependant, « en plus des raisons idéologiques mises en avant dans beaucoup d’analyses, il y des visées économiques et géostratégiques qui motivent l'engagement de la Turquie ». Pour le directeur de Timbuktu Institute, « ce pays est en train de jouer son avenir énergétique en Méditerranée ».

« Rappelons que la Turquie a précipitamment pris la décision de déployer ses soldats en Libye juste après la signature d’un accord pour la projet "EastMed" entre la Grèce, Chypre et Israël portant sur un Gazoduc de 2000 Km auquel l'Union européenne a, aussi, apporté son soutien financier conséquent », révèle Dr. Bakary Sambe. Il rappelle  que « cet accord porte essentiellement sur les énormes réserves offshore au large de Chypre et d’Israël vers la Grèce, puis vers le reste de l’Union européenne et que des pays d’Europe du Sud comme l’Italie seraient très intéressés à rejoindre cette initiative que la Turquie considère comme une menace sérieuse sur son approvisionnement énergétique »

Ainsi, selon Dr. Bakary Sambe, « la Turquie cherche surtout à assurer ses arrières pour son approvisionnement en gaz dans des eaux territoriales libyennes renfermant d’énormes gisements non loin de ses côtes et à bonne portée » et se positionne également « sur les marchés juteux de la reconstruction du pays avec ses géants du bâtiment assez présents dans la région », conclut le directeur de Timbuktu Institute.

Dakar 13 déc – Le directeur du Timbuktu Institute, Bakary Sambe, a prévenu vendredi contre les risques d’une approche purement militaire dans la lutte contre l’extrémisme violent, qui nécessite d’abord une ‘’stratégie nationale de prévention’’.
  
‘’Il ne faut jamais entrer dans un cycle d’intervention militaire sans régler au préalable la question d’une stratégie nationale de prévention de l’extrémisme violent, qui permet de faire adhérer les populations aux politiques publiques’’, a déclaré M. Sambe. 
 
Il intervenait à un atelier de restitution de l’étude ‘’Facteurs de radicalisation et perception du terrorisme chez les jeunes des zones frontalières du Sénégal et de la Guinée’’, menée par le Timbuktu Institute, un centre africain de recherches et d’études sur la paix.
 
Bakary Sambe avertit que ‘’ce serait une grosse erreur de la part des pouvoirs publics de plonger le Sénégal dans une approche purement militaire et sécuritaire (…) sans le préalable d’une stratégie nationale de prévention de l’extrémisme violent‘’.
 
Si les populations n’adhèrent pas à cette stratégie par le biais de la sensibilisation ou de séances d’explication, affirme-t-il, ‘’les autorités risquent d’avoir les mêmes problèmes que les pays de la région où les gouvernants sont contestés dans leur politique sécuritaire’’.
 
M. Sambe rappelle que la Guinée dispose d’une stratégie nationale de prévention, mais le Sénégal n’en a pas encore élaboré.
 
‘’Il faut que le Sénégal accepte de développer une stratégie nationale de prévention de l’extrémisme violent. Il y a des stratégies de sécurité nationale, mais c’est différent de la stratégie de prévention, qui est une stratégie holistique basée sur la sensibilisation, avec l’implication du monde religieux, du système éducatif et de la société civile’’, a-t-il précisé.
 
Le Sénégal et la Guinée, souligne Bakary Sambe, ont la particularité d’appartenir à la typologie 3 définie par l’étude. Celle-ci concerne les pays qui ‘’peuvent encore développer des stratégies nationales de prévention de l’extrémisme violent’’, selon le directeur du Timbuktu Institute. 
 
S’ils sont ‘’encore un peu éloignés de l’épicentre et des ventres mous où se déploie ce terrorisme’’, ils ‘’doivent prendre leur garde’’ toutefois, en raison de leur situation de pays côtiers.
 
‘’Les pays qui peuvent développer des approches préventives et prospectives ne le font généralement pas, de peur d’être classés comme zones menacées ou incertaines, ce qui aurait des impacts sur les investissements ou encore le tourisme’’, a analysé Bakary Sambe.
 
Il relève une confusion que beaucoup d’Etats font entre une stratégie de prévention de l’extrémisme et une stratégie de lutte contre le terrorisme.
 
‘’La lutte contre le terrorisme s’attaque à l’élimination des cibles, mais ce n’est ni efficace ni durable‘’, a-t-il expliqué.
 
L’étude comparative a été menée dans les régions de Labé (Guinée) et Vélingara (Sénégal) pour mieux appréhender les facteurs de vulnérabilité des jeunes (18-35 ans) dans les zones frontalières sénégalo-guinéennes et récolter des informations générales et spécifiques autour de la radicalisation et de l’extrémisme violent.
 
Les principaux facteurs de radicalisation relevés grâce à cette étude sont le chômage, la pauvreté et l’exclusion sociale des jeunes

 

 

 

 Sahel : Les tragiques conséquences des attaques des groupes armés terroristes doivent pousser les Etats à repenser les politiques sécuritaires

 

  • Mali, Niger et Burkina Faso : Le basculement sécuritaire a créé un cocktail de violence
  • Des milliers de civils paient un lourd tribut
  • Des millions d’élèves privés d’écoles

Les attaques récurrentes des groupes armés terroristes contre certains Etats du Sahel ont des conséquences tragiques inestimables sur les plans humain, social, politique, économique et culturel, a déclaré le Think Thank Afrikajom Center aujourd’hui.

Afrikajom Center interpelle la communauté africaine et internationale à prendre conscience que la déflagration qui s’abat sur le Sahel et qui ébranle les assises les plus solides des institutions sécuritaires du Mali, du Niger et du Burkina Faso. Ces redoutables défis sécuritaires ne s’adressent pas uniquement aux seuls pays du G5 Sahel, mais constituent une véritable menace pour la sécurité régionale et internationale qui doit être traitée de façon plus appropriée avec la stratégie et les moyens idoines.

Les groupes armés terroristes qui fonctionnent en coalition dont les plus importants sont : le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM) et l’Etat Islamique au grand Sahara(EIGS), ils sont de mieux en mieux armés, de mieux en mieux organisés et de plus en plus téméraires avec un agenda qui leur assure toujours une avance sur les Etats ciblés, souvent pris de cours et surpris par les effets catastrophiques des attaques.

Jamais ces Etats n’ont été aussi menacés dans leur survie, aussi vulnérables dans leur histoire politique depuis les indépendances. D’autant plus que la communauté internationale et africaine n’a jamais semblé si impuissante en dépit de l’impressionnant dispositif sur le terrain avec les troupes de la MINUSMA, de Barkhane, du G5 Sahel et de l’appui de l’Union Européenne, des budgets et de toute la logistique investie. Le basculement sécuritaire et la situation en Libye qui s’est opéré au Sahel a créé un véritable cocktail de violence et l’irruption d’acteurs de toutes sortes avec les milices armées, la criminalité transnationale, sans compter les acteurs hybrides.

Il faut désormais prendre acte que les deux mécanismes de régulation de la paix au Sahel n’ont pas encore donné les résultats escomptés, à savoir : celui fondé sur une approche mettant trop l’accent sur les moyens militaires dans la lutte contre le terrorisme et la construction de la paix et de la réconciliation nationale, fondée sur l’existence d’un accord de paix, comme c’est le cas avec le Mali qui est doté de l’accord de paix d’Alger de 2015 soutenu par des tentatives de dialogue, de réconciliation nationale ou de déradicalisation (Niger).

« Nous exprimons notre profonde préoccupation, notre vive indignation et condamnons avec la dernière énergie ces attaques et appelons les Etats à repenser de façon globale et holistique les stratégies sécuritaires nationales qui toutes, ont montré leurs limites », a déclaré Alioune Tine, Fondateur d’Afrikajom.

« Il faut sérieusement examiner au Sahel la mise en place d’une stratégie régionale fondée sur une approche basée sur la sécurité humaine ».

Un regard rapide sur la récurrence des attaques au Sahel permet de relever les faits suivants :

  • Au Niger : la dégradation de la situation sécuritaire est continue, au regard des évènements qui se sont déroulés depuis quelque temps. Avec le bilan suivant :
  • plus de 250 personnes civiles tuées et plus de 250 enlèvements. Le bilan 2019 de la crise sécuritaire sur les frontières a atteint des chiffres très préoccupants. Les récentes attaques des groupes armés terroristes dans le camp militaire d’Inates à l’ouest de la frontière malienne ont fait un total de 71 morts et de plusieurs personnes disparues. C’est l’attaque la plus meurtrière depuis le début de l’insurrection en 2015, l’attaque contre ce même camp (Inates) en Juillet 2019 avait fait 18 morts. A cela s’ajoutent les conséquences humanitaires tragiques de la dégradation de la sécurité dans les régions de Diffa, Tahoua et Tillabéri qui sont dramatiques : environ 80 000 personnes ont été déplacées depuis le début de l’année et on note également un flux de 40 000 réfugiés nigérians venant des Etats de Sokoto, Zamfara et Katsina basés dans la région de Maradi. A cela s’ajoute la fermeture des écoles dans pratiquement toutes les zones affectées par le conflit.
  • Le Mali : c’est l’épicentre de la crise sécuritaire au Sahel qui présente le bilan le plus lourd avec :
  • 208 victimes suite aux attaques djihadistes dans 9 localités différentes en 2018. De Janvier à Novembre 2019, 472 morts en 17 attaques dans 17 localités ont été enregistrées. Elles ont toutes été revendiquées par les groupes armés terroristes dans 9 localités différentes situées dans les régions du Nord et tout particulièrement dans la région de Mopti au centre du Mali. Les régions du Nord, Tombouctou, Kidal, Gao et Mopti sont celles qui subissent le plus grand nombre d’attaques. On compte un total de 720 morts en 2019. Concernant la situation de l’éducation pour la première fois plus de 1200 écoles ont été fermées ce qui représente 13% des écoles de ces régions, près de 3 000 000 d’élèves sont aujourd’hui non scolarisés ; cela représente une véritable bombe sociale pour l’avenir.
  • Concernant les Personnes Déplacées Internes (PDI), 52% sont des femmes et 48% sont des hommes.
  • Au Burkina, L’année 2018 est caractérisée par une dégradation croissante de la situation sécuritaire précisément entre Mars et Décembre 2018, 10 attaques djihadistes ont été répertoriées et feraient 45 morts et 92 blessés. L’année 2019 a été la plus meurtrière avec un total de 39 attaques faisant 594 morts et 85 blessés, entre Janvier et Novembre 2019. Les régions du Nord et du Nord-Ouest sont les plus touchées. Du début de l’année 2015 à nos jours, les attaques des groupes armés terroristes ont fait près de 635 morts et près de 500 000 déplacés internes et réfugiés selon l’ONU. En ce qui concerne la situation humanitaire, selon le HCR, 267 000 personnes ont fui les attaques djihadistes dans le Nord et l’Est du Burkina en 3 mois portant le nombre de déplacés et de réfugiés à 486 000. Les provinces de Sanmatinga et Soum ont accueilli 329 000 d’entre eux et 16 000 autres sont réfugiés dans les pays voisins. les violences liées au terrorisme ont fait près de 300 000 déplacés internes, 500 000 autres auraient été privés de soins en raison des attaques djihadistes. Dans le secteur de l’éducation, plus de 2000 écoles ont été fermées depuis le début des violences djihadistes selon l’UNICEF.

AFRIKAJOM Center estime que le temps est venu :

  • De repenser les politiques sécuritaires en fonction du contexte, de la nature des Etats souvent faibles, non préparés à faire face aux conflits asymétriques, peu présents sur toute l’étendue d’immense territoire ou simplement totalement absents. Cette absence d’Etat a créé des espaces de non droit qui constituent des sanctuaires pour des acteurs criminels de toutes sortes et a souvent permis aux groupes armés de se substituer aux Etats, de s’installer et d’offrir certains services sociaux de base, la justice et même la sécurité aux populations locales. De plus en plus ces groupes armés exploitent les ressources du pays, lèvent l’impôt et les taxes auprès des populations locales.
  • De créer dans les meilleures délais une troupe formée de militaires de tous les pays de la CEDEAO spécialisée dans le combat contre le terrorisme, chargée de soutenir les pays du Sahel.
  • D’explorer toutes les possibilités offertes par la réconciliation, par le dialogue politique, surtout avec les citoyens entrés en rébellion contre leurs Etats. Ces rebellions permettent de constater les fractures profondes dans le développement entre les zones urbaines et les zones rurales.
  • De passer en revue les pathologies de l’Etat post colonial, la déliquescence des outils de la régulation de la démocratie, de la gouvernance, de la sécurité et de l’environnement. La question de la corruption qui gangrène l’Etat, les institutions et la société de même que la question de l’impunité et des violations des droits humains sont de nature à créer de profondes inégalités et des fossés entre les élites urbaines et le monde rurale. On met rarement l’accent dans ces conflits sur les effets du changement climatique qui crée des pressions et des compétitions à l’accès à certaines ressources notamment à l’eau et à la terre.
  • Le macrocéphalisme des Etats ou toutes les institutions, les ressources, les infrastructures, les services sont concentrés dans la capitale.
  • Dans l’immédiat, trouver les mécanismes appropriés pour anticiper sur les attaques armées terroristes en renforçant l’efficacité des mécanismes d’alertes précoces et des réponses rapides de la CEDEAO de manière à prévenir les attaques des groupes armés terroristes.
  • D’Associer les organisations de la société civile et les collectivités locales dans la collecte d’informations et la mise en œuvre des politiques de réconciliation.

AFRIKAJOM center lance un appel à l’UA et à la CEDEAO avec l’aide de la communauté internationale d’organiser une revue des politiques sécuritaires nationales au Sahel, pour constater leur inefficacité afin d’élaborer une réponse sécuritaire régionale holistique fondée sur une approche de la sécurité humaine.

« Nous recommandons aux Etats de mettre en place des groupes de réflexion sur les vulnérabilités, les fragilités, les menaces et les pathologies des Etats post coloniaux afin de leur trouver les soins les plus appropriés », a déclaré Mamadou Sawadogo, représentant de Afrikajom au Burkina Faso.

« Nous mettons également en garde contre les effets totalement négatifs de l’échec continu des politiques de sécurité inadaptées sur le mental des populations gagnées par le ressentiment, les frustrations et la colère ».

Pour plus d’informations ou pour solliciter une interview, veuillez appeler le :

  • +221783046363/Alioune TINE Fondateur Afrikajom Center, Dakar
  • +22670158652/ Mamadou SAWADOGO Afrikajom Center au Burkina Faso, Ouagadougou
  • +22790977780/ Djamila FERDIANI Afrikajom Center Niger, Niamey

                                                                            Alioune TINE

Fondateur Afrikajom Center

In a study conducted by the Timbuktu Institute in Niger (Zinder Region) it has become apparent that young people often perceive the state as a repressive body. From this point of view, there is an ambiguous relationship between young people and the different branches of the state, including the security forces and the local administration, according to a survey in collaboration with International Organization for Migrations (IOM).

In fact many of the young people surveyed (42.1%) consider the State as a repressive body, and 21.1 per cent are indifferent to it; that is, they do not even know the role of the State. This culture of renunciation of the political order allows incivility in all its forms and encourages the proliferation of illegal and subversive practices. The State and political order distrust can be seen as a form of rejection exposing these young people, sometimes because of defiant motives, to extremist movements or those rejecting this type of order. Furthermore, the survey highlighted the fact that young people have relative knowledge and sometimes a positive view of terrorist organizations. This vision is all the more important if the state of mind of young people is considered in a perpetual search for role models and “heroes” who can reinforce their distrust of the political order.

Young people’s awareness of terrorist organizations operating in the Sahel is sometimes linked to the geographic proximity or to the available information through the media. The most popular extremist organizations are Boko Haram, considering the proximity to the area of intervention of this movement, the Movement for Unity and Jihad in West Africa (MUJAO), AQIM and Ansar Dine.20 Of the respondents, 260 (that is 87% of young people) declare having a good knowledge of Boko Haram and its political and religious agenda, while 17 per cent claim to know the MUJAO. The 12 per cent say the same for AQIM, while 2.3 per cent of respondents say they have a good knowledge of Ansar Dine.

Of course, it would be interesting to verify if this declared knowledge is in line with the reality of these movements and their modus operandi or rather a perception through the acts relayed by the media. The high rate of respondents claiming to know Boko Haram is naturally explained by the proximity of this group’s operations, and also by the widely broadcast regional news. Boko Haram is active in the Lake Chad Basin and neighbouring Nigeria, while the second MUJAO operates mainly in northern Tillabéri.

According to the understanding of the young people interviewed, these movements are often presented as defending a religious order or seeking to repair social injustices. Faced with the violent extremism phenomenon, these groups of young people often have fairly strong convictions, ranging from rejection to support the challenging of a system perceived as unfair. They therefore mistake the commitment to an extremist or violent movement with the defence of principles of “general interest”. The term general interest is to be understood, in this sense, as the real aspiration of the people, which would be different from what the policy of the State viewed as inadequate.

As a result, these movements arose from the contestation of the State and political authority, which were considered “unfair” to the point they had to replace it with other forms of organization that met their expectations and aspirations. Organized in formal structures, the young people met in Zinder do not have the same perceptions and attitudes about the many issues linked to violent extremism. This divergence of ideas and opinions offers the possibility of a better understanding of expectations and also of the perceptions from which actors build their reasoning and whether or not they can accept frameworks for dialogue or exchange.

Download Full report here : https://timbuktu-institute.org/images/youth_violence_extremism_zinder_niger.pdf

Zone contenant les pièces jointes

Enquête menée en décembre 2016 dans la ville de Zinder sous la Direction scientifique du Dr. Bakary Sambe, Directeur de Timbuktu Institute et coordonnateur de l’Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afrique, ce rapport  de 86 pages sur la violence des jeunes et les enjeux de l’extrémisme à Zinder (Niger) offre  des outils et des clefs pour mieux appréhender le phénomène du radicalisme religieux dans cette zone frontalière avec le Nord du Nigeria d’où sévit le groupe djihadiste Boko Haram. L’étude a été effectuée en collaboration avec l’Organisation internationale des Migrations (OIM) dans le cadre d’un projet appuyé par l’USAID ;

MAMADOU YAYA BALDE

Dans la ville de Zinder, nous révèle cette étude, les jeunes organisés en groupes informels  appelés « fadas » ou « palais », sont identifiés comme des acteurs de la violence urbaine à Zinder. Parfois, ces groupes fonctionnent comme de véritables gangs  et sont souvent liés à la délinquance, aux manifestations violentes, au trafic et à la consommation de la drogue.

La proximité de Zinder avec le Nord du Nigeria, les liens linguistiques, familiaux et ethniques ainsi que les importants flux commerciaux et de personnes existant entre les deux régions, posent la question de l’influence potentielle du groupe extrémiste Boko Haram sur la jeunesse de Zinder. Cette question est d’autant plus prégnante que des jeunes rapportent que des recruteurs du groupe Boko Haram ont approché les jeunes ‘’Fadas’’ et palais depuis 2012.

Finalement, les jeunes enquêtés pensent que les facteurs de l’extrémisme violent sont la pauvreté, l’exclusion sociale et l’injustice, mais affirment également que les leaders politiques et  religieux jouent un rôle important dans l’endoctrinement et la manipulation les jeunes, notamment à travers des intéressements financiers.

S’agissant des recommandations pertinentes issues de cette étude, nous y reviendrons dans nos prochaines publications.

Le Rapport complet est disponible sur ce lien (Full report available here)

Français : https://timbuktu-institute.org/images/Youth-Violence-FR.PDF

English : https://timbuktu-institute.org/images/youth_violence_extremism_zinder_niger.pdf

 

Depuis le 13 février 2019, l’Algérie connait une effervescence sociale et politique sans précédent, et ce au moins depuis la fin des années 1980 et les émeutes d’Alger d’octobre 1988 qui s’étaient soldées par des victimes et une réforme constitutionnelle en 1989 concédée par le président Chadli Benjedid (1979-1992).

Il y a maintenant près de dix ans, alors qu’un parfum de « printemps » embaumait l’atmosphère et le paysage d’une infime partie du monde arabe à la fin de l’année 2010 courant 2011, l’Algérie, elle, restait, en apparence, plus « stoïque » face aux mobilisations populaires des voisins maghrébins. Non pas que sa population était complètement  insensible ou indifférente à ce qui se passait d’extraordinaire au Maroc et surtout en Tunisie ; elle semblait comme plus dubitative, incrédule, tant elle en avait éprouvé les espérances déçues et le goût amer, quelque vingt ans auparavant, prise entre le marteau de la répression féroce de l’armée, des services de sécurité algériens, décidés à refermer au plus vite la courte parenthèse démocratique (1989-1991), et l’enclume des exactions terroristes de groupes islamistes radicaux qui fleurirent partout dans le pays à partir de ce moment-là.

En effet, le traumatisme de ce qui a été baptisée a posteriori « la décennie noire », à compter de l’interruption unilatérale du processus législatif de décembre 1991 qui préludait d’une écrasante victoire du Front Islamique du Salut (FIS), a été éminemment coûteux au plan politique, social, économique et humanitaire, avec près de 250 000 morts (sans compter les disparus et les blessés graves), ainsi que l’émergence d’une multiplicité de groupuscules et autres mouvements radicaux, tels que les Groupes Islamiques Armés (GIA), puis, plus tard, du GSPC (Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat), et, enfin, AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique). Ces événements constituèrent un véritable séisme moral et politique au sein de la société algérienne, avant que, difficilement, les plaies de la guerre civile se refermassent progressivement, mais non entièrement, suite à l’initiative de réconciliation nationale du président nouvellement élu, Abdelaziz Bouteflika, à partir de 1999. Ce fut alors l’adoption subséquente d’une loi dite « de concorde civile », le 08 juillet de l’année en question.

 La fracture et la déchirure profondes liées aux conséquences tragiques de « la sale guerre » des années 1990, et à la mémoire traumatique qui en fut le résultat, ont indubitablement nourri et entretenu des réflexes pavloviens à l’égard de tout changement, fût-il désirable ou souhaité. En effet, la population algérienne pouvait être perçue, à tort ou à raison, comme résignée sur son sort, préférant le statu quo autoritariste aux mouvements protestataires à l’issue incertaine. C’était, a posteriori, clairement une erreur d’analyse, probablement inhérente aux approches par trop macrosociologiques.

Lénine (1870-1924) a parfaitement défini « la période révolutionnaire » ou la crise révolutionnaire qu’explicite un lecteur attentif, le philosophe Daniel Bensaïd, en la déclinant en trois points principaux[1] :

1/ « « Impossibilité pour les classes dominantes de maintenir leur domination sous une forme inchangée ; crise du sommet, crise de la politique de la classe dominante ; […] que la base ne veuille plus vivre comme auparavant et que le sommet ne le puisse plus »

2/ « Aggravation, plus qu’à l’ordinaire, de la misère et de la détresse des classes opprimées »

3/« Accentuation de l’activité des masses. »

Sans aller jusqu’à dire que l’Algérie réunit l’ensemble de tels ingrédients révolutionnaires, il est cependant possible d’affirmer que le pays, depuis cinq mois, traverseindubitablement une période révolutionnaire. Celle-ci s’est cristallisée, originellement, sur de vives protestations contre la candidature du futur-ex président A. Bouteflika à un cinquième mandat présidentiel. Âgé de 81 ans, à la présidence depuis 1999, physiquement et intellectuellement diminué, il symbolisait dans sa chair l’impudence d’un régime en déshérence (mais tout de même résilient), d’un système politique à bout de souffle, et d’une classe politique totalement déconnectée de l’image négative, sinon de mépris, renvoyée à sa population. D’ailleurs, l’impotence d’Abdelaziz Bouteflika permettait, comme le rappelle à juste titre le chercheur Mohammed Hachemaoui, de (se) poser la question de savoir « qui gouverne (réellement) l’Algérie[2] ? », pour permettre une telle représentation présidentielle, profondément humiliante pour les Algériens d’Algérie et de l’étranger.

Le slogan, entonné pour la première fois à Bordj Bou Areridj (entre Sétif et Alger, soit au centre-nord du pays) par les manifestants opposés au cinquième mandat de Bouteflika, fut : « Pas de cinquième mandat ! » ou « Hors de question un cinquième mandat[3] ! ». S’ensuivirent plusieurs rendez-vous populaires, dépassant les clivages sociaux, ethniques et religieux, ce qui fait au demeurant la force du hirak (soulèvement). Le 16 février, une marche importante fut ainsi organisée à Kherrata (Béjaia), en Petite Kabylie,  contre « le mandat de la honte ». Première différence remarquable avec les soulèvements populaires de 1988, la police ne tirera pas sur la foule et n’engagera pas de rapport de force avec les manifestants, craignant un bain de sang, et la circulation potentiellement préjudiciable pour l’Etat d’images de morts et de blessés en dehors des frontières nationales. Les manifestations vont par conséquent aller crescendo et à chaque fois un peu plus loin dans les revendications, sans doute aussi en raison de l’absence de réaction violente de la part de la police et des militaires.

 Il n’y a toutefois pas « d’immaculée contestation », car nous aurions tort, en effet, de croire à un mouvement spontané, sans racines plus profondes, non pas pour invoquer on ne sait quelles fallacieuses manipulations[4] secrètes, mais pour énoncer le fait que, en contexte autoritaire notamment, une situation de crise liée apparemment à un événement particulier, purement conjoncturel,traduit en fait un malaise plus profond, plus ancien, plus structurel, in fine à la jonction du socio-économique et du politique.

En effet, le vendredi 22 février (les mobilisations le vendredi ne sont pas le fruit du hasard en contexte majoritairement musulman, car il s’agit, fût-ce pour des esprits laïques ou sécularistes, d’un jour particulier, voire un jour « saint » où beaucoup ne travaillent pas ; il est donc plus aisé de mobiliser à cette occasion). Ce sont « des dizaine de milliers d’Algériens qui manifestent dans une vingtaine de villes en réponse à un appel anonyme lancé sur Facebook contre le régime de Bouteflika et de sa famille[5] », notamment son frère, l’éminence grise de la présidence, Saïd Bouteflika. On voit combien les réseaux sociaux, sans être évidemment la cause suffisante des manifestations et de leur poursuite, restent néanmoins un instrument décisif dans la transmission d’informations, de la publication d’images et de témoignages, et, au fond, dans l’entretien d’un imaginaire contestataire.

Au fur et à mesure des semaines, l’exemplarité des personnes et groupes mobilisés issus majoritairement de la société civile, de par leurs modes d’action éminemment pacifiques, a permis un de nouveaux ralliements, un approfondissement et une précision constants de la nature des demandes, au premier chef « l’Etat de droit ». Ce qui suppose, au moins de façon tacite, de repenser à nouveaux frais les mécanismes d’allocation du pouvoir politique et par conséquent de toucher au cœur de réacteur du régime prétorien en place depuis 1965.

Sous la pression de ce qu’il est convenu d’appeler quelquefois avec condescendance la rue, plusieurs faits et changements sont intervenus, apparemment anecdotiques/cosmétiques ou non : premier événement saillant, après que différentes strates de la société eurent rallié le mouvement général de contestation, à l’image des avocats, des juges, des lycéens, des syndicalistes, etc. : le lundi 11 mars, Ahmed Ouyahia, un des autres hommes forts du régime,  présente sa démission en tant que Premier ministre, alors qu’il soutenait jusqu’au dernier moment la candidature d’A. Bouteflika ; le 26 mai 2019, il est renvoyé devant la cour suprême algérienne pour des soupçons de corruption ; le 12 juin suivant, il est à ce titre placé en détention provisoire et, depuis lors, incarcéré à la prison d’El-Harrach. Le mardi 26 mars, le chef d’état-major de l’Assemblée Nationale Populaire (ANP), le général de corps d’armée, Ahmed Gaïd Salah (lui-même visé par les manifestants), en vertu de l’application de l’article 102 de la Constitution (en référence à « un état d’empêchement » du président), contraignait A. Bouteflika à quitter son poste, lequel en prit acte, en annonçant le 02 avril sa démission. L’armée, de concert avec la justice, en vue de faire redescendre le niveau et l’intensité des protestations, fait à dessein emprisonner des figures liées de près ou de loin au régime et à son fonctionnement clientéliste, en particulier des hommes d’affaires très riches ou des généraux impliqués dans la corruption. Cependant, comme le souligne le chercher Saïd Belguidoum, la corruption est tellement généralisée et structurelle, qu’elle impliquerait des jugements et emprisonnements encore plus importants et sans doute davantage retentissants si le processus devait être mené jusqu’à son terme[6].

Malgré la persistance des manifestations en Algérie et la demande de plus en plus aiguë d’un changement effectif de régime (c’est-à-dire des modes de distribution et d’affectation d’un pouvoir qui serait institué en des termes clairs et transparents), la hiérarchie militaire- qui reste à ce jour l’épine dorsale du régime malgré les rapports de force en son sein et le fait qu’elle vacille comme n’importe quel autre corps social, tient tête ; elle se contente jusqu’à présent de lâcher du lest, par petites doses, pour que, au fond, la contestation n’atteigne jamais les ressorts  et rouages fondamentaux de l’édifice du « pouvoir réel », selon l’expression du politiste Lahouari Addi. Au fond, il s’agit de transformer à la marge, afin que rien (de fondamental) ne change…On pourrait filer la métaphore suivante pour décrire la situation du pouvoir en Algérie : les chefs de chantier ( soit la hiérarchie militaire et les élites politiques cooptées ou ralliées) s’adonnent à une espèce de ravalement de façade de l’édifice politique, formellement donc, sans que les intérieurs ne soient pour autant structurellement revus et corrigés; tout au plus, seuls quelques étages sont réfectionnés, en mettant aux arrêts telle ou telle personnalité économique ou politique, en vue de calmer les manifestants et la gronde croissante de plus en plus de segments de la société algérienne.

Enfin, on s’interroge souvent, et à juste titre, sur le rôle et l’attitude des islamistes (ou acteurs de l’islam politique) en périodes troublées, agitées, révolutionnaires. En parfaits conservateurs et défenseurs de l’ordre établi, surtout s’ils sont en situation de transactions collusives avec l’Etat et ses plus hauts représentants, ils se montrent par conséquent peu enclins à rejoindre la rue au risque de perdre le capital acquis par des années d’institutionnalisation, de compromis, voire de compromission avec les élites autoritaires. En Algérie, cette donne s’est amplement confirmée, le MSP (Mouvement pour la Société et la Paix), le principal pari islamiste légaliste ayant participé au gouvernement d’A. Bouteflika, restant dubitatif et en retrait tactique. De manière opportune, sinon opportuniste, des représentants du mouvement islamiste en question, à l’instar Abderrazak Makri, sont apparus dans des cortèges de manifestants, le 08 mars notamment ; ils furent conspués par la foule[7].

Même si le régime militaire tient bon, il ne faudrait pas céder à l’illusion ou le fantasme d’un deus ex machina, c’est-à-dire d’une hiérarchie toute puissante et exclusivement manipulatrice ; cette dernière reste elle-même soumise à des craquements ou conflits internes, à la manière de lire ou de répondre à l’effervescence populaire.

Il semblerait que la tenue des élections présidentielles ne soit possible, aux yeux des personnes et mouvements mobilisés, qu’à la condition qu’une refonte du système politique, des règles du jeu et un engagement réel et fondé des élites gouvernantes, civiles ou militaires, soit clairement envisagée. A ce jour, c’est la principale inconnue de l’équation algérienne.

 

Par Haoues Seniguer

Maître de conférences à Sciences Po Lyon

Chercheur au Laboratoire Triangle CNRS UMR 5206- Lyon