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Le développement des groupes qui menacent la sécurité des populations et des pays, à différentes échelles, du plus local au global, n’est pas étranger à l’effondrement ou à l’affaiblissement des Etats, comme en témoignent les précédents somalien, irakien, yougoslave, et comme on le voit aujourd’hui dans divers pays dont la Libye. Dans ce pays, une insurrection mit fin, en 2011, à plus de 40 ans de règne dictatorial de Mouammar Kadhafi  (1942 -2011), à l’issue d’une guerre civile soutenue par une coalition internationale, sous mandat des Nations Unies, et dirigée par la France dans le cadre de l’opération Harmattan. Depuis, la Libye, vit simultanément les conséquences de la politique menée par Kadhafi, la résurgence des structures tribales étouffées par la dictature  mais sans réellement disparaître,  le poids des interventions étrangères et les affrontements entre groupes armés d’idéologies aussi meurtrières que les armes que leur fournissent généreusement les puissances internationales et régionales intéressées, avant tout, par les richesses de l’un des pays les  vastes du continent africain.

Le régime politique instauré par Kadhafi a conduit à l’affaiblissement des institutions antérieures au profit d’une autocratie faisant de sa personne la clef de voute de l’Etat, en tant que « guide » d’une « révolution permanente » et d’un système populiste appelé la « Jamahiriya », (auto-gouvernement des masses), où il joue le rôle de médiateur-arbitre entre les composantes d’une société structurée par les solidarités tribales et vivant de la rente des hydrocarbures et du recours massif à une main-d’œuvre étrangère. Dès la chute du régime de Kadhafi, les clivages historiques entre la Tripolitaine, la Cyrénaïque et le Fezzan ont ressurgi. Le Conseil National de transition, mis en place au lendemain de l’effondrement de la «Jamahiriya», a essayé de réunir des représentants des  régions, des tribus, des villes et des milices locales qui ont participé à l’insurrection, dans l’espoir de reconstruire l’État, restaurer les infrastructures économiques, et prévenir les séparatismes. Cependant, depuis 2011, le pays a sombré dans un chaos qui a débouché, dès 2014, sur une guerre opposant des gouvernements autoproclamés, avec des soutiens étrangers et l’implication de milices et de divers groupes armés mobilisant des solidarités claniques, tribales, ethniques ou supranationales. Les pays limitrophes de la Libye, dont la Tunisie, l’Algérie, le Mali, le Tchad et l’Egypte sont directement menacés par les conflits qui déchirent le pays et par les effets de la confrontation entre les puissances étrangères soutenant les différentes factions qui se disputent le pouvoir et les richesses du pays.

Au Mali, les insurrections indépendantistes, puis djihadistes menées par les groupes liés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique, ainsi que les violences intercommunautaires, ont fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés. Le président malien est de plus en plus contesté face à cette insécurité grandissante. L'imam charismatique Mahmoud Dicko, du Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD) se positionne comme une figure clef de la crise Malienne. Arzouma Kompaoré a joint l’expert Bakary Sambe, directeur de l’institut Timbuktu pour un analyse de la situation.

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Source : www.voaafrique.com

 

L’attaque ce matin d’un poste militaire à Kafolo, dans le nord-est de la Côte d'Ivoire, à la frontière avec le Burkina Faso a fait une "dizaine de victimes" selon l’état-major voirien. Est-ce un nouveau front pour les mouvements djihadistes au Sahel? Bagassi Koura a joint Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute-African Center for Peace Studies à Dakar.

Pour écouter Dr Bakary Sambe

Face à la crise sanitaire et humaine déclenchée par la Covid-19 dans le monde, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a souligné le rôle crucial des chefs religieux pour promouvoir la solidarité dans la bataille contre la pandémie.

(Note aux lecteurs : nous utilisons désormais le mot Covid-19 au féminin comme le recommande l’Académie française plutôt qu’au masculin. Covid est l'abréviation du terme anglais «Coronavirus disease» qui se traduit par «maladie du coronavirus». «Maladie» étant un mot féminin la règle est d'employer le féminin quand on utilise le terme Covid)

« Nous sommes tous vulnérables - et cette vulnérabilité partagée révèle notre humanité commune. Elle met à nu notre responsabilité de promouvoir la solidarité comme fondement de notre réponse - une solidarité fondée sur les droits de l'homme et la dignité humaine de tous », a déclaré M. Guterres lors d’une visioconférence de haut niveau sur le rôle des dirigeants religieux dans la réponse aux défis de la Covid-19.

Le Président de l’Assemblée générale des Nations Unies, Tijjani Muhammad Bande, le Haut-Représentant de l’Alliance des civilisations des Nations Unies, Miguel Angel Moratinos, le Conseiller spécial du Secrétaire général pour la prévention du génocide, Adama Dieng, ont également participé à cette conférence, ainsi que des chefs religieux catholique, juif et musulman, respectivement le cardinal Miguel Angel Ayuso Guixot, le rabbin Arthur Schneier et le secrétaire général de la Rabita Mohammadia des Oulémas du Maroc, Ahmed Abbadi.

Mettre de côté nos différences

Selon le Secrétaire général de l’ONU, cette pandémie met en évidence le rôle « crucial » des chefs religieux dans leurs communautés et au-delà.

« Nous savons des crises de santé publique précédentes - du VIH/sida à Ebola - que les actions des chefs religieux influencent les valeurs, les attitudes, les comportements et les actions des gens », a-t-il ajouté. « Et avec cette influence vient la responsabilité de travailler ensemble, de mettre de côté les différences et de traduire nos valeurs communes en action ».

Le chef de l’ONU a souligné quatre domaines dans lesquels les chefs religieux peuvent jouer un rôle central pour proposer des solutions permettant de lutter contre la pandémie et de mieux se relever.
Il a tout d'abord remercié les chefs religieux d'avoir soutenu son appel à un cessez-le-feu mondial « afin que nous puissions ensemble nous concentrer sur la lutte contre notre ennemi commun – la Covid-19 ». Mais il a noté que des conflits font toujours rage dans de nombreux endroits et que l'ethno-nationalisme, la stigmatisation et les discours de haine ciblant les communautés vulnérables sont en hausse. 

Il a donc demandé aux chefs religieux « de dénoncer activement les messages inexacts et nuisibles et d'encourager toutes les communautés à promouvoir la non-violence et à rejeter la xénophobie, le racisme et toutes les formes d'intolérance ».

Le Secrétaire général s’est aussi déclaré inquiet de l’augmentation alarmante de la violence contre les femmes et les filles. Il a appelé les chefs religieux « à condamner catégoriquement ces actes et à soutenir les principes communs de partenariat, d'égalité, de respect et de compassion ».

Face à la propagation de la désinformation, M. Guterres a demandé aux chefs religieux de tirer parti de leurs réseaux et de leurs capacités de communication pour aider les gouvernements à promouvoir les mesures de santé publique recommandées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) - de l'éloignement physique à une bonne hygiène - et pour garantir que les activités confessionnelles, y compris le culte, les cérémonies religieuses et les pratiques funéraires, se conforment à ces mesures.

Enfin, alors que la grande majorité des écoles et universités sont fermées, le Secrétaire général a exhorté les chefs religieux à soutenir la continuité de l'éducation, en travaillant avec les prestataires de services éducatifs pour trouver des solutions afin que l'apprentissage ne s'arrête jamais.

Le Président de l’Assemblée générale des Nations Unies, Tijjani Muhammad Bande, a également souligné le rôle important joué par les organisations confessionnelles et les chefs religieux en temps de crise.

« Ils fournissent des services aux pauvres et donnent de l'espoir aux désespérés », a-t-il noté. « La foi a une place unique dans nos vies, en particulier en ce qui concerne la façon de traiter les autres comme nous aimerions être traités. En période de grande anxiété, la foi peut être une source importante de confort et de résilience communautaire ».

Le chef de l’Alliance des civilisations plaide pour une action coordonnée

Le Haut-Représentant de l’Alliance des civilisations des Nations Unies, Miguel Angel Moratinos, a également plaidé pour « une action coordonnée, décisive et inclusive des acteurs étatiques et non étatiques, y compris les chefs religieux et les organisations confessionnelles », face à la crise de la Covid-19.

« Dans les crises qui bouleversent la vie, lorsque les gens sont désespérés, la foi est souvent leur point d’ancrage et le lieu vers lequel ils se tournent pour se consoler et espérer. C'est là que le rôle des chefs religieux entre en jeu », a-t-il dit.

Dans ce contexte, il a jugé « encourageant de voir combien de chefs religieux et de communautés de foi ont agi rapidement et se sont placés en première ligne en fournissant des services précieux à leurs communautés ».
Selon M. Moratinos, de nombreux chefs religieux ont une capacité de mobilisation ainsi que la confiance des communautés qu'ils servent.

« Ils ont la responsabilité de promouvoir les messages sur l'égalité des sexes; de dénoncer la stigmatisation et les discours de haine; de dissiper la désinformation et les rumeurs; de défendre l'inclusion des populations vulnérables (…); de plaider pour leurs droits et l'accès aux diagnostic, aux traitements et aux vaccins; de partager des informations précises fondées sur des preuves; et de s'opposer publiquement aux déclarations et actes encourageant la violence et les violations des droits de l'homme », a-t-il ajouté.

Source: https://news.un.org/

Cette note d'Analyse n°1 est réalisée dans le cadre d'une série d'études avec le soutien de la Fondation Konrad Adenauer (Dakar) sur les réponses des sociétés civiles à la pandémie de covid-19 au Sahel

L’expression « village planétaire » n’a jamais été aussi d’actualité que dans ce contexte de pandémie de COVID-19 qui fait actuellement infléchir la planète entière indépendamment du niveau d’industrialisation ou de développement. Considérée comme la première véritable épidémie de la mondialisation, la COVID-19 a instauré une forme d’égalité de condition entre Nations et continents.

D’une conception lointaine que l’on se faisait ironiquement du « virus chinois », on est très vite arrivé à une crise sanitaire mondiale aux conséquences incalculables dont l’Afrique n’a pu échapper. Aucun des 54 pays du continent n’est aujourd’hui épargné par la pandémie avec, à ce jour, un lourd bilan en moins de trois mois : +100 000 cas et +3 000 décès selon le Centre pour la prévention et le contrôle des maladies de l’Union Africaine.

Depuis l’enregistrement du premier cas de COVID-19 au Nigéria fin février, il a fallu seulement quelques semaines au virus pour qu’il touche tous les pays comme pour s’accommoder à l’environnement sahélien. 

Face à cette situation les États de la région ont mis en place des plans de riposte pour gérer la nouvelle donne. À défaut d’opter pour un confinement avec tous les moyens que cela nécessite, des mesures ont été prises telles que la fermeture des frontières, l’instauration de l’état d’urgence assortie d’un couvre-feu dont les horaires sont variables d’un État sahélien à un autre, l’interdiction des rassemblements publics sans mention expresse sur la fermeture des lieux de culte, etc.

Ayant touché à l’ensemble des domaines d’activités et des secteurs socioéconomiques, la pandémie a aussi impacté le domaine religieux qui est d’une importance capitale dans cette région qui semble moins affectée que beaucoup d’autres par les effets de la sécularisation et du recul théorisé du religieux. Ce dernier conserve toute sa vigueur dans les sociétés sahéliennes.

Au regard de l’importance que revêt le champ religieux dans les dynamiques sociétales au Sahel, il a semblé intéressant d’interroger la manière dont la pandémie et sa gestion l’ont affecté à travers plusieurs variables.

C’est dans cette perspective que s’inscrit la présente recherche préliminaire s’intéressant aux acteurs et discours religieux ainsi que leur rapport avec la gestion de la pandémie dans les différents pays du Sahel.

Même si dans l’ensemble, les discours religieux se sont illustrés, dès le début de la pandémie, à travers leur adhésion à la plupart des mesures pour l’essentiel inédites, les acteurs religieux n’ont pas toujours eu des positions unanimes sur les décisions politiques et administratives régulant le culte et le domaine du sacré dans cette période spécifique.

Certes le domaine du sacré a toujours été en interaction avec celui du politique dans ces pays, mais ces derniers mois ont été marqués par un ensemble de mesures et de dispositions dont le but était de réguler le culte dans le cadre de précautions hygiéniques et sanitaires. 

Pendant que certains États ont mis en place des mesures plus strictes en fermant les lieux de culte quitte à faire passer certaines autorités comme des « ennemis de la religion », d’autres ont opté pour un dialogue ouvert avec les acteurs religieux privilégiant la négociation. Dans ce sillage, des observateurs analysent ce dernier choix comme une déresponsabilisation de l’État souverain, pendant que d’autres y voient une mise en pratique du principe de laïcité impliquant la séparation des pouvoirs temporel et spirituel.

Dans l’espace sahélien, aussi limitatives que les mesures puissent paraître les attitudes des acteurs religieux pourraient être classifiées en trois catégories selon qu’elles soient volontaristes, collaboratives ou contestataires.

Du fait de la difficulté matérielle de mener des enquêtes de terrain au regard de la situation sanitaire, une équipe de veille a été mobilisée qui s’est appuyée sur une netnographie analytique. En fait, la situation des différents pays analysée a été suivie au jour le jour avec un focus sur les interactions entre autorités politiques et acteurs religieux autour de la gestion d’une question sanitaire.

Cette  note d’analyse traite des différentes actions et discours religieux face aux mesures restrictives liées à la gestion de la pandémie de COVID-19 dans les pays du G5 Sahel et au Sénégal sous l’angle du triptyque relatif aux actions volontaristes, aux initiatives contributives et aux actions contestataires défiant l’autorité politique.

La pandémie de Covid-19 a de nouveau illustré les ambiguïtés et les lacunes de la gouvernance du religieux par l’Etat sénégalais (source Le Monde)

Tribune. Faut-il y voir une simple contradiction ou l’illustration d’une tendance de fond ? Alors que l’Etat sénégalais, sous pression, a « autorisé » la réouverture des mosquées au public en pleine pandémie de coronavirus, pour l’Aïd el-Fitr, le président Macky Sall est resté prier dans sa résidence de Mermoz, en contradiction avec la « tradition républicaine ».

En réalité, le Sénégal vit pleinement le paradoxe des Etats laïcs devant gouverner le religieux sans autorité de régulation du culte acceptée de toutes les communautés. Le schéma d’une « exception sénégalaise » dans ce domaine a bien changé. L’analyse des discours depuis plus d’une décennie montre qu’il faudra désormais déplacer le curseur de l’islam politique au Sénégal.

Le salafisme wahhabite n’a pas le monopole de l’extrémisme et se montre, même parfois, plus empreint de « modernité » et d’ouverture sur beaucoup de questions comme l’illustre leur position plus conciliante sur la fermeture des mosquées, admise en tant que mesure d’hygiène. Même les autorités s’inscrivent dans la logique de collaboration avec ces mouvances « réformistes » pour leur contrôle ou comme contrepoids aux forces confrériques.

« Consensus mous »

L’autre particularité du Sénégal est que la gestion du religieux est faite de fuites en avant en différant les questions « sensibles ». Chaque régime laisse au suivant la patate chaude religieuse : délimitation du statut et des prérogatives des religieux, réforme de l’enseignement. Le manque de courage politique et des calculs électoralistes sont à l’œuvre, alors qu’il s’agit d’un enjeu vital pour l’avenir du Sénégal.

Ainsi, les mêmes problèmes structurels – liés au statut des écoles coraniques et à la mendicité des enfants ou au conflit entre parents d’élèves musulmans et écoles catholiques sur le port du voile – vont ressurgir à tout moment après des solutions conjoncturelles et politiciennes.

Dès le début de la pandémie, le politique a esquivé le débat en l’abandonnant à des théologiens peu au fait de l’évolution du débat global sur le religieux. Dans ses discours successifs, Macky Sall a joué sur les nuances d’une langue, le français, que la majorité de la population ne comprend pas, à la recherche de « consensus mous ». Une manière d’éviter une prise de position exposant l’autorité centrale.

Pour fermer les mosquées, le président de la République s’est réfugié derrière des décisions administratives. Pour les rouvrir, il s’est mis au-devant de la scène, engrangeant le bénéfice politique. Pour comprendre les dessous d’une telle politique il faut s’arrêter sur trois faits intéressants à analyser.

Cacophonie autour des mosquées

Primo : avec l’assouplissement des mesures préventives, Macky Sall veut s’éviter une islamisation des inévitables contestations à venir, surtout sur le plan socio-économique et politique. Il a dû sentir monter une tension dans laquelle il y avait une convergence de vue de divers acteurs et organisations de la société civile, activistes religieux et porteurs de revendications corporatistes.

Connu pour ne jamais faire face à deux fronts en même temps, Macky Sall, l’ingénieur, disséqua les problèmes : calmer, d’abord, le front religieux dénonçant la fermeture des mosquées et assouplir, ensuite, le couvre-feu pour soulager le monde économique.

Deusio : par un dialogue aux apparences inclusives, Macky Sall a réussi à scinder le champ islamique en se servant de sa multiplicité et de ses divisions. Il s’est occupé des khalifes des confréries, tandis que son ministre de l’intérieur a pris langue avec les autres acteurs, représentants des confréries, réformistes et mouvances salafistes. La cacophonie autour de la réouverture des mosquées a fait le reste du travail politique, offrant en spectacle une scène islamique sénégalaise jamais autant divisée.

En même temps, l’Etat implique des acteurs islamiques devenus collaborateurs agréés pour la sensibilisation sur les mesures hygiéniques. Un acteur très averti des dynamiques politico-religieuses confie : « Quand les forces religieuses sont divisées, c’est en général, la République qui gagne. »

Un éventuel « front islamique »

En plus de désamorcer un éventuel « front islamique » ou pouvant islamiser les contestations, cela a permis de le réduire à plusieurs groupuscules devenus rivaux. Les surenchères interconfrériques montent sur l’ouverture ou non des mosquées ou la tenue des prières dans une atmosphère inespérée de discorde politiquement « utile ». Dans son management des forces religieuses, l’Etat s’est toujours servi des acteurs islamiques « à la carte ».

Tertio : l’Etat a réussi à garder intacts les rapports traditionnels avec les confréries et leur leadership en vue de leur intercession future en cas de tensions, de troubles ou de conflits sociaux. Et nous revoilà en plein cœur de ce « contrat social sénégalais » qui a jusqu’ici fonctionné à merveille. Sauf qu’il faudra être prudent sur l’avenir. Les accointances répétitives avec le pouvoir politique ont dû peser sur la crédibilité du discours confrérique auprès de différentes franges de la population.

L’expérience des quinze dernières années a montré le caractère non déterminant du soutien politique des confréries lors des différentes échéances électorales. Abdoulaye Wade fut élu en 2000, alors qu’Abdou Diouf bénéficiait du soutien de la majorité des marabouts. Macky Sall est arrivé au pouvoir dans un contexte où Abdoulaye Wade a été soutenu comme jamais un homme politique par les confréries.

Le président Sall, en 2019, a été fortement réélu en perdant dans des villes symboliques sur le plan confrérique et religieux. De plus, il y a une diversification poussée de l’offre sur le marché religieux sénégalais où l’islam local est rudement mis à l’épreuve par la mondialisation du croire et une démocratisation émancipatrice de l’accès au savoir religieux. Les disciples citoyens ont, depuis, intégré, une « nouvelle conscience » confrérique, dissociant l’allégeance spirituelle de l’engagement politique.

Au-delà de la gestion conjoncturelle des crises, il va falloir, un jour, affronter la gouvernance du religieux au Sénégal comme ailleurs dans la région. D’importantes questions restent entières. Pour l’heure, l’approche et la vision utilitariste similaires à celles du Bureau des affaires musulmanes au temps de la colonisation dominent la pratique des régimes successifs. Différer éternellement les problèmes ne les résout pas et les fait encore moins disparaître.

Gouverner, en dehors de prévoir, c’est aussi prendre des risques politiques et assumer des responsabilités. Les « consensus mous » ne sont jamais durables, rien que par l’évolution des acteurs et de leurs intérêts. Ceux « supérieurs » doivent guider la conduite des affaires d’un pays, au-delà des logiques de conservation ou de consolidation du pouvoir. Le vrai réalisme est celui qui fait prendre conscience qu’acheter la paix mène souvent à la guerre.

Bakary Sambe est directeur du Timbuktu Institute et enseignant-chercheur au Centre d’étude des religions de l’université Gaston-Berger de Saint-Louis du Sénégal.

www .timbuktu-institute.org 

(Niamey et les 2 jours) - Malgré la crise sanitaire liée au covid-19, on pourrait dire que les terroristes ne connaissent pas de répit. L’Ouest du Niger a récemment subi de violentes attaques dans de nombreux villages de la commune d'Anzourou située à une cinquantaine de kilomètres de Tillaberi, « C’est une tendance régionale », rappelle Bakary Sambe, directeur de Timbuktu Institute basé à Niamey et Dakar, qui souligne que « ces incursions des groupes terroristes se multiplient aussi bien au Sahel, notamment au Mali, que dans le bassin du Lac Tchad. »

Dans ce contexte où les États s’interrogent sur l’issue de cette crise, la communauté internationale semble préoccupée par la gestion de la pandémie. À l’instar du Tchad, le Niger fait encore face à des tentatives d’incursions de Boko Haram dans la région de Diffa. Surtout que comme le souligne, toujours, Bakary Sambe, « Boko Haram a l’habitude de surprendre les FDS dès que le niveau des eaux de la rivière Komadougou baisse comme lors de la bataille de Bosso en 2015 ». Mais, pour le directeur de Timbuktu Institute, « le défi particulier du Niger est de devoir combattre sur deux fronts et en même temps contre les attaques de l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) dans la région de Tillaberi et contre Boko Haram vers Diffa ». Toutefois il souligne que le Niger a récemment adopté la bonne stratégie qui a consisté à « ne pas laisser à Boko Haram l’avantage de l’offensive ».

Dans ce même entretien accordé à Niamey et les 2 jours, Dr. Bakary Sambe révèle qu’au moins « 70 terroristes de Boko Haram auraient été tués entre le 11 et 12 mai 2020 par le Bataillon spécial de sécurité en territoire nigérian dans le cadre de la Force Multinationale mixte ». 

« Le fait que les forces nigériennes aient anticipé dès les attaques perpétrées par les terroristes au poste frontalier de Doutchi à la frontière nigero-nigériane proche de Diffa les 2 et 5 mai derniers, a été très stratégique et a permis de prendre les devants », souligne Dr. Sambe.

Mieux, pour lui, « ces opérations qui permettent de détruire les bases logistiques de Boko Haram découlent d’une stratégie offensive largement plus payante que les positions statiques qui ont l'inconvénient majeur de permettre à un ennemi d'être le maître de l'agenda ».

Dakar – Voici trois questions à M. Bakary Sambe, Directeur du Think tank “Timbuktu Institute-African Center for Peace Studies”, enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, au Sénégal, et auteur notamment de “la politique africaine du Maroc, 2011”, qui revient sur l’initiative royale visant à limiter la propagation de la pandémie du Covid-19 en Afrique :

1- SM le Roi Mohammed VI a proposé le lancement d’une initiative de Chefs d’Etat africains visant à établir un cadre opérationnel afin d’accompagner les pays africains dans leurs différentes phases de gestion de la pandémie du Covid-19.

Que pensez-vous de cette initiative ?

-Le fait de lancer une initiative africaine en fédérant ses partenaires traditionnels, comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire, est le signe d’un leadership assumé de la part de Sa Majesté et d’un ancrage continental encore plus marqué, tout en confortant le Maroc dans une posture claire de “bridging power” devant drainer des synergies constructives au niveau continental.

Il serait hautement souhaitable que d’autres pays se joignent à cette initiative historique à un tournant essentiel dans les rapports internationaux.

Le Maroc, sous la conduite de sa Majesté le Roi Mohammed VI, a démontré que l’Afrique pouvait se départir du statut de continent importateur de solutions pour endosser la responsabilité de proposer des alternatives crédibles.

2-Quel sera l’apport, selon vous, d’une telle initiative pour faire face à l’impact sanitaire, économique et social de la pandémie ?

-On a tendance à réduire la présence marocaine en Afrique à une simple percée économique et à un “soft power” nourri par les ressources symboliques du religieux, en perdant de vue la dimension Sud-Sud de sa coopération avec le reste du continent mais aussi la rupture paradigmatique qu’il opère contrairement à une vision afro-pessimiste répandue.

Ses performances économiques et aujourd’hui son mode de résilience face à la pandémie, sont des éléments de stimulation d’une prise en charge africaine de la crise sanitaire par les pays de région. La réponse marocaine est une combinaison d’approches économique et scientifique d’une crise multidimensionnelle.

3-Quelle stratégie doit-on mettre en œuvre pour amortir le choc de la crise virale et éviter des conséquences catastrophiques pour le continent ?

-Dans la gestion de cette crise, le Maroc a démontré sa capacité de mobiliser son capital humain comme si chaque citoyen s’était approprié une mission nationale.

Le Maroc a montré au reste du continent que nos pays pouvaient mobiliser leurs ressources endogènes, développer une résilience et tester leurs capacités à formuler une réponse adéquate à une crise de cette ampleur sans être limités par l’absence de moyens comparables aux autres pays du Nord.

Au Niger, dans la région d’Agadez qui a été marquée par des violences dans les années 1990, les responsables religieux se sont organisé dans le cadre d’un « Observatoire » regroupant toutes les confessions, afin de résoudre les  conflits récurrents et de maintenir les bases d’une cohésion sociale. L’action de cet Observatoire est multiforme, allant de la médiation auprès des familles au règlement des conflits découlant de divergences de nature religieuse, sociale ou d’autres.

L’Observatoire s’active, aussi, dans le renforcement des capacités des leaders religieux et traditionnels. Ainsi, dans le cadre de la médiation communautaire, cet Observatoire a permis de former des leaders communautaires au rôle de « guides » et de « référents » dans des localités où les services sociaux sont, parfois, quasi inexistants et où les religieux se retrouvent seuls face à des jeunes pleins d’interrogations.

Cet instrument de régulation a été, par exemple, au cœur de la stratégie de prévention de l’extrémisme violent contre lequel la région d’Agadez qui a pourtant connu des conflits de par le passé, développe une certaine résilience comparée à d’autres zones frontalières du Sahel.

 

Mais voilà que cet outil arrive à s’adapter aux enjeux et aux situations nouvelles en s’impliquant par le bais des leaders religieux de différentes obédiences et confessions pour devenir un véritable instrument de prévention et de lutte contre la pandémie du coronavirus.

 

D’après ce leader religieux connu pour son implication dans l’appui aux projets de développement et la prévention des conflits dans la ville du nom d’El Haji Namadina, « l’Observatoire s’est vite impliqué sans même attendre  d’être sollicité par les autorités ».  « Nous avons déclenché notre plan de communication à travers le dispositif concerté suite à une discussion au sein de l’Observatoire », rapporte t-il aux chercheurs de Timbuktu Institute qui suivent cette dynamique depuis plusieurs années dans le cadre d’un dispositif de veille sur les stratégies endogènes

 

Pour plus d’impact et de proximité avec les communautés locales, les leaders religieux d’Agadez ont mis en place un « comité des grands témoins de l'Observatoire » présidé par le Sultan de l’Aïr et composé de tous les Imams dirigeant la prière du vendredi, un Prêtre, un Pasteur et le Président ainsi que le Secrétaire Général.

 

Afin de décentraliser son action dans les différentes communes de la région comme Arlit, Ingal et d’autres, les leaders religieux ont institué des comités de veille appelés « Gao Nassiha ». Ces Comités de veille citoyen et médiation communautaire qui existent à présent dans tous les quartiers et villages de la région ont pris le relais de l’Observatoire religieux dans le travail de sensibilisations aux mesures d’hygiène et gestes barrières.

 

Dans le cadre d’une démarche inclusive et d’une stratégie fondée sur l’implication des « voix écoutées » au sein de la communauté, l’Observatoire a doté ces comités décentralisés d’une instance de concertation chargée comprenant dans toutes les localités couvertes, un Chef traditionnel, une femme leader, un  Imam ainsi que deux jeunes en tenant compte de l’équité du genre dans les représentations.

 

L’Observatoire tient des réunions régulières et travaille en synergie avec les équipes médicales ainsi que les autorités dans le cadre de cette lutte dont la partie la plus gagnable pour les pays africains est certainement la phase de la prévention.

 

Source www.timbuktu-institute.org 

 

Une quarantaine de pays africains parmi les plus pauvres au monde vont bénéficier d’une suspension de leur dette pendant 12 mois, une mesure d’urgence décidée par le G20 pour aider des économies déjà vulnérables pétrifiées par le ralentissement mondial lié au coronavirus.

 

D’où vient la dette africaine?

A leur indépendance, dans les années 1960, plusieurs pays africains ont hérité de dettes issues de la colonisation et se sont également endettés auprès de la communauté internationale pour bâtir leurs nouveaux Etats.

 

« C’était très abordable car les taux d’intérêt étaient proches de zéro. Mais le drame c’est que les Etats africains se sont endettés à des taux d’intérêt variables », explique l’économiste togolais Kako Nubukpo.

Or, à la fin des années 1970, après les chocs pétroliers, les taux montent en flèche.

« Les pays africains se sont retrouvés à rembourser à des taux très élevés une dette qu’ils avaient contractée à des taux très faibles. Le côté insoutenable de la dette africaine est né à ce moment-là », décrypte Nubukpo.

C’est à cette période que les politiques d’ajustement structurel voient le jour avec des prêts de la Banque mondiale ou du Fonds monétaire international en échange de réformes pour libéraliser l’économie.

Un troisième vague d’endettement intervient dans les années 2000 avec l’arrivée de la Chine, qui devient rapidement le premier créancier du continent.

« C’est un cycle où nous sommes sortis du colonialisme pour tout de suite entrer sous le joug de l’endettement », déplore pour l’AFP le philosophe camerounais Achille Mbembe.

Suspension, annulation: vraiment possible?

Mercredi, plusieurs créanciers publics, ont accepté la suspension pour douze mois de la dette des pays les plus pauvres, dont font partie 40 Etats africains.

Un report, à défaut d’une annulation, qui ne devrait représenter qu’une petite partie de l’endettement total du continent estimé à 365 milliards de dollars, dont environ un tiers est dû à la seule Chine.

« Contrairement à ce que l’on a connu dans les années 80 où ce n’était que de l’endettement auprès d’Etats souverains, la dette africaine est aussi détenue désormais par des investisseurs privés, comme des fonds d’investissement », pointe Nubukpo.

Car outre les prêts accordés, souvent à des taux très bas, par certains Etats ou organisations internationales, les pays africains ont émis de la dette sur les marchés financiers internationaux.

« Le fait d’annoncer un moratoire sur la dette et a fortiori une annulation de la dette ne semble pas aussi simple qu’il y a 20 ou 30 ans », craint à ce titre Kako Nubukpo.

La dette africaine, mythe de Sisyphe?

Plusieurs pays africains ont connu des allègements de dette ces dernières années, au titre de l’initiative de la Banque mondiale et du FMI en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE).

Mais le cercle vertueux escompté ne s’est pas enclenché: le Congo-Brazzaville par exemple, dont la dette a été divisée par trois en 2005, est à nouveau endetté à plus de 100% de son PIB.

« Il ne faut pas perdre de vue la question de la malgouvernance et de la corruption qui gangrènent certains régimes sur le continent. On parle d’un cycle infernal de l’endettement pour le financement d’un développement qui n’est toujours pas là », explique Bakary Sambé, directeur du Timbuktu Institute basé à Dakar.

Un avis partagé par Kako Nubukpo qui rappelle également que « beaucoup d’économies africaines exportent des matières premières sans les transformer et se privent donc des possibilités de création de valeurs, d’emplois, de revenus et d’impôts », poursuit-il.

Achille Mbembe pointe, lui, « le système de la dette ».

« On vous enlève une petite partie de la dette et en échange on vous rajoute un autre prêt. Cela créé un cercle infernal », critique t-il.

« La Chine a mis en place une économie de captation avec des dettes pratiquement irremboursables pour, en échange, mettre la main sur un ensemble de ressources naturelles rares », explique Mbembe.

L’occasion de bâtir une nouvelle relation avec l’Occident?

« Nous devons instaurer un moratoire immédiat sur le paiement de toutes les dettes bilatérales et multilatérales (…). Nous demandons aussi à tous les partenaires du développement de l’Afrique d’allouer leurs budgets », ont demandé des chefs d’Etat et de gouvernement africains mais aussi européens comme Emmanuel Macron ou Angela Merkel dans une tribune au Financial Times.

Suspendre des dettes et continuer l’aide au développement: la recette habituelle de la relation Occident-Afrique peut-elle durer?

« Il faut annuler une bonne fois pour toutes le paiement des intérêts sur la dette dont les montants dépassent souvent de loin l’emprunt originel », plaide Achille Mbembe.

Le philosophe préconise aussi des conditions draconiennes aux nouveaux emprunts, en les soumettant aux « délibérations démocratiques » directement des populations concernées.

« Il est criminel que les générations d’aujourd’hui, au lieu de laisser un patrimoine aux générations futures, leur laissent des dettes irremboursables », conclut-il.

 

Source: https://www.h24info.ma/