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Timbuktu Institute

Le spectre des récentes violences observées au Sénégal continue de planer au-dessus des esprits. Et dans la mesure où les périodes électorales en Afrique – le Sénégal avançant vers une présidentielle -, sont tristement connues pour être des moments d’agitation, prudence doit être de mise. C’est dans cette optique, que Meta en partenariat avec le Timbuktu Institute, a organisé le jeudi 1 er février à l’hôtel Terrou-Bi, un atelier sur la modération de contenus et la lutte contre la désinformation. Une opportunité pour différents membres de la société civile d’échanger sur les principaux risques et tendances des contenus préjudiciables, en période électorale.

Apporter les ressources nécessaires pour une utilisation optimale des plateformes, qui puis est, en période électorale. Tel est le principal objectif de Meta, pour laquelle, il « importe d’échanger avec les acteurs de la société civile sur l’utilisation des réseaux sociaux et surtout sur la modération des contenus dans une période sujette aux discours de haine et à la désinformation », explique Olivia Tchamba, public Policy manager chez Meta. C’est dans ce sillage que ces échanges viennent répondre à un besoin en termes d’outils et surtout de prise de conscience de la nécessité de lutter efficacement contre la désinformation. Et ceci, avec Meta qui « ne se pose pas en juge de vérité, mais au bout d’échanges parfois vifs avec ses experts avertis, réguler et prévenir les discours haineux ou pouvant mener à la violence », précise Haja Bally, content Policy chez Meta. « Avec le contexte actuel, lourd de risques et d’incertitudes, la désinformation continue d’être une réelle menace pour la stabilité et la cohésion sociale surtout avec l’environnement régional que nous connaissons », rappelle pour sa part Adji Awa S., représentante du Timbuktu Institute.

Période électorale, période de risques décuplés

 Si certains types de contenus présentent des caractéristiques préjudiciables en temps de relative accalmie, en période électorale, leur risque pernicieux se trouve accru. C’est donc fort de ces menaces qu’il importe d’apporter des éclairages sur les problématiques en question. Ces dernières ont tenu lieu d’échange autour d’une table ronde. Selon un des panélistes, Ousseynou Mbaye, membre fondateur de l’Association d’Aide aux Enfants Démunis (AAED), une modération des contenus s’impose. « Les récentes violences au Sénégal peuvent s’expliquer entre autres par le fait que nous n’avons pas su et pu utiliser les mots adéquats à l’endroit de la jeunesse. », regrette-t-il. Préconisant des efforts dans le sens d’une meilleure alphabétisation numérique générale, il poursuit : « Je tiens une formule d’un marabout qui a dit que la parole à quatre temps. C’est-à-dire qu’il faut que la personne qui parle soit autorisée à parler, que la personne soit compétente pour parler du sujet, que le moment choisi pour parler soit adéquat et que la personne s’adresse aux bons destinataires ». 

Présidente de la Présidente chez Réseau Paix et Sécurité pour les Femmes de l’Espace CEDEAO (REPSFECO), Diago Ndiaye, compare le Sénégal à un encensoir. « Le pays est assis sur de la braise. En effet, l’encens émet une odeur agréable dans la chambre mais en bas il y a du feu prêt à brûler. Les événements de 2021 sont un avertissement dont il faut prendre la pleine mesure », avertit-elle. Pour elle, « ce sont les jeunes et femmes, généralement les plus sujets sur lesquels il faut insister sur la sensibilisation, en plus d’une éducation à la citoyenneté. » Position que partage Ousseynou Mbaye, en proposant de « revoir notre conception du patriotisme, promouvoir la culture de la paix, tout en organisant des formations sur l’éducation et la sécurité numériques. » Qui puis est en période électorale, affirme Mme Ndiaye « où les candidats se livrent parfois à des joutes verbales où la violence est assez présente ».

Le processus électoral enclenché au Sénégal a donné le jour à la campagne « SaytuSen2024 » inspirée du mot wolof « saytu », qui signifie « veiller sur, scruter, vérifier ». En effet, pour lutter contre la désinformation, « journalistes, Africa Check et des acteurs de la société civile ont formé cette alliance, dans le but d’évaluer et vérifier la véracité des affirmations des candidats à la présidentielle », apprend Abdoulaye Seck, responsable d’Amnesty International. Ce type d’initiatives, pointe-t-il, est une preuve que la désinformation n’est pas seulement l’affaire d’un certain type d’acteurs, mais peut également engager la contribution des citoyens. » En effet, la pratique du fact-checking pourrait prochainement se heurter à de nouveaux défis, « avec l’irruption de l’intelligence artificielle (IA) qui va de plus en plus compliquer la tâche », note une participante dans l’assistance.

 

Pour une meilleure alphabétisation numérique

« Établir des normes communautaires politiques qui définissent ce qui est autorisé ou non sur les plateformes Meta, définir des outils et directives pour les utilisateurs pour les responsabiliser, les collaboration et programmes avec les experts ainsi que partenaires pour continuer à améliorer les politiques ». Telle est grosso modo, selon Eva Sow Ebion, responsable des programmes Afrique subsaharienne de Meta, l’approche de l’entreprise en matière d’intégrité et d’alphabétisation numérique.

Concernant la sensibilisation, il y a la campagne « NoFalseNewsZone », partie d’une bande dessinée créée pour lutter contre la désinformation. Dédiée à l’Afrique francophone, ce programme d’incubation et de mentorat de vérification des faits, vise à soutenir la croissance des médias locaux, qui luttent contre la désinformation. Ce programme s’est déroulé dans cinq pays : Côte d’Ivoire, Cameroun, Mali, Burkina Faso et Niger. Par ailleurs, Meta a lancé une campagne sur les réseaux sociaux et à la radio, une campagne de sensibilisation sur la mésinformation et la lutte contre les discours haineux en ligne, dans le cadre de l’élection présidentielle. Un des objectifs affichés de cette campagne, est entre autres, de montrer le bien-fondé et l’intérêt de la participation des jeunes au processus électoral.

 

 

Timbuktu Institute - January 29

 

As part of the Observatoire des Réseaux Sociaux set up in partnership with platforms such as Meta, to reflect on the need for action in the face of disinformation and its damaging effects on social cohesion and regional stability, the Timbuktu Institute continues to initiate exchanges and participative discussions. To this end, a regional webinar was held on the theme: "Fighting disinformation: what ethics should be applied to the use of social networks? Moderated by CESTI (Centre d'étude des sciences et techniques de l'information) teacher-researcher Dr. Yacine Diagne, the discussions were led by Ignace Sossou (journalist - Benin), Issifou Habsatou (teacher-researcher - Niger), Massiré Diop (journalist - Mali) and Ziller Djerambété (journalist - Chad).

Disinformation on social networks has become such an evil that it now calls for major remedies. And all players - journalists and the public alike - need to be involved in the debate. "It's important to focus on the issue of digital literacy, enabling people to seek out information, approach it critically and use it for useful purposes. This is also part of our desire to build strong communities, in a safe atmosphere", asserts Olivia Tchamba, Public Policy Manager at Meta. That's why, she continues, "Meta is keen to involve various players in the fight against misinformation, which is a real challenge, in order to have collective solutions, because we are not judges of truth."

At a time when social networks have definitively established themselves as central communication platforms, many questions concerning new journalistic practices are emerging. In a hyper-connected world where information circulates at exponential speed, traditional information transit channels are facing a certain crisis. "It used to be that journalists and press agencies were the main purveyors of information. But today, not only do journalists get their information from social networks, but influencers are sometimes better appreciated too," laments moderator Yacine Diagne.

Chadian journalist Ziller Djérambété agrees. "When a journalist uses social networks as his or her main source of information, it's serious," he insists. He continues: "Everyone is setting themselves up as journalists and not respecting the elementary rules of journalistic treatment. In this age of information disorder, with the triptych Disinformation-Misinformation-Malinformation, news professionals need to have the reflex of critical hindsight and responsibility in the face of information."

Other panelists, like Beninese journalist Ignace Sossou, take a more nuanced view. "I think the real debate is not so much about social networks as such, but more about the quality and treatment of the work of the journalist, who must demonstrate integrity and seek the veracity of information. Social networks can indeed be useful for journalism, in the sense that they can, for example, be the starting point for investigations", he explains. Malian journalist Massiré Diop takes a similar view. In his view, "it's not very ethical. Social networks can be a source of information for journalists, but they shouldn't be the main one. The most important thing is to remain professional." As for jurist Issifou Habsatou, she insists on making it a point of honor that "the question of ethics, understood as a set of rules that must be respected in relation to the exercise of a mission or a profession, is crucial."

A crisis of confidence between traditional media and the public ?

The democratization of social networks has led to a fragmentation of information sources. Today, every Internet user is a potential transmitter of information, which logically tends to undermine the legitimacy of journalists. According to Ziller Djérambété, "communication and journalism are not the same thing. Communication is the preserve of the influencer, who is driven by immediacy, which is not the case with journalistic treatment". Worse still, regrets Beninese journalist Ignace Sossou, "there are influencers who are listened to more than the media. Journalists go beyond simply stating the facts; they can also dig deeper, understand and pinpoint responsibilities. Unfortunately, many media outlets currently behave like communicators, uncritically repeating the official discourse." For jurist Issifou Habsatou, however, it would be interesting to see how to introduce a productive demarcation between communicators and journalists. "People are illiterate. We need to think about complementarity between social networks and traditional media. We mustn't simply pit activists against journalists. What's more, in Niger, since the coup d'état, there's been a real problem regulating speech on social networks", she asserts.

However, debate facilitator Dr. Yacine Diagne persists in her diagnosis of the crisis of confidence. "Let's not kid ourselves", she warns, asserting that this also poses the problem of access to information for journalists. For Ignace Sossou, "it's crucial, but unfortunately it's not uncommon for public administrations to hide information that's supposed to be public. Access to information is a basic citizen's right, not a privilege granted only to journalists. This is all the more worrying in countries in transition, run on military principles where people's rights are neglected." On this subject, jurist Issifou Habsatou believes that in Niger, "the code of ethics in principle gives free access to news sources, so in principle the problem shouldn't arise."

"We need to take a critical look back at the journalistic profession"

While it's important to focus on the noxious atmosphere created by social networks, journalistic practice shouldn't be exempt from reproach, the panelists note. "Nevertheless, we need to review our practices and take a critical look at our profession. Professionalism must take precedence over emotion," admits Yacine Diagne. As for Massiré Diop, he believes that the crisis of confidence mentioned is due, among other things, to the fact that there is "a lack of professionalism. Many journalists are either influencers or activists, voicing their opinions on anything and everything. There's also a problem with certain media who, in order to make a living, become commercial enterprises", he laments. For his part, Ziller Djérambété points out that "a true journalist is one who checks his information before broadcasting it. In Chad, for example, it's people who work for a credible media outlet, or who have a press card, who are recognized as journalists by law."

This brings us to another very important parameter: the economic viability of the media. While all the panelists agree on the precariousness of the media sector, especially in a context of competition with social networks, Ignace Sossou prefers to temper this view: "There's a threat from the point of view of the business model. For his part, Ignace Sossou prefers to temper: "There's a threat from the point of view of the business model. Ads that used to be dedicated to one medium are now dedicated to influencers who have a bigger audience. But from a journalistic content point of view, the question doesn't arise."

Is fact-checking a panacea ?

For some years now, fact-checking has been the most popular way of tracking down fake news. While acknowledging the usefulness of this practice, Yacine Diagne questions its ability to solve the problem. "I think the democratization of fact-checking is a good thing, but my opinion is that its frequency can contribute to a certain trivialization, or even legitimization, of fake news in the public arena. Wouldn't too much fact-checking kill fact-checking?" she asks.

Lawyer Habsatou isn't convinced, however. "I don't think there's enough fact-checking. Do the digital media really practice it? If not, beyond that, I think it's urgent to reinforce the responsibility of content creators", she suggests. An idea echoed by journalist Ignace Sossou, also a fact-checking trainer in Burkina Faso. "Fact-checking is carried out on facts that have a possible impact on communities. We don't fact-check everything. Internet users aren't that naive either; they can sometimes recognize fake news. The problem lies more with cleverly fabricated fake news. Generally speaking, we need to continue and reinforce media education, so that the public can be the primary actor in the credibility of information", he recommends.

In all cases, says Yacine Diagne, "media education is essential. Ignace Sossou suggests that this means making fact-checking tools more widely available to the public: "Fact-checking should not be seen as the preserve of journalists. We need to democratize fact-checking tools," he insists, "to enable the general public, and especially young people, the primary target of fake news, to use them. Fact-checking must be a permanent state of critical mind". Nevertheless, "the current environment is favorable to influencers. Meta pays influencers better than the media", he points out. For this reason, says Nako Mamadjibé, a participant from Chad, "we need to raise awareness of the laws that protect people and institutions against a certain libertinism and digital delinquency." This was echoed by another participant, Kiari Mamadou, who reminded us that "the laws that have been passed on this subject have not been widely publicized."

Disinformation is a scourge that poses a real threat to regional stability, especially in a context marked by a veritable "information war". For Dr. Bakary Sambe, "the impact of such a situation on the media and journalistic work is today exacerbated by the influence of social networks on opinion-making and strategies for conquering media space". Through the Observatoire des Réseaux Sociaux, the Timbuktu Institute is continuing its research and monitoring work, promoting alliances and partnerships between platform managers, influencers and the media to achieve a real preventive strategy and effectively combat disinformation in the Sahel and West Africa.

 

 Timbuktu Institute - January 29, 2024


Timbuktu Institute, 10/02/2024

The political situation in Senegal is occupying regional and international headlines. The country "traditionally known as a bastion of democracy in Africa" is experiencing an unexpected political situation. The latter has gained momentum between international condemnations and internal protests following the interruption of the electoral process just a few days before a presidential election with enormous stakes. While for many years Senegal has been able to protect itself from the insecurity caused by the terrorist threat, despite being a neighbor to Mali and other countries in crisis, Dr. Bakary Sambe returns in this weekly Timbuktu Institute column to the risks to the country of possible electoral disputes or the violence that could ensue. The regional director of the Timbuktu Institute warns of the various risks documented in a new report to be published in the next few days. Speaking on the pan-African channel Medi1TV, he calls on the authorities and the political class to shoulder their responsibilities and to subscribe to the conditions for a peaceful political environment, as a prerequisite for pursuing the democratic trajectory of a country whose strategic positioning also exposes it to international rivalries and the most diverse forms of covetousness. He answers questions from Sanae Yassari.

Dr. Bakary Sambe, since the start of the electoral process in Senegal, you have been warning of the risks and dangers associated with disputes and litigation. The current situation, with the postponement of the presidential election to December 15, has made the Senegalese political scene even more complex and tense. In your opinion, what risks could such a situation expose this country, which has long been a model of democracy on the continent?

First of all, it must be said that it is most unfortunate that Senegal, known for its long tradition of democracy, has reached the point where a presidential election is being postponed just a few weeks before the ballot. The conflict-ridden and contentious nature of the current electoral process not only poses a serious threat to peace and security, but may also jeopardize the very viability of democracy for a long time to come. It is to be feared that the political violence that could result from a contentious electoral process could lead to instability in the sub-regional political and security environment. Our studies in Africa show that between 1994 and 2012, violence linked solely to disputed electoral processes directly caused over 5,000 deaths and several hundred thousand displaced persons and refugees, not to mention the enormous destruction and hundreds of thousands of victims of civil wars triggered by electoral disputes. Senegal needs to get its act together.

But Dr. Sambe, you seem to insist on the particular case of Senegal, referring to the regional security situation which, in your opinion, would make this now contentious electoral process an aggravating risk factor that could further expose Senegal and its stability. Could you elaborate on this aspect, which seems to have escaped many analysts?

On a strictly internal level, the systematic association of political violence with contentious electoral processes means that, by the date set, there will already be an increase in the level of political risk, putting a brake on foreign direct private investment, tourist flows and economic activity in general, not to mention the increased vulnerability of our borders. Let's not forget that the current Malian crisis is, to some extent, the result of a combination of an internal political crisis and a security crisis that took advantage of institutional instability. While our country remains a luxury target, the dream target of the terrorist movements that have destabilized the region, this is not the time to get bogged down in a political crisis that could persist, a situation fraught with risks and which would plunge our country into the worst uncertainties.

So, faced with this unexpected situation in the country, what should be done to avoid, and I quote, "a stalemate that would precipitate the country's tipping towards electoral violence and expose it further to security threats at a time when the regional situation remains most worrying"?

In order to protect Senegal from instability, we urgently need to take a proactive approach, despite all considerations, and aim first and foremost for a consensual political framework as a prerequisite for preserving democracy, peace and stability. We must not run the risk of electoral violence which, combined with the jihadist threat on our doorstep, would plunge Senegal into instability. The region doesn't need another crisis. Did you know that between 1994 and 2007, more than 5,500 people were killed in contentious electoral processes in ten sub-Saharan African countries, including South Africa, Nigeria and Congo Brazzaville, not to mention the millions displaced? The political class in all its diversity, and first and foremost the President of the Republic, must be called upon to engage in urgent, but sincere and inclusive dialogue. Despite the gravity of the situation, we should perhaps not despair of the intelligence of the political class in all its diversity, so that at all costs we can avoid a stalemate that would be damaging not only to Senegal's stability, but also to regional peace and security.

Source : Timbuktu Institute.

 

معهد تمبكتو- 7 فبراير 20224

إن الوضع السياسي في السنغال يشهد تصعيدا مقلقا لغاية أنه يستحوذ على الصفحات الأولى من الأخبار الإقليمية والدولية، وهذا البلد الذي كان " معروفا بتقاليده الديمقراطية العريقة " يعيش اليوم أزمة سياسية متوترة تنطوي على توقف العملية الانتخابية قبل أيام قليلة من تاريخ إجراء الانتخابات، مما أسفر عن زخم نادر من إدانات دولية واحتجاجات محلية. إن السنغال قد تمكن من حماية نفسه منذ سنوات طويلة من التهديدات الأمنية والإرهابية في المنطقة بالرغم من كونه جارا لدول عانت أزمات أمنية خطيرة كما شوهد في دولة (مالي)

 وفي مقابلة أجراها مع الصحفية سناء ياسري، في قناة (ميدي 1 تيفي)، ركز الدكتور باكري صمب على مخاطر وأعمال العنف التي من المحتمل أن تتولد من النزاعات الانتخابية، وحذر في تقرير سينشره " معهد تمبكو " في الأيام المقبلة من مختلف التهديدات والمخاطر التي قد تنجم عن العملية الانتخابية وتسهم في الإخلال بالأمن في البلاد، ودعا الكيانات والطبقة السياسية إلى تحديد التدابير التي يمكنها ضمان السلام الذي هو الركن الأساسي لاستمرار المسار الديمقراطي في البلاد علما بأن موقع السنغال الاستراتيجي يعرضه للمنافسات الدولية والأطماع المتنوعة

 

منذ بداية العملية الانتخابية في السنغال، ما زلتَ تجذب الانتباه إلى المخاطر التي قد تنشأ من التنافس في العملية الانتخابية، لكن تأجيل الانتخابات إلى 15 ديسمبر 2024 جعل المشهد السياسي أكثر تعقيدا وتوترا: ما هي المخاطر التي يمكن أن يتعرض لها السنغال الذي كان لفترة طويلة نموذجا للديمقراطية في القارة؟

لا بد من التأكيد في أول وهلة أن من المؤسف جدا أن السنغال المعروف بتقاليد ديمقراطية عريقة يصل إلى هذه الحالة من الخلافات والمنافسات حتى يتم تأجيل الانتخابات الرئاسية التي كان من المقرر إجراؤها بعد أسابيع قليلة. إن النزعات التي اتسمت بها العملية الانتخابية لا تشكل تهديدا خطيرا للسلم والأمن فحسب، بل يمكن أن تعرض للخطر قدرة الديمقراطية على البقاء والصمود لفترة طويلة، كما أنه من الممكن أن يؤدي إلى عنف سياسي يساهم في زعزعة البلاد وتعريض البيئة السياسية والأمنية دون الإقليمية للخطر. ويظهر في دراساتنا حول أفريقيا أنه في الفترة من 1994 إلى 2012، تسبب تعقيد العنف المتصل فقط بالعمليات الانتخابية بشكل مباشر في مقتل أكثر من 5000 شخص ونزوح مئات آلاف من السكان، ناهيك عن الدمار الهائل ومئات آلاف من ضحايا الحروب الأهلية، ولذلك إن البلد في حاجة ملحة إلى وضع نهـج يتضمن بذل جهود الوساطة والمساعي الحميدة للعمل من أجل صيانته من آثار الانتخابات على الأمن والديمقراطية

تركز على حالة السنغال عندما تتحدث عن الوضع الأمني الإقليمي، لأن العملية الانتخابية التي تثير الجدل تشكل عاملا يمكن أن يزيد من تعريض البلد للخطر وانعدام الأمن، هل يمكن الرجوع إلى هذه النقطة التي لم تجذب اهتمام العديد من المحللين؟

إذا ركزنا اهتمامنا على المستوي المحلي فقط فإننا نرى أن العنف السياسي المحيط بالعمليات الانتخابية المتنازع عليها في السنغال سيزداد خطورة وتأزما، وهذه الخطورة السياسية ستستمر إلى وقت انعقاد الانتخابات القادمة، مما يشارك في كبح وعرقلة الاستثمار الأجنبي المباشر بكشب خاص، والتدفقات السياحية، والنشاط الاقتصادي بشكل عام، فضلًا عن تضعيف الحدود. جدير بنا التذكير بأن أزمة (مالي) الحالية اندلعتْ نوعا ما نتيجة لمزيج من أزمة سياسية داخلية وأزمة أمنية تفاقمت مع عدم الاستقرار المؤسسي. وكلنا نعلم أن السنغال يشكل هدفا حقيقيا للحركات الإرهابية التي زعزعت استقرار المنطقة، ولذلك، فإن الفترة التي نشهدها ليست مواتية للتورط في أزمات سياسية قد تطول وتحفل بمخاطر قد تدفع البلاد إلى أسوأ حالات الارتياب والشكوك

ما الذي ينبغي عمله أمام هذا الوضع الفريد لتصدي خطر " الانزلاق في العنف الانتخابي " ؟

يضطلع دعم وصون السلام والأمن في السنغال والحفاظ على الديمقراطية والاستقرار في حمل الأطراف المتنافسة على اتخاذ كافة التدابير اللازمة لوضع إطار سياسي وبناء توافق الآراء مع متطلبات جميع الجهات الفاعلة، والأخذ في الاعتبار أهمية إنتاج صياغات سابقة لحل النزاعات ومنع نشوب العنف الانتخابي الذي -إضافة إلى التهديدات الأخرى- من شأنه أن يدخل البلد في حالة من عدم الاستقرار، ولاسيما أن المنطقة لا ترغب في أزمة أخرى. وفيما بين عامي 1994 و2007، أدت النزاعات الانتخابية في اثني عشر بلدا أفريقيا جنوب الصحراء الكبرى، بما في ذلك جنوب إفريقيا ونيجيريا والكونغو برازافيل، إلى مقتل أكثر من 5500 شخصا وملايين النازحين! وإذا نظرنا إلى هذا الوضع، يتعين علينا دعوة الطبقة السياسية بمختلف مكوناتها - وفي المقام الأول رئيس الجمهورية - إلى التخطيط بعناية لتنظيم حوار صادق وشامل يسمح بإعادة النظر إلى عيوب العملية الانتخابية وإيحاد حلول شافية لها لتعافي البلاد من الكوارث. حتى وإن كان الوقت خطير، لا ينبغي لنا أن نيأس من ذكاء الطبقة السياسية في تنوعها وعبقرية السلطات في إيجاد حلول تقي البلاد من الانزلاق في عنف انتخابي يضر باستقرار السنغال والسلام والأمن الإقليميين

 



 

 

 

Timbuktu Institute - January 2024

In the Sahel, the current political and security situation is marked by the high-speed circulation of fake news and unverified information distilled on social networks and shared, above all, by hyper-connected young people. While the pernicious effects of the democratization of information dissemination and access in the digital age have yet to be tamed, other parameters no less problematic have been added to the equation. These include: the growing influence of influencers on public opinion, the race for scoops, sensationalism and buzz, the instrumentalization of inter-community or identity-based conflicts in certain countries in transition, etc.

Paradoxically, the democratization of access to knowledge and information in profusion has not necessarily created an environment conducive to healthy public debate and exchange outside social platforms and networks, which expose people to the risks of misinformation, among other things. There is also the circulation of various theories and preconceived ideas that run counter to the spirit of citizenship, further undermining the achievements of democratic debate and the values that underpin social cohesion. These ideas circulate more frequently in crisis or post-conflict contexts, even of low intensity, to take advantage of latent tension despite reconciliation and peace-building efforts.

Disinformation, A bedrock of political instability?

In a context of insecurity and political instability, punctuated by transitions of uncertain evolution and outcome, the phenomenon of disinformation takes many forms, and hides behind well-targeted communication campaigns over which states have little monopoly or even control. The countries of the Sahel, in addition to the absence of adequate normative or regulatory frameworks, are thus struggling to cope with this flow of information and its manipulation by various actors; all this in a context of uncertainty, internal political tensions, security threats and escalations on a Sahelian diplomatic stage that has become the new "playground" and influence of both traditional and emerging powers.

At the same time, social networks are becoming the main source of information, and the phenomenon of disinformation has become recurrent and even accentuated in a context of manipulation of information for various purposes, strategies of foreign influence, and the promotion of extremist and violent narratives online. While the fight against terrorism is mobilizing the energies of States and their partners, public opinion is being led to move in an increasingly sovereignist atmosphere.

An Observatory of Social Networks in the Sahel and West Africa at work

This is the background to the idea of the Timbuktu Institute's Observatoire des Réseaux Sociaux (Social Network Observatory), in partnership with platforms such as Meta, concerned about the need to act in the face of disinformation and its damaging effects on living together and regional stability. The main objective of this tool is to reflect and act effectively on the "Stakes of Disinformation and Challenges to Social Cohesion and Democracy in the Sahel".

The Observatory's vocation is to document these phenomena through an in-depth study of the vectors of disinformation and the analysis of content and narratives at work on social networks such as Facebook, which call into question the stability of African countries.

With this in mind, a regional webinar was organized on January 18, 2024, on the theme of "Social networks and intercommunity conflict prevention in the Sahel". This interactive framework for exchange and discussion provided an opportunity to deepen reflection on a range of issues, including: content likely to stir up community conflict; concrete experiences of conflict resolution using social networks; and the possibilities for thinking about the regulation of social networks.

Moderated by Dr. Bakary Sambe, Regional Director of the Timbuktu Institute, the webinar was led by : Cendrine Nama (activist, Executive Director of CORTEX - Burkina Faso), Ibrahima Harane Diallo (Journalist-politologist - Associate at the Timbuktu Institute -Mali), Pr Abdourahamane Dicko (Sociologist at the University of Zinder in Niger) and Nodjiwameen Doumdanem (Multimedia Journalist, jurist - Chad). This webinar was the first in a series of debates designed to address different aspects of misinformation.

Urgent need to act against misinformation and its harmful effects

Speakers agreed on the urgent need to act in the face of a worrying proliferation not only of fake news, but also of hate speech on social networks in the various countries of the Sahel. This is certainly not reassuring in the current context, where the political situation in the Sahel is unstable and uncertain. According to Pr Abdourahmane Dicko, "social networks contribute to the fragmentation of national unity, by reinforcing the political positioning of citizens on ethnolinguistic grounds". To avoid these dangerous pitfalls, Burkinabe activist Cendrine Nama, Executive Director of CORTEX, proposes adopting a zero-tolerance approach, with more rigorous regulation, particularly with regard to calls for hatred, segregation and stigmatization: "Any word of segregation, exclusion and stigmatization cannot go under the radar of freedom of expression. We have to be uncompromising, even in so-called humorous comments, because that's where discrimination often starts", she advocates.

Nevertheless, caution must be exercised insofar as "social networks are double-edged, and the main challenge remains to reconcile the regulation of speech and freedom of expression", warns Chadian journalist Nodjiwameen Doumdanem. For all these reasons, conflict prevention must be fundamentally based on "promoting a culture of peace", suggests Ibrahima Harane Diallo, emphasizing the principle of prevention.

Disinformation and the dangers of radicalized political discourse

For Dr. Bakary Sambe, who facilitated the debate for which over 500 actors from civil society, NGOs and decision-makers had registered, "we are in a rather particular context, with its paradoxes to be taken into account, between the freedom to inform and the responsibility to safeguard peace and social cohesion". In his opinion, large-scale actions are needed, particularly among young people. "Young people are increasingly informed and interested in public debate, but sometimes they don't really have a place in it, and a self-isolation phenomenon is developing that locks this majority category of the population away from the public expression of ideas and opinions", notes Bakary Sambe.

The Regional Director of the Timbuktu Institute also dwelt on the community mobilization experiments carried out with young people in Togo and Benin as part of the USAID-OTI-supported Littoral Regional Initiative (PRAPC), to explain that "empowering youth and strengthening their capacities could yield encouraging results".

But beyond the current signals of the amplification of inter-community conflicts via social networks, Bakary Sambe called for real reflection on the phenomena of radicalization of political discourse in certain countries, particularly on social networks. As he reminds us, by alerting us to this worrying phenomenon, "a major gap is opening up between this young, hyper-connected, information-hungry public and the institutional discourse of governments and political leaders, which fails to take account of their specific characteristics and aspirations".

Source : Timbuktu Institute

Timbuktu Institute – Janvier 2024

Dans le cadre de l’Observatoire des Réseaux Sociaux mise sur pied en partenariat avec des plateformes comme Meta, pour réfléchir à la nécessité d’agir face à la désinformation et  ses méfaits sur la cohésion sociale et la stabilité régionale, le Timbuktu Institute continue d’initier des échanges et discussions participatives. C’est à ce propos que s’est tenu un webinaire régional sur le thème : “Lutter contre la désinformation : quelle éthique d’utilisation des réseaux sociaux ?”. Modérés par l’enseignante-chercheure au CESTI (Centre d’étude des sciences et techniques de l’information) Dr. Yacine Diagne, les échanges ont été animés par Ignace Sossou (journaliste - Bénin), Issifou Habsatou (enseignante-chercheur - Niger), Massiré Diop (Journaliste - Mali) et Ziller Djerambété (journaliste - Tchad).

La désinformation sur les réseaux sociaux est devenue un mal, telle qu’elle appelle désormais, des grands remèdes. Et tous les acteurs, journalistes ou public, doivent être impliqués dans la réflexion. “Il est important de mettre l’accent sur la question de l’alphabétisation numérique, permet de chercher l’info, l’approcher de manière critique et de l’utiliser à des fins utiles. Ceci aussi dans le souhait de bâtir des communautés fortes, dans une atmosphère sûre”, affirme Olivia Tchamba, Public Policy Manager chez Meta. C’est pour cela que, poursuit-elle, “Meta tient à associer divers acteurs dans la lutte contre la désinformation qui est un réel défi, ceci pour avoir des solutions collectives parce nous ne sommes pas des juges de vérité.”

A une ère où les réseaux sociaux se sont définitivement imposés comme des plateformes de communication centrales, de nombreux questionnements concernant les nouvelles pratiques journalistiques, émergent. Dans un monde hyperconnecté où l’information circule à une vitesse exponentielle, les circuits traditionnels de transit de l’information sont confrontés à une certaine crise. « Avant les journalistes et agences de presse étaient les principaux pourvoyeurs d’informations. Mais aujourd’hui, non seulement les journalistes s’informent sur les réseaux sociaux, mais aussi les influenceurs sont parfois mieux appréciés », regrette la modératrice Yacine Diagne.

Le journaliste tchadien, Ziller Djérambété abonde dans le même sens. “Qu’un journaliste utilise les réseaux sociaux comme principale source d’informations, c’est grave” martèle-t-il. Avant de poursuivre : “Tout le monde s’érige en journaliste et ne respecte pas les règles élémentaires du traitement journalistique. A l’ère du désordre informationnel avec le triptyque Désinformation-Mésinformation-Malinformation, les professionnels de l’info doivent avoir le réflexe du recul critique et de la responsabilité face aux informations.”

D’autres panélistes, à l’instar du journaliste béninois Ignace Sossou, observent une position plus nuancée. “Je pense que le vrai débat, ce n’est pas tant les réseaux sociaux en tant que tels, mais plus la qualité et le traitement du travail du journaliste qui doit faire preuve d’intégrité et chercher la véracité de l’information. Les réseaux sociaux peuvent bel et bien être utiles pour le journalistique, en ce sens qu’ils peuvent par exemple être le point de départ d’enquêtes”, explique-t-il. Le journaliste malien Massiré Diop garde une ouverture plus ou moins similaire. Selon lui, “ce n’est pas très éthique. Les réseaux sociaux peuvent être une source d’informations pour le journaliste, mais ils ne sauraient être la principale. Le plus important est de rester professionnel.” Quant à la juriste Issifou Habsatou, elle insiste pour mettre un point d’honneur à ce que “la question de l’éthique, entendue comme ensemble de règles devant être respectées par rapport à l’exercice d’une mission ou d’une profession, est capitale.”

Entre les médias traditionnels et le public, une crise de confiance ?

La démocratisation des réseaux sociaux a conduit à un éclatement des sources d’informations. Désormais, chaque internaute est un potentiel émetteur d’informations, ce qui a logiquement tendance à fissurer la légitimité du journaliste. Selon Ziller Djérambété, “il faut faire la différence entre la communication et le journalisme, n’est pas la même tâche. La communication est le propre de l’influenceur qui est mu par l’instantanéité, ce qui n’est pas le cas du traitement journalistique”. Pis, regrette le journaliste béninois Ignace Sossou, “ il y a des influenceurs qui sont plus écoutés que les médias. Le journaliste va au-delà de plaquer les faits, il peut aussi creuser, comprendre et situer les responsabilités. Malheureusement, beaucoup de médias actuellement se comportent comme des communicateurs, en reprenant de manière non critique le discours officiel.” Pour la juriste Issifou Habsatou, il serait toutefois intéressant de voir comment introduire une démarcation productive entre les communicants et les journalistes. “Les populations sont analphabètes. Il faut penser à une complémentarité entre les réseaux sociaux et les médias traditionnels. Il ne faut pas purement et simplement opposer les activistes aux journalistes. Par ailleurs, au Niger, depuis le coup d’état, il y a un vrai problème de la régulation de la parole sur les réseaux sociaux”, affirme-t-elle.

Toutefois, la facilitatrice du débat, Dr. Yacine Diagne persiste sur le diagnostic de la crise de confiance. “Il ne faut pas se voiler la face”, alerte-t-elle, en affirmant que celui-ci pose aussi le problème de l’accès à l’information pour le journaliste. Pour Ignace Sossou, “c’est crucial mais malheureusement, il n'est pas rare que les administrations publiques cachent des informations qui sont censées être publiques. L’accès à l’information est un droit basique du citoyen, pas un privilège accordé au seul journaliste. Ceci est d’autant plus préoccupant dans les pays en transition, dirigés sur la base de principes militaires où les droits des peuples sont négligés.” A ce propos, la juriste Issifou Habsatou estime qu’au Niger, “le code d’éthique donne en principe un libre accès aux sources d’infos, donc en principe le problème ne devrait pas se poser.” 

“Il faut faire un retour critique sur le métier de journaliste

S’il importe de mettre l’accent sur l’atmosphère nocive que créent les réseaux sociaux, la pratique journalistique ne devrait pas être exempte de reproches, notent les panélistes. “ Il faut tout de même revoir la pratique et faire un retour critique sur le métier, le professionnel doit primer sur l’émotionnel”, reconnaît Yacine Diagne. Quant à Massiré Diop, il estime que la crise de confiance évoquée est entre autres due au fait qu’il existe “un manque de professionnalisme. Beaucoup de journalistes sont soit influenceurs soit activistes, qui opinent sur tout et n’importe quoi. Il y aussi un problème avec certains médias qui, pour vivre, deviennent des entreprises commerciales”, déplore-t-il. Pour sa part, Ziller Djérambété rappelle qu’un “vrai journaliste est celui qui vérifie son information avant de la diffuser. Au Tchad par exemple, ce sont les gens qui officient dans un média crédible ou qui ont une carte de presse, qui sont reconnus comme journalistes par la loi.”

Ce point appelle un autre paramètre on ne peut plus important : la viabilité économique des médias. Si tous les panélistes se rejoignent quant à la précarité du secteur des médias, qui plus est, dans un contexte de concurrence avec les réseaux sociaux. Pour sa part, Ignace Sossou préfère tempérer : “Il y a une menace du point de vue du modèle économique. Les pubs qui étaient dédiés à un média sont désormais dédiés aux influenceurs qui ont une plus grande audience. Mais d’un point de vue contenu journalistique, la question se ne pose pas.”

Le fact-checking, la panacée ?

La technique du fact-checking, s’est depuis quelques années maintenant imposée comme la manière la plus populaire de traquer les fake news. Reconnaissant l’utilité de cette pratique, Yacine Diagne s’interroge sur sa capacité à régler le problème. “Je pense que la démocratisation du fact-checking est une bonne chose mais mon avis est que sa fréquence peut participer d’une certaine banalisation, voire une légitimation des fake news dans l’espace public. Trop de fact-checking ne tuerait pas le fact-checking ?”, interpelle-t-elle.

La juriste Mme Habsatou n’en n’est pas pour autant convaincue. “Je trouve qu’il n’y a pas assez de fact-checking justement. Est-ce que les médias numériques le pratiquent réellement ? Sinon, au-delà de ça, je pense qu’il urge de renforcer la responsabilité des créateurs de contenus”, suggère-t-elle. Une idée reprise par le journaliste Ignace Sossou, également formateur en fact-checking au Burkina Faso. “ Le fact-checking est réalisé sur des faits qui ont un possible impact sur les communautés. On ne fact-checke pas tout. Les internautes ne sont pas si naïfs non plus, ils savent parfois reconnaître les fake news. Le problème est plus au niveau des fake news savamment fabriquées. D’une manière générale, il faut poursuivre et renforcer l’éducation des médias pour que le public puisse être le premier acteur de la crédibilité de l’information”, recommande-t-il.

Dans tous les cas, précise Yacine Diagne, “le travail d'éducation aux médias est primordial.” Ceci passe par une popularisation des outils de vérification des informations vers le public, suggère Ignace Sossou. “Il ne faut pas considérer le fact-checking comme la chasse gardée des journalistes. Il faut, insiste-t-il, démocratiser les outils de fact-checking pour permettre au grand public et surtout aux jeunes, première cible des fake news. Le fact-checking doit être un permanent état d’esprit critique”. Néanmoins, l’environnement actuel est favorable aux influenceurs. Meta rémunère mieux les influenceurs que les médias” pointe-t-il. C’est pour cette raison que, estime une participante du Tchad, Nako Mamadjibé, “il faudrait des sensibilisations plus larges sur les lois qui protègent les personnes et les institutions contre un certain libertinage et une délinquance numérique.” Ce sur quoi un autre participant, Kiari Mamadou, rebondit en rappelant que “les lois qui sont adoptées à ce sujet n’ont pas fait l’objet d’une grande vulgarisation.

La désinformation est un fléau qui constitue une réelle menace pour la stabilité régionale surtout dans ce contexte fortement marqué par une véritable « guerre de l’information » qui ne dit pas son nom. Pour Dr. Bakary Sambe, « l’impact d’une telle situation sur les médias et le travail journalistique est aujourd’hui exacerbé par l’emprise des réseaux sociaux sur la fabrique de l’opinion et les stratégies de conquête de l’espace médiatique ». A travers l’Observatoire des Réseaux Sociaux, Timbuktu Institute poursuit le travail de recherche et de veille en promouvant des alliances et des partenariats entre les gestionnaires des plateformes, les influenceurs et les médias pour parvenir à une réelle stratégie préventive et lutter efficacement contre la désinformation au Sahel et en Afrique de l’Ouest.

 Timbuktu Institute – 29 Janvier 2024

 

 

 

Le Directeur régional de Timbuktu Institute, Dr Bakary Sambe, interrogé sur le retrait du Mali, du Niger et du Burkina Faso de la CEDEAO, a indiqué que les signes avant-coureurs étaient bien là depuis la création par ces pays de l’Alliance des Etats du Sahel (Sahel). Pour lui, si ces Etats persévèrent dans cette dynamique, il y a de quoi s’inquiéter, même si, avec la diplomatie, il est toujours possible de faire revenir ses membres fondateurs.

Le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont annoncé hier leur retrait de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). « Les signes avant-coureurs étaient bien là, comme nous l’avions analysé dans une récente Lettre de l’Observatoire du Timbuktu Institute, dès septembre 2023, voyant très tôt dans la mise en place de l’Alliance des Etats du Sahel une menace progressive contre le mécanisme régional de sécurité collective » a d’emblée répondu Dr Bakary Sambe, Directeur du Timbuktu Institute. Pour lui, les pays en question partageaient tout d’abord la préoccupation de se protéger contre la CEDEAO, mais aussi de ne plus être liés par les cadres juridiques la régissant.

« Le raffermissement des liens entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, en même temps qu’ils greffaient à la coopération sécuritaire, d’autre accords étaient un signe évident qu’une sortie se dessinait malgré tous les efforts des Chefs d’Etats de la région pour les maintenir dans le giron communautaire », explique le spécialiste des questions régionales et du Sahel. Beaucoup lient la sortie de ces pays à la gestion des coups d’Etats par la CEDEAO. Bakary Sambe estime, sur ce point, qu’il est vrai que la CEDEAO a tenté de gérer les crises institutionnelles dans l’urgence en activant le levier classique des sanctions alors que le contexte géopolitique international offrait aux pays concernés des échappatoires, mais aussi des choix, notamment avec l’offre russe qui change totalement la donne.

La CEDEAO, le repoussoir des putschistes ?

« De même, l’organisation sous-régionale avait déjà longtemps pâti de la gestion désastreuse des problèmes sécuritaires dont on l’avait dépossédée au profit du G5 Sahel qui était la préférence des partenaires. La CEDEAO était devenue le repoussoir des régimes nouvellement arrivés au pouvoir et qui surfaient sur la fibre populiste pour s’y maintenir », rappelle le Dr Sambe.

Pour les perspectives, le spécialiste pense qu’on va vers des lendemains incertains. « Si les Etats en question se renferment dans cette alliance, il faudra prévoir plusieurs situations les unes aussi inquiétantes que les autres », soutient-il. Il pense, entre autres, à une fragmentation des efforts régionaux de lutte contre le terrorisme. Cette décision pourra avoir aussi un impact négatif sur les efforts de l’Union africaine avec l’affaiblissement du rôle de cette organisation dans la mesure où cette nouvelle initiative compliquera ses tentatives de coordination de ses efforts en matière de sécurité à l'échelle continentale. Les trois pays ont accusé aussi la CEDEAO d’être instrumentalisée par les grandes puissances. M. Sambe ne partage pas cet avis. « Si cela était vrai, certaines n’auraient pas besoin d’appuyer d’autres organisations au détriment de la CEDEAO ou de dupliquer des cadres et des mécanismes. La CEDEAO a certes ses tares et ses insuffisances, mais c’est un cadre de débats parfois houleux et un mécanisme régulateur qu’il faudrait consolider et améliorer et non détruire. Ce n’est ni dans celui des partenaires internationaux qui ne sortiraient pas indemnes d’un éventuel chaos », tempère Bakary Sambe qui reconnaît que la sous-région subit de plein fouet les chocs de la géopolitique internationale.

Cependant, il a espoir que ces pays pourraient revenir à de meilleurs sentiments, car il y a une procédure pour un retrait définitif. « Le retrait n’est annoncé que par un communiqué qui n’a pas de valeur juridique. Il faudrait des démarches par État et il y a tout un processus qui prendra du temps. Un retrait définitif du Mali, du Burkina Faso et du Niger, membres fondateurs et symboliques de la CEDEAO, ne sera dans l’intérêt de personne », dit-il. Et de poursuivre : « Il est temps d’activer tous les leviers pour éviter une telle situation. L’effet immédiat n’est justement qu’un effet d’annonce. La diplomatie doit poursuivre son œuvre dans le peu d’espace qui lui reste », espère-t-il.

O.KANDE – Source : Le Soleil

Dans cette interview exclusive, Dr. Bakary Sambe, directeur régional du Timbuktu Institute African Center for Peace Studies (Bamako, Dakar, Niamey) met en exergue la nécessité de dialoguer avec tous les Maliens dans le cadre du dialogue inter-malien initié par le président de la Transition pour une réconciliation nationale entre tous les Maliens. Depuis Dakar, Dr. Bakary Sambe répond à nos questions

Entretien.

Mali Tribune : Que pensez-vous du dialogue inter-malien lancé par le président de la Transition lors de sa présentation des vœux aux Maliens ?

Dr. Bakary Sambe : Il faut d’abord saluer l’appel au dialogue lancé par le président de la Transition. C’est une opportunité pour la sortie de crise au Mali que toutes les parties prenantes doivent saisir. Le Mali a besoin d’une réconciliation sincère et inclusive pour faire face aux innombrables défis dans la concorde et l’unité nationales.

Cet appel relève d’une bonne volonté des autorités de la Transition à aller de l’avant dans le processus de la réconciliation nationale. Mais il faudra absolument veiller à ce que ce dialogue puisse inclure toutes les parties prenantes, y compris les différentes composantes des groupes armés dans leur diversité.

Mali Tribune : Justement les groupes armés de la CMA ont catégoriquement rejeté l’idée de dialoguer avec les autorités de Bamako dans le cadre du processus de paix. Comment rétablir la CMA dans le cadre de ce dialogue ?

Dr. B. S. : Tout est encore possible pour sauver la situation. Lors d’une étude menée par la Timbuktu Institute intitulée “La parole aux Maliens, pour la réconciliation”, la conclusion la plus marquante était la prédisposition quasi-naturelle des Maliens de toutes les couches à savoir dépasser les situations les plus complexes lorsque l’intérêt national était en jeu. Vous savez, déjà pour en arriver aux Accords d’Alger, il a fallu de nombreuses concessions de toutes les parties. C’était inespéré à l’époque.

Qui peut le plus peut bien le moins d’autant plus que le retour de Kidal dans le giron national est une nouvelle phase historique qui s’ouvre vers l’unité des Maliens. Il faut savoir lire les signaux et décrypter les symboles. L’intérêt supérieur du Mali, c’est l’unité nationale et chacun doit y travailler. Je suis persuadé que les autorités, dans leur quête d’une paix durable, sauront apprécier tout effort dans ce sens et pourront privilégier l’esprit du dialogue lorsqu’il s’agit de la concorde nationale.

Mali Tribune : En qualité de directeur régional du Timbuktu Institute, croyez-vous que ce dialogue inter-malien peut favoriser la paix entre les Maliens ?

Dr. B. S. : J’ai foi en la capacité des Maliens à se surpasser pour aller de l’avant ensemble. La grandeur historique d’un pays et d’un peuple reste toujours un crédit pour relever tous les défis. Elle est une force motrice pour les grands sursauts. Il en faut aujourd’hui. Le dialogue est une nécessité mais elle est aussi inscrite dans les pratiques culturelles des Maliens. Nous, au Timbuktu Institute, croyons qu’il faut soutenir ce dialogue et l’encourager car, par-dessus tout et au-delà même de l’impérieuse nécessité de relever les défis pressants dans ce pays, la survie du Mali est celle de notre région. La paix dans ce pays pivot est celle de tout le monde.

Mali Tribune : Ce dialogue inter-malien est-il une stratégie pour désengager la médiation algérienne comme le prétend la CMA ?

Dr. B. S. : Le Mali a besoin de tous ses partenaires. Mais personne ne peut imposer des solutions ou savoir plus que les Maliens ce qui est mieux pour leur avenir ensemble. Dans notre étude, “la parole aux Maliens”, il était ressorti que les Maliens veulent d’abord toujours dialoguer entre eux car, ils ont de par l’histoire et la culture communes des ressorts endogènes pour décrypter ce qui relevait de l’intérêt national et de s’y accorder. Aider le Mali vers la réconciliation, c’est d’abord appuyer le dialogue inter-malien. Il faut soutenir ce dialogue et l’appuyer dans le sens de l’inclusivité, condition sine qua non de sa réussite.

Mali Tribune : D’après des sources diplomatiques, le président de la Transition est attendu à Alger pour une visite. Selon vous, cette visite serait-elle cruciale pour ce dialogue inter-malien vu que la CMA a trouvé refuge à Alger après la reprise de Kidal ?  

Dr. B. S. : Je ne suis pas dans le secret, mais cette visite poserait quand même un acte fort d’autant plus que le président de la Transition s’est très rarement déplacé dans la région. De la même manière qu’il a donné un signal fort dans son discours du nouvel an en appelant au dialogue, il est aussi nécessaire de sauvegarder les liens avec tous les voisins du Mali. C’est un enjeu crucial de stabilité pour le Mali mais aussi pour la région. Nous avons vu que même le Maroc et d’autres pays comme le Sénégal tiennent à garder ces bons rapports-là, avec notamment la visite du président Macky Sall très appréciée à l’époque.

Timbuktu Institute – Janvier 2024

Au Sahel, l’actualité politico-sécuritaire est marquée par la circulation à grande vitesse de fake news ou  fausses nouvelles en plus d’informations non vérifiées distillées sur les réseaux sociaux et partagées surtout, par des jeunes hyperconnectés. Alors que les effets pernicieux de la démocratisation de la diffusion et de l’accès à l’information à l’heure du numérique n’ont pas encore fini d’être apprivoisés, d’autres paramètres non moins problématiques, viennent s’ajouter à l’équation. Au nombre de celles-ci, on pourrait évoquer : le poids grandissant des influenceurs sur l’opinion publique, la course au scoop, au sensationnel et au buzz, l’instrumentalisation des conflits intercommunautaires ou à caractère identitaire dans certains pays en transition etc.

Paradoxalement, la démocratisation de l’accès au savoir et à l’information à profusion n’a pas forcément créé un environnement favorable au débat public sain et à l’échange en dehors des plateformes et réseaux sociaux qui exposent aux risques liés à la désinformation, entre autres. Il y a aussi, la circulation de diverses théories et idées reçues allant à l’encontre de l’esprit citoyen et fragilisant davantage les acquis, le débat démocratique et les valeurs fondant la cohésion sociale. Ces idées circulent davantage dans des contextes en crise ou post-conflits même de basse intensité pour profiter d’une tension latente malgré les efforts de réconciliation et de consolidation de la paix.

La désinformation, lit de l’instabilité politique ?

Dans un contexte d’insécurité et d’instabilité politique ponctuées de transitions à l’évolution et l’issue incertaines, le phénomène de la désinformation revêt plusieurs formes et se cache derrière des campagnes de communication bien ciblées dont les États peinent à avoir le monopole ou même le contrôle. Les pays du Sahel, en plus de l’absence de cadres normatifs adéquats ou de régulation, font ainsi difficilement face à ce flux d’informations et à sa manipulation par divers acteurs ; tout cela dans un contexte d’incertitudes, de tensions politiques internes, de menaces sécuritaires mais aussi d’escalades sur une scène diplomatique sahélienne devenu le nouveau « terrain de jeu » et d’influence des puissances classiques mais aussi émergentes.

Au même moment, les réseaux sociaux deviennent la principale source d’information et le phénomène de désinformation est devenu récurrent voire accentué dans un contexte de manipulation de l'information à divers desseins, des stratégies d’influences étrangères, de la promotion des narratifs extrémistes et violents en ligne. Pendant que la lutte contre le terrorisme mobilise les énergies des États et de leurs partenaires, les opinions publiques sont amenées à se mouvoir dans une atmosphère de plus en plus souverainiste.

Un Observatoire des réseaux sociaux au Sahel et en Afrique de l’Ouest à l’oeuvre

C’est dans ce sillage que s’inscrit l’idée de l’Observatoire des Réseaux Sociaux du Timbuktu Institute en partenariat avec des plateformes, comme Meta, soucieuses de la nécessité d’agir face à la désinformation et à ses méfaits sur le vivre-ensemble et la stabilité régionale. L’objectif principal de cet outil réfléchir et d’agir efficacement sur les 

« Enjeux de la Désinformation et défis de la cohésion sociale et de la démocratie au Sahel ».

La vocation de cet Observatoire étant, est de documenter ces phénomènes par une étude approfondie des vecteurs de la désinformation et l’analyse des contenus et narratifs à l'œuvre sur les réseaux sociaux comme Facebook et qui mettent en cause la stabilité des pays africains.

C’est à propos qu’un webinaire régional a été organisé le 18 janvier 2024 sur le thème :

« Réseaux sociaux et prévention des conflits des conflits intercommunautaires au Sahel ».

Ce cadre interactif d’échanges et de discussions a été l’occasion d’approfondir la réflexion à travers divers axes et problématiques dont les suivants : les contenus susceptibles d’attiser les conflits communautaires, les expériences concrètes de résolution de conflits grâce aux réseaux sociaux et les possibilités de penser la régulation des réseaux sociaux.

Modérés par le directeur régional du Timbuktu Institute Dr Bakary Sambe, les échanges de ce webinaire ont été principalement animés par : Cendrine Nama (militante, directrice Exécutive de CORTEX - Burkina Faso), Ibrahima Harane Diallo (Journaliste-politologue – Associé au Timbuktu Institute -Mali), Pr Abdourahamane Dicko (Sociologue à l’Université de Zinder  au Niger) et Nodjiwameen Doumdanem (Journaliste Multimédia, juriste – Tchad). Ce webinaire était le premier d’une série de débats devant aborder différents aspects de la désinformation.

Nécessité et urgence d’agir face à la désinformation et ses effets néfastes

Les intervenants ont convenu de l’urgence et de la nécessité d’agir face à une prolifération inquiétante non seulement de fakes news, mais aussi de discours haineux sur les réseaux sociaux dans les différents pays du Sahel. Ce qui n’est sûrement pas rassurant dans le contexte actuel où la situation politique au Sahel est instable et incertaine. Selon le Pr Abdourahmane Dicko, « les réseaux sociaux participent à la fragmentation de l’unité nationale, en renforçant les positionnements politiques des citoyens sur des bases ethnolinguistiques ». C’est pour éviter ces dangereux écueils que la militante burkinabé Cendrine Nama, directrice exécutive de CORTEX, propose d’adopter une tolérance zéro avec plus de rigueur dans la régulation notamment pour ce qui est des appels à la haine, la ségrégation et la stigmatisation : « Toute parole de ségrégation, d’exclusion et de stigmatisation ne saurait passer sous les radars de liberté d’expression. Il faut être intransigeant et ce même dans les propos dits humoristiques, parce que la discrimination part souvent de là », préconise-t-elle.

Néanmoins, prudence doit être de mise dans la mesure où les « réseaux sociaux sont à double tranchant, le principal défi reste de concilier la régulation de la parole et la liberté d’expression », avertit la journaliste tchadienne Nodjiwameen Doumdanem. C’est pour toutes ces raisons que la prévention des conflits doit fondamentalement se baser sur une « une promotion de la culture de la paix », suggère Ibrahima Harane Diallo mettant en avant le principe de prévention.

Désinformation et dangers de la radicalisation des discours politiques

Pour Dr. Bakary Sambe qui a facilité ce débat pour lequel plus de 500 acteurs de la société civile, du monde des ONG et des décideurs s’étaient inscrits,

« nous sommes dans un contexte assez particulier et ses paradoxes à prendre en compte, entre la liberté d’informer et la responsabilité de sauvegarder la paix et la cohésion sociales ».

Pour lui, des actions de grande envergure doivent être menées notamment auprès des jeunes.

« Les jeunes sont de plus en plus informés et intéressés par le débat public sans, parfois, y trouver réellement leur place et il se développe un phénomène d’auto-isolement qui enferme cette catégorie majoritaire de la population loin de l’expression publique des idées et des opinions »

note Bakary Sambe. Le Directeur régional du Timbuktu Institute s’est aussi appesanti sur les expériences de mobilisation communautaire menées avec les jeunes du Togo et du Bénin dans la cadre du Programme Régional d’Appui aux Pays côtiers (PRAPC) appuyé par USAID-OTI, pour expliquer qu’une

« responsabilisation de la jeunesse et le renforcement de leurs capacités pourraient donner des résultats encourageants »

Mais au-delà des signaux actuels d’amplification des conflits intercommunautaires via les réseaux sociaux, Bakary Sambe a appelé à une réelle réflexion sur les phénomènes de radicalisation du discours politique dans certains pays, notamment sur les réseaux sociaux. Comme il le rappelle, en alertant sur ce phénomène devenu préoccupant 

« il se creuse ainsi un important fossé entre ce public jeune, hyperconnecté et friand d’informations et le discours institutionnel des États et des leaders politiques qui ne prend pas en compte ses spécificités et aspirations ».

Source : Timbuktu Institute

Source : MAP

Dakar - "Le Maroc africain: Trajectoires d'une ambition continentale" est l’intitulé du nouvel ouvrage que vient de publier l’analyste et chercheur sénégalais, Bakary Sambe

 

Constitué de 4 chapitres, cet ouvrage de 159 pages, offre une analyse approfondie de l'histoire des relations existant entre le Royaume du Maroc et les pays de l'Afrique subsaharienne.

"L'analyse de l'ancrage historique du Maroc en Afrique subsaharienne, qui expliquerait sa grande implication contemporaine, ainsi que son influence à travers le continent, est la problématique centrale de cet ouvrage"

lit-on dans l'introduction du livre de Bakary Sambe, Directeur régional du Think tank "Timbuktu Institut", basé à Dakar.

"Dans la partie historique, ce travail s'appuie essentiellement sur les travaux de ces dernières années sur l'ancrage continu du Royaume dans l'environnement africain en tirant profit, en même temps, des sources arabes paraissant jusqu'ici peu exploitées", ajoute l'auteur, enseignant-chercheur à l'Université Gaston Berger de Saint-Louis (nord du Sénégal).

Le professeur Sambe, auteur de plusieurs ouvrages et études, dont "Islam et diplomatie, la politique africaine du Maroc", interpelle dans son ouvrage aussi

"sur les stratégies successives à travers lesquelles les relations actuelles du Maroc avec le reste du continent font constamment appel, d'une part, aux ressources historico-symboliques, et d'autre part, au religieux comme force motrice et légitimatrice".

 Selon l'auteur, "cette diplomatie du Maroc constamment réaliste, a pu, à travers des périodes importantes de ces rapports avec l'Afrique, faire de toutes ses ressources combinées un levier durable d'influence". 

Le Chapitre I du livre porte sur

"la dimension historique de cette relation et sur les interactions transahariennes à travers lesquelles le Maroc s'est octroyé un rôle africain reposant dès le début, en grande partie, sur la force des symboles religieux et de la manière dont le Royaume a toujours réussi à faire un levier efficace dans son déploiement continental".

Quant au Chapitre II, il est axé sur les constantes religieuses ou spirituelles qui "constituent un socle durable sur lequel, Rabat a su bâtir une relation +spéciale+ avec le reste du continent. Cette relation a pu se maintenir aussi bien dans son contenu que dans ses principales orientations, y compris, pendant l'époque coloniale, à travers les réseaux confrériques", note Bakary Sambe.

Le Chapitre III explore quant à lui "la phase éminemment stratégique" de la politique africaine du  Maroc, où ce pays "a procédé à la conversion de son historico-symbolique pour aller à la conquête de l'économie et des marchés de l'heure de la diversification des partenariats sur le continent.

 "Accéléré avec l'avènement de SM le Roi Mohammed VI sur le Trône alaouite, le point d'orgue de ce processus a été le grand retour au sein des instances africaines qui inaugure une ère, sans commune mesure, de pragmatisme diplomatique, à l'ère de nouveaux enjeux économiques et géostratégiques sur le continent", relève le politologue sénégalais.

Pour le chapitre IV, il s'ouvre sur "les perspectives d'un nouveau rôle marocain dans une Afrique dotée d'un nouveau statut par le jeu des évolutions géopolitiques récentes" et traite successivement,

"la manière dont le Royaume s'impose progressivement comme un pont géostratégique au coeur de nouvelles confluences et concurrences, et comment l'Afrique est devenue pour le Maroc la pièce maitresse qui pourrait lui permettre de prétendre un rôle de "bridge state+".

La présentation de ce nouvel ouvrage aura lieu prochainement au Sénégal.